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Combien d’informaticiens professionnels, demain ? L’urgence ! Anticiper 2021+, dès aujourd’hui. Deuxième partie : s’y préparer

 

« On surestime toujours les impacts à court terme d’une technologie et on sous-estime ses impacts à long terme »  (Roy Amara)

Downsizing greenDans la première partie de cette analyse, j’ai annoncé que le nombre d’informaticiens professionnels travaillant dans les organisations de toutes tailles se réduira fortement d’ici 2021+.

Dans cette deuxième partie, je vous propose un plan d’action, ambitieux et réaliste, permettant d’anticiper ces mutations et ne pas laisser des milliers d’informaticiens sur le carreau après 2021.

Il faut pour cela que toutes les structures concernées prennent conscience du challenge et commence à agir, immédiatement.

 

Cloud Computing et R2I, facteurs clefs de compétitivité

Une informatique à faible coût, fiable, flexible, les avantages de la R2I et du Cloud Computing sont des éléments clefs de la compétitivité des organisations... utilisatrices de ces solutions industrielles. C’est l’une des idées clefs que je défends depuis longtemps dans ce blog.

This way that wayLes professionnels de l’informatique ne doivent jamais oublier qu’ils sont au service de leurs clients, entreprises et grand public. Ils sont placés devant un dilemme intéressant :

  • Promouvoir une informatique innovante, qui améliore la compétitivité des organisations de toute taille, privées et publiques, mais qui demande... moins d’informaticiens.
  • Défendre des solutions anciennes, en fin de vie, pour protéger leurs emplois actuels.

C’est un débat permanent, que chaque révolution technique relance.

Logo 2021+ copieJ’ai choisi 2021+ comme date de référence pour deux raisons principales :

  • La R2I, Révolution Industrielle Informatique sera une réalité.
  • C’est une échéance suffisamment lointaine pour que des décisions, prises aujourd’hui, permettent d’éviter des catastrophes humaines.

Entreprises utilisatrices, fournisseurs, sociétés de services, monde de l’éducation et monde politique doivent, dans leurs sphères respectives de compétence, passer à l’action. Comment ?

 

Informatique interne des organisations

CIO LogoLes DSI sont aujourd’hui les premiers employeurs d’informaticiens professionnels, qu’ils soient salariés ou détachés par des sociétés de services. L’évolution du nombre et du profil des informaticiens dont elles auront besoin en 2021+ est le principal paramètre qui déterminera l’évolution du marché du travail pour les informaticiens.

Action prioritaire : définir sa stratégie Systèmes d’Information 2021+

En quelques semaines, toute organisation, quelle que soit sa taille, peut réfléchir à sa stratégie S.I. long terme et définir une « photographie » de ce que pourrait être son S.I. à partir de 2021+.

Strategy 5Il ne s’agit bien sur pas de refaire un schéma directeur à l’ancienne, mais d’essayer d’anticiper les grandes mutations en répondant à des questions simples telles que :

  • Quelles seront les applications que j’aurai basculées en SaaS. L’important c’est la décision, et ceci ne veut pas dire que l’on a immédiatement besoin de faire le choix de la solution.
  • Quelles seront les applications historiques (Cobol, SAP...) qui seront encore utilisées en 2021+.
  • Quelles seront la taille et la nature de mon centre de calcul privé, si je décide d’en garder un en 2021+. Je vous renvoie à mon texte récent sur l’amaigrissement des centres de calcul existants.
  • Est-ce que j’aurai basculé sur une stratégie BYOx (Bring Your Own...) pour les postes de travail, les réseaux mobiles, les applications génériques...
  • Quelle est la part de mes activités métiers qui aura basculé en informatique libre-service, permettant à mes clients de travailler avec mon entreprise en direct.
  • ...

Le nombre et les profils des professionnels de l’informatique nécessaires pour faire fonctionner cette « informatique industrielle 2021+ » seront alors raisonnablement faciles à estimer.

50 %Cette réflexion stratégique peut être terminée en 2014. La DSI disposera de plus de sept années pour faire évoluer ses effectifs existants, tant internes qu’externes, vers la cible définie pour 2021+. C’est une période suffisante pour que la DRH de l’informatique puisse faire intelligemment son travail et garantir une évolution non traumatique des équipes informatiques, qui perdront en moyenne 50 % de leurs effectifs.

