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Web 2.0 : professionnel, à l’école du grand pubiic ?

Bw_cover_myspace_generation Juillet 2006 : pour la première fois depuis que le Web existe, le site le plus visité aux USA était : Myspace, lieu de rencontres et d’échanges de la très grande majorité des “teenagers américains.
Business Week, la très sérieuse revue de management, faisait il y a quelques mois sa couverture sur ce phénomène.


Technologies : les 20 dernières années

Pendant longtemps, les outils “performants” pour traiter l’information étaient présents dans les entreprises ; machines à écrire, photocopieurs, téléphones, imprimantes, PC, messagerie électronique... la majorité des employés de bureau avaient accès à ces outils sur leur lieu de travail et n’avaient rien d’équivalent chez eux.

Grand_public_professionnel Entre 1995 et 2005, brutalement, la tendance c’est inversée et le monde du travail a été rattrapé, puis dépassé par le grand public.  Aujourd’hui, les PC les plus puissants, les accès internet les plus rapides, les téléphones mobiles multimédia sont dans les foyers.  Le même salarié qui, il y a dix ans, quittait un bureau “high-tech” pour rentrer chez lui “low-tech” fait le chemin inverse. 
Dans son univers de travail, multimédia, messagerie instantanée, blogs et autres wikis sont absents.


Web 2.0, dans le grand public

Youtube_home_page_1 Au cours des deux dernières années, les usages Web 2.0 ont explosé dans le grand public.  Skyblog a dépassé les 5 millions de blogs et Messenger de Microsoft, leader mondial des messageries instantanées, compte 200 millions d’abonnés.
Youtube, site leader des vidéos produites par les particuliers, a dépassé 100 millions de vidéos vues par jour ; il existe depuis... décembre 2005 !

Bloggers_us_stats_1 Une enquête récente, menée en juillet 2006 aux USA, confirme que ce sont les personnes jeunes qui sont le plus à l’aise avec ces outils. A l’inverse, il est frappant de constater que les usages internet classiques, Web 1.0, sont dominants dans toutes les tranches d’age > 30 ans ; tout n’est pas perdu pour les “vieux” qui ont dépassé les 29 ans !

Pendant cette même période, rares, très rares sont les entreprises, grandes et moyennes, qui ont déjà su tirer partie de cette nouvelle génération des outils et usages internet.
D’où vient ce décalage ? Est-il normal ? Comment aider les entreprises à le résorber ?

Accélérer la diffusion du Web 2.0 professionnel ?

Comme je l’ai expliqué en détail dans un autre texte, Web 2.0 a deux dimensions principales, technologique et humaine.   Quelles sont, dans ces deux dimensions, les principales différences entre le grand public et le monde professionnel ?

- Dimensions techniques.
La situation est claire : il n’existe plus aucun alibi technique valable pour empêcher une entreprise de mettre en œuvre les outils Web 2.0.
Pour l’essentiel, la très riche panoplie des logiciels Web 2.0 utilisés par le grand public peut, immédiatement, être utilisée par les entreprises ; c’est une excellente nouvelle.
La première question que me posent tous les DSI avec qui je travaille sur le sujet a trait à la sécurité. Il y a deux manières d’utiliser les outils Web 2.0, en mode Internet, hébergé, ou en mode Intranet, derrière le firewall.
Quelle est la bonne réponse ? Les deux options sont envisageables.
La démarche Internet est la plus rapide, la plus souple et la plus économique.  C’est souvent une bonne manière de démarrer, en choisissant des usages simples, non stratégiques, et qui ne mettent pas en danger des informations trop confidentielles.  Une fois encore, le bon sens s’impose ; tout n’a pas besoin du même niveau de sécurité dans une entreprise.

Social_text_home_page_1 De plus en plus d’outils Web 2.0 existent avec des versions Intranet ; c’est le cas d’outils de blogs, tels que MovableType de Sixapart ou des Wikis. Socialtext depuis longtemps, qui vient d’en annoncer une version Open Source, Jotspot depuis quelques jours, proposent des solutions que les entreprises peuvent installer dans leur intranet.  Dans les 12 mois qui viennent, tous les outils majeurs Web 2 proposeront les deux versions, internet et Intranet.

- Dimensions culturelles et humaines.
C’est là que réside le véritable challenge, passionnant !  Créer des contenus, les partager, collaborer ne sont pas des verbes qui font partie de la culture classique des organisations, et en particulier des grandes, publiques ou privées.
Il faudra un minimum de deux à cinq années pour acculturer des outils Web 2.0, dans les entreprises les plus ouvertes à ces modes de travail. 
Il y a encore aujourd’hui, beaucoup d’organisations où je pense que la meilleure solution est de... ne pas démarrer des projets Web 2.0 ; ils y sont condamnés à l’échec, car le rejet culturel est garanti ; les incompatibilités entre groupes sanguins en sont une bonne illustration.
Dans les organisations ouvertes, où la probabilité de réussite est raisonnable, la démarche que je propose est la suivante :
- Détecter un ou deux groupes, de moins de 50 personnes, qui ont des difficultés évidentes à travailler efficacement ensemble, pour des raisons organisationnelles ou géographiques, et qui sont raisonnablement ouverts au changement.
- Leur présenter, concrètement, une large palette d’outils Web 2.0 pour leur en faire découvrir les potentiels ; la formation “permis de conduire Web 2.0” est une bonne option.
- Leur demander de choisir un ou deux outils dont ils pensent que l’usage immédiat pourrait les aider. Ils sont les mieux placés pour décider des outils qui peuvent réduire leurs difficultés à travailler efficacement ensemble.
Babysitting_1 - Faire participer la DSI à cette action dés le début.  Elle devra mettre en œuvre les outils choisis par le groupe, avec interdiction de dire non, qu’elles qu’en soient les motifs, sécurité, coûts, charge de travail...
- Mettre en place un accompagnement fort pour aider ce groupe à surmonter les difficultés techniques, mineures, et organisationnelles, fortes, qui ne manqueront pas de naître dès les premières semaines.
Image baby sitting

