Cloud Computing, Clouds publics, Clouds privés , Retour de la conférence Sys-Con à Santa Clara (Californie)
16/11/2009
(Remarque : texte plus long qu’à l’habitude)
Après la conférence de SIIA, dont j’ai parlé récemment, j’étais aussi invité comme conférencier à la conférence organisée par Sys-Con sur le Cloud Computing.
C’était la quatrième conférence que Sys-Con organisait sur ce sujet en 15 mois, preuve s’il en est de la popularité croissance du Cloud Computing ; la dernière avait eu lieu à Prague, en mai 2009, et j’y avais aussi participé.
La conférence : participants et sponsors
Dix fois plus de personnes, en majorité des utilisateurs ; le contraste était saisissant avec SIIA, très orienté offre. Lors de la conférence d’ouverture, il y avait des dizaines de personnes assises par terre ou debout au fond de la salle...
Les participants pouvaient construire leur programme à la carte parmi 120 exposés au total, sachant qu’il y avait souvent 7 ou 8 présentations en parallèle.
Signe fort de la crédibilité croissante du Cloud Computing, parmi les sept sponsors du plus haut niveau, Platinum ou Gold, il y avait Unisys, Oracle, EMC et Intel.
C’est la première fois qu’un aussi grand nombre d’entreprises «historiques» de l’informatique, présentes sur ce marché depuis des dizaines d’années, prennent la décision d’investir plusieurs dizaines de milliers de dollars pour sponsoriser une conférence Cloud Computing.
On trouvait aussi bien sûr parmi les sponsors les noms des entreprises «nées dans le Cloud», telles que Yahoo!, Akamai Rackspace, 3Tera ou RightScale.
J’étais l’un des seuls européens à parler et je l’ai fait à ... 19h 20, dans la dernière tranche horaire d’une journée qui avait commencé à 14 h et pendant laquelle les participants pouvaient assister à .... pas moins de 8 sessions, un véritable marathon !
J’ai eu des échanges passionnants avec les quelques dizaines de courageux qui avaient choisi de venir à ma conférence ; j’ai pu vérifier que les challenges que rencontrent les promoteurs du Cloud Computing sont les mêmes des deux côtés de l’Atlantique.
J’avais proposé comme thème :
«SaaS & Cloud: Know your ennemies» (connaissez vos ennemis).
J’ai choisi de focaliser ce compte rendu sur trois des conférences parmi celles qui m’ont le plus intéressé. C’est un choix subjectif, mais chacune porte un message fort et aussi différent que possible des autres :
- Unisys sur les Clouds privés.
- Yahoo! sur les outils utilisés pour gérer ses Clouds publics.
- La CIA sur leurs usages du Cloud.
Keynote Unisys : les «nuages privés»
Rich Marcello, en tant que Président de «Technology, Consulting & Integration Solutions d’Unisys, l’un des Platinum sponsors de la conférence, avait la lourde tâche d’ouvrir la journée.
Son exposé était clair, précis, bien illustré et il a défendu avec brio sa vision des «nuages privés», très cohérente avec les métiers d’Unisys et le profil de ses clients, en majorité des très grandes entreprises qui ont des systèmes d’information complexes et recherchent avant tout la fiabilité et la sécurité.
Ses messages sur le Cloud Computing sont très positifs et s’appuient sur les premiers résultats obtenus par Unisys après de lourds investissements matériels et logiciels dans un réseau mondial de Clouds privés.
Il avait, contrairement aux classiques dix ou sept, choisi le chiffre neuf pour identifier les bonnes raisons d’utiliser le Cloud, mais le Cloud... privé :
1 - Le Cloud Computing est sur quand il est bien réalisé.
2 - Le Cloud adapté répond à vos exigences réglementaires et de conformité.
3 - Un Cloud sécurisé est très bien adapté pour des centaines d’applications internes.
4 - Les valeurs du Cloud sont l’agilité métier, les opportunités et la réduction des coûts.
5 - Le Cloud Computing est fiable, quand il est bien «architecturé».
6 - Les Clouds privés, c’est beaucoup plus que la virtualisation.
7 - Le Cloud Computing, c’est avant tout pour les métiers.
8 - Il existe différentes familles de Clouds, pour répondre à des besoins distincts.
9 - Le Cloud Computing est une évolution vers la révolution.
Ce dernier point a été repris par de très nombreux conférenciers, dont Oracle !
