Du “Wi-Fi-Fi” chez les télécoms
08/09/2006
En parodiant un célèbre film, je pronostique une période de grandes bagarres entre deux “bandes rivales” qui souhaitent devenir les leaders de la transmission haut débit sans fil.
Les trois prochaines années seront le théâtre d’affrontements sans merci entre deux familles de technologies qui, vues par nous, les clients, cherchent à proposer le même type de services :
Un accès sans fil haut débit (5MBit/s minimum)
Je vous propose une rapide présentation des deux gladiateurs en présence :
- A ma droite, l’équipe 4G, les grands opérateurs de téléphonie mobile.
- A ma gauche, WW, le clan Wi-Fi & WiMax, composé d’un très grand nombre d’acteurs, souvent petits.
L’équipe 4G
Malgré tous les discours conquérants des opérateurs de téléphonie mobile, la 3G, UMTS en France, est un échec commercial et technique. Loin des bandes passantes annoncées, le 3G plafonne autour de 300 Kbit/s.
La couverture nationale est très faible, en % du territoire. Orange et SFR ont été obligés de compléter leur offre 3G par des solutions Edge, dites 2.75 G.
Les “killer apps”, applications qui auraient dû déclencher une forte demande, telle que la TV sur mobile, n’ont pas conquis le public.
Le flop du 3G a été confirmé, il y a quelques jours, par le Président de Nortel quand il a vendu son activité UMTS à Alcatel.
Tous les espoirs des opérateurs se reportent sur la 3,5 G (HSDPA), en tests depuis quelques mois et surtout sur la 4G.
Les démonstrations réalisées par Samsung en août 2006 montrent qu’il serait possible d’atteindre de 10 à 100 Mbit/s vers un véhicule en déplacement.
Les premiers déploiements ne sont pas attendus avant 2010.
L’équipe WW : Wi-Fi & WiMax
Commencées en 2001, les installations de réseaux Wi-Fi ont explosé au cours des années 2004 et 2005.
Tous les ordinateurs portables, un grand nombre de PDA sont pré-équipés Wi-Fi en standard. Les entreprises et les particuliers ont installé des centaines de milliers de réseaux. Le nombre des “hot-spots”, tels qu’hôtels et aéroports, dépassent les 50 000 en France, si l’on tient compte des installations payantes et gratuites.
Début 2007, les premières implantations WiMax vont commencer en France, pour couvrir en priorité les zones où l’ADSL est peu disponible. Fin 2008, la couverture nationale devrait être raisonnablement complète.
Wi-Fi et WiMax sont mal adaptés au roaming. C’est peu gênant pour des usages professionnels, majoritairement Internet. C’est plus pénalisant pour des usages ludiques tels que la visualisation d’une émission de télévision.
Situation, usages actuels
En 2006, la situation est limpide :
- L’équipe 4G n’a pas d’offres haut débit mobile.
- L’équipe WW a une offre opérationnelle de qualité : victoire par KO.
Aujourd’hui, j’utilise en priorité les solutions Wi-Fi, disponibles dans mon domicile, mes bureaux, les hôtels, les centres de séminaires, les aéroports, bref tous les lieux que je fréquente pour mes activités professionnelles.
J’ai en permanence sur moi un détecteur de réseaux Wi-Fi, bien utile pour trouver, et utiliser “en pirate”, un réseau non sécurisé dans les zones sans hot-spots !
De manière complémentaire, je suis très heureux de pouvoir utiliser Edge, de BouygueTel, en priorité dans le métro et le TGV.
La situation restera stable pendant les deux ans qui viennent ; le clan WW devrait même augmenter son avance grâce à la forte croissance des réseaux Wi-Fi et la couverture WiMax.
Equipe WW : quelles évolutions, à moyen terme ?
Dans l’équipe WW, je vois arriver des évolutions très importantes, qui tournent toutes autour d’une idée forte, et simple :
Et si l’accès à des réseaux Wi-Fi & WiMax devenait universel et à coût nul ou très faible ?