Dimensions financières
Les coûts directs des outils logiciels Web 2.0 sont insignifiants.  Beaucoup d’outils Internet sont gratuits, financés par la publicité, rarement gênante.
Les versions Intranet, haut de gamme, dépassent rarement 100 euros par mois, pour un groupe d’utilisateurs de plusieurs dizaines de personnes.
Les véritables coûts, élevés, de ces projets Web 2.0 professionnels sont liés aux dimensions humaines ; formation, accompagnement et support.
Toute économie dans ce domaine, surtout sur les premières réalisations, serait suicidaire. Un échec avec les premiers groupes, choisis parmi les plus ouverts, serait une véritable catastrophe, car l’image des outils Web 2.0 sera durablement ternie.

La maîtrise de l’usage des outils Web 2.0 par la majorité des collaborateurs d’une entreprise sera, demain, un avantage concurrentiel majeur. Celles qui démarreront les premières le garderont longtemps, car il est très difficile de raccourcir le temps nécessaire à une acculturation technologique.
Pour être prêt en 2010, il faut démarrer aujourd’hui ! Ne perdez pas de temps, surtout si vous pensez que votre entreprise fait partie des leaders où les solutions Web 2.0 ont une raisonnable probabilité de s’implanter avec succès.


Innovation, risque, valeur : Dell vs Apple

Quelle serait votre réponse à la question :
De Dell ou de Apple, qui, le 24 juillet 2006, a la plus forte valeur boursiére ?
Je pense que la majorité des informaticiens répondraient Dell.

Apple_vs_dell_3_ans_2   A la suite des derniers résultats trimestriels, mauvais pour Dell, bons pour Apple. les chiffres sont les suivants :
51 milliards de dollars pour Apple, 46 pour Dell.
Sur les trois dernières années, le cours de Dell a perdu 40 % de sa valeur, celui de Apple a été multiplié par cinq.

Ce sont deux entreprises de qualité, exceptionnelles, dirigées par des hommes de très grande valeur, que j’admire beaucoup.
Comment expliquer cet écart, gigantesque, de performances ?

20 ans de succès de Dell

Dell est né, il y a plus de 20 ans, d’une intuition géniale de son jeune créateur, Michael Dell : vendre en direct des PC standards Wintel, construits avec les logiciels de Microsoft et les processeurs Intel.
Ayant perfectionné au maximum ce processus innovant, Dell est devenu le premier producteur de PC, avec une clientèle majoritairement professionnelle.Michael_dell
Depuis quelques mois, la recette miracle ne fonctionne plus : CA, part de marché, marges ne sont plus au RV. Pourquoi ?

Ma réponse est simple : un processus, même parfait, qui ne correspond plus aux attentes du marché ne peut pas réussir.  Deux changements majeurs se sont produits dans l’environnement de Dell :
- Le marché grand public est devenu le marché dominant, celui de toutes les innovations et à la plus forte croissance alors que son marché traditionnel, celui des entreprises tourne au ralenti.
- Le PC n’est plus la panacée dans un monde dominé par Internet, les réseaux haut-débit et autres téléchargements de musique ou de vidéo.
J’avais, il y a quelques semaines, salué les premières évolutions de Dell, abandonnant, un peu, son attachement viscéral à Microsoft et Intel.
Il est maintenant clair que ces “mesurettes” ne seront pas suffisantes. 
Les risques pris par Dell en maintenant, trop longtemps, une stratégie qui avait réussi vont maintenant l’obliger à de très douloureuses décisions pour se placer, à nouveau, sur une orbite gagnante.

Des ruptures gagnantes chez Apple

Steve_jobs Donné pour mort plusieurs fois, y compris dans un discours célèbre de Michael Dell qui conseillait à Steve Jobs de vendre ses actifs pour rembourser les actionnaires, Apple a réalisé, ces dernières années des performances exceptionnelles. 
Je citerai simplement quelques raisons de ce succès mérité :
- Des investissements forts et permanents en R&D.
- L”iPod, devenu incontournable avec 75 % de part de marché, face à des concurrents nombreux et puissants tels que Sony ou Microsoft
- iTunes, la boutique de vente en ligne, légale, avec un prix fixe par morceau de musique, créée contre la volonté des éditeurs de musique.
- Le basculement des Macintosh sur processeurs Intel, réalisé en un temps record, et qui a déjà permis à Apple d’augmenter de 60 % le nombre de Macintosh vendus ce dernier trimestre.

Aucune de ces décisions n’était évidente, de nombreux commentateurs expliquaient qu’Apple prenait la mauvaise route et allait échouer.
Ce sont les mêmes qui, tel Cassandre, annoncent après chaque réussite que c’est la dernière.

Leçons pour un DSI

Ne pas se remettre en cause en permanence, ne pas prendre de décisions, ne pas innover sont les meilleures manières de prendre des risques graves.Risk_climbing_1
Quelques exemples :
- Rester sur des succès anciens = risques majeurs
- Ne pas anticiper = risques majeurs
- Faire du panurgisme = risques majeurs
- Continuer à faire ce que l’on sait faire = risques majeurs
- Choisir uniquement des solutions que l’on connaît = risques majeurs
- S’appuyer sur les compétences actuelles de ses collaborateurs = risques majeurs

Dans notre monde des Systèmes d’information, qui évolue de plus en plus vite, de plus en plus brutalement, ne pas se réveiller, chaque matin, en se posant la question de la pertinence des bonnes décisions d’hier est un luxe que l’on ne peut plus s’offrir.

