Blu-Ray, HD-DVD, DVD et CD, chronique d’une mort annoncée ?
02/09/2006
(Avertissement : ce texte est long)
Blu-Ray et HD-DVD sont deux familles différentes, et incompatibles, de supports digitaux ; de la taille d’un DVD classique, ils ont une plus grande capacité de mémorisation, autour de 30 Gbits, équivalente à 6 DVD ou 50 CD classiques.
(La réalité technique est beaucoup plus complexe, mais cette introduction est destinée aux personnes qui ne sont pas familières avec ces nouveaux supports)
Blu-Ray ou HD-DVD ?
- Les technologues débattent des avantages et inconvénients respectifs de ces deux familles de “SuperDVD” qui arrivent sur le marché en 2006.
- Les “technofans” commencent à réfléchir à ce choix “Cornélien” avant de décider celui qu’ils vont acheter pour Noël.
- Les financiers s’inquiètent de savoir qui, de Sony, Toshiba et les autres, peut gagner cette bataille planétaire et rentabiliser les milliards de dollars déjà investis.
- Les fabricants de PC, consoles de jeux et autres objets domestiques doivent choisir leur camp.
- Le souvenir de la guerre VHS - Betamax est dans tous les esprits.
Et si toutes ces questions étaient déjà démodées ?
Et si les ventes des lecteurs de ces nouveaux formats ne décollaient pas ?
Et si, demain, ces supports devenaient des .... antiquités ?
Et si les ventes de contenus, films, images ou sons, sur des supports non effaçables, s’effondraient dans les années qui viennent ?
C’est un scénario apocalyptique pour tous les producteurs, fabricants et distributeurs de ces supports digitaux ; c’est celui que je présente, c’est celui que je pense le plus probable.
Une journée dans la vie d’un “HDC”, à partir de 2008 - 2009
(HDC = Homo Digitalus Conectus)
A son réveil, notre ami HDC, qui utilise uniquement des informations numériques et dispose d’accès haut débit en permanence, lance Pandora, la radio personnalisée Web où il a prédéfini les styles de musique qu’ll affectionne. Il écoute des musiciens qu’il aime ; il découvre aussi des artistes qu’il ne connaissait pas, choisi par Pandora dans son immense base de données en fonction de ses goûts.
S’il le souhaite, il peut, immédiatement, acheter un thème qui l’a séduit et le mémoriser sur son espace numérique Web personnel.
Google, Microsoft et d’autres lui proposent un espace de mémorisation, illimité et gratuit, pour toutes ses mémoires digitales, comme je l’ai expliqué dans un autre texte.
Pour préparer son départ en Week-end, il copie, sur sa clef USB de 40 Go, quelques morceaux de musique de sa collection digitale. Ceci lui permet d’actualiser le disque dur de 100 Go, résistant aux chocs, dont est équipée sa voiture. Hitachi vient d’annoncer une première famille de disques spécialisés pour l’automobile, disponibles début 2007.
Ses enfants prennent un de leurs disques durs de 1 Teraoctet, alimenté par l’allume-cigare ; c’est son seul usage, maintenant qu’il est interdit de fumer en voiture.
Ils regardent les nouveaux films qu’ils ont téléchargés pendant la semaine. S’ils le souhaitent, ils peuvent aussi recevoir dans la voiture, grâce à un réseau sans fil 4G, le dernier épisode de la série télévisée qu’ils ont raté la veille.
Des voitures “haut de gamme”, telles que la Citroën C1 ou la Peugeot 107, sont déjà équipées d’autoradio à entrée MP3.
Arrivés dans leur résidence secondaire, ils profitent de ces quelques jours pour revoir, ensemble, un vieux film de leurs vacances en famille. Il est affiché, en 3mx2m, par un vidéoprojecteur relié à leur base digitale Internet, équipé d’une mémoire flash de 10 Go pour garantir la qualité de la projection, si le réseau WiMax a des défaillances passagères.
A aucun moment, les membres de cette famille HDC n’ont utilisé un support physique tel que un Diskman, DVD ou Blu-Ray ; ils sont inutiles, coûteux et jamais disponibles au bon endroit, au bon moment !
