Microsoft FUD : ça recommence, ça suffit !
22/04/2011
Un bon coup de gueule de temps en temps, ça fait du bien !
Quand on a connu dans sa carrière informatique plusieurs générations de FUD (Fear, Uncertainty & Doubt ou Peur, Incertitude et Doute en français), on devient très sensible à cette démarche nauséabonde de dénigrement de ses adversaires.
IBM contre Amdahl, mais surtout Microsoft contre Linux, les campagnes de FUD n’ont jamais fait honneur à la profession informatique.
J’espérai ne plus avoir à les subir.
Mauvaise nouvelle, ce cauchemar recommence.
Les faits
Le 11 avril 2011, un très haut responsable de Microsoft (on peut consulter sa bio sur le site officiel de Microsoft), David Howard, Deputy General Counsel (responsable du département juridique) a publié un blog d’une rare violence, en accusant Google de mensonge ; il terminait son long papier par ces mots :
«Open competition should involve accurate competition. It’s time for Google to stop telling governments something that is not true.»
(«Une concurrence ouverte devrait signifier une concurrence exacte. Il faut que Google cesse de dire aux gouvernements des choses qui ne sont pas vraies.»)
Quelle était la raison de son ire ? David Howard accusait Google de mensonge en annonçant que Google Apps, dans sa version gouvernement américain, avait obtenu la certification FISMA.
Rappel : FISMA et Google
J’avais parlé sur mon blog, en juillet 2010, de cet événement important ; pour la première fois, une solution SaaS, Google Apps, avait obtenu la certification FISMA, l’une des plus contraignantes du gouvernement américain.
La réponse de Google est arrivée 48 heures plus tard, sur leur blog officiel.
Ils ont publié un texte très pro, factuel, démontant point à point la thèse de Microsoft.
Je vais résumer en quelques mots la situation :
- Google a obtenu la certification FISMA pour la version «normale» de Google Apps, celle que peuvent utiliser toutes les entreprises, gouvernementales ou pas.
- Google a ensuite créé, à la demande du gouvernement américain, mais sur la même plateforme, un espace séparé spécifique pour les organismes publics, où sont stockées, sur le sol américain, les seules données de ces organismes. C’est donc une solution qui rajoute deux sécurités supplémentaires à la solution déjà certifiée FISMA.
- Comme il y a modification de l’offre, en l’améliorant, les organismes de certification doivent mettre à jour leur certification, mais uniquement au niveau administratif, sans avoir à reprendre le processus.
Je cite cette réponse du GSA (General Service Administration) :
« ...The original FISMA certification remains intact while GSA works with Google to review the additional controls to update the existing July 2010 FISMA certification.»
(«... La certification FISMA originale reste intacte pendant que la GSA travaille avec Google pour analyser les contrôles supplémentaires pour mettre à jour la certification existante de juillet 2010.»)
Je ne suis pas le seul à trouver cette opération de FUD scandaleuse ; de nombreuses personnes ont publié des textes qui demandent à Microsoft de s’excuser.
Tout s’explique : Microsoft et FISMA !
Lorsque le texte de David Howard a été publié, le 11 avril, les solutions Cloud de Microsoft n’avaient pas la certification FISMA.
Surprise, surprise ! Quelques jours plus tard, le 20 avril 2011, Microsoft annonce sur un autre blog officiel qu’ils ont obtenu la certification FISMA pour leur solution Cloud.
Petit détail, cette certification concerne ... BPOS, l’ancienne version de leur offre et non pas Office 365, qui va la remplacer d’ici quelques semaines.
Ces deux produits étant, eux, très différents, Microsoft a aussi annoncé qu’il avait recommencé le processus de certification FISMA pour sa nouvelle offre Office 365.
La proximité de ces deux annonces, c’est uniquement le fruit du hasard...
Question à Microsoft : pourquoi s’abaisser à de telles vilénies
Le principe du FUD est simple, bien rodé : calomniez, il en restera toujours quelque chose ! C’était vrai il y a encore quelques années quand l’instantanéité du Web n’était pas aussi universelle.
Aujourd’hui ? Je commence à penser que le phénomène s’inverse, et c’est une très bonne nouvelle.