 

Fournisseurs informatiques

Car manufacturer logoDans un monde industriel, ce sont les fournisseurs qui font travailler le plus de professionnels du secteur ; il y a plus de collaborateurs pour fabriquer des voitures chez Renault ou Ford que dans les entreprises qui achètent ces voitures. Ces grandes industries donnent naissance à toute une série d’activités de « services », entretien, dépannage, vente d’accessoires... qui emploient aussi de nombreux professionnels du secteur.

Open Source logoLa même évolution va se produire quand l’informatique va passer d’un monde artisanal à un monde industriel d’ici à 2021+.

Informaticiens, vous êtes intéressés par l’innovation, les technologies de pointe, majoritairement Open Source (MapReduce, Hadoop, OpenFlow, Open Compute Project...) ? Les grands fournisseurs industriels d’infrastructures et de solutions SaaS seront de plus en plus vos futurs employeurs !

Pour les informaticiens en recherche d’un emploi, il y aura deux grands groupes de fournisseurs :

  • Les historiques qui vont essayer de bloquer l’évolution vers la R2I le plus longtemps possible : des emplois à court terme, des risques pour 2021+.
  • Les nouveaux acteurs, Cloud et R2I natifs : peu d’emplois à court terme, car ils sont souvent plus petits et plus efficaces que les historiques, mais de gros potentiels à l’horizon 2021+.

 

Sociétés de services informatiques

Les informaticiens commencent souvent leur carrière dans des sociétés de service.

Une grande partie de leurs collaborateurs sont détachés dans les entreprises pour des activités artisanales, « pré-industrielles ». Ces entreprises clientes qui réduisent le nombre de collaborateurs de la DSI vont en priorité arrêter ces contrats de délégation, à faible valeur ajoutée, pour protéger l’emploi de leurs collaborateurs permanents.

Elles gèrent aussi de grands ateliers artisanaux de paramétrisation de progiciels historiques tels que SAP ou Oracle Applications ; ils emploient près d’un million de personnes en Inde, aux Philippines et autres pays à bas coût salarial.

Typing Pool Software factoryD’ici à 2021+, la R2I aura, sur ces ateliers artisanaux, le même impact que celui de Word sur PC a eu sur les pools dactylographiques dans les années 80.

C’est donc dans ces sociétés de services informatiques que la R2I aura l’impact le plus négatif sur l’emploi des informaticiens ; leurs deux activités qui utilisent le plus de salariés vont se réduire comme peau de chagrin.

Start buttonCes sociétés de services informatiques ont encore un rôle important à jouer, dans des activités à forte valeur ajoutée, innovantes, pour lesquelles les entreprises n’ont pas les compétences ou la taille critique nécessaire pour investir. 

Pour beaucoup de jeunes informaticiens qui commencent leur carrière, ce sera un excellent point de départ ; ils pourront y acquérir des compétences pointues pour lesquelles la demande est forte.

 

Monde de l’éducation

Tablets in ITLe monde de l’éducation a un rôle essentiel dans la préparation de 2021+ ; il y a deux questions simples à se poser :

  • Quels seront les « emplois d’avenir » dans l’informatique des années 2021+ ?
  • Quelles seront les « compétences utilisateurs » dont nous aurons tous besoin, sans être informaticiens ? En 2021+, encore plus qu’aujourd’hui, nous serons en contact permanent avec l’informatique dans nos activités professionnelles.

Il est peut-être plus facile de poser la question « négative » : quels seront les métiers sans avenir, les compétences inutiles en 2021+ ? 

Collèges, lycées et universités sont tous concernés par la question des compétences utilisateurs. 

La réponse est simple : tout se passera dans le Cloud à partir de 2021+. La « convergence » grand public et professionnel sera totale et les frontières entre ces deux mondes de plus en plus ténues.

En France, la situation est catastrophique, et je crains fort que les choses ne s’améliorent pas. 

Old Typewriter = OfficePlus de 95 % des établissements d’enseignement continuent à apprendre à travailler avec la « machine à écrire du XXIe siècle », Office ou ses équivalents Open Source ! En 2012, le Ministère des Affaires Etrangères a osé mettre son véto au déploiement de Google Apps dans les lycées français à l’étranger, car cela mettait en danger la « sécurité nationale » ! Ce serait risible si ce n’était pas dramatique.

A l’inverse, un grand nombre de pays en émergence, Maroc, Malaisie... ont fait le choix des solutions Google Apps for education et Chromebooks pour sauter une génération et préparer directement le monde 2021+.

Petit rappel : la version éducation de Google Apps demande un investissement majeur pour l’Education Nationale : 0 € par personne !

Toujours sur le Cloud, toujours à  coût zéro, des outils exceptionnels, comme Coursera, permettent d’accéder à des milliers de formations.