Dans la même situation, 5 ans plus tôt, le DVD du film qu’ils souhaitaient voir samedi était resté à la maison ou bien le fils qui était parti avec ses copains l’avait emprunté.
Mes multi-familles d’espaces digitaux Internet
Je dispose, déjà, de nombreuses options pour mémoriser mes données digitales sur Internet :
- Mes espaces personnels où Google et les autres me laissent héberger, gratuitement et sans limites, tout ce que je souhaite. Je peux, bien sûr, ouvrir mes collections à mes amis.
- Les espaces communautaires : YouTube en est l’exemple le plus connu. Des millions de vidéos y sont disponibles, gratuitement. Depuis peu, artistes professionnels (Paris Hilton, par exemple) et chaînes de TV s’invitent sur YouTube pour assurer la promotion de leurs contenus.
- Les espaces commerciaux : iTunes et équivalents proposent, moyennant finances, des musiques, des séries TV et des films, en mode locatif ou achat. Les premiers films seront disponibles sur iTunes, en septembre 2006.
- Les espaces “Far West ” où films, musiques et images sont disponibles, pas toujours dans une légalité parfaite, mais à un prix de ... 0 euro.
Ces différentes familles de solutions vont cohabiter pendant des années ; bien malin qui pourra estimer la part de marché respective de chacune de ces solutions.
Mes mémoires digitales locales
Ordinateurs domestiques, disques durs autonomes, clefs USB, cartes SD, iPod, téléphones portables, me permettent d’avoir, en permanence, à ma disposition, une petite partie de ma mémoire digitale d’images et de sons dont je pourrais avoir besoin pour une “consommation digitale” immédiate.
Elles ont toutes les caractéristiques suivantes :
- Digitale
- Effaçable
- Temporaire
- Faible capacité (inférieure au Teraoctet)
La coexistence de mes mémoires internet, sans limites de volume, et locales, de faible capacité, est nécessaire pour garantir un confort d’usage en tout lieu.
Les échanges permanents entre ces deux espaces digitaux me permettent d’actualiser, à ma convenance, le contenu local.
Dans un métro, dans l’avion, je serai content d’avoir avec moi quelques heures de musique ou de films disponibles, quand un réseau haut débit, à coût raisonnable, n’est pas disponible.
Le mythe de la possession du support physique
Quand l’information était analogique (disques 33 tours, cassettes VHS...), le support physique était indispensable pour accéder à un contenu. La digitalisation rapide de tout type d’information a fait disparaître cette contrainte.
Que faire de mes collections de centaines de cassettes VHS ou de disques classiques 33 tours ? Il me reste deux options :
- Les garder sous cette forme et espérer que les lecteurs ne vont pas disparaître trop vite. Il est déjà impossible d’acheter un lecteur VHS à la FNAC ! Il faut le rechercher sur ... eBay.
- Les digitaliser pour les transférer dans mon espace Internet personnel.
J’exclus bien sûr l’option qui consisterait à les transposer sur un DVD ou un HD-DVD !
Au-delà de la dimension technique, c’est l’attachement “culturel” au support physique qui va ralentir cette mutation. Nous avons tous un côté “archiviste” qui nous empêche de nous séparer de ces mémoires analogiques.
Quel est votre taux d’utilisation de vos collections de cassettes, CD ou DVD ?
Combien de temps gardez-vous un journal, une revue ? Si vous les conservez, avec quelle fréquence allez-vous les consulter ?
Il m’arrive, encore, de lire des revues papier telles que 01 Informatique ou Le Monde Informatique ; elles se retrouvent très vite dans le conteneur de récupération du papier situé dans la rue. Leur site Web, mon moteur de recherche favori me permettent de retrouver toute information dont je pourrais avoir besoin, quelques semaines ou mois plus tard.
Mémoires digitales : usages, propriété, partage ?
Les modèles d’usages, les modèles économiques vont être bouleversés par ces mutations technologiques, liées à l’omniprésence de réseaux rapides et a l’existence de mémoires digitales disponibles en permanence, de capacité infinie et à coût nul.
Dimanche 23 heures : j’ai envie de revoir “Duel”, le premier film de Steven Spielberg ; quelles sont mes options :
- Il est déjà présent dans ma collection numérique, ou dans celle de mes “amis internet” qui m’y ont donné un accès : problème réglé !
