DSI : allergie au risque, maladie contagieuse et ... mortelle ?
05/07/2007
Tout DSI digne de ce nom doit, immédiatement, si ce n’est déjà fait, s’abonner au flux RSS du blog de l’un des leurs, JP Rangaswami.
(je n’ose même pas imaginer qu’il existe encore un seul DSI en France qui n’a pas un lecteur de flux RSS sur son poste de travail, que ce soit Netvibes, iGoogle ou un autre !)
Encore quadra, JP Rangaswami est DSI de BT Global Services après avoir été DSI de la banque Dresdner Kleinwort Wasserstein.
Plus de détails sur son CV et ses idées se trouvent sur la page ... Wikipedia qui lui est consacrée.
JP Rangaswami publie plusieurs textes par semaine ; il a récemment abordé le thème de la gestion du risque et m’a donné envie de rebondir sur cette idée. Il est réconfortant de lire qu’iil existe des DSI qui assument la prise de risque dans leur métier !
Innovation, risque, valeur
Depuis 2 ans, je milite fortement pour que les usages collaboratifs du Web 2.0, blogs, wikis, réseaux sociaux et autres outils Bureautique 2.0, largement diffusés dans le grand public, pénètrent la sphère professionnelle.
J’ai rencontré des dizaines de DSI ouverts, intéressés, qui comprennent bien que pointe à l’horizon une forte mutation des usages et qu’il est essentiel que leurs entreprises s’y préparent. J’ai déjà évoqué la réunion d’Opio où le thème avait été mis en avant.
La courbe de Gauss de l’innovation s’applique aussi à ce changement et j’a classé les entreprises en trois familles :
- Innovante, qui a déjà démarré ou prépare des premières réalisations.
- Majorité, qui écoute, mais hésite à franchir le pas.
- Réticente, qui ne comprend même pas les enjeux.
Je voudrais maintenant citer une phrase extraite du blog de JP Rangaswami :
“Without risk there is no learning. Without learning there is no life.
We need to be careful about being too careful.”
(Sans risques, il n’y a pas d’apprentissage. Sans apprentissage, il n’y a pas de vie. Il faut faire attention à ne pas être trop prudent.)
Depuis quelques années, nous vivons trop sous le joug du “principe de précaution”, poussé à l’extrême. Fallait-il aller au concert donné en l’honneur de la princesse Diana, au lendemain des attentats déjoués à Londres ? Oui, a répondu JP Rangaswami, qui y a emmené ses deux filles.
La fiction du risque zéro continue à faire des ravages, y compris dans les systèmes d’information. La manière la plus radicale de tuer tout projet innovant est d’invoquer les risques potentiels ; à ce petit jeu, le thème de la sécurité est le champion, toutes catégories, des tueurs d’innovations.
J’entends encore trop souvent des phrases du genre :
“L’échec n’est pas une option”
Que je traduit par : l’innovation n’est pas une option.
Web 2.0 : risques mesurés
Pour les entreprises appartenant aux familles “innovantes” ou “majorité”, les usages Web 2.0 représentent un excellent domaine d’innovation, où les risques sont mesurés.
Les entreprises ‘réticentes”, et j’en rencontre hélas beaucoup, attendront 2012 pour commencer à se poser la question.
Les risques technologiques sont mineurs.
La majorité de ces outils Web 2.0 ont été testés par des millions d’utilisateurs. Deux familles de solutions existent :
- “On the cloud”, où l’offre est la plus riche. Les lecteurs de ce blog connaissent bien ces outils, Google Apps en étant le brillant porte-drapeau.
- “Behind the firewall”, pour les entreprises qui ne savent pas encore que les solutions “on the cloud” peuvent être sécurisées. SocialText pour les Wikis, Zimbra pour la Bureautique 2.0 ou BlueKiwi (bravo à cette jeune société française pour avoir levé 4 millions d’euros) pour les blogs font partie des solutions existantes de qualité.
Une remarque importante : ces solutions “intranet” n’ont pas subi un baptème du feu aussi intensif que les solutons “on the cloud”, utilisées quotidiennement par des millions de persones
Les risques organisationnels et humains sont mineurs.
Le pire qui peut arriver à un Wiki est de ... ne pas être utilisé. Un blog pour lequel le rythme de publication est très faible, qui ne déclenche aucun commentaire s’arrêtera tout naturellement, sans provoquer de traumatismes.
Les risques opérationnels sont mineurs.
A l’inverse des applications métiers qui peuvent mettre en péril le fonctionnement d’une entreprise en cas d’avaries, l’échec éventuel d’un blog, la perte des données d’un Wiki intranet ne sont pas des catastrophes insurmontables.
Une entreprise qui arrête ses projets de blogs, wikis ou autres innovations Web 2.0 après 6 à 12 mois démontre simplement qu’elle a fait un effort méritoire, mais que la culture interne n’était pas prête.
Rien ne l’empêchera e recommander dans un an ou deux, quand une nouvelle opportunité verra le jour.
Web 2.0 : potentiels majeurs.
Se lancer dans une démarche d’innovation, même à faible risque, n’a de sens que si les bénéfices potentiels sont réels. Le Web 2.0 répond très bien à cette problématique.
Les bénéfices potentiels humains sont majeurs.
J’ai déjà beaucoup écrit sur ce sujet ; mon texte récent sur les CPI, “Cycles perdus d’intelligence” illustre les gigantesques gisements d’efficacité qui existent dans toutes les entreprises.
Les bénéfices potentiels organisationnels sont majeurs.
Partage de connaissance, réactivité, compétitivité, chaque entreprise saura trouver, avec l’aide de ses dirigeants et collaborateurs, les moyens d’augmenter son efficacité opérationnelle en s’appuyant sur les services Web 2.0.
Les bénéfices potentiels financiers sont majeurs.
Bénéfices impressionnants obligent, mes amis banquiers ne paraissent pas vraiment intéressés par des réductions des coûts du poste de travail et des services bureautiques.
À l’inverse, les entreprises industrielles et du secteur de la distribution sont très intéressées quand on leur démontre qu’elles peuvent économiser immédiatement plusieurs millions d’euros par an !
Risque zéro, l’excuse suprême pour ne pas innover.
Il est rare de rencontrer des entreprises qui assument leur position de “réticentes” sur la courbe de gauss de l’innovation.. Lorsque je leur propose des projets pilotes Web 2.0, elles commencent toujours par me dire que c’est une excellente idée, et d’ailleurs, cela fait longtemps qu’elles y pensent !
J’ai, ensuite droit à une litanie de questions que je commence à connaître par cœur :
- Connaissez-vous une entreprise de la même taille, du même secteur, du même pays qui l’a déjà fait ?
- Quand pensez-vous que les outils auront atteint un niveau de maturité suffisant ?
- Savez-vous quand l’industrie se sera suffisamment consolidée pour que les nouveaux leaders soient clairement identifiés ?
- Je vous laisse imaginer les autres questions et excellents arguments qui permettent de se convaincre qu’un projet Web 2.0 a une “dangerosité” maximale !!
Les Systèmes d’information resteront-ils encore longtemps l’un des derniers secteurs où des responsables croient encore au risque zéro ?
La lecture assidue du blog de JP Rangaswami, devrait vous aider, je l’espère, à comprendre que l”annovation”, la négation de l’innovation, est le plus grand de tous les dangers !