« PC centric » ou « Cloud centric » : deux visions de l’avenir de l’informatique
07/05/2013
Deux visions de l’avenir de l’informatique professionnelle vont s’affronter au cours des 5 prochaines années. Les entreprises, les fournisseurs vont devoir choisir leur camp et ...« Vae victis », malheur aux vaincus ! Une profonde redistribution des positions dans le hit-parade des leaders aura lieu au cours des 5 à 10 prochaines années.
Le poste de travail, au cœur de l’avenir de l’informatique
C’est la situation dominante actuelle, et elle l’est depuis le début des années 90. C’est un monde rassurant, que nous connaissons tous, avec des fournisseurs historiques qui ont pour noms Microsoft, Apple, HP, Dell...
Posez demain matin la question suivante à un informaticien de votre entreprise : j’ai besoin d’une nouvelle application : pouvez-vous me la proposer ? Pour quel poste de travail ? Dans 95 % des cas, il vous dira oui, et elle sera disponible pour un... PC Windows.
Dans cette vision « legacy » de l’informatique professionnelle, le poste de travail, Wintel dans l’immense majorité des cas, est le « centre du monde IT »
Les applications résident sur le poste de travail, une partie des données sont mémorisées sur le poste de travail.
Lorsque le « Cloud » est utilisé, c’est pour « sauvegarder » les données du poste de travail et permettre de les retrouver... sur d’autres postes de travail. La solution iCloud d’Apple illustre très bien ce paradigme : je peux retrouver mes données, ma musique, mes photos, sur mon Macintosh, mon iPhone ou mon iPad.
Un « cas » emblématique : Microsoft Office
La suite Office de Microsoft est l’exemple le plus célèbre de ces applications « lourdes » installées sur un poste de travail, car c’est de loin le plus répandu. A la fin de 2012, elle était présente sur plus d’un milliard de postes de travail, comme le rappelle cette slide tirée d’une présentation faite par Microsoft lors de l’annonce d’Office 2013.
En 2013, pour une grande majorité de DSI, de dirigeants et d’utilisateurs, un monde sans Office sur le poste de travail est tout simplement inimaginable !
Entre 1990 et 2010, pendant 20 longues, très longues années, Office était disponible sur les deux plateformes hégémoniques du marché des PC, Windows et Mac OS, avec des versions différentes, mais raisonnablement proches.
Aujourd’hui, ce monde « bipolaire » n’existe plus ! Il a été remplacé par un nouveau monde ou la variété des OS sur les postes de travail, à 80 % mobiles, devient la norme : Windows 8 Pro, Windows Phone, Windows 8 RT, Mac OS, iOS, Android, BB10, ChromeOS, FirefoxOS, les Linux, Tizen, Ubuntu mobile et... beaucoup d’autres.
Dans ce nouveau monde, aux plateformes logicielles de plus en plus nombreuses, Microsoft Office ne peut plus s’imposer sur les postes de travail ! Malgré sa puissance financière et la qualité de ses équipes de développement, Microsoft ne peut plus proposer une version d’Office sur toutes les principales plateformes d’aujourd’hui et de demain.
L’exemple de Windows 8 RT est emblématique de ce challenge. Comme Windows RT est construit pour un processeur ARM, non compatible Intel, Microsoft a du redévelopper une nouvelle version, différente, d’Office. Elle n’est pas plus compatible avec la version historique, pour PC Wintel, que peuvent l’être OpenOffice ou LibreOffice.
Même sur les deux plateformes dominantes du monde mobile, iOS et Android, Microsoft annonce qu’une éventuelle version d’Office n’arrivera pas avant... la fin de l’année 2014.
Si je pouvais me permettre de donner un conseil à Microsoft, ce serait de ne pas dépenser des dizaines de millions de dollars pour développer des versions d’Office pour iOS et Android ; ces investissements sont voués à l’échec.
Grande entreprise, je souhaiterais continuer à utiliser Office comme solution universelle de bureautique traditionnelle. Il faut donc que je demande à Microsoft de m’en proposer aussi une version pour :
- iOS iPhone
- iOS iPad
- Android smartphones
- Android tablettes
- Windows Phone 8
- Blackberry 10
- Tizen
- Firefox OS
- Ubuntu Mobile
- ...
Réaliste ? Non !
Ce que je viens d’évoquer pour Office, la plus répandue des applications « PC centric », proposée par Microsoft, l’un des éditeurs les plus riches, les plus puissants du marché, je devrais aussi le demander à tous les éditeurs des logiciels « legacy » que j’avais l’habitude d’installer sur les PC Wintel de mon entreprise.
La vision « PC centric » a du plomb dans l’aile !
Le Cloud, au cœur de l’avenir de l’informatique
Dans cette nouvelle vision du monde de l’informatique, les applications et les contenus résident dans le « nuage », ensemble de serveurs distants accessibles depuis des réseaux filaires et sans fil.
