Web 2.0 : professionnel, à l’école du grand pubiic ?
27/07/2006
Juillet 2006 : pour la première fois depuis que le Web existe, le site le plus visité aux USA était : Myspace, lieu de rencontres et d’échanges de la très grande majorité des “teenagers américains.
Business Week, la très sérieuse revue de management, faisait il y a quelques mois sa couverture sur ce phénomène.
Technologies : les 20 dernières années
Pendant longtemps, les outils “performants” pour traiter l’information étaient présents dans les entreprises ; machines à écrire, photocopieurs, téléphones, imprimantes, PC, messagerie électronique... la majorité des employés de bureau avaient accès à ces outils sur leur lieu de travail et n’avaient rien d’équivalent chez eux.
Entre 1995 et 2005, brutalement, la tendance c’est inversée et le monde du travail a été rattrapé, puis dépassé par le grand public. Aujourd’hui, les PC les plus puissants, les accès internet les plus rapides, les téléphones mobiles multimédia sont dans les foyers. Le même salarié qui, il y a dix ans, quittait un bureau “high-tech” pour rentrer chez lui “low-tech” fait le chemin inverse.
Dans son univers de travail, multimédia, messagerie instantanée, blogs et autres wikis sont absents.
Web 2.0, dans le grand public
Au cours des deux dernières années, les usages Web 2.0 ont explosé dans le grand public. Skyblog a dépassé les 5 millions de blogs et Messenger de Microsoft, leader mondial des messageries instantanées, compte 200 millions d’abonnés.
Youtube, site leader des vidéos produites par les particuliers, a dépassé 100 millions de vidéos vues par jour ; il existe depuis... décembre 2005 !
Une enquête récente, menée en juillet 2006 aux USA, confirme que ce sont les personnes jeunes qui sont le plus à l’aise avec ces outils. A l’inverse, il est frappant de constater que les usages internet classiques, Web 1.0, sont dominants dans toutes les tranches d’age > 30 ans ; tout n’est pas perdu pour les “vieux” qui ont dépassé les 29 ans !
Pendant cette même période, rares, très rares sont les entreprises, grandes et moyennes, qui ont déjà su tirer partie de cette nouvelle génération des outils et usages internet.
D’où vient ce décalage ? Est-il normal ? Comment aider les entreprises à le résorber ?
Accélérer la diffusion du Web 2.0 professionnel ?
Comme je l’ai expliqué en détail dans un autre texte, Web 2.0 a deux dimensions principales, technologique et humaine. Quelles sont, dans ces deux dimensions, les principales différences entre le grand public et le monde professionnel ?
- Dimensions techniques.
La situation est claire : il n’existe plus aucun alibi technique valable pour empêcher une entreprise de mettre en œuvre les outils Web 2.0.
Pour l’essentiel, la très riche panoplie des logiciels Web 2.0 utilisés par le grand public peut, immédiatement, être utilisée par les entreprises ; c’est une excellente nouvelle.
La première question que me posent tous les DSI avec qui je travaille sur le sujet a trait à la sécurité. Il y a deux manières d’utiliser les outils Web 2.0, en mode Internet, hébergé, ou en mode Intranet, derrière le firewall.
Quelle est la bonne réponse ? Les deux options sont envisageables.
La démarche Internet est la plus rapide, la plus souple et la plus économique. C’est souvent une bonne manière de démarrer, en choisissant des usages simples, non stratégiques, et qui ne mettent pas en danger des informations trop confidentielles. Une fois encore, le bon sens s’impose ; tout n’a pas besoin du même niveau de sécurité dans une entreprise.
De plus en plus d’outils Web 2.0 existent avec des versions Intranet ; c’est le cas d’outils de blogs, tels que MovableType de Sixapart ou des Wikis. Socialtext depuis longtemps, qui vient d’en annoncer une version Open Source, Jotspot depuis quelques jours, proposent des solutions que les entreprises peuvent installer dans leur intranet. Dans les 12 mois qui viennent, tous les outils majeurs Web 2 proposeront les deux versions, internet et Intranet.
- Dimensions culturelles et humaines.
C’est là que réside le véritable challenge, passionnant ! Créer des contenus, les partager, collaborer ne sont pas des verbes qui font partie de la culture classique des organisations, et en particulier des grandes, publiques ou privées.
Il faudra un minimum de deux à cinq années pour acculturer des outils Web 2.0, dans les entreprises les plus ouvertes à ces modes de travail.
Il y a encore aujourd’hui, beaucoup d’organisations où je pense que la meilleure solution est de... ne pas démarrer des projets Web 2.0 ; ils y sont condamnés à l’échec, car le rejet culturel est garanti ; les incompatibilités entre groupes sanguins en sont une bonne illustration.
Dans les organisations ouvertes, où la probabilité de réussite est raisonnable, la démarche que je propose est la suivante :
- Détecter un ou deux groupes, de moins de 50 personnes, qui ont des difficultés évidentes à travailler efficacement ensemble, pour des raisons organisationnelles ou géographiques, et qui sont raisonnablement ouverts au changement.
- Leur présenter, concrètement, une large palette d’outils Web 2.0 pour leur en faire découvrir les potentiels ; la formation “permis de conduire Web 2.0” est une bonne option.
- Leur demander de choisir un ou deux outils dont ils pensent que l’usage immédiat pourrait les aider. Ils sont les mieux placés pour décider des outils qui peuvent réduire leurs difficultés à travailler efficacement ensemble.
- Faire participer la DSI à cette action dés le début. Elle devra mettre en œuvre les outils choisis par le groupe, avec interdiction de dire non, qu’elles qu’en soient les motifs, sécurité, coûts, charge de travail...
- Mettre en place un accompagnement fort pour aider ce groupe à surmonter les difficultés techniques, mineures, et organisationnelles, fortes, qui ne manqueront pas de naître dès les premières semaines.
Image baby sitting
Dimensions financières
Les coûts directs des outils logiciels Web 2.0 sont insignifiants. Beaucoup d’outils Internet sont gratuits, financés par la publicité, rarement gênante.
Les versions Intranet, haut de gamme, dépassent rarement 100 euros par mois, pour un groupe d’utilisateurs de plusieurs dizaines de personnes.
Les véritables coûts, élevés, de ces projets Web 2.0 professionnels sont liés aux dimensions humaines ; formation, accompagnement et support.
Toute économie dans ce domaine, surtout sur les premières réalisations, serait suicidaire. Un échec avec les premiers groupes, choisis parmi les plus ouverts, serait une véritable catastrophe, car l’image des outils Web 2.0 sera durablement ternie.
La maîtrise de l’usage des outils Web 2.0 par la majorité des collaborateurs d’une entreprise sera, demain, un avantage concurrentiel majeur. Celles qui démarreront les premières le garderont longtemps, car il est très difficile de raccourcir le temps nécessaire à une acculturation technologique.
Pour être prêt en 2010, il faut démarrer aujourd’hui ! Ne perdez pas de temps, surtout si vous pensez que votre entreprise fait partie des leaders où les solutions Web 2.0 ont une raisonnable probabilité de s’implanter avec succès.