Innovation : quels pays leaders, demain ?
01/08/2006
La semaine dernière se tenait, dans la Silicon Valley, le Stanford Summit 2006, organisé par Always0n.
L’innovation était aussi présente sur la forme : les trois jours de conférences étaent transmis gratuitement, en direct et full vidéo, permettant aux 50 000 personnes on-line de chatter, de poser des questions ou de voter. L’ensemble de ces présentations sera rapidement disponible sur leur site.
On voit sur cette image les quatre zones : vidéo, chat, liste des participants et questionnaire intéractif.
J’ai choisi de parler de la session la plus proche de mes préoccupations, et qui posait une question intéressante :
"Does America Still Have a Lock on Innovation ?
(Est ce que les USA ont encore un contrôle sur l'innovation)
Les panellistes étaient:
- Bob Suh, Chief Technology Strategist, Accenture
- Irving Wladawsky-Berger, VP, Technical Strategy and Innovation, IBM (Il publie un blog d'une exceptionnelle qualité)
- Bill Tai, Charles River Ventures
- Netanel Jacobsson, Founding Partner and SVP, Maxthon
Je ne sais pas si c’était volontaire, mais, malgré le titre, aucun des conférenciers invités n’était un “native american” ! Difficile d’imaginer un “melting pot” plus varié :
- Un coréen
- Un chinois de Taiwan, installé à Hong kong
- Un Suedois-Israélien, maintenant établi en ..Chine
- Un homme dont les parents sont nés en Europe de l’Est et qui a passé ses 15 premières années à Cuba.
C’est déjà une première réponse à la question posée en titre !
Pays, entreprises, ethnies, personnes, : où sont les véritables sources de l’innovation dans les technologies de l’Information ?
L’un des plus grands succès récents de librairie est l’ouvrage de Thomas Friedman, “the world is flat”, dont une nouvelle édition, plus complète, vient de sortir. Les impacts, positifs pour lui, d’un monde interconnecté, globalisé grâce aux technologies telles qu’Internet y sont longuement analysés.
J’ai envie de dire, en m’inspirant de Friedman :
“Innovation is flat”
Ce panel, par sa composition et ses remarques, l’a brillamment démontré : l’innovation vient, peut venir de tous les points du globe.
Les résultats du sondage online réalisé pendant cet exposé sont clairs : USA et Chine seront les deux principales sources de l’innovation des 10 prochaines années ; mauvaise nouvelle pour nous, l’Europe est classée dernière, après Israël.
- Pays ?
Malgré Internet, les réseaux rapides, l’essentiel des start-ups innovantes continuent à se créer en Californie. Paul Graham a écrit un long et intéressant texte sur ce sujet.
En Californie, plus de la moitié des étudiants de grandes universités telles que Stanford ne sont pas des “WASP” : il a été nécessaire d’instituer une discrimination “inverse” pour que les Asiatiques ne trustent pas toutes les places !
Un pays peut attirer chez lui l’innovation, même si elle n’est pas produite par ses “natifs”. Système éducatif, financement, liberté d’entreprendre, masse critique d’esprits brillants sont les conditions nécessaires pour attirer, et garder, les meilleurs innovateurs.
La France a “beaucoup” de progrès à faire dans ce domaine ! Ce n’est pas par hasard que Londres est devenu la septième ville française !
Je suis très inquiet quand je vois que la France continue à lancer des structures de financement de l’innovation qui vont injecter des centaines de millions d’euros dans ... les grandes entreprises existantes.
- Entreprises ?
Startups vs entreprises établies : d’où viennent les véritables innovations ?
J’ai toujours autant de mal à voir quels sont les produits innovants créés par les milliards de dollars investis par Microsoft dans sa R&D. 30 ans après sa création, Microsoft traine encore une réputation (justifiée ?) de suiveur ; ce n’est pas la prochaine arrivée de Internet Explorer 7 qui va la faire évoluer !
A l’inverse, les centaines de start-ups qui, en moins de 18 mois, ont créé ou annoncé des services Web 2.0, ont rarement plus de 30 salariés.