Dans l’enseignement supérieur, des établissements qui échappent à la tutelle directe du Ministère de l’Education, ESSEC, HEC et beaucoup d’autres, ont pu faire le choix de solutions Collaboratives Cloud pour mieux préparer leurs étudiants au monde du travail dans lequel ils vont rentrer.

Que faut-il enseigner, aujourd’hui, pour préparer les informaticiens professionnels de 2021+ ?

C’est une question que devraient se poser tous les organismes qui proposent de former les informaticiens de demain ; le font-ils ? Je n’en suis pas certain.

Il existe heureusement des signes encourageants ; en 2012, l’ISEP a lancé un Mastère Cloud Computing et j’al l’honneur d’y animer les séances d’introduction aux concepts clefs.

Old fashioned teachingCe que je crains, ce que je vois trop souvent, est que le contenu des enseignements est basé sur les compétences actuelles des enseignants, qui n’est plus toujours d’actualité... 

Il est aussi, et c’est grave, influencé par les grands fournisseurs historiques qui financent ces établissements et font tout pour pérenniser leurs outils en fin de vie en obligeant les étudiants à acquérir des compétences sans avenir.

Dans ce domaine aussi, tous les organismes d’enseignement de l’informatique devraient mener une réflexion stratégique sur les compétences qui seront nécessaires pour réussir une carrière en informatique en 2021+.

 

Monde politique

Palais-elysees
Quelles seraient les priorités des politiques pour mettre leur pays sur les rails du succès de la R2I pour 2021 ?

J’en vois au moins quatre :

  • Accélérer la mise en œuvre d’un réseau haut débit, à dominante 3G/4G et abandonner le projet actuel très haut débit fibre optique, économiquement démentiel et techniquement déjà dépassé, comme je j’avais écrit il y a quelques mois.
  • Transformer les systèmes d’information actuels du secteur public en donnant la priorité aux véritables solutions SaaS et Cloud Public sans attendre dix ans pour démarrer. C’est d’autant plus important que le secteur public est l’un des plus grands employeurs d’informaticiens et que la vitesse d’évolution de ces populations n’est pas la plus rapide du monde.
  • Donner des directives claires au Ministère de l’Education (voir plus haut).
  • Enfin et surtout, assurer la promotion et aider au déploiement de solutions innovantes, Cloud et R2I, dans toutes les entreprises sans vouloir, avant, créer des offres « souveraines » en infrastructures et en applications.

Est-ce que je pense vraiment que ces quatre axes d’action deviendront réalité ? Non, mais on peut toujours croire aux miracles, même en informatique !

 

Résumé : informaticien, en 2021+

Je rencontre beaucoup d’étudiants ou d’informaticiens qui me posent la question : est-ce que l’informatique est un métier d’avenir ? Ma réponse est claire : oui !

Logo Big dataSi vous êtes passionné, très compétent sur des techniques de pointe, alors, oui, foncez ! Vous aurez des salaires élevés et des carrières passionnantes, en priorité chez les acteurs de l’offre.

Par contre, passez votre chemin si vous cherchez un travail à faible valeur ajoutée, dans une grande DSI ou chez un grand prestataire de services. Ces métiers artisanaux n’auront plus aucune raison d’être, à partir de 2021+.

Dans la troisième partie de cette analyse, je répond à deux questions : quels sont les emplois d'avenir ? Où ?


Combien d’informaticiens professionnels, demain ? L’urgence ! Anticiper 2021+, dès aujourd’hui. Première partie : les faits

 

Storm beachA la veille d’une période qui va permettre aux informaticiens de prendre quelques jours ou semaines de vacances, je risque, par ce billet, de gâcher une partie de leurs vacances ; je m’en excuse par avance !

Cela fait plus de 30 années que je travaille dans le monde de l’informatique et j’ai vécu les grandes mutations qui ont secoué notre industrie sur cette période, le PC, Internet... Je suis aujourd’hui profondément persuadé que la R2I, la Révolution Industrielle Informatique qui a démarré est, de très loin, la plus profonde mutation que va connaître notre industrie et qu’elle aura des impacts majeurs sur les métiers et l’emploi des informaticiens.

 

Pourquoi ce cri d’alerte ? Pourquoi maintenant ?

Conférence Louis Naugès suisseAu cours de ces derniers mois, j’ai animé des dizaines de séminaires, inter et intra entreprises, rencontré des centaines d’informaticiens devant qui je présentais les potentiels et les challenges du Cloud Computing et de la R2I, la Révolution Industrielle Informatique.