Cimetire_1 Wang, Digital, Compaq, les cimetières informatiques sont remplis d’anciens leaders qui n’ont pas su s’adapter, en refusant de voir venir les ruptures technologiques.
Dans nos métiers, rien n’est jamais acquis.
Fournisseurs et DSI, attention, les certitudes d’aujourd’hui peuvent vous mener, plus vite que vous ne le pensez, vers une disparition définitive.


Et si Nicolas Sarkozy était un... DSI !

Couverture_sarkozy_1 Témoignage, de Nicolas Sarkozy, est sorti en librairie le 17 juillet 2006 ; je l’ai lu avec attention. J’ai été rapidement frappé par la pertinence de beaucoup de messages, qui pourraient être appliqués dans le monde des .. Systèmes d’Information (SI) ; ceci m’a amené à en faire une deuxième lecture en imaginant que Nicolas Sarkozy était un DSI ; quelles pourraient être ses recommandations ?

Dans beaucoup de phrases, il suffit de remplacer "politique" par Systèmes d’Information ; des citations (en italique) serviront de fil conducteur à ce texte ; j’ai choisi de travailler par petites touches, nombreuses et courtes.


Anticiper
..celui qui ne construit pas l’avenir est condamné à le subir p 10”
Ils confondent la vision avec la prophétie p 13

Devant les mutations prévisibles et profondes, réseaux rapides, Web 2.0... un DSI ne peut plus attendre que ses fournisseurs favoris lui dictent sa stratégie, il doit faire des choix et les assumer.

Je, nous
Deux choses difficiles ... ne pas se tromper dans le choix de ses collaborateurs p 20
Je” est certainement le mot le plus utilisé dans ce livre ; un rôle de leader ne peut pas se déléguer. En même temps, il insiste sur l’importance du travail d’équipe. Le binôme Je-Nous, une des clefs de la réussite, en informatique aussi.

Client, communication
Un homme politique doit se mettre au service de ses “clients”, les citoyens.
Aller à la rencontre des Français est exigeant p 30
Parce que l’on bien expliqué, “l’opinion publique” vous autorise l’action. La communication est devenue le préalable à l’action. p 52

Les clients, internes et externes, des SI sont comme les Français ; ils n’acceptent plus les dictats de leurs informaticiens et veulent comprendre, participer. 
Le succès des blogs et du Web 2.0 en est un exemple éclatant.

Pilotage
Savoir placer le curseur des informations qui doivent vous remonter ...
Trop d’informations et l’on est instantanément noyé  p 21.

Cette double recommandation est pertinente pour le DSI, dont les tableaux de bord doivent être simples ; elle l’est surtout pour les outils qu’il met à disposition de ses clients.

Parler simple
Il n’est pas interdit, il est même recommandé d’employer un langage simple qui ne soit pas simpliste..p 96
Son livre en est un bon exemple : style clair, phrases courtes, pas de mots compliqués ; on est loin d’un discours “à la ENA”.  Trop de DSI sont les champions du discours incompréhensible, dans la forme comme dans le fond.

Projet court
Quand on veut vraiment aboutir, on n’a pas besoin de trois mois ! p 37
Ce livre a été écrit, produit, diffusé en quatre mois, en ayant même l’intelligence de retarder sa sortie de quelques jours pour cause de 14 juillet Chiraquien.
Un bon antidote aux projets pharaoniques, qui sont planifiés sur 3 ans et en durent 5.

Faire du terrain Sarkozy_sangatte_1
Aucun dossier...ne remplace l’expérience du terrain ... pour comprendre les dysfonctionnements du système.p 23
Quel est el pourcentage du temps d’un responsable informatique passé dans ses bureaux, à lire des dossiers par rapport au temps sur le terrain, avec de vrais utilisateurs ?

Solutions imparfaites
une partie de notre immobilisme....attendont d’avoir des solutions parfaites avant de commencer à agir.... Que des avantages à essayer, à expérimenter....p 28
Qu’il est difficile d’obtenir qu’un projet informatique soit lancé sans un cahier des charges de 300 pages ; qu’il est difficile d’installer des outils en émergence, pour des usages mal connus !

Aller vite
montrer... tout ce qu’un ministre peut entreprendre en quelques mois, avec de la volonté, de la détermination et de l’imagination p 34
Demander des solutions dans des délais très courts est un excellent antidote à des réflexions qui n’en finissent pas, à des choix de solutions qui durent des mois, à toutes ces bonnes excuses pour ne pas avancer.

Pensée unique
La diversité renforce l’unité p 215
Je souffre suffisamment du poids de la pensée unique p 235
Je n’ai jamais crains d’avoir des positions minoritaires p 108

Oser ne pas suivre les modes, ne pas choisir le même logiciel, le même fournisseur que tout le monde, ce n’est pas habituel dans le monde de l’informatique, qui aime trop le panurgisme.

Pouvoir
Faire pression ‘J’avais menacé de grands groupes industriels...(baisse des prix dans la distribution) p 57
Les responsables informatiques ne doivent jamais oublier que ce sont eux qui ont le pouvoir, pas les fournisseurs.  A eux de se faire respecter, d’imposer leurs conditions, quand elles sont raisonnables.

