SaaS, Software as a Service : la Révolution Industrielle Informatique des logiciels
23/01/2011
Les solutions logicielles en mode SaaS, Software as a Service, existent depuis plus de 10 ans. Salesforce.com est l’exemple le plus emblématique de cette réussite, ayant démarré en 1990. Il a fallu beaucoup de courage et d’énergie à Marc Benioff, son fondateur, pour réussir son pari, aidé en cela par un investissement de son ancien patron, Larry Ellison, PDG d’Oracle !
Dix ans après, le phénomène SaaS a pris beaucoup d’ampleur, mais reste encore mal compris par beaucoup de dirigeants et de DSI ; il faut dire qu’une grande partie des acteurs historiques du monde du logiciel, qui ont tout à craindre du succès des solutions SaaS, font tout pour entretenir la confusion.
Je vais, dans la suite de ce texte, clarifier au maximum les très grandes différences qui existent entre le SaaS et les solutions historiques.
Rappel : domination actuelle des éditeurs traditionnels
Dans ce graphique, qui regroupe les éditeurs logiciels dont le chiffre d’affaires dépassait, en 2009, le milliard de dollars, il n’y a qu’un seul éditeur SaaS, Salesforce, contre 10 éditeurs traditionnels.
A eux seuls, les deux plus célèbres duettistes de ce marché, SAP et Oracle, représentent 50 % du total des CA.
En apparence, tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes des éditeurs logiciels ; et ci ce n’était que le calme qui précède un gigantesque Tsunami, nommé SaaS ?
Saas, différences avec solutions intégrées actuelles
Ce schéma résume, très bien, les différences fondamentales entre les solutions ERP intégrées traditionnelles et les solutions modernes SaaS.
A ma gauche, SAP, leader des éditeurs historiques :
- Faisons l’hypothèse que SAP à 100 000 clients dans le monde.
- Chacune de ces entreprises dispose d’une version différente, soit 100 000 instances différentes du même logiciel.
- Chaque entreprise met à jour sa version de SAP quand elle le souhaite, le plus souvent quand elle le peut ! On estime qu’environ 15 % des clients de SAP utilisent la dernière version.
A ma droite, Salesforce, leader des éditeurs SaaS :
- Plus de 80 000 entreprises sont clientes de Salesforce.
- Ces 80 000 entreprises utilisent la même instance du logiciel ; dans le jargon des professionnels, cela se nomme «multi-tenant» ou multi-locataires en français. C’est LA caractéristique clef des solutions SaaS : une seule instance du code est partagée par des milliers ou des millions d’utilisateurs du logiciel.
- Ces 80 000 entreprises utilisent toutes la dernière version du logiciel. Quand Salesforce met en œuvre, tous les trimestres, une nouvelle version, tous les clients, disposent, immédiatement, de cette nouvelle version.
A ma gauche, le «bricolage» que nous avons connu jusqu’à présent, pendant l’adolescence de l’informatique.
A ma droite, la Révolution Industrielle Informatique (R2I) déclenchée par l’arrivée des véritables solutions SaaS.
J’ai choisi sur ce schéma les leaders de chacun des deux marchés, SAP et Salesforce. J’aurais pu remplacer SAP par Oracle, Sage ou Microsoft Dynamics ; j’aurais pu remplacer Salesforce par SuccessFactors ou Adaptative planning.
Difficile d’imaginer une innovation de rupture plus forte, au sens de Christensen, dans le monde de l’informatique professionnelle !
Je vous propose, «en toute humilité», d’imprimer ce schéma en format A1 et de l’afficher dans toutes les salles de réunion de la DSI !
Essayons de mesurer les principaux impacts de cette R2I.
Une excellente nouvelle pour les entreprises
Cette révolution Industrielle Informatique des logiciels est une excellente nouvelle pour toutes les entreprises. Pour la première fois :
- Elles seront dans l’impossibilité absolue de commettre la plus grande erreur faite en permanence depuis l’arrivée des progiciels : la possibilité de modifier le code et de créer une version différente, «adaptée» à leurs besoins. Une solution SaaS authentique rend impossible ces modifications du code.
- Elles auront accès, immédiatement, à des solutions industrielles, fiables et économiques.