Dans l’immense majorité des cas, les messages sont bien passés, bien reçus et considérés comme intéressants et pertinents. 

Par contre, dans les échanges qui suivaient mes interventions, j’ai été frappé par le calme « olympien » d’un grand nombre de mes interlocuteurs, comme s’ils ne se sentaient pas vraiment concernés par les révolutions que j’annonçais.

Je n’avais probablement pas expliqué suffisamment, pas insisté avec la force nécessaire sur le côté inéluctable, brutal et rapide de ces (r)évolutions.

 

2021 +

Logo 2021+Je vous propose de vous projeter dans la prochaine décennie, dans les années 2021+, et de visualiser ce que seront les grandes caractéristiques de l’informatique à cette époque.

Pourquoi 2021+ ? C’est suffisamment loin pour que l’on ne soit pas prisonnier des contraintes à court terme. C’est suffisamment proche pour que l’on puisse, raisonnablement, anticiper les grands changements.

Quelle sera la situation, à partir de l’année 2021 :

Google-glass-in-white

  • 6 milliards de personnes seront équipées d’objets mobiles connectés en permanence.
  • Nous serons équipés de multiples smartphones, tablettes, PC portables et de nouvelles générations d’objets mobiles « wearable », tels que les Google Glass ou les montres iWatch, tous commercialisés à des prix très bas.
  • 50 milliards d’objets, voitures, capteurs, distributeurs... seront connectés.
  • Les réseaux sans fil haut débit et très haut débit, disponibles partout, auront des vitesses supérieures aux attentes de la grande majorité des utilisateurs. 
  • Les fournisseurs industriels d’infrastructures proposeront toute la puissance de calcul et la capacité de stockage dont on aura besoin à des coûts extrêmement compétitifs.
  • Plus de 80 % des besoins applicatifs, professionnels et grand public, seront couverts par des solutions industrielles SaaS, Software as a Service, de très haute qualité, à des coûts très bas.

On peut bien sur contester certains de mes chiffres, mais l’essentiel est de comprendre, d’accepter les ordres de grandeur de mes prévisions, que j’ai voulues conservatrices.

Vous n’êtes pas convaincu ? 

Global phones subscribtions:populationCe graphique montre que le nombre d’abonnements à des réseaux mobiles est, en 2013, pratiquement équivalent aux nombres d’habitants sur la terre. 

Il faut bien sur tenir compte du fait que de nombreuses personnes ont plusieurs abonnements, mais ces deux courbes vont se croiser en 2014 !

 

Impacts sur les emplois en Informatique

De nombreuses études ont été publiées, qui tentent de démontrer l’impact bénéfique Cloud Computing sur l’emploi.

Cloud computing job creation 2015Une étude IDC, sponsorisée par Microsoft, annonce 14 millions de créations d’emplois d’ici 2015.

Une autre étude, financée par EMC2, prévoit la création de 2,4 millions d’emplois d’ici 2015, pour la seule zone Europe.

Dans ces deux études, il s’agit d’emplois directs et indirects, en clair dans tous les secteurs de l’économie et pas seulement dans les métiers de l’informatique.

Est-ce que les emplois informatiques directs seront plus nombreux en 2021+ qu’en 2013 ? Réponse : non !

Est-ce que les emplois informatiques directs seront beaucoup moins nombreux en 2021+ qu’en 2013 ? Réponse : oui !

Job destructionIl est rare que l’industrialisation d’un secteur crée plus d’emplois directs qu’elle n’en détruit : je ne vois pas pourquoi l’informatique serait une exception à cette règle.

Il faut donc poser la question qui fâche :

Combien d’informaticiens professionnels seront nécessaires dans les entreprises en 2021+ ?

Plus que le secteur d’activité, c’est la taille des entreprises qui me servira de critère principal dans mon analyse.

 

Informaticiens dans les TPE et PME

NO ITEn 2021+, la situation sera claire :

  • Aucune TPE/PME n’hébergera de serveurs.
  • 100 % de leurs applications seront en SaaS.

Il y aura donc zéro possibilité d’emploi dans les TPE/PME pour les professionnels de l’infrastructure ou du développement d’applications.

Ces entreprises auront par contre besoin d’un professionnel de haut niveau, connaissant bien l’offre et leur secteur d’activité, capable de les aider à choisir les composants IaaS et SaaS dont elles ont besoin. Dans la majorité des entreprises, ce ne sera pas un job à temps plein, un peu comme le font aujourd’hui les experts comptables.

