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Les applications, demain ? - Dialogue avec Jean-Pierre Corniou

(Avertissement : ce blog est “exceptionnellement long”)

Corniou_2 Mon ami de longue date, Jean-Pierre Corniou est à la fois DSI de Renault et Président du Cigref, le Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, qui regroupe la fine fleur des DSI des grandes organisations de notre pays.

Dans son dernier blog, il aborde un thème complexe :
"La révolution applicative est en marche."

Il y analyse avec pertinence le challenge des grandes entreprises qui doivent faire vivre et évoluer un parc applicatif ancien, complexe, lourd.
J’ai choisi, avec l’accord de Jean-Pierre, de lui répondre par “blog interposé”. J’espère que ce dialogue d’un nouveau type aidera les DSI à affronter ces nouveaux défis liés aux évolutions des applications.

Son diagnostic est très pertinent ; j’en résume les points majeurs :Cablespaghetti2_2
- Les applications existantes, construites au cours des 30 dernières années, mélange de sur mesure et de progiciels ERP et CRM plus ou moins maîtrisés, représentent souvent un “plat de spaghetti” indémélable !
- Les infrastructures modernes, full Web, sont aujourd’hui maîtrisées et peuvent servir de fondation aux nouveaux développements.
- Les outils logiciels de construction d’applications LAMP, Open Source ,Web 2.0 vont s’imposer comme option dominante.
- Les clients du Système d’Information savent que l’on peut construire des applications ergonomiques, flexibles, accessibles de n’importe quel objet d’accès, fixe et mobile. 
Ils l’ont découvert avec des usages tels que Google Earth.  Ils vont exiger, avec raison, que les informaticiens de leur entreprise fassent au moins aussi bien.
- La non-connaissance, parfois, le rejet, hélas fréquent, de ces nouveaux outils par les informaticiens professionnels est un facteur de blocage potentiel majeur.

La véritable question posée, après le diagnostic de Jean-Pierre, est :

Quelles réponses apporter à la crise applicative ?

Peut-on attendre que les nouvelles générations d’informaticiens remplacent les équipes existantes, que les outils deviennent totalement matures, que les méthodes soient parfaitement formalisées, que Microsoft devienne un fan de l’Open Source, que...

Ma réponse est clairement : non !
Il y a urgence, il faut agir très vite et, surtout, il existe des solutions et démarches opérationnelles qui permettent, aujourd’hui, de répondre à ces challenges.

Les réponses modernes, immédiates, s’appuient sur cinq idées-forces :
- La démarche processus
- Les Services Web
- L’interopérabilité des Systèmes d’Information
- La concentration de toute l’énergie des équipes informatiques sur les seuls processus métiers.
- L’approche MashUp
Sur chacun de ces thèmes, je pourrais écrire des pages et des pages.  Je vous propose aujourd’hui d’aller à l’essentiel. 
(J’aurai d’autres occasions de détailler ces idées.)
.
-La démarche processus
Toutes les applications, sans exception, doivent être construites autour d’une logique de processus, qui met les clients, externes et internes, au cœur de la démarche.
Il existe deux familles de processus :
- Les processus métiers, ce qui fait que Renault n’est pas la BNP et cette dernière n’est pas la SNCF. Ces processus métiers sont peu nombreux, 3 à 5 en moyenne, mais essentiels.
- Les processus de soutien, très nombreux, transverses, génériques, communs à toutes les entreprises.  Ce sont, par exemple, la démarche budgétaire, une revue de presse, la gestion des remboursements de frais, faire une enquête, diffuser une newsletter...
Les réponses informatiques à apporter à ces deux familles de processus sont radicalement différentes, on le verra plus loin.

- Les Services Web
On ne parlera bientôt plus d’applications, mais de “Services Web”, définis comme des processus complets construits en utilisant les technologies du Web 2.0.
Les nouveaux progiciels, orientés processus, deviendront des processiels, comme je l’avais anticipé dans un article publié par 01 informatique en ...  2002 !

- L’interopérabilité des Systèmes d’Information
La différence proposée ci-dessus entre processus métiers et soutien est... artificielle ! Elle dépend de qui regarde le processus !

Viamichelin_barcelone_rduit_1 Je prendrai un seul exemple, connu de tous.  ViaMichelin est un “Service Web” d’une exceptionnelle qualité. 

