Firefox, Chrome, Safari et Internet Explorer : quatre stratégies
28/09/2008
(Attention, temps de lecture estimé supérieur à 4 minutes !)
L’arrivée de Chrome, le butineur de Google, va-t-elle relancer la “guerre” des navigateurs ?
Pour répondre à cette question, il est important d’analyser la stratégie des quatre grands acteurs de ce marché clef.
Ceci
ne veut pas dire que les autres fournisseurs, tels qu’Opera, n’ont pas
de bons produits ; il faut simplement constater que les “autres”
représentent aujourd’hui moins de 3 % de part du marché des butineurs.
Prenons
l’exemple de PCInpact ; c’est un site fréquenté par des fans de
l’informatique ; il est représentatif des personnes qui ont pu choisir leur butineur favori.
Ces mesures, réalisées quelques jours après l’arrivée de Chrome, le mettent déjà à égalité avec Opera.
Quel butineur, demain, dans les entreprises ?
Dans les entreprises, et en particulier dans les grandes, une majorité de DSI ont maintenu le quasi monopole d’Internet Explorer.
IE 6, l’arrière grand père des navigateurs, plein de courbatures, de traumatismes, d’anachronismes et de de failles béantes de sécurité, abandonné par tous les internautes “normaux”, est toujours dominant dans les informatiques d’entreprises, où il coule encore de vieux jours tranquilles.
IE6, c’est le “Fidel Castro” des dictatures
informatiques, protégé dans son agonie par une baronnie
d’informaticiens pour qui le vent de la démocratie n’a pas encore
soufflé !
Il est urgent de se séparer d’IE6 ; tous les responsables informatiques vont devoir ... prendre une décision !
Quel(s) butineur(s) sera(ont) installé(s) demain dans mon entreprise ?
Le
choix d’un ou plusieurs butineurs n’est pas une décision anodine. Il ne
peut se faire que dans le contexte d’une réflexion stratégique sur
l’avenir et les rôles des postes de travail, outils d’accès aux
Systèmes d’Information de demain.
Pour choisir, il faut comprendre ; essayons de décortiquer la stratégie de Mozilla, Google, Apple et Microsoft avant de décider.
Open Source vs Propriétaire
Les solutions Open Source sont de plus en plus dominantes dans les logiciels d’infrastructures (Apache, Eclipse, Linux...).
Les
butineurs, qui sont aussi des logiciels d’infrastructures, n’échappent
pas à cette règle, comme le montre la spectaculaire montée en puissance
de Firefox au cours des 2 dernières années, avec près de 30 % de part
de marché en France, mi 2008, selon Xiti.
Open Source ou propriétaire, est-ce important ? Oui !
Aujourd’hui, les positions sont claires :
- Mozilla et Google défendent des solutions 100 % Open Source.
- Apple et Microsoft proposent des solutions propriétaires.
L’un
des principes fondateurs des logiciels Open Source est que tout
développeur peut enrichir et améliorer le code source d’un produit;
On pourrait appeler cela un “nivellement par le haut”.
Cette course à la qualité est très bénéfique pour les utilisateurs.
Dans le cas des butineurs, c’est évident, comme le montrent deux exemples :
-
Les deux principaux “moteurs” des navigateurs, au cœur de la
performance et du respect des standards, Webkit et Gecko, Open Source,
sont utilisés par trois des principaux butineurs : WebKit par Apple et
Google, Gecko par Mozilla.
Mais... rien n'empêche un développeur
de Gecko de piocher dans la bibliothèque des améliorations de WebKit,
et vice-versa. Cette saine émulation est bonne pour tout le monde ; une
innovation importante apportée à l’un des moteurs se trouvera, très
vite, dans l’autre.
Microsoft utilise son propre moteur,
propriétaire, dont je crois que personne ne connaît le nom. Rien
n’interdit à Microsoft de reprendre aussi, dans son code, des
composants innovants proposés par WebKit ou GecKo. J’espère, et je suis
certain qu’ils le font.
- Il y a quelques jours, deux journalistes ont publié un article au titre “accrocheur”, pour ne pas dire scandaleux :
“Google steals Microsoft Code...” (Google a volé du code Microsoft”)
C’est un exemple, hélas fréquent, de titre mensonger ; les premières lignes de l’article le confirment d’ailleurs.