Doute et action
J’essaie de ne jamais considérer comme acquises une certitude, une idée reçue, une vérité d’évidence p 43
...Le meilleur allié de la précarité est l’immobilisme p 125

Hésiter, beaucoup réfléchir avant la décision, ouvrir les yeux pour envisager des solutions différentes, ce sont des étapes importantes et difficiles.  Par contre, il faut agir sans délai, une fois que la décision est prise.

Rupture
Le mot “rupture” était trop violent, pas assez policé,et même anxiogène. ..
Le mot changement a perdu toute signification...p 225
... il est préférable de reconstruire intégralement une politique... s’empiler sur des dispositifs anciens p 238

Les systèmes d’information doivent-ils évoluer lentement, dans la continuité de l’existant, ou passer par des phases de rupture.  Mon pronostic est que nous rentrons, pour des cinq années qui viennent, plus dans une logique de rupture que de changement continu.

Technologies : peut mieux faire !

Podcast_sarkozy_2 Il y a là un écart, surprenant pour moi, entre les usages raisonnablement modernes que fait Nicolas Sarkozy des technologies et le peu de place qu’elles occupent dans son livre.
Il a été le premier homme politique Français important à être interviewé par Loïc Le Meur, dans un célébrissime Podcast réalisé, le 23 décembre 2005.

Son blog, qu’il ne rédige pas lui-même, est ouvert depuis quelques semaines.

J’ai cherché, vainement, des références aux apports potentiels des nouvelles technologies pour aider la France, ses entreprises et ses administrations, à être plus compétitives.
J’espère que dans la version, 2.0 bien évidemment, de ce livre, cet oubli sera réparé.

Il est aussi dommage, à mon avis, qu’un livre soit publié en 2006 sans proposer une version PDF, téléchargeable depuis son site.  Il aurait même été astucieux d’en proposer une version gratuite. 
Les rares auteurs innovants qui ont tenté cette expérience disent que cela a plutôt favorisé la vente des versions papier.

Changer de métier
...quoi qu’il arrive, je ne terminerai pas ma vie professionnelle en faisant de la potitique p 275
Bienvenue dans le club ! Beaucoup de grandes organisations auraient, en Nicolas Sarkozy, un DSI de choc capable de reconstruire des SI qui en ont bien besoin.
Mon verdict : Nicolas Sarkozy pourrait, rapidement, être nommé “DSI de l’année”.
Question : en quelle année ?

Petite synthèse
Tout responsable informatique, quelles que soient ses idées politiques, trouvera dans ce livre des idées importantes, utiles, rafraîchissantes, opérationnelles, pour mieux faire son métier.

Après avoir présenté, il y a quelques semaines, un recueil de “worst practices”, dans le livre de Olivier Giesbert sur Chirac, il est réconfortant de lire des pages qui apportent une vision positive du futur.  Merci, Nicolas !
(Après le tutoiement de rigueur dans le podcast de Loïc Le Meur, l’usage du prénom s’impose !)

PS : Je ne connais pas, personnellement, Nicolas Sarkozy et ne suis pas inscrit à l’UMP.


Postes de travail : Un mouvement positif de Microsoft ?

Les lecteurs assidus de mon blog pourront être surpris du titre de ce texte, car j’ai parfois la réputation, erronée, d’avoir une vision négative de Microsoft.

Les faits

Windows_fundamentals Il y a quelques jours, Microsoft a confirmé la disponibilité un nouveau système d’exploitation, Windows Fundamentals for Legacy PCs. Nous allons apprendre à utiliser un nouveau sigle, Windows FLP.
Cette solution, basée sur une version de Windows XP embedded, a pour objectif de permettre aux grandes entreprises de garder plus longtemps des PC dont la puissance matérielle n’est pas suffisante pour héberger Windows XP. Ils seraient évidemment aussi inutilisables avec Windows Vista, quand cette nouvelle version sera disponible.

Quelles sont les principales caractéristiques de la solution Windows FLP ?
- Elle transforme un PC de puissance moyenne en “client léger”.  Aucune application importante, type Office, ne pourra s’exécuter directement sur le PC. Seules des logiciels simples, tels que visualisateurs de documents, pourront être utilisés localement.  Les applications à exécuter seront donc déportées sur des serveurs, grâce à des protocoles tels que ICA de Citrix ou RDP de Microsoft.
- C’est la première fois que Microsoft entre dans le marché des clients légers, comme le dit Mike Oldham, General Manager du Microsoft licensing group : “Turning PCs into thin clients is something new. Typically we have not delved into that area."Pickpocket_1
- Cette version est réservée aux grandes entreprises qui ont signé un contrat Software Assurance. Beaucoup de DSI vont s’en réjouir ; ils auront, enfin, un bénéfice “potentiel” à mettre en face d’une forte dépense qu’ils avaient beaucoup de mal à justifier. Ce contrat de mise à jour logicielle, valable 3 ans, visant des produits tels que Windows et Office, a été jusqu’à présent un gouffre financier pour les entreprises qui l’avaient signé, surtout que la nouvelle version de ces logiciels aura mis plus de... cinq ans à se matérialiser.

Annoncé le 8 juillet, Windows FLP a déjà un article qui en parle dans ... Wikipedia ; bravo la réactivité !

Une réponse à la forte pression du marché ?

Quand BIll Gates annonce, le 11 juillet à CapeTown, en Afrique du Sud, qu’il y a une probabilité de 20 % que Vista soit, encore une fois, retardé, tout le monde comprend immédiatement que ce nouveau retard sera une réalité. 
Quelle est, aujourd’hui, la réaction d’un DG quand son DSI favori lui annonce qu’un projet logiciel a une probabilité de 80 % d’être livré à l’heure ?
La réponse des lecteurs de Digg.com à cette annonce est révélatrice ; les dizaines de commentaires ne sont pas très optimistes !

