Rachat de Postini, Google confirme son ciblage grandes entreprises
14/07/2007
Il y a quelques jours, Google a déboursé 625 millions de dollars, en cash, pour racheter une entreprise peu connue, Postini.
Au-delà de l’événement purement financier, c’est, à mon avis, un signe fort qui confirme que Google prend très au sérieux le marché des grandes entreprises.
Postini ?
Combien d’informaticiens français connaissaient Postini avant cette annonce ?
Postini est un grand acteur d’un marché très spécialisé, la sécurité autour de la messagerie ; antispam, anti virus font partie des services proposés, mais ce ne sont pas, selon moi, ceux qui ont décidé Google à acquérir Postini.
Le service clef, pour Google, est celui qui permet de garantir aux grandes et très grandes entreprises le respect des règles juridiques concernant l’archivage et la conservation des courriels.
C’est par exemple le cas de la loi Sarbanes-Oxley, qui oblige les entreprises cotées aux USA à garder, pendant 5 années, une copie de tous les courriels émis et reçus.
Je prendrais l’exemple d’un cas pratique sur lequel Microcost a travaillé, il y a 2 mois. Une entreprise américaine, de plus de 200 000 salariés, nous a contacté pour savoir si nous pouvions les aider à préparer une évolution de leur solution de courrier électronique actuelle, fournie par l’un des deux grands éditeurs dominants de ce marché, vers une logique SaaS, s’appuyant sur l’offre Google Apps.
Microcost avait complété l’offre de Google par les solutions de ...Postini, justement pour répondre à ces contraintes légales.
Ce projet ne s’est pas concrétisé, pour le moment ; l’une des remarques faites par le responsable américain de ce projet était justement qu’il ne comprenait pas pourquoi Google ne proposait pas, directement, un service d’archivage sécurisé !
Cette réaction, unanime et compréhensible de toutes les très grandes entreprises, a été vite assimilée par Google et c’est traduite par le rachat de Postini ! Bravo pour leur réactivité !
Microcost pourra, très vite, reprendre contact avec cette entreprise pour relancer le projet dans quelques mois !
La gestion de l’archivage des courriels, un challenge complexe
Que faut-il faire de tous les messages, entrants et sortants ? Quid des pourriels ?
Rares sont les entreprises qui ont mis en place des règles précises pour répondre à ces questions.
Dans de nombreuses situations, chaque utilisateur est ‘responsable” de sa boîte aux lettres et la gère en fonction d’un paramètre très basique : quand sa réserve d’espace est épuisée, il efface les messages les plus anciens ou ceux qu’il considère comme les moins importants.
Au vu de la très faible taille moyenne des boîtes aux lettres, souvent comprise en 100 et 300 Mo, le ménage est fait, très souvent.
Les entreprises sont prises entre deux feux :
- En ne gardant que le minimum, elles réduisent les risques liés à des actions juridiques potentielles. De très nombreuses affaires récentes, en particulier autour de Microsoft et de ses procès antitrust, ont montré que les courriels sont de plus en plus la source principale d’information des entités juridiques.
- En ne gardant pas tous les courriels, elles s’exposent à de fortes amendes quand les juges considèrent que c’est une faute grave. Un cabinet d’avocats américain vient d’être condamné pour avoir traité, par erreur, comme pourriel, un message qui ne l’était pas !
Sans attendre que les lois rendent obligatoire la conservation de tous les courriels sur une longue période, les entreprises ont intérêt, immédiatement, à prendre ce problème en main pour être prêtes quand les réglementations vont sortir.
Même si les stratégies choisies ne sont pas exactement en conformité avec les lois à venir, par exemple sur la durée minimale d’archivage, il sera très facile de les adapter et tous les collaborateurs de l’entreprise auront été préparés à ces nouveaux modes de fonctionnement.
Pour tous ceux qui ont un minimum de culture juridique, il est possible, en s'inscrivant sur le site de Postini, de recevoir un excellent document, en Anglais, sur les challenges posés par "Business Guide to Compliance".
Ce dossier est écrit par une avocate du cabinet "Baker & McKenzie", rendu célèbre en France depuis que son ancien DG, Christine Lagarde, est devenue notre Ministre des Finances !
Tendances ?
Des solutions telles que celles proposées par Postini-Google vont rapidement se généraliser dans les grandes entreprises.
Postini, comme Google, dispose de plusieurs centres de calcul dans le monde ; c’est là que sont mémorisés les copies des courriels, qu’ils viennent de solutions intranet traditionnelles ou des solutions plus modernes, SaaS(Software as a Service), telles que Google Apps.
Ceci fera sauter l’une des barrières psychologiques les plus fortes concernant la messagerie “on the cloud”. Les 35 000 entreprises, aujourd’hui clientes de Postini, acceptent de mettre “on the cloud” leurs copies de sécurité de leur messagerie.
Il devient alors plus facile d’accepter que la messagerie elle-même suive le même chemin.
Aujourd’hui, les solutions de Postini sont onéreuses. Dans l’exemple cité plus haut, l’archivage des mails pendant cinq années coûtait plus cher que l’utilisation des Google Apps !
J’espère que l’un des premiers bénéfices de ce rapprochement viendra de la capacité de Google à faire profiter Postini de sa grande expérience dans la gestion efficace et économique de grands centres de calcul.
Ceci devrait permettre de réduire, rapidement, les coûts d’archivage.
Postini propose déjà le même service pour les usages de type Chat ou messagerie instantanée. Je recommande aux entreprises de mettre les deux technologies, email et chat, en conformité en même temps.
Même si les usages du chat sont encore limités dans les grandes entreprises, l’arrivée prochaine des “digital natives” va en accélérer la diffusion ; autant s’y préparer tout de suite, en prenant de bonnes habitudes.
Postini n’est pas une offre qui cible le grand public ou les TPE/PME. En réalisant cet investissement important, les dirigeants de Google démontrent clairement qu’ils ont une vision à long terme du marché des grandes entreprises et qu’ils feront tout ce qui sera nécessaire pour répondre aux attentes, légitimes, des DSI.
Demain ?
Postini repris par Google : c’est une très bonne nouvelle pour les entreprises qui souhaitaient profiter des avantages des solutions Bureautique 2.0 mais qui étaient freinées par ces contraintes légales et de sécurité.
Fin 2007 et en 2008, le mouvement vers Google Apps va s’accélérer :
- Les utilisateurs, qui disposeront d’une solution collaborative performante, seront ravis.
- Les DSI, qui n’auront plus à gérer d’infrastructures de mail, seront ravis.
- Les financiers, qui verront le coût des solutions bureautiques divisé par dix, seront ravis.
- Les juristes, qui disposeront de toutes les garanties nécessaires, seront ravis.
Une question :
Quel fournisseur de solutions Bureautique 1.0 va faire la gueule ?