ACM, ou l’obsolescence du TCO ?
14/11/2006
Pendant les années 90, à l’époque du PC roi, le Gartner Group a popularisé le concept de TCO -Total Cost of Ownership-, alias coût complet de possession de nos célèbres, et coûteux PC.
Et s’il était temps, pour ce vénérable indicateur, de prendre une retraite bien méritée, pour tenir compte de la perte de pertinence des PC dans le monde Web 2.0 ?
Je vous propose un nouvel indicateur, ACM, mieux adapté au Web 2.0 et qui devrait faciliter les choix décisionnels en proposant des calculs simples et clairs.
ACM, quecesa ? Un peu de patience !
TCO : situation actuelle
Le principe du TCO est de prendre en compte tous les coûts, directs et indirects d’un PC ; ceci comprend les matériels, les licences logicielles, l’assistance, le temps perdu par les utilisateurs, les pannes...
Le TCO du poste de travail a fait couler beaucoup d’encre au cours des 10 dernières années, mais c’est imposé comme une mesure utile.
Le consensus actuel est que, dans les grandes organisations, le TCO du poste de travail tourne autour de 300 à 400 euros... par mois.
Maintenant que le prix d’achat d’un PC raisonnable est de l’ordre de 800 à 900 euros, il devient délicat d’expliquer à un dirigeant que son coût complet mensuel est égal au 1/3 du prix d’achat !
Le TCO va encore rendre des services pendant 2 à 3 ans, période qui correspond au créneau de décision relatif à une "éventuelle" migration vers Vista et Office 2007 des PC existants.
Les coûts complets de cette migration, et son impact négatif immédiat sur le TCO, devrait définitivement convaincre les DSI raisonnables, et ils sont nombreux, qu’il est temps de tourner la page du PC obèse.
Dans un texte récent, j’ai repris les chiffres d’une étude réalisée par IDC, sponsorisée par Microsoft, qui démontrait que le passage à Vista allait coûter... 2 800 euros par PC.
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TCO : les limites
J’ai participé dans des dizaines de grandes entreprises, à des discussions sans fin sur le TCO des PC. Les principales limites de l’exercice sont bien connues :
- Le mélange des “choux et carottes” dans les calculs. Comment expliquer, autrement, que chaque cabinet d’études propose des méthodes de calcul différentes
- Des différences inexplicables de résultats. A qui fera-t-on croire que le TCO d’un PC peut varier de 1 500 à 6 000 euros par an selon les entreprises.
- Le manque d’efficacité du TCO pour aider à prendre des décisions qui pourraient vraiment faire baisser les coûts.
Bref, il était temps de changer de démarche !
ACM : un indicateur moderne, Web 2.0
Pour aider DSI et dirigeants à préparer la progressive mutation des Systèmes d’Information (SI) vers des solutions Web 2.0, il est indispensable de disposer d’un indicateur économique utile, permettant de comparer les options en présence.
L’ACM est l’indicateur que je vous propose :
ACM = Access Cost / Month (Coût Accès / Mois)
L’idée, simple et forte, de ACM est de séparer en deux composants clairement identifiés les coûts d’un Système d’Information Web 2.0
- Le coût d’accès aux services Web 2.0 ; c’est ACM
- Le coût de fourniture de ces Services Web 2.0 : c’est ce que j’appelle SCM (Service Cost / Month), qui fera l’objet d’un prochain texte.
L’ACM regroupe deux composants d’une infrastructure : l’objet d’accès et les réseaux :
- L’objet d’accès : Fin 2006, il y aura 2 600 millions de téléphones portables utilisés et environ 700 millions de PC ; en 2010, le nombre de téléphones portables atteindra 4 000 millions. En clair, ceci signifie que le PC Wintel n’est plus qu’un des objets d’accès possibles.
PDA, smartphones, PC fixes et mobiles, Macintosh, PSP (Play Station Portable) ou “Internet Appliance”, la variété des outils d’accès aux services Web 2.0 va exploser au cours des 3 prochaines années.
- Les réseaux : fixes et mobiles, à haut ou très haut débit, de nombreuses familles de réseaux vont permettre d’accéder à des services Web 2.0.
Wi-Fi, Wimax, 4G, xDSL ou FTTH (Fiber To The Home = fibre optique arrivant dans vos domiciles ou vos bureaux), ce sont quelques-unes de ces familles de réseaux. La prochaine “convergence”, mot magique des réseaux, fera que les utilisateurs utiliseront plusieurs familles de réseaux de manière transparente et alternative. Les PDA mixtes, Wi-Fi et Edge, sont des exemples de produits qui vont se généraliser.
C’est dans ce contexte que les CWR, Client Web Riche, dont j’ai déjà parlé dans ce blog, prennent toute leur valeur. Ce sont des outils qui auront un ACM très compétitif !
