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Netflix vs Zynga : OPEX vs CAPEX, du bon ou mauvais usage du Cloud Public

 

Euro CAPEX OPEXJe milite depuis des années pour que les entreprises n’investissent plus dans leurs infrastructures et passent d’une logique CAPEX, investissements, à une logique OPEX, coûts de fonctionnements.

Pour ceux qui ont besoin d’un rappel sur le sujet :

Les annonces récentes faites par la société Zynga, qui commercialise des jeux sur mobiles et internet, fournissent une occasion exceptionnelle de confirmer la pertinence de cette vision, surtout si on compare la démarche de Zynga à celle suivie par Netflix, le numéro mondial de la VOD, Video On Demand.

  

Le cas Zynga

Zynga Farmville gameZynga, créée en 2007, propose des jeux sur mobiles et réseaux sociaux, dont Facebook. Son bestseller, Farmville a été lancé en 2009 et obtient très vite un grand succès, avec 10 millions d’utilisateurs actifs journaliers en six semaines.

Revenons à la dimension infrastructures : Zynga avait démarré en s’appuyant sur l’IaaS (Infrastructure as a Service) d’AWS, Amazon Web Services, comme la majorité des start-ups informatiques.

De plus en plus de clients = de plus en plus de besoins en infrastructures = une facture AWS qui monte très vite.

En 2011, Zynga prend la décision d’investir 100 M$ pour construire son propre centre de calcul en faisant l’hypothèse que cela lui couterait moins cher et abandonne AWS.

Il y avait trois erreurs stratégiques dans cette décision :

  • Il est très difficile de faire moins cher qu’un industriel sérieux.
  • 100 M$, c’est un très petit budget pour construire un centre de calcul performant : il faut investir au minimum 500 M$ pour avoir des économies d’échelle raisonnables.
  • Le monde des jeux sur mobiles et Internet est très volatile et la demande peut monter ou... descendre très vite.

C’est ce qui c’est passé avec Zynga, comme le montre ce graphique.

Zynga MAU 2009 - 2014Le nombre de MAU (Monthly Active Users, Utilisateurs Actifs/Mois) a atteint son maximum en 2012, au moment où le nouveau centre de calcul maison devenait opérationnel. En 2014, le nombre de MAU était divisé par trois, la demande d’infrastructures aussi, et les pertes financières ont explosé.

Zinga back to AWSPour réduire ses coûts de 100 M$ (coïncidence ? C’était le coût du centre de calcul privé), Zynga a pris en mai 2015 la décision de... revenir sur AWS et de fermer son centre de calcul, comme le confirme cet article du Wall Street Journal

 

Le cas Netflix 

Netflix est né en 1997 et a commencé par faire de la location de DVD.

En 2007, année de naissance de Zynga, Netflix a commencé son activité de VOD et, comme Zynga, a choisi AWS pour ses infrastructures informatiques. A la différence de Zynga, Netflix est... resté fidèle à AWS.

Hasting Netflix at AWS Re-invent 2012Reed Hastings, CEO de Netflix, était l’un des conférenciers de la conférence AWS Re-invent de novembre 2012. J’ai extrait deux chiffres clefs de sa présentation :

  • En 2008, Netflix diffusait 1 million d’heures vidéo par mois.
  • En 2012, Netflix diffusait 1 milliard d’heures vidéo par mois, 1000 fois plus !

Il ne faut pas oublier qu’Amazon, maison mère d’AWS, est le principal concurrent de Netflix sur le marché de la VOD.

Netflix Key NumbersJ’ai aussi tiré ces quelques chiffres d’un article donnant 45 statistiques sur les activités Netflix :

  • 5 milliards de $ de CA en 2014.
  • 1 Petaoctet de données.
  • 10 milliards d’heures de vidéo diffusées : 10 fois plus qu’en 2012.

Netflix est resté sur AWS depuis sa création ; le nombre d’heures vidéo diffusées a été multiplié par 10 000 entre 2008 et 2015 ; Netflix n’a pas investi un dollar dans ses infrastructures informatiques ! 