Permettez-moi un pronostic risqué : la date d’arrivée réelle de Vista sera le 2ème trimestre 2007. Le début du déploiement, dans les entreprises les plus aventureuses, pourrait commencer courant 2008, dans 2 ans au plus tôt.
Pour Microsoft, les risques sont donc forts, au cours de ces deux ou trois prochaines années, que les entreprises soient tentées d’envisager, de tester, voire même, horrible crime de lèse-majesté, d’adopter d’autres solutions pour leurs postes de travail.
Je pense donc que c’est la raison qui a poussé cet éditeur à annoncer, pour la première fois, à ma connaissance, un nouveau moyen de fidéliser ses clients. Il s’agit d’un financement "buy now, pay later" (acheter maintenant, payer plus tard). Microsoft propose aux entreprises d’acheter immédiatement Vista et Office 2007, avant leur disponibilité, en payant $50 par mois pendant 6 mois, et le reste (non chiffré) étalé sur 36 mois.
C’est encore plus fort que Software Assurance ; on propose aux clients de payer, d’avance, un produit qu’ils n’ont jamais vu, sauf en versions ß !

Impacts

Cette annonce aura un impact, fort immédiat et positif, sur le marché.
Microsoft, pour la première fois, légitimise des solutions matérielles qui ne s’appuient plus sur un poste obèse. 
Les DSI les plus réticents à cette idée ne pourront plus ne pas se poser la question de savoir si un client allégé n’est pas une option, maintenant que même Microsoft la propose.
Old_ibm_pc Les objectifs annoncés, pour justifier Windows FLP, sont très raisonnables :
- Reconnaissance du fait que les vieux PC existent.
- Optimiser la durée de vie matérielle des PC existants.
- Réduire le TCO des postes de travail.
- Améliorer la sécurité.
Personne ne peut être contre !

Maintenant que le plus dur est fait, légitimer le fait que, dans les systèmes d’information modernes, un client lourd Vista n’est plus la seule réponse, les responsables des décisions stratégiques peuvent se poser la question :

Quelles sont les principales options ?
- Windows FLC, tel qu’il vient d’être présenté.Wyse_linux_thin_client_back_1
- Des clients légers, type Wyse ou Neoware. Ces postes neufs, optimisés pour fonctionner en client léger, proposent toute une gamme de puissance et de systèmes d’exploitation, comprenant entre autres Windows XPE et Linux. 
Ce sont clairement les solutions que souhaite attaquer Microsoft avec Windows FLC, car les fonctionnalités proposées sont proches.
- Dans la lignée d’une démarche Web 2.0, que je pousse évidemment beaucoup, on peut transformer les vieux PC en CWR, Client Web Riche (voir mon texte précédent)

Un vieux PC, métamorphosé en CWR, a les mêmes avantages qu’un poste sous Windows FLC ou qu’un client léger avec, en plus...
tous les avantages d’un Client Web 2.0 moderne, permettant d’accéder directement, sans serveurs intermédiaires, à l’ensemble des Services Web disponibles sur Internet ou un Intranet.

L’annonce de Windows FLC est donc une excellente nouvelle. En ouvrant les yeux des responsables informatiques sur de nouvelles options, elle leur permet de rechercher, sur un marché en profonde mutation, quelles sont les alternatives aux clients obèses.

Ensuite, que le meilleur gagne !


Paris, Capitale du libre - Le mal est fait, hélas !

Ce que je craignais, et annonçais dans mon texte de la semaine dernière, est arrivé, hélas !

Le mélange des genres, libre et Open Source, a été mis à profit, rapidement, par les adversaires les plus archaïques des solutions Open Source.

Dans une tribune publiée par Libération (admirez l’astuce qui consiste à choisir un journal de gauche), Jean-Dominique GIULLIANI publie une diatribe contre les logiciels libres.
Le titre de cet article :

"Le mythe libertaire du logiciel à code ouvert est un dangereux contresens pour l'industrie.
Il n'a de libre que le nom."

C’est bien sur la présence de Richard Stallman “le pape autoproclamé du logiciel libre” (Je cite) qui lui permet d’enfoncer le clou des "dangers mortels" que fait courir ce mouvement à l’économie européenne.
Je n’ai pas souvenance d’avoir croisé Mr Giulliani pendant les différentes conférences du 26 Juin.  Les citations qu’il attribue à Richard Stallman sont très anciennes et n’ont pas été prononcées lors de sa conférence à Paris ; j'y étais.

Fondationschuman2_r1_c1_2 Mr Guillani est le président d’une fondation, “bien sous tout rapport”, la Fondation Robert Schuman
Son Conseil d’Administration est composé de personnes de grand prestige ; on y trouve les noms de Raymond Barre, Jean-François Poncet et autres Anne-Marie Idrac. (Bravo pour leur réactivité ; elle est déjà référencée comme P.D.G. de la SNCF)

C’est ce que les Américains appellent un ‘think tank”.
Dans la même lignée, une autre fondation, The Alexis de Tocqueville Institution, mène depuis de nombreuses années une lutte farouche contre les “logiciels libres”.  Très marquée à droite, est financée par de très nombreuses entreprises, dont Microsoft.

L’un des “chefs d’oeuvre”; publié par son Président, Kenneth Brown, pose la question du siècle :

Is Open Source Communist ? !!!!

Les célèbres exploits de ce monsieur l’ont même amené à écrire que Linus Torsvalds n’avait pas pu écrire Linux tout seul et qu’il avait donc copié, volé le code source.

J’arrête là le jeu de massacre.