En fait Google a utilisé, dans Chrome, des composants “Windows Template Library” Code Open Source de Microsoft depuis 2004 !
C’est
une excellente nouvelle pour les utilisateurs de Windows car un nouveau
navigateur, Chrome, s’adapte mieux à leur OS favori.
Une
dernière remarque : la position d’Apple peut paraître ambiguë ; Safari
est construit avec beaucoup de composants Open Source, dont le “moteur”
Webkit. Le produit final, Safari, lui, est propriétaire, comme Internet
Explorer.
Si ces deux butineurs propriétaires proposent des
innovations (tout peut arriver !), Google et Mozilla ne pourront pas en
profiter rapidement ; dommage pour les internautes.
Résumons : toutes les innovations proposées par Chrome et Firefox peuvent être reprises par IE et Safari ; l’inverse n’est pas vrai.
Performances
Tant
que la principale fonction d’un butineur était d’afficher des pages
HTML (le Web 1.0 !), personne ne se préoccupait des “performances” de
son navigateur.
Techniquement, l’arrivée du Web 2.0 correspond à la
montée en puissance d’usages plus avancés, et l’émergence d’AJAX, avec
JavaScript comme principal langage de développement.
Tous
les partisans du client lourd, Microsoft et Adobe en tête, ne ce sont
pas privés de décrier JavaScript, son manque de performances, sa
lenteur et son inadéquation à des usages professionnels.
Malgré tous ses défauts, JavaScript a un avantage majeur ; il ne demande rien à l’OS du poste de travail !
Heureusement, nos deux champions “Open Source”, Mozilla et Google se sont attelés à ce problème ; il est aujourd’hui... résolu !
Dans
les mois qui viennent, nous assisterons toutes les semaines à des
débats pour savoir qui, de dernière version de SpyderMonkey”, le moteur
JavaScript de Mozilla ou de “V8”, celui de Google, est le plus
performant.
Pour le moment, les ß 3.1 de Firefox et 0.2 de Chrome font à peu près jeu égal.
Là n’est pas l’essentiel ; ces deux outils ont déjà des performances entre 10 et 30 fois supérieures aux anciens navigateurs tels que IE7.
Cette
forte compétition entre les deux champions va continuer à nous apporter
son lot d’améliorations spectaculaires. Vive la loi de Moore appliquée
aux butineurs !
En résumé : les applications JavaScript, exécutées dans un butineur Firefox ou Chrome élimineront toute sensation de lenteur pour l’immense majorité des utilisateurs ; c’est l’objectif recherché !
Promouvoir les “WebApps”
Une Application Web, ou WebApp, est une application qui s’exécute directement dans le navigateur, sans l’aide d’un logiciel complémentaire qui doit être installé sur l’OS du poste de travail.
On est au cœur d’un débat majeur entre les partisans des solutions RDA et RIA :
- RIA : Rich Internet Application : application Web de haute qualité ergonomique qui s’exécute dans le butineur.
-
RDA : Rich DeskTop Application : application Web de haute qualité
ergonomique qui a besoin d’un complément sur le poste de travail.
Silverlight de Microsoft et AIR de Adobe en sont les plus célèbres
representants.
Encore un choix stratégique et difficile !
Ma réponse ne surprendra personne : choisissez RIA ! Pourquoi ?
- RDA a un avantage, transitoire, en termes de performances ; les butineurs modernes vont le réduire à néant.
-
RIA a un avantage stratégique, long terme, majeur : une application RIA
fonctionnera sur tout butineur moderne, sur tout objet fixe ou mobile,
garantissant son universalité et sa pérennité.
Les
applications Web 2.0, RIA, en JavaScript, pour butineur moderne,
représentent un danger mortel pour les OS des postes de travail. Elles
ne les rendent pas inutiles mais, plus grave, irrélevant sans importance.
L’OS continuera à jouer un rôle utile : être un bon gestionnaire des composants matériels du poste de travail.
Comprendre la stratégie navigateur de nos quatre compères !
A la lumière des lignes précédentes, il devient plus facile de décoder la stratégie des quatre principaux fournisseurs de butineurs.