Je n’ose pas imaginer les investissements CAPEX qu’aurait du réaliser Netflix pour gérer cette extraordinaire croissance de la demande.

  

Une parfaite illustration de la pertinence de mon modèle BIS

Trois composants BIS - Infra, Soutien, MétiersAu début de l’année 2015, j’ai publié un texte qui présentait un nouveau modèle d’analyse des SI, le modèle BIS, Business, Infrastructures, Support.

Zynga et Netflix illustrent très bien les options possibles sur la dimension I, infrastructures : 

  • Zynga a décidé d’investir sur ses infrastructures.
  • Netflix a décidé de ne pas investir dans ses infrastructures et de basculer sur une solution IaaS, Cloud Public.


Zinga vs Netflix InvestmentsDans un tweet récent, Adrian Cockcroft, l’ancien CTO de Netflix qui travaille maintenant chez un «Venture Capitalist», a bien résumé les deux approches.

House of Cards PosterNetflix CIO - 100 % Public CloudNetflix a investi 100 M$, comme Zynga, mais au lien de le faire sur la dimension I, Infrastructures, il l’a fait sur la dimension B, Business, en créant du contenu original, ce qui est le cœur de métier de Netflix.

DSI d’une banque, d’une société industrielle, d’une mairie, vous êtes confrontés aux mêmes choix que Zynga ou Netflix : quelles sont les dimensions du modèle BIS sur lesquelles je dois investir en priorité ?

Ce message, le DSI de Netflix l’exprime très bien dans cet article où il annonce que 100 % de son informatique aura été portée sur des Clouds publics en 2014.


Ce texte récent, très complet, de «readwrite» résume bien, et brutalement, ce qui va se passer dans les prochaines années. Tous les DSI qui s’obstineraient encore à construire des centres de calcul privés sont des.. Zynga en puissance ! Ils seront obligés de revenir vers les grands fournisseurs IaaS, tels qu’AWS.

AWS- You will be back like Zynga

 

Résumé

DPC Cloud Computing strait ahead SToutes les entreprises doivent se poser la question de la pertinence de leurs investissements dans des infrastructures informatiques serveurs.

DSI, vous avez deux options :

  • Faire comme Zynga, et croire aux vertus des «Clouds Privés».
  • Suivre le chemin indiqué par Netflix, et laisser les grands acteurs industriels du Cloud Public investir à votre place. 

Souhaitez-vous devenir le prochain Zynga ? Continuez dans votre vision ringarde de l’informatique et à investir dans vos centres de calcul privés.

 


Le talon d’Achille de Salesforce : ses infrastructures

 

Salesforce logoCoïncidence ? Au moment où je terminais ce billet, le Web évoque la possibilité que Salesforce.com soit racheté par une grande entreprise informatique. J’ai donc modifié un peu mon texte et aborderai ce sujet à la fin de mon billet.

Salesforce.com (SF.com) est une entreprise exceptionnelle, qui a vraiment lancé le mouvement SaaS, Software as a Service, il y a déjà 15 ans.

Mark Bernioff, son fondateur, un ancien d’Oracle, a fait beaucoup pour la promotion des solutions SaaS et a construit une entreprise dont le CA dépasse les 5 milliards de dollars ; bravo !

Etre pionnier sur un marché apporte beaucoup d’avantages, mais peut aussi avoir quelques conséquences négatives, et c’est le cas pour SF.com.

  

Les choix initiaux d’infrastructures de SF.com

Marc-BenioffEn 1999, à la création de SF.com, Mark Bernioff a choisi les solutions logicielles Oracle comme bases de sa solution. C’était à l’époque un choix raisonnable, doublement « aidé » par le fait que Mark avait fait carrière chez Oracle et que Larry Ellison, PDG d’Oracle, était l’un des premiers investisseurs dans SF.com.

A cette date, les solutions d’IaaS, Infrastructures as a Service, n’existent pas et SF.com est donc obligé de construire ses propres centres de calcul, comme toutes les entreprises de l’époque.