J’espérais vraiment que ces combats idéologiques d’arrière garde n’avaient plus cours et que la viabilité économique du modèle Open Source avait été largement démontrée par les succès des Apache, RedHat et de tout l’écosystème qui gravite autour des dizaines de milliers de logiciels Open Source.

Mr Guilliani, nous ne sommes plus en 1995, mais en 2006 !
La très grande majorité des acteurs majeurs du monde de l’informatique, IBM, Oracle, Sun,... ont appris à vivre et à travailler avec les solutions Open Source.

Ce Lobbying minable, de bas étages, ne devrait plus avoir lieu aujourd’hui.

Je pose une question simple, à la quelle je suis certain de ne jamais avoir de réponse :
Quelles sont les entreprises qui financent la fondation Robert Schuman ?
Microsoft est-elle l’une d’entre elles ?

(J’aurais bien aimé ne pas avoir à écrire ces quelques lignes : ces attaques malsaines m’ont obligé à le faire.)

Les centaines de commentaires publiés sur Libération à la suite de cet article montrent, heureusement, que plus personne n'est dupe de ces basses manoeuvres d'arrière garde.


Êtes-vous... Néophiliaque ?

Comment ? Vous ne connaissez pas ce terme ?
Rassurez-vous ; je l’ai, moi aussi, découvert il y a peu !
C’est un sujet qui pourrait devenir de plus en plus d’actualité dans les réflexions des DSI, au cours des prochaines années.

Définition

Lunettes_vido_1 Une personne néophiliaque est prête à tout pour avoir toujours la dernière innovation, le dernier gadget, l’outil ou l’objet qui vient de sortir, dans tous les domaines. Il se crée alors une dépendance vis-à-vis de la nouveauté, similaire à celle créée par d’autres drogues telles que le tabac.
La majorité des néophiliaques ne savent pas qu’ils sont atteints de cette maladie, ce qui les rend difficilement curables !

Des chercheurs japonais auraient identifié un enzyme mitochondrial, le monoaminePsychiatric_genetics_1 oxydase A, qui serait responsable d’une prédisposition à la néophilia ! C’est ce que rapporte la très sérieuse revue scientifique “Psychiatric Genetics”, dans un article publié en avril 2006.

Les débats ne font que commencer dans la communauté scientifique sur la dimension, innée ou acquise,de cette dépendance.
D’autres chercheurs ont montré que la néophilia est très récente ; dans les civilisations préindustrielles, la nouveauté était suspecte et rejetée par une grande majorité des personnes.  Ceci rend peu probable, à leurs yeux, la dimension génétique de ce désordre.
Je laisse les scientifiques à leurs débats, dans un domaine où je suis totalement incompétent. 
Par contre, les impacts de cette dépendance, son extension ou sa régression peuvent avoir des impacts majeurs sur l’industrie des technologies de l’information. C’est le thème de ce texte.

Innovateur ou néophiliaque ?

Avant d’en mesurer les impacts potentiels, il est essentiel de faire la différence entre l’innovateur et la néophiliaque.
Sur ce qui pourrait être un long débat, j’irai à l’essentiel. L’innovation apporte une valeur forte sous forme d’un service ou d’un produit qui rend possible une activité qui ne l’était pas avant, en réduit les coûts ou en améliore fortement les performances. Les réseaux GSM et Wi-Fi sont de bons exemples d’innovations importantes.
Audi_q7_1 A l’inverse, se précipiter pour acquérir le dernier 4x4 qui vient de sortir, tel que le Q7 de Audi, est, à mon avis, un signe fort que l’acheteur est un néophiliaque dans un état avancé de dépendance.

Les véritables innovateurs sont rarement néophiliaques. Ceci est vrai aussi bien dans la vie personnelle que dans le monde professionnel.  Un produit, un service innovant est souvent imparfait, n’est pas, encore, à la mode et sa valeur ajoutée prime souvent sur un “look” d’enfer.
L’innovateur recherche de la valeur, le néophiliaque cherche à impressionner ses voisins ; c’est une différence majeure !

Les particuliers, néophiliaques.Most_expensive_phone_1

Les néophiliaques sont une cible idéale pour les directeurs marketing des entreprises de technologie. Transformer une nouvelle version d’un produit existant en “must” déclenche immédiatement une vague d’achat des néophiliaques.
Vodafone_simply_2 J’étais la semaine dernière au Maroc pour animer des séminaires et il suffisait de voir les modèles de téléphones portables, tous de dernière génération, utilisés par les participants, pour s’apercevoir que cette affection est universelle.  Il y a même des téléphones décorés de diamants !

Cette tendance néophiliaque est contrebalancée par un mouvement vers plus de raisonnabilité. Vodafone a lancé en Espagne, il y a plus d’un an, une gamme de téléphones “simply” qui servent uniquement...à téléphoner ! le succès a été immédiat pour toutes les personnes qui n’ont pas envie de faire des photos ou de jouer avec leurs téléphones.


Informaticiens néophiliaques

La situation est très différente dans les entreprises. Face à l’évolution permanente des technologies et des solutions, la démarche des responsables informatiques peut être regroupée, schématiquement, en trois familles :
- Les traditionalistes, aussi appelés les néophobistes !
- Les innovateurs
- Les néophiliaques
Logo_windows98_1
- Les traditionalistes s’accrochent aux solutions qu’ils connaissent et maîtrisent. Ils continuent à développer en Cobol et Visual Basic, les langages que connaissent leurs troupes, attendent que Microsoft annonce l’abandon du support pour migrer de Windows 98 à la version suivante.