- L’acheter sur un support physique : c’est vraiment une option “yesterday”, et en plus, où le trouver ?
- Le louer dans une boutique vidéo : même démarche “ancienne”, même difficulté pour trouver un centre où il est disponible.
- L’acheter, sur Internet : c’est facile, économique et immédiat. Se pose alors la vraie question : pourquoi l’acheter si je ne sais pas si j’aurai un jour envie de le revoir ?
- Obtenir, moyennant finances ou gratuitement, un droit de visualisation, valable une fois ou sur une courte période de temps.
Tous les maniaques des DRM et autres DADVSI n’ont plus qu’à chercher une autre manière d’”enquiquiner” le monde ; les imbécillités qu’ils ont mises au point ne serviront plus à rien !
Il n’est pas, encore, interdit aujourd’hui de prêter un DVD à un ami ; pourquoi serait-il interdit de donner accès à sa collection digitale Internet, acquise légalement, à ce même ami ?
Une bataille économique planétaire
Les enjeux de cette mutation, de la disparition progressive des supports numériques physiques sont gigantesques.
Nous avons déjà vécu la disparition des premiers supports digitaux, disquettes, disques ZIP et autres.
L’iPod a éliminé le lecteur portable de CD ; la vente des films argentiques est en chute libre. Une grande majorité de vos photos numériques ne sont jamais imprimées....
La nouvelle génération des “digitaux natifs” n’a jamais acheté de logiciels en boîte, et n’achètera plus qu’exceptionnellement un CD avec dix plages musicales ou un film sur DVD.
La grande chaîne de distribution américaine Wal-Mart a été la première à transmettre aux studios tels que Disney sa forte “contrariété” quand Apple annonce que iTunes va commercialiser dans quelques semaines des films.
Le numéro 1 de la distribution “physique” contre le numéro 1 de la distribution “digitale” : que la fête commence !
L’industrie du contenu érotique, ou pornographique, a toujours été à la pointe de la technologie ; elle avait largement profité de la croissance d’Internet et des DVD. Elle sera l’une des premières touchée par la mutation que j’annonce.
PornoTube, un espace équivalent à YouTube, y compris dans son logo, où des amateurs ou semi-professionnels proposent des films “adultes” qu’ils ont réalisés eux-mêmes, s’est ouvert il y a quelques semaines.
J’entends déjà les professionnels du secteur se plaindre devant la justice de cette concurrence déloyale !
Si mon pronostic se confirme, toute la chaîne de valeur économique qui produit, distribue, commercialise, loue des supports physiques de contenu va rapidement disparaître. Les vidéoclubs, les vendeurs à la sauvette de DVD piratés devront trouver d’autres activités.
Un beau chambardement en perspective !
Quel calendrier ?
Vous l’avez compris, je ne vais acheter ni lecteur Blu-Ray ni lecteur HD-DVD.
Investir aujourd’hui, autour de 1 000 euros sur un lecteur, pour avoir, fin 2007, un “super catalogue” de 30 à 50 titres maximum par format, majoritairement disponibles sur un seul des deux formats, n’est manifestement pas une décision très astucieuse.
Le prix de vente d'un disque devrait tourner autour de ... $40, soit le prix d'un lecteur DVD-DivX d'entrèe de gamme !
Bien plus que l’économie réalisée, c’est de profond sentiment d’inutilité qui me guide.
Je n’ai pas envie de regarder, dans 5 ans, des Blu-Ray, empilés dans un coin de l’appartement, recouverts de poussière, que je n’ai pas visualisés depuis des années.
Ce comportement sera-t-il généralisé dans 3 ans, 5 ans, 10 ans ?
Je ne sais pas répondre à cette question ; je suis par contre certain que cette révolution est en marche et que rien ne peut l’arrêter.
Complément du 4 septembre :
Pour répondre aux très nombreux commentaires, j'ai publié un deuxième texte sur le même sujet, en prenant un exemple dans l'édition musicale.
Complément du 7 septembre
Face à une actualité qui apporte tous les jours des informations qui confortent ce premier texte, j'ai publié un ... troisième texte sur le sujet.
Complément de ... novembre 2007
Pour suivre l'évolution récente de ce thème.