Vu par Michelin, c’est clairement un processus métier, stratégique, qui a nécessité plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissements.
Pour les clients, c’est un processus... soutien, qui leur permet, par exemple, de positionner leurs points de vente pour aider leurs clients à trouver le magasin le plus proche et comment y arriver.
Michelin a donc construit son processus métier dans une logique d’ouverture, d’interopérabilité pour que tout client, entreprise ou particulier, puisse y accéder.
Cette démarche doit être généralisée : construisez tous vos processus métiers en faisant l’hypothèse qu’ils seront vus comme processus soutien par vos clients. 
C’est une belle leçon d’humilité, mais elle est indispensable.

- Concentrer son énergie sur les seuls processus métiers
Mettre toutes ses équipes internes au service des seuls processus métiers, c’est l’urgence absolue ! Des sociétés de services spécialisées en TMA (Tierce Maintenance Applicative) pourront, pendant ce temps là, prendre en charge la maintenance du parc applicatif existant.
Grandes entreprises, il vous faut en priorité accepter une idée iconoclaste : la probabilité que les célébrissimes progiciels intégrés, ERP ou autres CRM, puissent répondre à vos attentes pour les processus métiers est de ...0 % !
Les solutions progiciels sont parfaites pour des métiers très génériques, tels que notaires, dentistes ou restaurants.
La seule solution réaliste, en 2006, est de construire en interne les services Web correspondant à vos processus métiers, mais en s’appuyant au maximum sur des composants du marché.

Leroymerlin20032004 Je voudrais vous présenter, bien sûr avec son accord, la démarche exceptionnellement innovante suivie par Hervé Simon, le DSI de Leroy Merlin ; il travaille sur un projet appelè ‘Progi-Merlin”, pour construire un progiciel maison.
Ses équipes ont trouvé deux progiciels spécialisés dans le monde de la grande distribution, l’un pour le front-office, les caisses, et l’autre pour le back-office, les entrepôts.  Ils sont tous les deux construits avec des outils modernes, en Java, et full Web. 
Leur analyse a montré que ces progiciels couvraient très bien environ 70 % des fonctionnalités demandées par la gestion d’une grande chaîne de magasins de bricolage, présente dans plusieurs pays.
Leroy Merlin a signé un accord avec ces éditeurs de progiciels pour ... acheter le code source, en clair les classes Java utiles.  Cette démarche, proche de celle des logiciels open source, permettra aux équipes internes de Leroy Merlin de ne construire que les 30 % de composants manquants, pour avoir, in fine, un progiciel maison, très bien adapté aux processus métiers spécifiques de l’entreprise. 
On a ainsi le meilleur des deux mondes :
- Un produit fini très bien adapté, objectif des développements sur mesure
- Une solution construite avec des composants du marché, avantage principal des progiciels.
Bravo pour cette démarche ! Je leur souhaite beaucoup de réussites.

- L’approche MashUp
Mashup_skibonk MashUp est une expression américaine qui vient du monde de la musique et qui consiste à produire de nouveaux morceaux en mélangeant des composants existants ; tous les DJ du monde font du mashUp !
Cette démarche connaît un démarrage foudroyant dans le monde de l’informatique Web 2.0. Les exemples les plus célèbres sont construits autour de GoogleEarth.  Skibonk, par exemple, permet aux fanas du ski de suivre, en temps réel, l’état des pistes, la météo de leur station favorite.
Le site MashupFeed essaye, tant bien que mal, de tenir à jour l’inventaire des MashUp disponibles.  Il en répertorie aujourd’hui près de 600 et il s’en crée environ 3 par jour !

Dans les entreprises, on utilise des mots tels que EAI ou SOA pour parler de la même démarche ; ceci permet, d’ailleurs, à des éditeurs de logiciels de vendre, fort cher, des produits de MahsUp. 
Dans le monde réel, sur le Web, le temps moyen de création d’un MashUp est rarement supérieur à deux mois, et ils sont le plus souvent construits par des personnes ayant plus une compétence métiers qu’informatique.

L’avenir des systèmes d’information des grandes entreprises est dans une démarche généralisée de MashUp. Tous les processus de soutien seront, demain, des Web Services disponibles que l’on pourra “MashUper” avec ses propres processus métiers, eux-mêmes proposés en MashUp à ses clients.
Cette démarche, véritablement révolutionnaire, demande aux entreprises d’ouvrir leurs processus métiers en publiant leurs API. (Dans le langage des informaticiens, les API sont les points d’entrée dans leurs applications)

Ces cinq pistes d’actions, prises en compte de manière coordonnée, devraient permettre aux grandes entreprises de proposer, rapidement, de nouvelles applications métiers, Web 2.0, qui correspondent aux attentes de tous leurs clients, externes et internes.

Facile ? sûrement pas !
Indispensable ? oui !
Passionnant ? oui !

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