Logo_writely_1 -  Les innovateurs font leur propre veille technologique, sans se laisser guider par le seul discours marketing fort des grands fournisseurs ; ils recherchent en permanence les solutions, souvent peu connues, qui pourraient donner à leur entreprise un avantage concurrentiel. 
Ils ont déjà mis en œuvre des MashUp AJAX, des outils d’infrastructure Open Source, des premiers outils bureautiques Web 2.0, des outils légers de ToIP et des optimisateurs de flux WAN.

- Les néophiliaques aiment suivre les modes, avoir la dernière version d’un logiciel ou d’un PDA. Ils sont déjà en train de télécharger ou de tester Windows Vista et Office 2007.  Blackberry7100x
Tous leurs dirigeants sont équipés de Blackberry 7100, le must du moment, même si leur seule utilité est de favoriser la “paresse” de ces dirigeants en leur évitant l’effort surhumain d’appeler leur messagerie, grâce à la fonction Pushmail. Ces mêmes dirigeants ont beaucoup de mal à s’adapter au clavier “intelligent” du nouveau modèle, mais on ne pouvait vraiment pas garder l’ancienne génération, au clavier normal. Ce serait tellement mauvais pour leur image, à la descente de l’avion !
Ce sont les cibles favorites des responsables marketing des grands fournisseurs. Ils adorent les invitations privées et les voyages que ces derniers leur proposent et se laisser convaincre facilement ; ceci leur évite de définir leur propre stratégie, exercice épuisant s’il en est !

Dangers économiques et sociétaux des DSI néophiliaques

Entre les trois familles, je considère bien sur que les innovateurs sont ceux qui font le mieux leur métier. Par contre si j’avais à choisir entre un DSI traditionaliste et un néophiliaque, je préférerais sans hésiter le premier, car il est beaucoup moins dangereux.

Que se passerait-il si les responsables informatiques, devenus moins néophiliaques, décidaient de re-devenir raisonnables et de baser leur stratégie sur les véritables innovations ?

Pc_portable_acer_499_euros_1 Que se passerait-il s’ils revenaient à des solutions de qualité, adaptées aux attentes réelles de leurs clients.
Ils pourraient, par exemple, proposer :
- Des postes de travail simpllifiés : CWR (Client Web Riche) ou PC portables à 500 euros.
- Des outils bureautiques aux fonctionnalités de base.
- Des CRM Open Source tels que SugarCRM, proposant 95 % des fonctionnalités nécessaires pour 5 % des coûts.
- Des projets de développement sur mesure raisonnables, uniquement pour les processus cœur de métier.
- Un navigateur multifenêtres, multiplateformes, respectant les standards ; Firefox, par exemple ?

La proposition que j’ai faite, dans un texte antérieur, de transformer de vieux PC en CWR est un excellent exemple d’une décision à la fois innovante et anti-néophiliaque !
Vieux_tlphones_1
Aider les responsables informatiques néophiliaques à se guérir offre beaucoup d’avantages, tels que :
- Augmentation de la durée de vie utile de nombreux outils et logiciels.
- Réduction des déchets électroniques.
- Plus de temps et de ressources à investir pour identifier les innovations qui apportent une réelle valeur aux entreprises.

Que j’aimerais entendre un responsable informatique m’annoncer :

“Je suis néophiliaque pour le SI de mon entreprise, mais je me soigne !”


Paris, Capitale du Libre

Pinguin_paris_1 J’ai assisté, lundi 26 juin, comme simple participant, sans aucun rôle dans l’organisation ou de conférencier, à la journée “Paris, Capitale du libre”.

Souvent méfiant vis-à-vis de ces “grandes messes”, je considère que les organisateurs, la mairie de Paris et ASS2L (Association des Sociétés de Services en Logiciels Libres) ont réussi une manifestation de qualité et où il y avait beaucoup àZapolsky_1 apprendre. Bravo à Alexandre Zapolsky, le Président de l’ASS2L, excellent maître de cérémonie !

Beaucoup plus qu’un simple compte rendu des quelques séances auxquelles j’ai participé, je préfère analyser l’impression générale et quelques points forts de cette journée.


Libre vs Open Source

Ce débat linguistique n’est pas neutre ; la dimension “politique” de la journée était évidente. Des élus, socialistes, de la mairie de Paris, Michel Rocard, représentant socialiste au parlement européen, ont beaucoup insisté sur la dimension “libre” du logiciel. Je n’ai rencontré aucun représentant politique de la majorité actuelle.

Entendre bon nombre des orateurs parler du “diable”, en l’occurrence Microsoft, sans le citer ou en utilisant des métaphores telles que “Petit mou” faisait sourire. Je suis souvent critique envers les décisions ou stratégies de mes amis de Microsoft, mais ce n’est pas une raison pour ne pas citer leur nom, comme si cela pouvait porter malheur !

Malgré son importance, le débat sur le projet de loi Droit d'Auteur et Droits Voisins dans la Société de l'Information - DADVSI -, (quel nom génial), était, à mon avis, tout à fait hors sujet. On avait parfois l’impression, sympathique, d’assister à une journée dont le titre aurait été :
“Paris, capitale de la liberté”

Un prix spécial du jury a même été décerné à Christophe Espern, d'EUCD.info, pour sa lutte contre le projet DADVSI.

A l’inverse, d’autres tables rondes ont insisté plus sur la dimension technique (Open Source, code ouvert), des logiciels, et les avantages qui en découlent.
Il y avait souvent deux sessions en parallèle, l’une à tendance libre, l’autre orientée Open Source ; il suffisait de regarder le public des participants, leur age, leur “look”, pour savoir dans laquelle on était !

Stallman Je rencontre souvent ce débat dans les entreprises ou lors de mes séminaires. Je pense qu’il est essentiel, aujourd’hui, dans le monde professionnel, de mettre en sourdine la dimension “libre - libertaire” de ces logiciels si l’on veut avancer.