Mozilla :
La
mission de Mozilla est claire : un Web ouvert, respectueux des
standards et accessible au plus grand nombre, quels que soient leurs
outils d’accès.
Firefox est l’outil parfait pour répondre à cette vision “altruiste”.
En
créant un fureteur performant, en obligeant le reste des acteurs à
améliorer en permanence leurs propres outils s’ils veulent rester
compétitif, Mozilla utilise Firefox comme une “arme pacifique” au
service d’un Web de qualité ; personne ne s’en plaindra !
Apple :
Apple
a réussi, brillamment, en développant une stratégie d’”intégration” des
matériels et logiciels pour fournir à ses clients une ergonomie et une
qualité d’usage exceptionnelle.
Quelle place tient Safari dans cette
stratégie ? Il est de plus en plus difficile de répondre à cette
question. Quand Chrome sera disponible sur les Macintosh, dans quelques
mois, les utilisateurs d’Apple disposeront de trois excellents
butineurs, Chrome, Firefox et Safari. Combien garderont Safari comme
butineur principal ?
Safari sur
l’iPhone a été l’une des clefs de sa réussite ; pour la première fois,
naviguer sur Internet depuis un Smartphone n’était plus un supplice.
Que se passera-t-il si Chrome et Safari Firefox sont aussi disponibles sur iPhone ?
En clair, Safari n’est pas stratégique pour Apple ; sera-t-il encore là dans 3 ans ?
Microsoft :
J’imagine
des débats “Cornéliens” au sein des équipes de développement de
Microsoft : autour de la table, des représentants des équipes IE 8,
Silverlight et Windows 7 :
- IE 8 : nous sommes capables de rivaliser en termes de performances et d’ergonomie avec Firefox et Chrome.
- Silverlight : Danger ! vous pouvez marginaliser les avantages de notre plateforme RDA !
-
W 7 : Danger ! Après la “grande réussite populaire” de Vista, merci de
ne pas torpiller notre prochain OS en le rendant encore plus
insignifiant !
Microsoft fera tout ce qui est en son pouvoir pour prolonger l’intérêt d’un client lourd et défendre sa franchise Windows.
Personne ne met en doute la capacité de ses équipes à proposer un très bon butineur ; IE8 en est la preuve.
Le problème est que c’est une stratégie “Loss-Win” et non pas “Win-Win”.
Un trop grand succès de IE8 creusera un peu plus la tombe de Windows.
Je
réitère ma proposition : comme d’excellents butineurs sont déjà
disponibles pour Windows, le plus sage pour Microsoft serait
d’abandonner les développements de nouvelles versions d’Internet
Explorer et de mettre les brillantes équipes internes de Microsoft au
service de ... Firefox.
Je les vois assez mal travailler avec Google sur Chrome, à moins que ... Steve Ballmer ne prenne la direction de ce projet !
Google :
Comme
Mozilla, mais pour des raisons beaucoup plus “business”, Google à
intérêt à ce que les butineurs deviennent de plus en plus performants,
et soient disponibles sur le plus grand nombre d’outils d’accès au Web.
Chrome
est clairement au service de cette stratégie ; une version “légère” de
Chrome est déjà utilisée sur le G1, le premier téléphone utilisant
Android, l’OS Open Source de Google.
Allié objectif de Mozilla, qu’il finance largement, Google n’a pas lancé Chrome comme un butineur anti Firefox, au contraire.
Ces
deux outils Open Source, en concurrence loyale comme peuvent l’être
deux champions sportifs, vont, ensemble, faire progresser encore plus
vite les performances des butineurs.
1 500 millions d’internautes en seront les bénéficiaires ; merci !
Résumé, pour décideurs informatiques
- Le choix d’un butineur est une décision stratégique.
- L’essentiel des applications innovantes et performantes de demain feront un usage intensif de JavaScript.
-
Les objets d’accès au Système d’Information de votre entreprise, très
diversifiés, et en majorité mobiles ont tous besoin d’un excellent
butineur.
- Les butineurs Open Source seront ceux qui proposeront le plus d’innovation.
- Vous avez le choix entre quatre butineurs.
Deux d’entre eux répondent très bien à ce cahier des charges ...