Netflix vs Zynga : OPEX vs CAPEX, du bon ou mauvais usage du Cloud Public
16/05/2015
Je milite depuis des années pour que les entreprises n’investissent plus dans leurs infrastructures et passent d’une logique CAPEX, investissements, à une logique OPEX, coûts de fonctionnements.
Pour ceux qui ont besoin d’un rappel sur le sujet :
- La disparition des investissements informatiques par les entreprises.
- Infrastructures : les maîtres du monde.
- Les centres de calcul de demain.
Les annonces récentes faites par la société Zynga, qui commercialise des jeux sur mobiles et internet, fournissent une occasion exceptionnelle de confirmer la pertinence de cette vision, surtout si on compare la démarche de Zynga à celle suivie par Netflix, le numéro mondial de la VOD, Video On Demand.
Le cas Zynga
Zynga, créée en 2007, propose des jeux sur mobiles et réseaux sociaux, dont Facebook. Son bestseller, Farmville a été lancé en 2009 et obtient très vite un grand succès, avec 10 millions d’utilisateurs actifs journaliers en six semaines.
Revenons à la dimension infrastructures : Zynga avait démarré en s’appuyant sur l’IaaS (Infrastructure as a Service) d’AWS, Amazon Web Services, comme la majorité des start-ups informatiques.
De plus en plus de clients = de plus en plus de besoins en infrastructures = une facture AWS qui monte très vite.
En 2011, Zynga prend la décision d’investir 100 M$ pour construire son propre centre de calcul en faisant l’hypothèse que cela lui couterait moins cher et abandonne AWS.
Il y avait trois erreurs stratégiques dans cette décision :
- Il est très difficile de faire moins cher qu’un industriel sérieux.
- 100 M$, c’est un très petit budget pour construire un centre de calcul performant : il faut investir au minimum 500 M$ pour avoir des économies d’échelle raisonnables.
- Le monde des jeux sur mobiles et Internet est très volatile et la demande peut monter ou... descendre très vite.
C’est ce qui c’est passé avec Zynga, comme le montre ce graphique.
Le nombre de MAU (Monthly Active Users, Utilisateurs Actifs/Mois) a atteint son maximum en 2012, au moment où le nouveau centre de calcul maison devenait opérationnel. En 2014, le nombre de MAU était divisé par trois, la demande d’infrastructures aussi, et les pertes financières ont explosé.
Pour réduire ses coûts de 100 M$ (coïncidence ? C’était le coût du centre de calcul privé), Zynga a pris en mai 2015 la décision de... revenir sur AWS et de fermer son centre de calcul, comme le confirme cet article du Wall Street Journal.
Le cas Netflix
Netflix est né en 1997 et a commencé par faire de la location de DVD.
En 2007, année de naissance de Zynga, Netflix a commencé son activité de VOD et, comme Zynga, a choisi AWS pour ses infrastructures informatiques. A la différence de Zynga, Netflix est... resté fidèle à AWS.
Reed Hastings, CEO de Netflix, était l’un des conférenciers de la conférence AWS Re-invent de novembre 2012. J’ai extrait deux chiffres clefs de sa présentation :
- En 2008, Netflix diffusait 1 million d’heures vidéo par mois.
- En 2012, Netflix diffusait 1 milliard d’heures vidéo par mois, 1000 fois plus !
Il ne faut pas oublier qu’Amazon, maison mère d’AWS, est le principal concurrent de Netflix sur le marché de la VOD.
J’ai aussi tiré ces quelques chiffres d’un article donnant 45 statistiques sur les activités Netflix :
- 5 milliards de $ de CA en 2014.
- 1 Petaoctet de données.
- 10 milliards d’heures de vidéo diffusées : 10 fois plus qu’en 2012.
Netflix est resté sur AWS depuis sa création ; le nombre d’heures vidéo diffusées a été multiplié par 10 000 entre 2008 et 2015 ; Netflix n’a pas investi un dollar dans ses infrastructures informatiques !
Je n’ose pas imaginer les investissements CAPEX qu’aurait du réaliser Netflix pour gérer cette extraordinaire croissance de la demande.
Une parfaite illustration de la pertinence de mon modèle BIS
Au début de l’année 2015, j’ai publié un texte qui présentait un nouveau modèle d’analyse des SI, le modèle BIS, Business, Infrastructures, Support.
Zynga et Netflix illustrent très bien les options possibles sur la dimension I, infrastructures :
- Zynga a décidé d’investir sur ses infrastructures.
- Netflix a décidé de ne pas investir dans ses infrastructures et de basculer sur une solution IaaS, Cloud Public.
Dans un tweet récent, Adrian Cockcroft, l’ancien CTO de Netflix qui travaille maintenant chez un «Venture Capitalist», a bien résumé les deux approches.
Netflix a investi 100 M$, comme Zynga, mais au lien de le faire sur la dimension I, Infrastructures, il l’a fait sur la dimension B, Business, en créant du contenu original, ce qui est le cœur de métier de Netflix.
DSI d’une banque, d’une société industrielle, d’une mairie, vous êtes confrontés aux mêmes choix que Zynga ou Netflix : quelles sont les dimensions du modèle BIS sur lesquelles je dois investir en priorité ?
Ce message, le DSI de Netflix l’exprime très bien dans cet article où il annonce que 100 % de son informatique aura été portée sur des Clouds publics en 2014.
Ce texte récent, très complet, de «readwrite» résume bien, et brutalement, ce qui va se passer dans les prochaines années. Tous les DSI qui s’obstineraient encore à construire des centres de calcul privés sont des.. Zynga en puissance ! Ils seront obligés de revenir vers les grands fournisseurs IaaS, tels qu’AWS.
Résumé
Toutes les entreprises doivent se poser la question de la pertinence de leurs investissements dans des infrastructures informatiques serveurs.
DSI, vous avez deux options :
- Faire comme Zynga, et croire aux vertus des «Clouds Privés».
- Suivre le chemin indiqué par Netflix, et laisser les grands acteurs industriels du Cloud Public investir à votre place.
Souhaitez-vous devenir le prochain Zynga ? Continuez dans votre vision ringarde de l’informatique et à investir dans vos centres de calcul privés.