Malgré la sympathie que je peux avoir pour Richard Stallman (voir plus loin), ce n’est pas l’image la plus efficace pour convaincre des DSI de l’intérêt des logiciels libres !

Évolution des grands acteurs du marché

Oracle, IBM, CapGemini, Steria, Accenture, EDS, ces entreprises existaient... avant l’arrivée de l’Open Source.  Elles ont toutes, aujourd’hui, des activités significatives autour de l’Open Source.  Je retiens particulièrement le commentaire de CapGemini qui est poussé vers les solutions Open Source par ... les 4000 jeunes collaborateurs qu’ils embauchent chaque année et qui, de plus en plus, connaissent bien ces outils et trouvent ‘normal” de les utiliser pour leurs clients.
Il y avait bien sûr des absents de marque pendant cette journée ; l'AFDEL, Association Française Des Éditeurs de Logiciels, où Microsoft joue un rôle clef, avait boudé ostensiblement cette manifestation ; c’est, à mon avis, dommage.

Maturité des solutions

Le soutien de grands acteurs tels que Unisys ou IBM facilite beaucoup l’adoption des solutions Open Source dans les entreprises.  Laurent Sibille, DG de Unisys France, me disait que leurs clients utilisent aujourd’hui les deux plateformes, Windows et Linux ; la part de marché des solutions Linux est en forte croissance.
Quand IBM confirme que plus de 600 collaborateurs travaillent sur des projets Open Source, les DSI qui posent souvent la question de la pérennité des développements se sentent plus rassurés.
Beaucoup de conférenciers ont insisté sur le fait que sécurité, fiabilité, pérennité, performances sont les critères de décision qui dominent, le coût direct des logiciels n’étant plus le critère de choix principal.

Intervention de Michel Rocard

Avec une honnêteté intellectuelle qui l’honore, Michel Rocard a expliqué comment, lui qui n’avait pas la moindre compétence sur les sujets d’informatique, s’est trouvé à la tête d’un groupe de travail de la Communauté Européenne chargé de plancher sur le sujet des brevets logiciels.  Cela faisait d’ailleurs froid dans le dos, car j’imagine ce qui aurait pu se passer si une personne moins “humaniste” avait été chargée du dossier.
Il a placé le débat à un niveau très élevé, parlant du droit à la connaissance et du partage des savoirs.
En se moquant gentiment de ses amis politiques qui le considèrent comme un “Socialiste de droite”, il a exprimé une position forte et raisonnable contre la brevetabilité des logiciels, en renvoyant dos à dos :Kasashikov
- les extrémistes du logiciel libre qui sortent leur kalachnikov quand ils entendent parler de modèles économiques et de profits
- Les extrémistes d’une brevetabilité des logiciels, qui cherchent à défendre à tout prix leurs monopoles et les solutions propriétaires.

Richard Stallman

La journée c’est terminée par un exposé du fondateur de la FSF, Free Software Foundation.  Fallait-il le faire venir ?
Je connais Richard depuis de nombreuses années ; il a, dans les années 80, joué un rôle important en assurant la promotion des idées-forces des logiciels “libres”, au sens “free speech”.
Je constate, hélas, que cette intervention été la même que celle que nous lui avions demandé, il y a dix ans, devant les DSI Français réunis à Opio.
Prisonnier de son image, il fait la même présentation depuis 10 ans.  Après avoir laissé ses chaussures sur la scène, commandé son ‘tea” et entonné “Liberté, Egalité, Fraternité”, il a raconté, en Français, son histoire.
Gnu_linux

Il n’a malheureusement toujours pas digéré, quinze ans après, que son “GNU” ait été marginalisé par le pingouin Linux de Linus Torvalds ; le petit auto-collant qu’il distribuait était révélateur : le grand GNU transporte un petit pingouin.

La maturité du monde Open Source, mise en évidence par beaucoup d’autres conférences, s’éloigne de plus en plus du monde de Richard , il n’a pas pu s’empêcher de critiquer les démarches business de l’Open Source qui privilégient “rentabilité, efficacité, fiabilité” !
La page “Stallman” de l’Open Source peut être tournée. En 2026, on ferait la même erreur en invitant un “Zidane” pour parler des stratégies Foot du futur.

Remise des prix Lutèce d’Or

Un dîner, très sympa, réunissait le “who’s who” de l’Open Source (pardon, du libre) et a été l’occasion de la remise des “Lutèce d’or” ; ce nom, bien choisi, était un double clin d’oeil, à la ville de Paris et à l’une de ses applications phares, Open Source évidemment, qu’elle a mise à la disposition d’autres municipalités.Gendarmerie
On retrouve, parmi les primés, les grands classiques que sont le Ministère des Finances et la Gendarmerie Nationale.  Il n’y a pas encore de grands succès secteur privé, à l’exception d’EDF pour des usages scientifiques ; espérons qu’on les verra en 2007.
Firefox a été l’un des produits Open Source récompensés, et Tristan Nitot, “Monsieur” Europe de la Mozilla Foundation est venu cherché un prix, bien mérité.

En résumé, cette belle journée “Paris, capitale du libre” a bien joué son rôle de promotion raisonnée des solutions “Libres - Open Source”.

L”édition 2007 aura lieu sur 2 journées, les 13 et 14 juin, et prendra une dimension européenne. Je lui souhaite beaucoup de succès !

Mise à jour du 6 Juillet : A la suite de la publication dans le journal Libération d'une chronique incendiaire contre les logiciels Open Source, j'ai écrit un texte complémentaire sur mon blog.