(En tant que Président de Revevol, je ne peux que m’en réjouir, car la marque Revevol est la contraction de : «Révolution - évolution» !)
Comme on le voit, il n’y avait dans cet exposé que des messages sérieux, professionnels, à l’attention des responsables de grandes organisations qui, avec juste raison, pensent beaucoup plus métier que technologie.
La conclusion de son exposé, à l’attention des DSI des grandes organisations, contenait 5 messages forts, tous centrés sur la possibilité d’une mise en œuvre rapide de Private Clouds :
- Regardez au-delà de la dimension coût quand vous pensez à un Cloud d’entreprise.
- Une entreprise n’a pas à réécrire ses applications pour migrer vers le Cloud Computing ; pour cela, il faut bien choisir son fournisseur.
- Les Private Clouds sont une voie d’entrée facile vers le Cloud Computing.
- Ne transformez pas la sécurité, la fiabilité ou la conformité en alibis pour ne pas mettre en œuvre des solutions Cloud Computing ; faites le nécessaire pour rendre possible cette migration.
- Ne sous-estimez pas l’avantage concurrentiel qu’il y a lorsque vous alignez vos objectifs informatiques et métiers en déployant le Cloud Computing.
Merci, Rich Marcello ; il y a longtemps que je n’avais pas entendu un discours aussi clair et cohérent sur les atouts d’un «Private Cloud».
La conférence qui suivait était le parfait négatif de celle d’Unisys ; une personne, certainement très compétente, et dont j’aurais la gentillesse de taire le nom, a fait une présentation totalement incompréhensible, au moins pour moi, à l’image des graphiques qu’elle a projetés.
Yahoo! : comment fonctionne un «maxi» cloud public
Les «keynotes» suivants ont permis à deux brillants représentants des équipes techniques de Yahoo!, Shelton Shugar et Raghu Ramakrishnan, de faire découvrir aux participants les extraordinaires challenges techniques auxquels doit faire face une entreprise comme Yahoo! pour gérer efficacement un «maxi Cloud public».
Hadoop, PIG, MobStor, MapReduce, Traffic Server, Sherpa, YQL, Open Cirrus... Vous connaissez ? Vous maîtrisez ?
Ce sont quelques-uns des outils qu’utilisent Yahoo! et beaucoup d’autres leaders du Cloud Public, tels que Google, pour faire face aux demandes de leurs centaines de millions de clients.J’ai retenu quelques chiffres sur Yahoo!, qui donnent le vertige :
- Plus de 20 data centers répartis dans le monde entier. L’un d’entre eux sera alimenté en énergie par .... les chutes du Niagara !- 300 millions d’utilisateurs de Yahoo! mail.
- 600 millions de visiteurs uniques mensuels.
- 35 000 transaction/s gérées par chaque serveur Intel grâce à Traffic Server.
- 400 Terabytes de données envoyées chaque jour.
- 80 Petabytes de données sont stockés dans leur Cloud.
- ...
Les solutions Open Source jouent un rôle prépondérant dans toutes les activités de Yahoo! ; c’est un message qui a été répété plusieurs fois :
«Yahoo! consomme et produit de l’Open Source en permanence».
C’est en particulier grâce à la grande communauté Hadoop, très présente dans les universités américaines, que Yahoo! peut recruter les centaines de professionnels dont il a besoin.
Je ne peux m’empêcher de penser que le rapprochement éventuel entre Yahoo! et Microsoft sera difficile, très difficile, quand on constate à quel point ce sont deux cultures opposées, en particulier sur l’Open Source.
Face à un Yahoo! qui partage ses outils les plus stratégiques avec des communautés Open Source et des concurrents, la liste des logiciels que va utiliser Microsoft dans son futur Cloud Azure, 100 % Microsoft, 100 % propriétaire parait totalement anachronique.
C’est pendant cette conférence que Yahoo! a annoncé qu’il mettait son outil YTS, Yahoo! Traffic Server, qui gère déjà plus de 50 % de ses flux internet, à la disposition de la communauté Open Source en le confiant à la fondation Apache.
Pour traiter les volumes et la variété des données, les outils traditionnels, tels que bases de données relationnelles ou SQL sont totalement inadaptés. Yahoo! utilise son propre langage de requêtes, YQL, MobStor pour les très gros objets de plusieurs Gb, tels que les vidéos, Sherpa pour les données structurées...