CCI, Chambres d’Agriculture et Chambres de Métiers pourront jouer un rôle clef de conseil et de mutualisation de ressources pour leurs adhérents.

 

Informaticiens dans les organisations de taille moyenne

Je mettrai dans cette famille les organisations, publiques ou privées, qui font travailler aujourd’hui moins de 50 informaticiens.

Shrinking IT teamEn 2021+, dans ces organisations :

  • Il n’y aura plus de centres de calcul privés : les éventuels besoins en serveurs spécialisés seront pris en charge par les grands acteurs industriels du monde IaaS, AWS (Amazon Web Services), GCE (Google Compute Engine), IBM ou Microsoft. Une équipe de gestionnaires d’infrastructures, très réduite, restera nécessaire pour optimiser ces usages IaaS.
  • Des professionnels des usages resteront indispensables, mais en très petit nombre, pour sélectionner les solutions SaaS correspondantes à 80 % ou 90 % des besoins et développer les applications cœur métier que l’entreprise souhaitera garder pour accroître sa compétitivité et se différencier de ses concurrents.

De combien va se réduire la taille des équipes informatiques dans ces entreprises moyennes ? Une fourchette de 60 % à 80 % me parait réaliste.

 

Informaticiens dans les grandes organisations

Ce sont dans ces organisations que l’on trouve la majorité des informaticiens, avec des équipes qui peuvent dépasser les 5 000 personnes.

IT team large organizations 50:50Dans ces grandes organisations, les effectifs d’informaticiens sont le plus souvent répartis à parts égales entre :

  • Des informaticiens salariés.
  • Des personnes externes, venant pour l’essentiel de sociétés de services.

Cette caractéristique est fondamentale, car elle constitue ce que l’on appelle « pudiquement » une variable d’ajustement des effectifs.

I love mainframeLa majorité de ces grandes organisations ont une informatique constituée de strates techniques successives avec encore beaucoup de solutions « historiques » :

  • Infrastructures : Mainframe IBM, AS/400, serveurs Unix de Sun-Oracle, HP ou IBM... Ces familles de serveurs ne peuvent pas migrer sur des IaaS industriels, composés pour l’essentiel de serveurs X86. J’ai longuement parlé de ce sujet dans un texte récent sur l’amaigrissement des centres de calculs.
  • Universities teach cobol 1 of 4
  • Applications : Cobol reste un langage informatique très utilisé dans les grandes organisations ! Les chiffres sont contestés, mais le Gartner Group estimait à plus de 240 milliards le nombre de lignes de Cobol utilisées dans les entreprises. La migration de tous les usages transverses vers des solutions SaaS permettra de réduire la « surface » des applications historiques, mais je ne suis pas prêt à parier sur la mort du Cobol en 2021+ !

De manière paradoxale, ce sont donc les informaticiens qui travaillent sur les infrastructures et les applications les plus anciennes dont l’emploi ...sera le moins menacé !

La réduction des effectifs d’informaticiens sera donc moins prononcée dans les grandes organisations qui ne devraient perdre « que » :

  • 50 % d’informaticiens dans les équipes d’infrastructures.
  • 50 % d’informaticiens dans les équipes d’études.

Ce sont évidemment les sociétés de services qui vont souffrir le plus de ces ajustements, car il est plus facile pour une grande organisation de terminer un contrat de services que de supprimer des postes internes.

 

Anticiper, aujourd’hui, pour éviter des catastrophes humaines, demain

Faire autrucheIl est toujours possible de faire l’autruche, de nier des changements majeurs qui se profilent à l’horizon parce que cela dérange et remet en cause le statu quo. 

Je pense qu’il vaut mieux affronter, immédiatement, ces ruptures pour éviter des catastrophes humaines dans les dix années qui viennent...

Dans la deuxième partie de cette analyse, je proposerai des pistes d’action pour toutes les entités concernées :

  • Les informatiques internes des entreprises.
  • Le monde de l’éducation.
  • Les fournisseurs informatiques.
  • Les sociétés de services informatiques.
  • Le monde politique.
  • ...

Dans la troisième partie, je répond à deux questions : quels sont les emplois d'avenir ? Où ?

 


La réorganisation de Microsoft : ils n’ont, hélas, rien compris...

 

Steve BallmerSteve Ballmer, CEO de Microsoft, a annoncé le 11 juillet 2013 une profonde réorganisation de l’entreprise. Ces changements, dans une entreprise qui est encore l’un des poids lourds du logiciel, peuvent avoir des conséquences importantes pour les entreprises et les particuliers. Il est normal que nous posions tous des questions à ce sujet, comme l’a fait récemment sur le site de ZDnet.fr Frédéric Charles.

