Combien d’informaticiens professionnels, demain ? L’urgence ! Anticiper 2021+, dès aujourd’hui. Troisième partie : quels métiers d’avenir ? Où ?
15/08/2013
Initialement, je n’avais pas prévu d’écrire une troisième partie, mais les nombreux commentaires et échanges que j’ai eu à la suite du premier et deuxième billets m’ont amené à me poser deux questions :
- Quels seront les métiers porteurs en informatique en 2021+ ?
- Qui seront les principaux employeurs d’informaticiens, en 2021+ ?
Ce sont des questions complexes, et il est plus difficile d’y répondre que ce que j’avais tenté dans les deux premiers billets, définir les grandes tendances.
Il y a aussi beaucoup de métiers informatiques que je ne connais pas bien : développement de jeux, informatique embarquée, calculs scientifiques complexes...
Je compte sur les lecteurs compétents dans ces domaines pour enrichir les échanges par leurs commentaires.
Est-ce un signe de cette prise de conscience ? Une étude qui vient d’être publiée aux USA montre que le nombre d’étudiants en informatique au « College » décroit depuis plusieurs années, de 11 % entre 2003 et 2012.
Quels métiers informatiques, dans les infrastructures
Les métiers informatiques d’avenir dans les infrastructures seront en priorité des métiers du logiciel. Il y aura bien sur beaucoup de personnes pour fabriquer les serveurs, postes de travail et routeurs, mais ce ne seront pas des métiers d’informaticiens.
La caractéristique majeure de ces métiers : Open Source dans leur grande majorité.
Les solutions logicielles d’infrastructures seront, à plus de 80 %, Open Source en 2021+.
On connait déjà, en 2013, les principaux leaders, mais de nouveaux entrants feront certainement leur apparition, que ni vous ni moi ne connaissons. La seule certitude est qu’ils seront tous Open Source.
Tous les domaines de l’infrastructure sont concernés :
- Systèmes d’exploitation des objets d’accès : Android, ChromeOS, FirefoxOS, Linux...
- Navigateurs : Chrome et Firefox.
- Serveurs Web : Apache et Nginx. Comme le montre ce graphique, IIS de Microsoft, seule solution propriétaire, représente moins de 20 % du marché des serveurs Web utilisés par le million des sites les plus visités. IIS vient d’être dépassé par Nginx et se trouve maintenant en troisième place.
- Bases de données et big data : MySql, MariaDB, MapReduce, Hadoop...
- Réseaux : Asterisk, OpenFlow et SDN, Software Defined Networks.
Le monde des solutions d’infrastructure propriétaires va-t-il disparaître d’ici 2021+ ? Non, mais les survivants seront peu nombreux.
Il reste un acteur propriétaire majeur, Microsoft avec les Windows (Server, 8, RT et Phone), Internet Explorer, IIS, SQLServer... mais il doit se sentir bien seul face à toutes les solutions open source qui l’entourent.
Je me pose beaucoup de questions sur l’avenir des leaders actuels dans le monde des réseaux, Cisco, Juniper... Ils ont tous proclamé leur « amour » pour les solutions SDN, Software Defined Networks, dont fait partie OpenFlow, mais ils ont surtout annoncé « leurs » versions propriétaires.
Est-ce que le monde des réseaux peut rester le dernier bastion propriétaire dans les infrastructures ? Je ne le pense pas, mais il est possible que l’Open Source, même s’il progresse fortement, ne soit pas encore dominant en 2021.
L’annonce par Cisco, en août 2013, de la suppression de 5 % de ses effectifs, soit 4 000 personnes, confirme mes inquiétudes sur l’avenir de ces grands acteurs historiques.
Oui, il sera possible de faire carrière dans les infrastructures, en 2021+, mais pour cela il faudra :
- Faire le choix d’une communauté Open Source forte.
- Travailler en priorité chez un fournisseur de solutions.
- Etre un très bon ingénieur logiciel, car dans une communauté Open Source, on ne peut pas cacher très longtemps sa médiocrité !
Quels métiers informatiques, dans les applications
Si, dans les infrastructures, l’Open Source va dominer, dans le monde des applications, ce seront les solutions... SaaS, Software as a Service.
En 2021+, les ingénieurs logiciels qui souhaitent faire carrière dans les applications seront en priorité chez les éditeurs de logiciels SaaS, qui couvriront plus de 80 % des besoins des entreprises.
Ils feront partie d’équipes très spécialisées dans un métier ou une application transverse universelle telle que messagerie ou gestion de projets.