 

Des infrastructures anciennes, le talon d’Achille de SF.com 

Talon_achilleAujourd’hui, en 2015, SF.com continue à utiliser les solutions Oracle... et cela devient un problème majeur, pour SF.com et surtout pour ses clients.

En 2013, SF.com signe un accord avec Oracle qui en fait son fournisseur exclusif de solutions pour 9 ans !

9 ans : c’est une durée absurde dans le monde informatique actuel avec des technologies innovantes qui arrivent tous les mois.

Accord SF OracleDans le même accord, SF.com a même été obligé d’abandonner l’usage de solutions SaaS pour ses applications internes et choisir celles, vous l’aviez deviné, d’Oracle, comme l’indique clairement ce communiqué de presse commun signé en juin 2013.

Comment en est-on arrivé à cette situation catastrophique ?

Deux ans auparavant, Mark Bernioff avait acheté, fort cher, le droit d’être un conférencier « Keynote » à a réunion des utilisateurs d’Oracle, et Larry Ellison avait annulé cette intervention au dernier moment.

Les ennemis d’hier se sont miraculeusement réconciliés... Pourquoi ?


Salesforce.com, étranglé par ses coûts d’infrastructures

Tous les grands acteurs industriels du Cloud et du SaaS s’appuient sur des infrastructures Open Source, ce qui leur permet de croître rapidement sans voir leurs coûts d’infrastructures exploser.

A l’inverse, SF.com s’appuie sur des infrastructures Oracle dont les coûts ne sont pas connus pour être les plus bas du marché !

Hand cuffs Oracle SFOracle a pu exiger cet accord de 9 années en mettant une pression financière forte sur SF.com ; je ne vois pas d’autres raisons pour expliquer cette absurdité économique et financière.

Ces coûts exorbitants d’infrastructures expliquent aussi pourquoi, après 15 ans d’existence et plus de 5 milliards de dollars de CA, SF.com est encore en pertes. Ce qui est très inquiétant, c’est que SF.com est prisonnier de ces choix techniques pour encore 7 années, une éternité dans le monde du Cloud.

 

Quels impacts pour les entreprises

SF.com est l’une des solutions SaaS les plus chères du marché, même si aucune grande entreprise ne paye le prix officiel. 

Prix SF.com FranceTous les DSI, tous les acheteurs informatiques savent très bien qu’ils peuvent obtenir des réductions très fortes des commerciaux d’Oracle ; des pourcentages similaires sont possibles avec SF.com.

Cette dimension « coût » n’est pourtant pas la plus importante. 

La vraie question que doivent se poser les entreprises quand elles envisagent de déployer SF.com est : est-ce un choix pertinent à long terme ?

La réponse est loin d’être évidente...

 

Salesforce : les questions à se poser en 2015

DPC Best of Breed S 74360988SF.com propose depuis 15 ans une excellente application SaaS pour les équipes commerciales, et cela reste vrai aujourd’hui. 

Dans la catégorie CRM « Best of Breed », il n’y a pas beaucoup d’alternatives à SF.com pour les grandes entreprises ; les offres CRM SaaS pour PME sont plus nombreuses.

Salesforce enters HR domainSalesforce a l’ambition de devenir une « plateforme » logicielle pour les entreprises et propose :

  • Des applications SaaS de Marketing.
  • Une plateforme de développement PaaS, Force.com
  • Fin avril 2015, SF.com a annoncé son entrée sur le marché des solutions SaaS dans le domaine des Ressources Humaines, en concurrence avec les ténors du domaine tels que SuccessFactors ou TalentSoft.

J’avais, il y a quelques semaines, tiré à boulets rouges contre SAP qui venait d’annoncer SAP S/4HANA, une solution qui liait infrastructures et usages, le péché capital de l’informatique moderne.

Si je reste cohérent avec cette logique, à la question :

SF.com est-elle une plateforme pour le futur, ma réponse est... NON.