Je vous recommande aussi l’analyse, en anglais, faite par Technology Review.

Pour avoir l’information la plus « factuelle » possible sur ce sujet, je vous conseille de lire le communiqué officiel de Microsoft, qui reprend un email envoyé par Steve Ballmer à ses 90 000 salariés.

 

One Microsoft

C’est autour de ce thème, un seul Microsoft, qu’a été construite cette réorganisation. Ballmer l’a clairement dit : « one Microsoft, with one strategy and one set of goals»(Un seul Microsoft, avec une seule stratégie et un seul ensemble d’objectifs).

Les cinq « Business Units » actuelles sont remplacées par quatre groupes d’ingénierie et des fonctions transverses centralisées.

MIcrosoft Online lossesCeci permettra au moins à Microsoft de ne plus mettre sous le nez de ses actionnaires les impressionnantes pertes de sa division « On-line » (moteur de recherche Bing et messagerie Outlook.com) depuis huit ans. 

L’erreur majeure commise par Microsoft, c’est que cette démarche, une vision introvertie, est centrée sur le fournisseur, Microsoft et non pas les clients et leurs attentes.

Comme le dit très bien BusinessWeek dans son analyse : « The latest reorg will only really work if Ballmer’s team can sell consumers on living in an all-Microsoft world. » (Cette dernière réorganisation ne fonctionnera que si Ballmer et ses équipes peuvent vendre aux clients l’idée de vivre dans un « monde tout Microsoft »).

Le problème : Les clients, entreprises et grand public, ont clairement démontré depuis plusieurs années, par leurs achats, qu’ils n’ont plus aucune envie de vivre dans un monde monofournisseur, quel qu’il soit.

Je n’aurais pas osé donner un titre aussi fort à ce graphique qui montre à quel point les parts de marché de Microsoft ont dégringolé.

Irrelevance of Microsoft En quatre ans, quatre ans seulement, la part de marché des ventes de Microsoft sur les objets connectés est passée d’environ 90 % à moins de 25 %.

Tout n’est pas négatif dans cette réorganisation ; parmi les points positifs, j’ai envie de citer la convergence entre les solutions grand public et professionnelles Skype de Lync.

 

Variété et concurrence interne, clef du succès

I love 90sL’unicité des solutions, l’unicité des fournisseurs, l’intégration verticale, ces visions de l’informatique, très années 90, n’ont plus aucune chance de réussir dans le monde moderne actuel, celui de R2I, la Révolution Industrielle Informatique

Aujourd’hui, les clients, tous les clients, exigent et peuvent obtenir des solutions variées, multifournisseurs, interopérables, qui permettent d’adapter les postes de travail, les réseaux, les applications à leurs attentes et leurs besoins, dans un monde où la liberté de choisir devient une exigence universelle.

BlindedMicrosoft a-t-il compris ce que demande le marché ? Bien sur que oui !

Microsoft accepte-t-il ce que demande le marché ? Hélas, non !

Nous sommes nombreux à penser, comme dans cet article, que les fournisseurs historiques n’arrivent que très rarement à se remettre en cause quand des changements fondamentaux se produisent dans les marchés où ils étaient encore incontournables il y a quelques années.

 

Un exemple emblématique, Internet Explorer

Je cite encore une fois Ballmer :

«....success of core offerings, like Windows, Windows Phone, Xbox, Surface, Office 365 and our EA offer, Bing, Skype, Dynamics, Azure and our servers»

(Les succès de nos solutions cœur métier, comme Windows, Windows Phone, Xbox, Surface, Office 365 at nos autres offres Bing, Skype, Dynamics, Azure et nos serveurs.)

Dans cette liste, il n’y a pas un mot sur l’outil le plus essentiel de l’informatique moderne, le navigateur ! Comme si le monde c’était arrêté en 2000, quand les OS, dont bien sur Windows, étaient la pierre angulaire de toute l’informatique. Comme si Internet, le Web, le Cloud n’étaient que des épiphénomènes !

Avec IE10 et bientôt IE11, Microsoft commençait pourtant à avoir un navigateur compétitif face aux deux leaders actuels, Chrome et Firefox.

Market Share browsers 7:2013Sur ce graphique la perte de part de marché de IE est clairement mise en évidence : de plus de 90 % en 2005, avant l’arrivée de Firefox, à 20 % en juillet 2013. Pendant ce temps, Chrome, qui n’existait pas début 2008, a atteint presque le double, avec 38 %.

