De quoi vous SAPper le moral !
21/07/2008
SAP ? pour ceux qui ne connaissent pas bien cet éditeur allemand, c’est le fournisseur favori des DSI des grands groupes qui pensent qu’un ERP/ PGI intégré est la meilleure réponse à leurs maux informatiques !
L’informatique, selon saint SAP
Un projet PGI, construit avec SAP :
- Se met en œuvre en quelques semaines.
- Coûte quelques dizaines de milliers d’euros.
- Installe des solutions flexibles, très faciles à modifier.
- Enchante les utilisateurs par l’extraordinaire ergonomie de ses applications.
- Est très mal vu par les grands “intégrateurs” car il ne leur laisse que des miettes d’un petit projet non récurrent.
- Prévoit, d’origine, tous les outils permettant, très facilement, à l’entreprise de remplacer SAP par un autre produit si elle n’est pas satisfaite de la solution.
- S’appuie sur des architectures modernes, full Web.
- Utilise des outils de développements performants tels qu’ABAP.
- Se construit comme un “Lego” très modulaire, dans lequel les composants SAP cohabitent harmonieusement avec ceux d’autres acteurs tels que Microsoft et Oracle.
Au vu de ces nombreux “avantages”, il n’est pas étonnant que l’éditeur SAP ait convaincu un grand nombre de DSI de grands groupes internationaux.
Ce sont des personnes qui savent prendre des bonnes décisions, basées sur d’excellents critères objectifs, et en particulier sur le ROI (Return On Invesments) des projets.
Otages
La réalité des ERP, dont SAP est le plus illustre représentant, est hélas, bien loin du portrait idyllique que je viens de peindre ; j’en ai déjà souvent parlé, là et là.
Les “bonnes nouvelles” s’accumulent pour les entreprises qui sont tombées dans le piège SAP, oserai-je dire la Secte SAP.
Cette semaine, SAP a annoncé à ses clients, tous ses clients, une augmentation progressive, d’ici à 2012, de 30 % des charges de maintenance.
Je ne résiste pas au plaisir de reprendre, avec son autorisation, le dessin publié sur ce thème par François Cointe dans LeMagIT.
“A la demande générale”, après avoir longuement discuté avec les clubs utilisateurs, SAP va unifier tous les contrats de maintenance de ses clients sur la version “premium”, même s’ils ne demandent rien.
Cela me fait penser à une compagnie aérienne, en position de monopole sur une ligne qui obligerait tous les passagers d’un avion à voyager en classe affaires, en payant bien sur le prix correspondant !
La majorité des commentateurs, que ce soit en Français ou en Anglais, utilisent le mot “impose” pour parler de cette décision de SAP.
USF, le Club des utilisateurs SAP en France, a publié un commentaire à ce sujet sur son site.
Il est très mesuré dans son style, mais pose beaucoup de bonnes questions, en particulier sur la qualité accrue du support promise par SAP en contrepartie de cette augmentation.
Ce document référence un texte de SAP qui promettait, il y a moins de trois mois, que les tarifs de maintenance ne seraient pas augmentés ; je n’ai malheureusement pas pu le lire, c
ar il est réservé aux membres de l’USF.
SAP et performances économiques
Utilisez SAP, vos performances économiques seront meilleures que celles de la concurrence ; c’est l’un des arguments chocs des partisans de ces solutions intégrées.
Vous allez dépenser beaucoup d’argent, certes, mais en gagner encore plus !
Est-ce vrai ?
Il y a deux ans, une polémique intéressante c’est déroulée, surtout aux USA, sur le fait de savoir si les entreprises qui utilisaient SAP étaient 32 % plus “rentables” que les autres ; c’est ce que claironnait une célèbre champagne publicitaire “Best run Businesses run SAP”.
Cette campagne devait être efficace, car elle continue.
Dans les mois qui ont suivi, Nucleus, un cabinet d’études indépendant, a analysé les performances financières de 80 entreprises citées sur le site Web de SAP et a comparé leurs résultats avec des entreprises du même secteur.
Les résultats de cette étude étaient... intéressants :
“Les clients SAP sont 20 % moins profitables que leurs pairs !”
+ 32 % selon SAP ; - 20 % selon Nucleus : qui croire ?
La contre-attaque de SAP n’a pas tardé ; deux petits problèmes :
- SAP a refusé de publier ses propres résultats.
- Stratascope, l’entreprise qui avait fait l’étude pour SAP, a confirmé qu’il n’était pas possible de tirer ce genre de conclusions de son étude ! Je cite Bruce Brien, CEO de Stratascope dans un entretien avec Business Week : "They're making an implication that my numbers can't prove, but it's a marketing message”. (Ils en tirent une conclusion que mes chiffres ne peuvent pas prouver, mais c’est un message marketing).
On peut aussi lire avec “profit” les commentaires intéressants qu’ont suscités la publication d’un texte sur cette polémique sur le blog de Nicolas Carr.
Un “improbable” retour à la raison ?
J’espère ne pas avoir trop “SAPpé” le moral des responsables informatiques, clients de SAP, avant qu’ils ne prennent quelques jours de vacances.
Ce célèbre poème de Jean Joachim du Bellay pourrait leur servir de thème de reflexion pendant l’été pour que, “plein d’usage et raison”, ils commencent un voyage de retour pour “desappiser” leur Système d’Information !
Ou comme cestuy là qui conquist la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son age !”