- Elles bénéficieront, automatiquement, des «meilleures pratiques» dans le domaine couvert par la solution SaaS. Vous aurez beaucoup, mais beaucoup de mal à me convaincre que le CRM Salesforce, utilisé par plus de 80 000 entreprises, ne peut pas répondre à vos attentes.
En résumé, chaque fois qu’une solution SaaS répond raisonnablement bien aux attentes d’une entreprise, elle sera dans 99,99 % des cas la ... meilleure solution.
Un Tsunami pour les éditeurs traditionnels
Le mouvement vers les solutions SaaS est irréversible. Sur ce graphique, les mêmes éditeurs de solutions listés plus haut sont maintenant classés par leur taux de croissance, et les ordres s’inversent !
L’immense majorité des éditeurs qui ont maintenu leur croissance durant la difficile année 2009 sont des éditeurs SaaS. les grands du logiciel traditionnel ont tous des taux de croissance négative.
Et le phénomène ne fait que commencer !
Saugatuck, le cabinet d’études spécialisé dans les marchés du Cloud et du SaaS, dont j’ai souvent parlé, prévoit que 50 % des nouvelles applications seront en mode SaaS en 2014, quand ce pourcentage n’était que de 30 % en 2010.
Bill McNee, son Président, sera d’ailleurs présent, le mardi 15 mars 2011 à Paris, pour présenter ses dernières prévisions lors de la grande conférence annuelle SaaS, organisée par EuroCloud.
(Sous réserve qu’un nouveau «nuage islandais» ne le bloque pas aux USA, comme ce fut le cas en 2010, quand j’ai été amené à présenter à sa place ses analyses !)
Un Tsunami pour les SSII traditionnelles
Tous les matins, des centaines de milliers de jeunes indiens, tous diplomés, arrivent dans d’immenses usines à logiciels gérées par des géants qui ont pour nom Wipro, Infosys, Accenture ou IBM Global Services.
Elles me font penser à ces usines du XIXe siècle, où des milliers de salariés travaillaient eux aussi sur des taches très répétitives.
Ces «malheureux» passent leur temps à modifier les versions sur mesure de SAP ou Oracle Applications pour les dizaines de milliers d’entreprises qui essaient, vaille que vaille, de maintenir à jour «leur version» de ces produits ... légers, économiques et flexibles.
Pour le moment, les affaires vont bien, avec de forts taux de croissance pour tous les grands acteurs. Les embauches se comptent en dizaines de milliers tous les ans ; à titre d’exemple, CapGemini prévoit d’embaucher 15 000 nouveaux collaborateurs en 2011.
Mais que vont-ils devenir, ces millions de «cols bleus logiciels», quand les entreprises clientes vont migrer massivement vers des solutions SaaS, qui rendront leurs activités totalement inutiles. Je rappelle que personne, à part l’éditeur, ne peut modifier une seule ligne de code d’une solution SaaS.
Quelle situation pour le marché des logiciels, en 2015 ?
Cette R2I, Révolution Industrielle Informatique, va totalement bouleverser le monde des ERP et autres produits intégrés, tels qu’on les connait aujourd’hui.
Il n’est pas déraisonnable d’envisager que 50 % de toute l’informatique mondiale sera en SaaS d’ici 2020.
En 2015, nous devrions être à mi-parcours de cette grande mutation.
Le panorama sera très contrasté, selon que l’on regarde la situation avec le point de vue des entreprises clientes ou des fournisseurs :
- Pour les entreprises clientes, cette industrialisation sera très bénéfique pour toutes les parties prenantes : dirigeants, utilisateurs et informaticiens, qui auront découvert, pour la première fois que des solutions d’entreprises peuvent être à la fois de qualité, robustes et économiques.
- Pour les fournisseurs historiques, le panorama est beaucoup moins positif ; éditeurs et SSII qui n’auront pas su anticiper cette mutation vont souffrir, beaucoup souffrir car leurs marchés traditionnels auront fondus et les miettes qui resteront seront âprement disputées entre les survivants.
Il est encore temps, pour les acteurs traditionnels du monde du logiciel, de se préparer à cette mutation, mais ... il faut faire très vite !