Yahoo! a aussi développé un langage spécifique, PIG, pour créer rapidement du code MapReduce, qui s’appuie aussi sur Hadoop.
Yahoo!, avec HP et Intel entre autres, est un membre fondateur d’Open Cirrus, un consortium dont l’objectif est d’améliorer la recherche dans le domaine du Cloud Computing.
Pour conclure ses présentations, Yahoo! a résumé les impacts du Cloud Computing chez eux :
- C’est une migration sur plusieurs années, qui n’est pas terminée.
- Le Cloud Computing, c’est un peu comme un mariage, cela demande un engagement à long terme.
Le jeu en vaut la chandelle !
- Les développeurs sont maintenant capables de déployer de nouvelles applications beaucoup plus vite.
- Le Cloud Computing change la ... culture de l’entreprise.
Le Cloud Computing à la CIA
J’ai aussi beaucoup aimé la présentation faite par la «CIO of CIA», en clair, la DSI de la CIA, sur la vision du Cloud dans cet organisme dont on peut penser que la sécurité fait partie des priorités fortes ! Il n’y avait pas tellement de femmes parmi les conférenciers, même aux USA.
Que pour la CIA, le Cloud privé soit prioritaire vis-à-vis du Cloud public, personne n’en sera étonné, mais il était rafraichissant de l’entendre défendre avec autant d’enthousiasme le Cloud Computing.
Les supports utilisés pendant son exposé étaient pleins d’humour et d’un style très «cool», ce que j’ai beaucoup apprécié.
Elle a terminé sur un thème qui m’est cher :«La revanche des infrastructures» !
Le Cloud Computing, ce sont avant tout des infrastructures Web performantes, fiables et économiques, mise au service d’usages innovants.
Sans infrastructures Cloud, l’innovation en informatique devient très difficile, et les entreprises qui ignorent cette évidence vont le payer cher, rapidement, par une perte rapide de compétitivité.
Clouds privés ou Clouds publics ? De la place pour les deux !
Unisys a fait un exposé passionnant, parlant de ... Cloud Computing.
Yahoo! a fait un exposé passionnant, parlant de ... Cloud Computing.
A part l’expression Cloud Computing, il était difficile de trouver des mots ou des thèmes communs entre ces deux conférences !
Je retire trois conclusions majeures de la comparaison de ces deux exposés :- Les outils logiciels d’infrastructures utilisés dans les Clouds privés et les Clouds publics sont totalement différents, et le seront de plus en plus.
Les Clouds privés seront construits avec des outils logiciels traditionnels ; leur principale valeur est d’améliorer la performance des applicatifs cœurs de métiers existants, sans devoir réécrire les logiciels.
Les Clouds publics ont impérativement besoin de nouveaux outils logiciels, Web natifs, capables de gérer des volumes inconnus dans les Systèmes d’Information des entreprises, même les plus grandes.
- Pour les grandes entreprises, la cohabitation des Clouds privés et publics restera indispensable pendant de très nombreuses années.
(Les entreprises petites et moyennes pourront souvent migrer 100 % de leur Système d’Information sur des Clouds publics).
Dans les grandes entreprises, l’optimisation des Systèmes d’Information existants passera par les deux actions complémentaires suivantes :
- Migrer rapidement leurs applications génériques : participatique, messagerie, processus soutien tels que CRM ou RH en mode SaaS, sur des Clouds publics.
- Optimiser toutes les autres applications cœurs de métiers en mettant en place des Clouds privés.
- Imaginer que l’on peut utiliser de manière indifférenciée les Clouds privés ou publics pour les mêmes usages mènera tout droit à des échecs majeurs.
Les grandes entreprises qui refuseraient, en s’appuyant sur des alibis sécuritaires ou de confidentialité, de migrer rapidement une partie de leur Système d’Information vers des solutions SaaS sur des Clouds publics ne pourront pas optimiser efficacement leurs Clouds privés, car ils resteront encombrés d’applicatifs qui n’ont plus de raison d’y rester.
Cloud Computing, demain ?
J’ai beaucoup de commentaires sur ce blog qui s’étonnent de l’importance que j’accorde au Cloud Computing.
S’il en était encore besoin, ces deux conférences à San Francisco m’ont renforcé dans ma conviction que nous n’en sommes qu’au début d’une révolution majeure, et que ce «Tsunami» prend tous les jours plus d’ampleur.
Ignorez-le, mais à vos risques et périls !