Il suffit de rechercher sur le Web «google apps FISMA microsoft» et la première référence qui apparaît est ... la réponse de Google aux insinuations de Microsoft.
Je me mets maintenant à la place d’un dirigeant d’entreprise, d’un responsable informatique qui prépare la migration de ses outils de communication et de collaboration sur le «nuage» et souhaite comparer, comme cela parait logique, les solutions de Google et de Microsoft.
Quelle sera sa réaction s’il découvre cette action de FUD ?
A qui fera-t-il confiance ? A l’entreprise qui ment en dénonçant un «mensonge» ou à l’attaqué qui démontre que cette diatribe n’a aucun fondement ?
Pourquoi ce FUD, ridicule et désagréable ?
Comme le dit l’expression américaine : «Follow the money» !
Dans la même semaine de ce FUD, Microsoft annonçait que son offre Office 365 passait en ß publique ; autre coïncidence ?
De très nombreux auteurs ont déjà publié des textes relatifs à cette annonce, que ce soit Ed Bott, auteur de 25 livres sur les produits Microsoft ou Business Insider, avec un titre très explicite :
«Microsoft essaie d’enterrer Google Apps»
Comme le rappelle cet article, Microsoft doit protéger l’une de ces deux vaches à lait, l’ensemble Office-Exchange-Sharepoint qui a représenté en 2010 un bénéfice de 13,3 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires de 20,7 milliards ; 65 % de marge nette !
Je ne vais pas, aujourd’hui, comparer les deux offres qui vont se battre pour dominer les solutions «participatique cloud», Google Apps et Office 365 ; j’aurai d’autres occasions d’y revenir.
Je m’intéresse plus au combat sans merci de ces deux géants, Microsoft et Google, pour la domination d’un marché de plus d’un milliard de personnes qui toutes, d’ici 2020, auront abandonné leur Outlook favori pour de véritables solutions Cloud, accessibles depuis un simple navigateur.
Les dirigeants de Microsoft sont des personnes intelligentes ; elles ont bien compris que les jours de gloire de leurs solutions actuelles, Office, Exchange et autres Sharepoint sont comptés.
En 2020, ces produits auront rejoint le musée des antiquités informatiques avec les machines à écrire, les fax et autres téléphones à cadran.
J’avais écrit, il y a un an, un texte pronostiquant que la valeur boursière de Microsoft allait être divisée par 4 d’ici 2015 ; beaucoup de commentaires trouvaient, à l’époque, que j’exagérais beaucoup.
Les événements de ces 12 derniers mois, la forte croissance du nombre d’entreprises qui ont choisi Google Apps, ces nouvelles péripéties de la lutte Microsoft - Google confirme que les enjeux sont majeurs ; mes prévisions pour 2015 restent plus que jamais d’actualité.
Google Apps frappe au talon d’Achille de Microsoft, dans le défaut de leur cuirasse ; ils sont très vulnérables sur des solutions dont toutes les entreprises, même les plus grandes, peuvent se libérer en moins de 6 à 18 mois.
Que Microsoft soit très inquiet, qu’il essaie de protéger sa domination actuelle, qu’il imagine de nouvelles solutions pour se défendre, oui, c’est normal, c’est sain et cela va obliger la concurrence à être encore plus compétitive.
Toutes les organisations, publiques ou gouvernementales, ne peuvent que se réjouir de voir une vraie concurrence s’établir sur un marché qui, de facto, était devenu monopolistique.
Est-ce une raison pour recommencer à utiliser le FUD ? NON !
Ethique et TIC
Dirigeant, DSI, vous allez choisir le fournisseur qui va vous accompagner pour votre première incursion sur le Cloud ; il sera votre partenaire pendant de nombreuses années.
Faire preuve d’agressivité commerciale pour gagner un client, plus souvent pour ne pas le perdre, quoi de plus normal !
Cette saine compétition ne doit pas être entachée de coups tordus, d’une absence d’éthique professionnelle.
Aujourd’hui, Google et Microsoft ne jouent pas dans la même cour, et c’est dommage.
Pitoyable, minable, affligeant, mesquin, navrant ... choisissez l’expression qui vous parait la plus appropriée pour définir ce comportement de Microsoft, au plus haut niveau.
J’ai presque de la compassion pour eux !