ACM : méthodes pratiques de calcul
L’avantage principal de l’ACM tient à la facilité et la précision avec lesquelles il peut être calculé. Des chiffres précis, clairs, incontestables peuvent être proposés. Je pense même que les fournisseurs vont bientôt communiquer sur l’ACM de leurs produits.
Les deux composants d’un ACM doivent être mesurés séparément. Il est très possible que le coût d’un accès xDSL varie du simple au quadruple selon les pays ou les zones dans une région.
La seule variable sur laquelle on pourrait avoir des analyses différentes serait la durée de vie utile d’un objet d’accès, PC ou téléphone.
De plus en plus, les opérateurs de réseaux vont proposer aux clients d’inclure dans le forfait l’objet d’accès, comme le font souvent les opérateurs de téléphonie mobile.
L’offre EasyNeuf, que vient d’annoncer NeufCegetel pour le grand public, va tout à fait dans ce sens. Le boîtier d’accès, qui n’est surtout pas présenté comme un PC, est fourni avec le réseau pour un ACM de 40 euros ! C’est l’une des premieres “Internet Appliances” du marché.
J’imagine très bien qu’un DSI construise une grille ACM à destination de ses clients. Pour chaque type d’objet d’accès, et en fonction du ou des réseaux mis à disposition, l’utilisateur connaîtra, à l’avance, son coût mensuel.
Pour les postes d’accès utilisés uniquement dans les bureaux, sur des réseaux d’entreprises, il faudra calculer un coût mensuel de la prise réseau, mais cela ne devrait pas être trop compliqué !
Je propose aussi que ces ACM soient mesurés en dizaines d’euros ; évitons les ACM à 65,39 euros ! Cela transmettrait une fausse illusion de précision dans un domaine où nous sommes encore loin de pouvoir la garantir.
ACM : Avantages pour les entreprises
Le calcul d’une famille d’ACM permettra à toutes les parties prenantes, dirigeants, utilisateurs et DSI, d’utiliser des chiffres clairs et compréhensibles par tous.
Combiner les deux éléments de coûts, objet d’accès et réseau, en un seul chiffre est indispensable. Il serait intéressant, par exemple, de calculer l’ACM d’un Blackberry, utilisé par un dirigeant pour l’accès au seul service de messagerie.
Le prix de revient kilométrique des voitures est un bon exemple de calcul d’aide aux choix des solutions, proche d’une démarche ACM.
- Les dirigeants comprendront, très vite, les différences d’ACM entre les solutions proposées ; ils seront capables d’arbitrer entre les options raisonnables et les approches trop luxueuses ou peu compétitives. Je pronostique que de nombreux vendeurs vont avoir des surprises quand on va utiliser l’ACM comme outil de benchmarking.
- Les DSI pourront, enfin, expliquer clairement à leurs clients quelles sont les options possibles, et leurs coûts réels complets. Dans les entreprises internationales, chaque DSI local pourra calculer ses ACM en tenant compte des spécificités du pays où il travaille.
- Les utilisateurs, face à des choix clairement chiffrés, seront capables de choisir le mix de solutions qui permettra d’optimiser l’ACM de leurs équipes.
Je leur fais confiance pour choisir des options raisonnables, surtout si les ACM sont répercutés dans leurs budgets.
ACM : les limites
Je ne prétends pas que le calcul des ACM soit un remède magique qui va régler, une fois pour toutes, les problèmes de mesure des coûts des SI.
Quels sont les coûts indirects à prendre en compte ? comment gérer les solutions multiréseaux ? Le mois est-il la meilleure échelle de temps ? Faut-il envisager des coûts à l’usage et non pas au forfait ?
L’ACM est plus délicat à utiliser dans des entreprises qui sont encore prisonnières d’architectures “héritages”, où les applications Client/serveur dominent.
Ce n’est pas une raison pour ne pas démarrer les mesures, même si l’on sait qu’elles ne fourniront que des résultats approximatifs. C’est par contre un excellent “accélérateur” du mouvement vers des architectures Web 2.0, car les réductions de coûts potentielles seront mises en évidence.
Je suis persuadé que cette démarche simple, pragmatique, compréhensible par tous, est une véritable réponse aux questions que se posent, depuis des années, tous les dirigeants ; il serait dommage de ne pas essayer de calculer les ACM dans vos entreprises.
Il reste encore beaucoup de questions ouvertes ; j’espère que les échanges que ce texte va déclencher permettront de clarifier la situation.
Et les Services Web 2.0 ?
L’ACM ne mesure que le coût d’accès à des services, et c’est l’un de ses avantages majeurs. Séparer les coûts d’accès des coûts des services, que l’analyserais ultérieurement sous le nom de SCM, est la meilleure façon de clarifier la situation. La fourniture de services est un autre métier, qui obéit à d’autres problématiques.
Quels sont vos ACM ? Quelles sont vos méthodes pour les réduire ? J’espère que, dès 2007, les DSI vont échanger sur ces thèmes.
Et si le Cigref (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises) mettait le calcul des ACM dans ses priorités 2007 ?