Le poste de travail, smartphone, PC, Mac, tablette est en priorité un outil qui permet d’accéder aux applications et aux contenus, depuis un navigateur moderne.
Ceci ne veut absolument pas dire qu’il n’a aucun rôle à jouer, au contraire :
- HTML5 est l’une des clefs de cette révolution : des applications haut de gamme, multimédia, peuvent être développées sur le Cloud et s’exécuter sur les postes de travail. La variété et la qualité des applications qui sont déjà disponibles en HTML5 sont impressionnantes. La célèbre application Appgratis qui avait été « lourdée » de l’AppleStore par Apple revient avec une version... HTML5 !
- La puissance de calcul locale est mise à profit par les applications « cloud » pour afficher plus rapidement les images, les vidéos.
- Les ressources locales telles que GPS, accéléromètre ou cartes graphiques sont utilisables par les applications Cloud qui sont capables d’en détecter la présence.
- La mémoire locale des postes de travail, de quelques Go, est suffisante pour permettre un usage raisonnable en mode « off line », non connecté, dans les rares cas où un réseau n’est pas disponible.
Tout n’est pas encore parfait dans ce monde Cloud, mais la vitesse à laquelle les innovations arrivent est impressionnante. Tous les freins actuels disparaissent, un par un, et très vite. J’en prendrai deux exemples récents :
- Le protocole WebRTC, qui permet de déployer des applications de communication haut de gamme, voix, chat, vidéochat, directement dans le navigateur, sans avoir besoin d’installer un plug-in ou une application. Je peux démarrer une conférence vidéo depuis mon navigateur Chrome sur un Macintosh et dialoguer avec une personne qui utilise Firefox sur sa tablette Android. On retrouve l’universalité du Webmail, mais pour toutes les fonctions de communication. Quel est l’avenir des fournisseurs d’applications locales de communication, telles que Skype, dans ce monde Web natif ? Une bonne question...
- Début mai 2013, Brendan Eich, créateur de JavaScript il y a une vingtaine d’années et aujourd’hui Chief Technology Guru de Mozilla, a fait une démonstration impressionnante d’une nouvelle technologie de streaming, ORBX ; cet article de CNET news en fait une présentation très claire et contient de nombreux liens permettant aux personnes intéressées d’en savoir plus. Lors de sa démonstration, les flux vidéos étaient affichés en 1080 à 60 images par seconde sur Firefox et « seulement » 1080, à 30 images par seconde, sur la version actuelle de Chrome.
Quels acteurs, quels vainqueurs ?
Nous connaissons tous les leaders de l’ancien monde, « PC centric » : Apple, Dell, HP, Microsoft, Oracle, SAP.... Ils représentent encore aujourd’hui l’essentiel du chiffre d’affaires de l’industrie informatique.
Tous, avec plus ou moins de bonne volonté, ont compris qu’il fallait prendre le virage vers un monde « Cloud Centric » ; iCloud d’Apple et Skydrive de Microsoft en sont deux illustrations.
Les acteurs natifs de ce nouveau monde « cloud centric » ont pour noms Amazon, Box, DropBox, Evernote, Google, Salesforce...
Ils représentent encore une petite partie du marché de l’informatique, mais leurs parts de marché augmentent très vite. Salesforce vient de prendre la première place du marché des solutions CRM devant... SAP.
Dans ce combat des anciens et des modernes, le résultat final n’est pas encore connu ; par contre, je peux établir un pronostic raisonnable :
- Toutes les solutions historiques, des fournisseurs historiques, vont être balayées par cette migration d’un monde « PC centric » vers un monde « Cloud centric ».
- Les fournisseurs historiques qui s’adaptent rapidement et intelligemment auront encore leur mot à dire. J’applaudis les dirigeants de SAP quand ils rachètent des solutions SaaS comme SuccessFactors ou Ariba et... qu’ils confient la direction de cette entité cloud à Lars Dalgaard, le fondateur de SuccessFactors. Je suis beaucoup moins impressionné quand je vois Oracle racheter Taleo, le concurrent de Successfactors, et essayer de « l’intégrer » dans son offre existante.
- Les fournisseurs « cloud natifs » ont une longueur d’avance et vont la garder. Le risque principal actuel vient de leur rachat éventuel par des fournisseurs historiques, qui en ont, encore, les moyens et qui en profiteraient pour « tuer » leurs concurrents.
Synthèse
Ce sont vraiment deux « visions » différentes du futur qui s’affrontent et qui vont profondément orienter la stratégie des entreprises d’ici à 2020.
La migration d’une vision « PC centric » vers une vision « Cloud centric » est inéluctable, pour toutes les entreprises, pour tous les fournisseurs de solutions informatiques.
La seule question pertinente à se poser est : « Quand ? »
- En 2013, pour rester dans le peloton de tête des entreprises innovantes.
- En 2020, pour être certain de faire partie des entreprises retardataires.