Je prendrais trois illustrations de ce mouvement :
- Le réseau FON Networks, lancé par Martin Varsavsky. Il a pour objectif de créer une communauté de centaines de milliers de particuliers, tous équipés d’un émetteur Wi-Fi FON (proposée à moins de 25 euros). Chaque personne met son réseau à la disposition de la communauté et peut, en échange, se connecter sur tout point d’accès FON. L’Espagne, la France, les USA sont les pays les plus avancés en terme de ‘Fonisation”.
- Une grande majorité de hots-spots, tels qu’hôtels, cafés ou centres de conférences vont basculer sur un modèle gratuit, en considérant que c’est un service de base indispensable. Toute la chaîne Chateauform, un ensemble haut de gamme de châteaux convertis en centres de conférences, est équipée de réseaux Wi-Fi gratuits.
- De très nombreuses villes, San Francisco, Philadelphie, Paris, travaillent sur des projets de couverture WiMax Wi-Fi : l’accès de base sera gratuit, les entreprises et particuliers pouvant payer pour obtenir un service premium.
Mountain View, ville ou Google a son siège, est déjà équipée d’un réseau Wi-Fi gratuit sur toute sa superficie. Une carte, Google Maps évidemment, impressionnante par sa densité, montre les lieux d’implantations des bornes Wi-Fi, utilisables en priorité à l’extérieur.
Mieux encore, un nouveau groupe, Silicon Valley Metro Connect, où sont présents IBM et Cisco, prévoit de couvrir ... toute la Silicon Valley, soit 42 villes sur 4 000 Km2, avec deux niveaux de service de base gratuits.
Comme utilisateur professionnel, ces évolutions me paraissent fort “sympathiques” ; je suis assuré de trouver, facilement, un accès très haut débit sans fil à coût “faible” chaque fois que j’en aurai besoin.
J’allais oublier un “détail” ; mon téléphone Wi-fi VoIP me permettra d’utiliser toute connexion Wi-Fi pour communiquer dans le monde entier sans bourse délier. Des téléphones Wi-Fi Skype sont déjà disponibles en 2006.
ils seront vite généralisés, car les clients comprennent très vite les avantages d’une nouvelle technologie quand elle réduit fortement leurs dépenses. Encore une mauvaise nouvelle pour les opérateurs de téléphonie mobile.
Pendant ce temps là, que nous prépare le clan 4G ?
Très occupés à digérer le faible succès actuel de la 3G et à réfléchir aux possibles standards qui pourraient être utilisés pour construire les futurs réseaux 4G, ils ont pris un très grand retard dans la mise à disposition du haut débit.
Corée du Sud et Japon font exception dans ce panorama.
Je ne mets pas en doute la capacité des grands opérateurs à déployer des réseaux 4G d’ici à 2010. Leur principal avantage sera certainement la possibilité de roaming, permettant de continuer à recevoir les données en se déplaçant.
C’est la dimension économique qui pose problème : après avoir dépensé beaucoup d’argent dans des licences, des infrastructures nouvelles et très coûteuses, comment récupérer son investissement si les clients ne sont plus prêts à payer, car disposant d’une alternative très économique ?
Il ya quelques jours, le troisième opérateur de téléphonie mobile aux USA, Sprint Nextel, a décidé d’investir 2 à 3 milliards de dollars, d’ici 2008, dans des infrastructures ... WiMax ! C’est, à mon avis, un très mauvais signe pour les partisans des solutions 4G.
Résumé
Dans cette guerre sans merci, des dizaines de milliards d’euros d’investissements sont en jeu. Tous ne peuvent pas gagner, surtout dans un contexte de prix fortement orienté à la baisse.
Il sera de plus en plus difficile de commercialiser, cher, de la bande passante haut débit sans fil quand de nombreuses solutions gratuites seront universellement disponibles.
Cette concurrence entre deux familles de solutions est très bénéfique pour les clients, entreprises et particuliers. Que le meilleur, le plus performant gagne !
S’il fallait faire un pronostic, ce qui est toujours risqué et me met à dos la moitié de l’industrie des télécoms, je dirais que l’équipe 4G est... en mauvaise posture !