La majorité d’entre elles espèrent être rachetées, vite et cher, par de grandes organisations ; elles ne visent plus les célèbres IPO de la période Internet des années 2000.
Writely par Google, FlickR par Yahoo, MySpace par Fox, sont des exemples récents de ce mouvement.
Les grandes entreprises du secteur reconnaissent ainsi qu’elles ne sont pas les plus performantes pour permettre l’éclosion de projets innovants. Cette “externalisation” de la R&D à des “jeunes pousses” que l’on rachète ensuite est un phénomène récent, mais qui devrait s’amplifier. Cisco en est le champion, depuis plus de 10 ans.
Dans ce domaine aussi, la France à tout à apprendre. Imaginez le scandale médiatique si un candidat à la Présidence en 2007 annonçait que la veille technologique “nationale” qu’il souhaite promouvoir consistera demain à détecter, le plus vite possible, et avant les autres pays, les start-ups à fort potentiel en Californie, Chine ou Israël pour les racheter. Il faudra bien sûr créer auparavant un terreau financier-culturel favorable à leur croissance ; ce se sera pas le plus facile.
Ethnies ?
En utilisant ce mot, pourtant moins fort que race, j’assume le risque de recevoir des critiques sur un discours ‘raciste”.
Les membres du panel n’ont pas hésité à aborder le sujet, sereinement. Chinois, Indiens, Coréens sont très présents dans les entreprises innovantes, quel que soit le pays où elles se développent.
De très nombreux Russes travaillent dans des start-ups en Israël et aux USA, très peu dans leur pays d’origine !
L’absence des Japonais a aussi été soulignée par les panellistes. Est-ce faire preuve de racisme ? Je ne le pense pas. L’une des raisons évoquée pour expliquer l’absence des Japonais est la rigidité de leur système éducatif qui n’encourage pas la différence. Bill Gates, Steve Jobs, ou Larry Page de Google, qui n’ont pas terminé leurs études, auraient eu beaucoup de mal à réussir à Tokyo !
Personnes ?
Une entreprise ou une personne ? Qui a-t-il derrière les grandes innovations qui secouent le secteur des technologies de l’information ?
Pour moi, la réponse est claire : les personnes, plus que les entreprises, sont à l’origine des grandes innovations.
Sergey Mikhailovich Brin, cofondateur de Google, illustre à merveille cette multidimensionnalité de l’innovation. Né dans une famille juive à Moscou, il est arrivé très jeune aux USA. Une bourse du gouvernement américain lui a permis de poursuivre ses études et son PhD à Stanford n’est toujours pas terminé ! Aurait-il pu créer Google en Russie, d’où ses parents ont émmigré pour échapper à l’antisémitisme ?
Innovation, clef de la compétitivité, demain
Créer un environnement, éducatif, politique, culturel, économique qui permette à l’innovation, produit très fragile, de naître et de grandir, sans être assassiné dès sa prime jeunesse, devrait être une des priorités des politiques et des ...DSI.
Face à une culture, hélas trop répandue dans notre pays, de grands projets, grandes équipes, grands budgets, grands délais, difficile d’être optimiste.
Il est tellement plus valorisant pour un ministre ou un DSI de faire des annonces spectaculaires en parlant de millions d’euros à investir sur un nouveau grand projet qui “pourrait” donner des résultats exceptionnels dans ... 5 ans. Le gros avantage de cette approche est que la personne qui fait l’annonce ne sera plus là pour en assumer l’échec !
(Externalisation, Renault, 700 M euros : un parfait exemple récent ?)
Difficile de faire la une du 20 h de TF1 ou de 01 DSI en annonçant que l’on a financé 30 projets courts, de quelques milliers d’euros, et que 15 d’entre eux ont été des échecs, 12 des succès moyens et 3 des innovations réussies !
J’ai proposé à un grand quotidien économique et un hebdomadaire informatique de parler d’une TPE dont le DG a construit, tout seul, un site Web 2.0 de très haute qualité ; j’attends toujours leur réponse.