ERP : la plus mauvaise idée informatique des 25 dernières années
19/01/2015
(Je publie aujourd'hui mon billet numéro 400, et j'ai choisi pour fêter cette date un sujet très polémique !)
ERP : Entreprise Ressource Planning (PGI, Progiciel de Gestion Intégré en Français) : ces trois lettres font partie des sigles les plus utilisés en informatique.
Au début des années 90, la majorité des grandes entreprises ont succombé à la tentation de déployer un ERP, avec l’espoir d’avoir une vision « intégrée » de leur gestion.
Résultat : fin 2014, les ERP sont présents dans la majorité des grandes entreprises mondiales.
Et si les ERP étaient l’une des principales sources des difficultés actuelles des SI dans les entreprises ? C’est la question à laquelle je vais répondre ici.
ERP : une fausse bonne idée
Le message véhiculé par les éditeurs d’ERP était très séduisant : « confiez-nous votre informatique, et vous aurez, avec notre solution qui couvre tous vos besoins, une vision intégrée du fonctionnement de votre entreprise. »
L’essentiel des efforts de vente se concentrait sur les Directions Générales ; les « besogneux », la maitrise d’œuvre, en clair la DSI, n’était pas jugé avoir le niveau suffisant pour comprendre les avantages de ces solutions intégrées !
J’ai beaucoup de respect pour les Directions Générales, mais elles n’ont absolument pas les compétences nécessaires pour choisir des solutions informatiques aussi complexes que les ERP.
L’âge mental des décideurs qui ont cru à ce discours incroyable « nous sommes capables de répondre à tous vos problèmes informatiques » me fait penser à ces très jeunes enfants qui croient encore au père Noël.
ERP : un eldorado pour... les éditeurs de logiciels et les ESN
Comme le confirme ce graphique (Gartner), deux éditeurs, SAP et Oracle, dominent le marché mondial des ERP, en particulier dans les grandes organisations.
Les ERP ont aussi été l’un des facteurs clefs de la croissance des ESN (Entreprises de Services Numériques), nouveau nom des SSII, d’Accenture à Capgemini en passant par Wipro, Tata ou Infosys.
Il y a autant de versions des ERP Oracle ou SAP que d’entreprises clientes. Chaque entreprise, avec l’aide de ces grandes SSII, a construit une solution spécifique, unique, en investissant des milliers de jours/hommes, des dizaines de millions d’euros sur des projets pharaoniques de plusieurs années. Et en plus, dans les grandes organisations internationales, il y a souvent autant de versions de ces ERP que de pays !
Étonnez-vous que ces grandes SSII soient « fans » des ERP ! Tout projet ERP qui démarre représente pour elles une activité garantie pendant des années et des années ; l’évolution de la demande, les changements de versions poussées par les éditeurs sont des sources intarissables d’activité.
Vous connaissez l’histoire des Danaïdes ? 49 des 50 Filles du roi Danaos avaient tué leur mari pendant la nuit de noces ; elles avaient été condamnées à remplir un tonneau percé.
Pour comprendre l’hémorragie financière induite par les ERP, il suffit de remplacer les filles de Danaos par les DSI du « CAC 49 » et l’eau par des euros...
De l’enthousiasme initial à la désillusion actuelle
Dans les années 90, les entreprises élaboraient encore des schémas directeurs informatiques à long terme et étaient persuadées que des solutions informatiques rationnelles, stables, représentaient la meilleure réponse. Les promesses des ERP étaient en phase avec cette vision d’un Système d’Information idéal, construit comme un puzzle où chaque composant avait sa place.
25 ans plus tard... L’informatique grand public a pris le pouvoir, les solutions Web/Coud/Internet deviennent la norme, répondre très vite aux attentes des clients externes et internes est une exigence absolue dans toutes les entreprises.
Dans ce nouveau paysage organisationnel, où flexibilité et rapidité d’évolution deviennent des conditions de survie pour les entreprises, les ERP intégrés sont devenus des boulets insupportables dont il faut impérativement se libérer.
Sortir de ce piège mortel
En une phrase :
L’ERP est au monde de l’informatique ce que l’amiante est au monde de la construction...
Il a fallu beaucoup de temps et de morts pour accepter le fait que l’amiante était très dangereux ; des milliards d’euros sont maintenant dépensés pour désamianter les bâtiments.
Beaucoup de Directions Générales et de DSI n’ont pas encore accepté le fait que les ERP sont très dangereux pour la santé de leurs entreprises ; il faudra, demain, dépenser des milliards d’euros pour :
« De-ERP-iser » les entreprises
Les ERP sont une réalité dans un grand nombre d’entreprises ; la question n’est plus de savoir s’il fallait les mettre en œuvre, mais :
Comment réduire la nocivité des ERP pour les finances et la capacité d’évolution des entreprises ?
Une alternative aux ERP
Critiquer les ERP intégrés sans proposer une alternative serait un exercice intellectuel sans grand intérêt.
En 2015, la bonne, l’excellente nouvelle, c’est qu’il est possible de reconstruire, de moderniser son SI en réduisant très fortement les nuisances provoquées par les ERP.
Un grand nombre des thèmes abordés dans ce blog, les solutions SaaS, « Best of Breed », la R2I, la Révolution Industrielle informatique, l’informatique flexible, le renouveau des applications sur mesure pour les usages métiers... permettent de ré-architecturer un SI moderne dans lequel les ERP n’ont plus leur place.
Faut-il en rire ? Faut-il en pleurer ? Bill McDermott, l’un des dirigeants de SAP, numéro un des ERP intégrés, fait semblant d’être persuadé que les ERP vont gagner la bataille du Cloud et du SaaS !
Pendant ce temps là, SAP fait ses emplettes, à des prix démentiels, et rachète des solutions SaaS « Best of breed » telles que Concur ou SuccessFactors.
Le plus douloureux, la transition ERP vers BIS
Il faudra au minimum 3 à 5 ans et beaucoup, beaucoup d’efforts, pour réduire significativement la part des ERP dans le SI des entreprises.
Il n’est pas possible d’imaginer un « big bang » et d’arrêter du jour au lendemain les ERP qui sont aujourd’hui indispensables et assurent le fonctionnement quotidien des entreprises.
En 2015, un long et complexe travail de « chirurgien informatique » va commencer :
- Arrêt immédiat et définitif de tout investissement sur les ERP existants.
- Sélection de composants SaaS pour remplacer toutes les fonctions support prises en charge par l’ERP.
- Identification des fonctionnalités « cœur métier » qui ont le plus de potentiel pour accroître la compétitivité de l’entreprise et développement sur mesure de nouveaux composants du SI.
On retrouve là deux des principaux éléments du modèle d’analyse BIS (Business, Infrastructures, Support) que j’ai imaginé.
Espérons que les trois lettres BIS vont rapidement remplacer les trois lettres... ERP dans la démarche stratégique SI des entreprises.