Pourquoi faut-il que les grands progrès réalisés par Microsoft sur le respect des standards et les performances d’IE soient gâchés par une autre décision ridicule et dramatique du Management, ne pas proposer IE sur d’autres plateformes que celles de l’éditeur. Encore une catastrophe rendue inévitable par cette stratégie « One Microsoft » !

Firefox et Chrome sont disponibles sur iOS, Android, Windows, Mac OS... On ne me fera jamais croire que les équipes de développement de Microsoft ne sont pas capables d’assurer la portabilité d’Internet Explorer.

 

Une excellente nouvelle pour les concurrents de Microsoft

Old computersJe vais encore être accusé d’anti-Microsoft primaire alors que je n’ai jamais souhaité la mort d’aucun fournisseur informatique, étant un grand défenseur de la concurrence et de la pluralité des offres.

Par contre, cette négation de la réalité, de l’évolution de la demande, cette volonté de Microsoft de se « refermer sur soi-même » sur ses seuls produits, ses seules solutions est une excellente nouvelle pour ses nombreux et puissants concurrents qui ont pour noms Amazon, Apple, Google, Samsung...

Le « dernier des Mohicans », le dernier à croire encore aux mérites de l’unicité et des solutions intégrées, Microsoft devra rapidement :

  • Changer de CEO, en cherchant un successeur à Steve Ballmer à l’extérieur de Microsoft, car les équipes internes actuelles sont trop marquées par cette stratégie One Microsoft.
  • Remettre les clients, professionnels et grand public au cœur de sa stratégie, en acceptant vraiment leur volonté de variété, de diversité.
  • Relancer une structuration qui privilégie des solutions Microsoft ouvertes sur des mondes non-Microsoft.
  • Promouvoir une compétition interne forte entre des familles de produits concurrents.

J’aurais, alors, la possibilité d’écrire un billet élogieux sur la nouvelle réorganisation de Microsoft...

 


Convergence

Highway convergenceLe mot convergence est utilisé depuis longtemps dans le monde des réseaux : convergence filaire et sans fil, convergence voix et données...

Dans ce billet, je vous propose d’analyser une convergence qui aura un impact majeur sur l’informatique des entreprises :

la convergence des solutions grand public et professionnelles.

 

L’informatique grand public a pris le pouvoir

J’ai représenté sur ce graphique les évolutions des solutions grand public et professionnelles sur la période 1990 — 2015 :

Technologies Grand public Prof 1995 - 2015

  • Avant 1995, l’entreprise était plus et mieux équipée que le grand public en PC, messagerie....
  • A partir de l’année 2000, les courbes se sont croisées et l’essentiel des innovations est né dans le grand public (smartphones, tablettes, Webmail...)
  • Les entreprises ne pourront plus jamais rattraper ce retard ; elles ont maintenant deux options :
  •     Maintenir un délai court, de l’ordre de 18 mois à 3 ans : ceci offre l’avantage de profiter de solutions qui ont déjà été testées et éprouvées dans le grand public.
  •     Laisser ce retard ce creuser ; c’est dangereux, car elles peuvent rapidement devenir des entreprises à l’image ringarde où plus personne n’aura envie d’aller travailler.

Ce mouvement de fond a pris aux USA le nom de «Consumerisation of IT».

Goldman Sacks IT pro:consumer 2000 - 2012Ce décalage a induit une révolution dans la répartition des dépenses informatiques, comme le montre cette étude de Goldman Sachs.

Le marché professionnel représentait encore 60 % des dépenses informatiques mondiales en 2000 ; il ne représentait plus que 15 % en 2012 ! Pas étonnant que les fournisseurs de solutions privilégient le marché grand public.

 

Des solutions grand public... meilleures que les solutions professionnelles

Cette inversion des priorités a eu comme principale conséquence que... les solutions grand public sont maintenant bien meilleures que les solutions professionnelles.

La convergence des familles de solutions amène aux solutions professionnelles tous les avantages des solutions grand public :

Convergence 3 fleches total

  • Ergonomie et facilité d’usage : les 450 millions d’utilisateurs de gMail n’ont aucun numéro de téléphone «hot line» à leur disposition et s’en sortent très bien !
  • Performance et fiabilité : Le taux de disponibilité des réseaux ADSL, des box Internet, des Webmail, des réseaux 3G est très élevé. La capacité des boîtes mail (10Go+) ou des stockages Web, Box, Dropbox ou Gdrive est souvent supérieure à celle dont disposent les mêmes personnes dans leurs activités professionnelles.
  • Coûts zéro ou très bas : que ce soit en version gratuite ou premium, les outils grands publics sont toujours moins chers que leurs équivalents professionnels.
  • Disponibilité sur la majorité des objets mobiles, smartphones, tablettes ou PC portables, indépendamment des OS et des versions.


