Météo informatique : Tsunami Cloud/SaaS à l’horizon ! quatrième partie : Editeurs de logiciels applicatifs
12/08/2009
“Feuilleton de l’été” Tsunami, suite.
Ce nouveau texte s’occupe des impacts du Tsunami Cloud/SaaS sur les éditeurs de logiciels applicatifs.
Je vais segmenter le marché des logiciels en deux grandes familles :
- Logiciels applicatifs, dans ce texte.
- Logiciels d’infrastructures, dans un prochain document. Il s’agit pour l’essentiel des outils (bases de données, pilotage...) qui s’installent dans les centres de calcul privés des entreprises.
Le marché des logiciels applicatifs, aujourd’hui.
Ces quelques lignes vont “caricaturer” la situation, mais c’est inévitable si l’on va à l’essentiel.
Ce marché est aujourd’hui dominé par deux grands acteurs mondiaux :
- SAP, qui a une offre très complète, pour l’essentiel développée en interne.
- Oracle, qui a beaucoup grandi par acquisitions : Siebel, PeopleSoft, ... La liste des derniers rachats, impressionnante, est disponible sur Wikipedia, ici.
- Les entreprises moyennes et petites ont aussi leurs ERP, dont les plus connus, en France sont Sage et Cegid. Malgré leurs efforts, SAP et Oracle n’ont encore que peu percé sur ce marché.
- Des milliers de solutions spécialisées. A côté de ces logiciels “intégrés”, censés répondre à tous les besoins de gestion d’une entreprise, il existe de très nombreuses solutions spécialisées en gestion commerciale (CRM), financières, ressources humaines... Ce sont, pour l’essentiel, des produits qui correspondent à des “processus” support ou soutien.
Le modèle économique actuel des logiciels applicatifs est bien connu :
- L’entreprise achète une licence du logiciel ; pour l’essentiel, le prix payé est proportionnel au nombre d’utilisateurs et au nombre de “modules” utilisés.
- Un contrat de maintenance annuel est payé par l’entreprise ; le coût de cette maintenance est le plus souvent compris entre 12 et 25 % du prix d’achat initial.
Impacts du Tsunami Cloud/SaaS sur les éditeurs d’ERP grandes entreprises
SAP et Oracle peuvent dormir raisonnablement tranquilles, pendant de nombreuses années ; leurs clients grandes entreprises ne peuvent pas, en moins de 5 à 10 ans, substituer des solutions concurrentes, SaaS ou pas, à leurs ERP intégrés en place.
Ceci n’empêche pas ces éditeurs de voir arriver les solutions SaaS avec beaucoup d’appréhension ! Et ils ont, à long terme, raison de s’inquiéter !
La majorité des DSI de ces grandes entreprises ne sont pas aveugles ; ils découvrent avec “intérêt” que les coûts annuels des solutions SaaS sont de 5 à 10 fois inférieurs à ce que leurs “chers” éditeurs d’ERP facturent !
Ce ne sont pas les annonces récentes d’augmentation brutale du coût de la maintenance par SAP, à 23 %, qui vont les rassurer !
Au cours des 5 prochaines années, le marché des grands ERP intégrés va commencer à souffrir sérieusement de l’arrivée du Tsunami Cloud/SaaS, de plusieurs manières :
Les rares entreprises non équipées ne vont pas se précipiter sur des solutions en “fin de vie”. Plus grave, le marché potentiel des PME va complètement leur échapper, maintenant que des solutions SaaS performantes et économiques sont disponibles.
- Réduction progressive de la “surface” du S.I. couverte par ces ERP. Les grands clients de ces ERP commencent à abandonner des pans entiers de ces solutions au profit d’options SaaS non intégrées. CRM et gestion des ressources humaines sont en première ligne.
Ceci se traduira, rapidement, par une réduction des revenus récurrents liés à la maintenance.
- Proposer des solutions SaaS ?
SAP et Oracle ont, aujourd’hui, deux positions diamétralement opposées :
SAP a annoncé, fin 2007, une solution SaaS, BBD, Business By design ; ce fut un mégaéchec et j’en ai déjà parlé ici.