L’un des principaux critères de choix sera la taille des équipes de développeurs :
- Une majorité d’équipes sera de petite taille, comme celle qui travaille pour 37Signals, créateur de Basecamp et de Highrise et qui emploie moins de vingt personnes.
- D’autres préfèreront rejoindre de grandes équipes, qui peuvent dépasser le millier de personnes, comme Amadeus dans le secteur du voyage.
Ce seront de plus en plus des métiers transfrontières, que l’on pourra exercer dans n’importe quelle région du monde : Europe de l’Ouest, Europe de l’Est, Asie.. Les compétences seront partout, la concurrence pour les talents, mondiale.
Et du côté des entreprises utilisatrices ? Comme je l’avais indiqué dans la deuxième partie de cette analyse, ce sont les grandes organisations qui fourniront l’essentiel des emplois ; elles auront besoin d’ingénieurs logiciels pour construire les applications cœur de métier avec lesquelles elles voudront créer un avantage concurrentiel fort.
Pour ces applications spécifiques, une bonne compréhension du métier de l’entreprise sera indispensable. L’ingénieur logiciel de demain aura besoin d’une double compétence, technique bien sûr, mais aussi métier. L’époque du développeur « mercenaire », capable de passer de la banque à la chimie puis à l’automobile en quelques semaines est révolue.
Quels métiers informatiques, dans les services
A coté des métiers opérationnels informatiques, dans les infrastructures et les applications, il existe beaucoup de métiers de « service » tels que :
- Définition de la stratégie informatique.
- Choix des solutions et des fournisseurs.
- Agrégation de composants d’infrastructures et d’applications.
- Sécurité, SSO, authentification.
- Assistance, support, hot-line.
- Gestion des budgets.
- Gestion des ressources humaines.
- ...
Toutes les grandes organisations auront encore besoin, en 2021+, d’informaticiens pour prendre en charge ces activités de service. Est-ce que ce seront des informaticiens internes ? Est-ce que ce seront des personnes appartenant à des sociétés de services ?
Je n’ai pas, aujourd’hui, de réponse précise à cette question. S’il fallait quand même faire un pronostic, je dirais que le pourcentage de ces activités qui sera réalisé par des collaborateurs internes sera supérieur aux 50 % actuels, probablement plus proche des 70 %, en grande partie pour permettre aux informaticiens en place de trouver de nouvelles activités qui remplaceront celles éliminées dans les infrastructures et les applications.
Les sociétés de services informatiques n’auront pas disparu en 2021+, mais elles sortiront à peine d’un traumatisme fort qui les aura obligées à basculer d’une culture dominante artisanale à une démarche industrielle.
Ces SISI, sociétés industrielles de services informatiques resteront, en 2021+, d’excellents points d’entrée dans la profession, surtout pour ceux et celles qui recherchent des métiers plus généralistes. Architectes S.I., agrégations de composants SaaS et aider les entreprises moyennes à construire un SI performant. Les clients ne manqueront pas pour ces activités à forte valeur ajoutée, mais... à faible volumétrie.
Quels employeurs d’informaticiens, en 2021+
Où seront les emplois d’informaticiens, en 2021+ ? Dans ce tableau, je propose une matrice des emplois informatiques selon les métiers et les employeurs :
- ** pour la principale source d’emploi.
- * pour un niveau plus faible d’emploi.
- - pour un nombre d’emplois très faible.
Si je cherche un emploi intéressant d’informaticien en 2021+, il me faudra frapper aux portes suivantes :
- Les fournisseurs de solutions industrielles, si je cherche un job dans les infrastructures ou les applications.
- Les Sociétés Industrielles de Services Informatiques, pour tous les métiers de services, ce qui est... assez logique.
- Les grandes organisations, mais avec moins de débouchés, pour tous les métiers informatiques, infrastructures, applications et services.
- Si je souhaite travailler dans une PME, seuls des métiers de service me seront proposés.
Résumé : informaticien, en 2021+
J’ai écrit ces trois billets, non pas pour faire peur, mais au contraire pour aider les informaticiens en poste aujourd’hui, et les personnes qui envisagent de faire carrière dans l’informatique, à anticiper ce que pourrait être le marché du travail dans la prochaine décennie.
Je ne suis pas « infaillible », mais ces analyses sont le fruit de beaucoup de réflexions sur des métiers qui sont et peuvent rester passionnants.
S’il fallait résumer en trois phrases ces tendances :
- Un marché de plus en plus industriel, où il y a de la place pour des informaticiens très professionnels ; amateurs, s’abstenir.
- Des emplois, en priorité chez les fournisseurs de solutions, puis dans les grandes organisations.
- Une réduction de 50 % du nombre de professionnels de l’informatique dans le monde d’ici à 2021+.