Cette situation perturbe beaucoup les fournisseurs historiques qui tiennent encore un discours du genre : « prenez la version professionnelle, elle est plus chère (c’est toujours vrai !), et plus fiable (c’est faux !) que la version grand public.

RIM Playbook ad - amateur is overL’humour involontaire de la publicité de BlackBerry pour sa tablette Playbook lors de son lancement en 2011 n’échappera à personne : «l’époque des amateurs est terminée», les amateurs en question étant bien sur Apple avec l’iPad. Tout le monde sait que la Playbook a eu un succès planétaire et c’est vendue 10 fois plus que les iPad !

Il y a heureusement de plus en plus d’informaticiens intelligents qui ont compris cette mutation du marché et tiennent le raisonnement suivant : 

«Chaque fois que je pourrai mettre en œuvre dans le monde professionnel une solution cousine germaine d’une solution grand public, je le ferai, car c’est toujours la meilleure solution».

Les exemples en sont très nombreux :

  • HP pub CDG Surface pro 2Les tablettes Android ou iOS face aux tablettes Surface Pro de Microsoft. Je ne peux résister au plaisir de publier cette photo, prise le 5 juillet 2013 à l’aéroport Charles de Gaulle quand j’étais sur le point de terminer mon billet ; il y a encore beaucoup de fournisseurs qui n’ont rien compris !
  • Google Apps, version professionnelle de Gmail, plus fiable, plus ergonomique et beaucoup moins chère que les antiquités Exchange ou Notes.
  • Les versions pros de Box ou DropBox.
  • Typepad pour les blogs.
  • PYongyang empty streetsGoogle + ou LinkedIn pour les réseaux sociaux d’entreprises, face à des Yammer ou BlueKiwi qui n’ont servi qu’à construire des réseaux sociaux aussi fréquentés que les grandes avenues de Pyongyang, la capitale de la Corée du Nord.
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Spécificités du monde professionnel

Salon véhicules industrielsCette convergence ne veut bien sur pas dire que toutes les solutions d’entreprise viendront du grand public. De même qu’il existe des camions, autobus ou tracteurs à côté des voitures particulières, il existe des dizaines d’applications professionnelles qui n’ont pas leurs équivalents dans le grand public : CRM, gestion des ressources humaines, applications cœur métier...

Par contre il est urgent que ces applications professionnelles se calquent sur les applications grand public en termes :

3270 screenD’ergonomie : je ne vois pas pourquoi les clients internes seraient condamnés à utiliser des applications moches et difficiles à maîtriser. La prochaine fois que vous irez dans un magasin Darty, FNAC ou autre Conforama, regardez ce qu’il y a sur l’écran de la personne qui prend votre commande ; vous serez édifié !

  • KhadafiD’accès depuis tout poste de travail, PC, Mac, tablette ou smartphone : la tyrannie des applications «réservées» aux PC Wintel doit cesser et les responsables informatiques qui ne l’ont pas compris vont tous vivre leur «printemps arabe», et ce ne sera que justice.
  • De coût : les solutions SaaS, Software as a Service, ont montré le chemin et proposent maintenant des applications professionnelles de très haute qualité, très fiables et à des prix raisonnables. 

 

Résumé : Fan des solutions grand public, demain tu seras

Conference on Consumerization Cette convergence est presque terminée dans le monde des infrastructures : les mêmes postes de travail, réseaux sans fil et Clouds Publics sont ou seront utilisés pour des usages professionnels et grand public. Il y avait d’ailleurs cette année une première conférence sur ce thème à San Francisco.

Dans le domaine des usages, cette convergence est bien avancée pour la participatique, tous les usages universels tels que messagerie, chat, blogs, bureautique, wikis et réseaux sociaux.


Il reste un double grand chantier pour les responsables informatiques :

  • Confier à des applications SaaS, aux qualités très «grand public», tous les usages supports.

Carrosse-cendrillon

  • Transformer leurs applications cœur métier, pour lesquels il n’existe pas de solutions SaaS, en applications aussi sympathiques et simples d’usage que les applications grand public. Il faudra plus qu’un coup de baguette magique pour y arriver !

Cela devrait les occuper quelques années...