Une entreprise n’a pas le droit, en 2015, de lier de manière pérenne le futur de son informatique à des solutions propriétaires.

Dans le cas de SF.com, je vais l’illustrer avec la plateforme PaaS proposée, Force.com. Quel est le langage de développement recommandé ? APEX.

APEX OracleOui, le même APEX qui est, vous l’avez deviné, le langage de développement propriétaire d’Oracle !

MAJ du 4 mai :

Florent, dans les commentaires, me signale qu'il y a de fortes différences entre les deux APEX, celui de SF.com et celui d'Oracle. Merci à lui.

Ce sont hélas tous les deux des langages propriétaires, donc à éviter au maximum pour ne pas se retrouver prisonnier d'une solution.

APEX d’Oracle et SF.com ou ABAP de SAP, ce sont des noms qui n’ont plus droit de cité dans votre panoplie d’outils informatiques.

Pour développer vos nouvelles applications, pour votre PaaS, les seules solutions autorisées sont des plateformes ouvertes telles que JavaScript ou PHP.

Choisir SF.com comme plateforme informatique, c’est s’enfermer dans une double prison :

  • Pour les infrastructures, Oracle ou Oracle.
  • Pour les outils de développements, APEX ou APEX.

Salesforce Jail - Infrastructure PaaSNe venez pas pleurer, si dans 3 ou 5 ans, vous souhaitez changer de plateforme et vous constatez que tous vos investissements sont sans valeur sur la nouvelle plateforme ouverte que vous avez choisie.

  

Un bon exemple de la nécessaire collaboration DSI - Métiers

Ce que je viens d’écrire sur SF.com illustre très bien l’indispensable collaboration entre la DSI et les directions métiers quand il s’agit de choisir des solutions informatiques Cloud et SaaS :

Collaboration DSI Métiers

  • Les équipes de la DSI doivent analyser les solutions envisagées sous l’angle de la technologie et présélectionner celles qui répondent à des critères informatiques : SaaS, ouverture, standards, pérennité...
  • Les directions métiers choisissent, parmi les solutions présélectionnées par la DSI, celles qui correspondent raisonnablement bien à leurs attentes.

N’oublions pas que la majorité des décisions de déployer SF.com avaient été prises par des directions commerciales sans en parler à la DSI. Ce phénomène de « Cloud Fantôme » continuera tant que les DSI n’iront pas vers les directions métiers pour les encourager à choisir des solutions SaaS.

Comment voulez-vous qu’une direction métier comprenne les risques d’une plateforme APEX ? La DSI doit les aider, les conseiller en leur expliquant pourquoi certains choix techniques, en apparence contraignants, sont faits pour ne pas rentrer dans un cul-de-sac technique.

 

Le rachat possible de Salesforce : quels candidats possibles

SF.com Racheté ?Je reviens maintenant sur les rumeurs qui courent en ce moment sur un rachat de Salesforce par une autre entreprise. La majorité des articles, celui cité au début de ce texte ou celui-là, ont établi une liste des acheteurs potentiels.

Parmi les noms cités, on trouve Amazon, Apple, Cisco, Google, IBM, Microsoft, Oracle ou SAP.

Quand on comprend à quel point SF.com et Oracle sont liés par des choix technologiques, la liste des acheteurs se réduit très vite :

  • Imaginez-vous sérieusement que des fournisseurs historiques tels que Cisco, IBM, Microsoft ou SAP vont investir dans une entreprise liée pendant encore 7 années avec Oracle ?
  • Imaginez-vous sérieusement que des fournisseurs natifs Clouds tels que Amazon ou Google vont investir dans une entreprise qui utilise des technologies qu’elles n’ont jamais déployées ?

Il ne reste donc qu’un seul acheteur potentiel, Oracle. 

  • Est-ce qu’Oracle peut racheter Salesforce ? Oui.
  • Est-ce qu’Oracle va racheter Salesforce ? Je n’en sais rien, et on pourrait avoir la réponse rapidement.