Larry Ellison, CEO d’Oracle a une double position “intéressante” :
- Officiellement, Oracle ne croit pas à la rentabilité du modèle SaaS.
- Personnellement, il a investi dans deux sociétés SaaS, Salesforce (créée par un ancien d’Oracle), et surtout Netsuite, qui propose un ERP en mode SaaS.
Je ne suis pas certain du succès à long terme de Workday ; j’imagine que les DSI des grands groupes qui auront réussi à se sortir de la “nasse” ERP intégré classique y regarderont à deux fois avant de choisir un autre ERP intégré, même en mode SaaS !
En résumé, l’impact du Tsunami Cloud/Saas sur les grands éditeurs d’ERP intégrés ne sera pas ... fulgurant, mais très progressif. Revenus et marges vont souffrir, mais la marginalisation d’Oracle ou de SAP n’est pas sur mon radar !
Impacts du Tsunami Cloud/SaaS sur les éditeurs d’ERP pour PME
Ces éditeurs sont beaucoup plus vulnérables et le Tsunami Cloud/SaaS va leur faire très mal, et vite !
Ces éditeurs ont deux raisons principales pour s’inquiéter :- L’adhérence de leurs clients à leur ERP intégré est beaucoup plus faible que pour les grandes entreprises. N’ayant pas les moyens de faire les “grosses” bêtises des “grosses” entreprises qui avaient personnalisé à outrance leurs ERP, les PME avaient plus facilement adopté une démarche pragmatique : je prends un ERP tel qu’il est.
- Les solutions SaaS disponibles sont immédiatement utilisables par les PME, qui trouvent aujourd’hui des solutions raisonnables et très économiques, qui ne demandent pas d’adaptations spécifiques.
Les éditeurs d’ERP pour PME sont des entreprises petites ou moyennes ; elles vont avoir beaucoup de mal à s’adapter au modèle SaaS, et pour deux raisons de base.
- Transformer un logiciel client/serveur traditionnel en solution SaaS “multitenant”, ou “multi-locataire” demande de gros investissements pour développer les nouvelles versions.
- Le modèle économique SaaS, avec des revenus récurrents annuels, mais sans versement initial d’une somme importante pour l’achat de licences, va mettre à mal leur trésorerie.
Impacts du Tsunami Cloud/SaaS sur les éditeurs spécialisés
Des centaines d’éditeurs de logiciels proposent des solutions très spécialisées, soit pour un métier donné, tels que les notaires, les dentistes ou les garagistes, soit pour un processus de soutien spécifique.
Basculer dans une logique SaaS est, bien sûr, la seule solution pour ces éditeurs, et ils ne devraient pas avoir trop de mal à le faire.
Beaucoup d’entre peuvent rapidement devenir des leaders s’ils sont capables de proposer les premières solutions de type “PraaS”, Process as a Service, dont j’ai parlé très récemment dans ce blog.
IBM n’est pas un éditeur de logiciels applicatifs ; cette société n’a donc rien à perdre, et tout à gagner, si les entreprises abandonnent des logiciels applicatifs traditionnels pour des solutions SaaS et PraaS, dont beaucoup seront hébergées sur ses propres “clouds”.
Ce sera, bien sûr, une autre histoire quand je parlerai des logiciels d’infrastructures, domaine où IBM est très présent.
Synthèse
Depuis quelques mois, je rencontre de nombreux dirigeants d’éditeurs de logiciels applicatifs ; tous, sans exception, on compris que le Tsunami Cloud/SaaS arrive et va profondément impacter leurs activités actuelles.Beaucoup, par contre, n’ont pas encore pris conscience de l’importance et de la vitesse de ce Tsunami.
Oui la célèbre “crise” a impacté, à court terme, les ventes de logiciels.
De combien aura baissé, d’ici 2015, le CA des éditeurs de logiciels applicatifs traditionnels ? Je vais, à nouveau, me risquer à un pronostic et estimer que cette baisse sera de l’ordre de 30 à 50 %.
Mise à jour du 25 août : Salesforce.com, numéro un mondial du marché SaaS, vient d'annoncer des résultats "intéressants" : augmentation de la vente des licences et croissance du Chiffre d'Affaires de 24 %. A comparer aux chiffres de SAP !