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Systèmes d’Information de l’état, deuxième partie : des clefs pour réussir, immédiatement

 

DPC future loading S 84561724Dans la première partie de cette analyse, j’ai été très critique de certains choix stratégiques faits aujourd’hui pour les Systèmes d’Information du secteur public, qui les mènent dans le mur.

Dans cette deuxième partie, je propose une nouvelle démarche, réaliste, opérationnelle, qui peut donner des résultats dans les mois qui viennent.

La seule condition pour réussir : accepter de remettre en cause une grande partie des axes stratégiques actuels ; facile à écrire, difficile à mettre en œuvre.

  

Modèle B I S, appliqué au secteur public

Début 2015, j’ai présenté sur ce blog le modèle B I S, Business, Infrastructures, Support.

Le modèle B I S s’applique très bien... à tous les Systèmes d’Information du secteur public.

Modèle B I S

  • B = Usages Business, cœur métier.
  • I = Infrastructures.
  • S = Usages support, universels. 

La vision stratégique que je propose pour les SI de l’État est raisonnablement simple :

  • Faire comme toutes les organisations du monde : choisir « sur étagère », le meilleur des solutions industrielles pour I et S.
  • Investir uniquement sur ce qui fait la spécificité du secteur public, des applications cœur métier, très nombreuses.

 

Secteur public : choisir le meilleur du marché pour les infrastructures

J’ai une excellente nouvelle pour les responsables de la stratégie SI du gouvernement français et pour tous les DSI des organismes publics : ils peuvent déployer, immédiatement, les meilleures solutions du monde pour leurs infrastructures.

  • Il n’y a pas de modèles spécifiques « secteur public » pour les objets d’accès au SI : les mêmes PC Windows, Macintosh, Chromebooks, tablettes ou smartphones, les mêmes navigateurs peuvent être utilisés par toutes les entreprises, publiques ou privées. Problème réglé.
  • Il n’y a pas de réseaux spécifiques « secteur public » : les mêmes réseaux sans fil, WiFi, 3G ou 4G, les mêmes réseaux WAN et MAN peuvent être déployés par toutes les entreprises, publiques ou privées. Problème réglé.
  • Concernant les centres de calcul, il est aussi absurde pour les organisations publiques que privées de continuer à construire ou exploiter des « centres de calcul privés », improprement appelés « Cloud Privés ». Toutes les entreprises peuvent migrer leurs infrastructures serveurs sur des clouds publics, en donnant bien sur la priorité aux acteurs industriels et pérennes. Problème réglé.

Tout ceci est résumé dans ce schéma très simple :

Infrastructures cibles - Secteur public

L’État n’a plus besoin d’investir dans des infrastructures informatiques et pourra fermer, d’ici 2021, plus de 90 % de ses centres de calcul existants. C’est une excellente nouvelle pour les finances publiques...

Une mesure conservatoire s’impose : un décret peut être publié cet été pour annoncer que : « à partir du 1er septembre 2015, aucun organisme public n’est autorisé à acheter un seul nouveau serveur. »

 

Secteur public : choisir le meilleur du marché pour les usages support

DPC SaaS on yellow line s 81917193Pour la dimension « S », fonctions support, la décision stratégique est, elle aussi, très simple à formuler :

« Seules des applications SaaS, multi-tenant sont autorisées dans les organisations publiques, pour répondre aux usages support ».

C’est une excellente nouvelle de plus pour les financiers et les DSI du secteur public ; il existe, aujourd’hui, des réponses SaaS pour 100 % des usages support dont ont besoin les organisations publiques. Quelques exemples :

  • Messagerie et fonctions bureautiques : Google Apps ou Office 365 de Microsoft. Conséquence logique : abandon immédiat des solutions « gauloises Open Source » dont j’ai parlé dans la première partie de cette analyse.
  • Gestion des voyages : Concur ou KDS.
  • Enquêtes : SurveyMonkey.
  • Il existe d’excellentes solutions « françaises » pour répondre à des usages support. On peut citer : Logos editeurs SaaS français
  •     TalentSoft pour la gestion des ressources humaines ; c’est la solution choisie par la SNCF pour ses 150 000 collaborateurs.
  •     BIME pour les outils décisionnels et de reporting.
  •     ESKER ou Yooz pour la dématérialisation, usage considéré comme prioritaire dans la « Loi Macron », ce qui est une excellente initiative.

Pour mettre en œuvre cette politique « SaaS Only », le gouvernement français peut s’inspirer de ce qu’on fait nos voisins britanniques, dès 2012 : proposer une place de marché où sont présentes toutes les applications « SaaS multi-tenant » présélectionnées. En juillet 2015, il y a plus de 5 000 applications référencées !

UK Government G -Cloud SaaSUn organisme public anglais peut aller sur cette place de marché et choisir la solution qui lui parait la plus raisonnable ; il peut la commander immédiatement, au prix indiqué ! C’est la fin les délais et les coûts monstrueux des appels d’offres : personne ne s’en plaindra !

La place de marché SaaS du gouvernement anglais était opérationnelle en 4 semaines. Je propose donc que la place de marche SaaS française soit construire pendant le dernier trimestre 2015 et que le décret en rendant l’usage obligatoire soit daté du lundi 4 janvier 2016, pour bien commencer l’année dans le secteur public.

  

Les usages cœur métier, priorité absolue pour les SI de l’État

Les nouvelles options stratégiques pour les infrastructures et les usages support vont libérer beaucoup de temps et d’argent pour s’occuper de ce qui est essentiel, les usages « B », cœur métier.

DPC Dossier médical S 68160616J’ai souvent eu l’honneur de travailler avec des conseils généraux, des villes, des hôpitaux... J’ai découvert a chaque fois que le nombre et la variété des usages cœur métier étaient impressionnants.

Une ville de taille moyenne a beaucoup plus d’applications métiers qu’une grande banque nationale : elle s’occupe d’éducation, de sécurité, de jardins, de personnes âgées...

Dans ce domaine, l’excessive centralisation de l’État français a au moins un avantage : pour l’essentiel, les règlements qui s’appliquent sont les mêmes sur tout le territoire. Ceci permet d’envisager l’usage de la troisième voie du Cloud, le cloud communautaire, sujet que j’avais traité dans deux billets dès 2011.

Community cloudsRappel :  caractéristiques principales d’un cloud communautaire :

  • Propose une application métier spécifique.
  • Ces applications sont construites en SaaS multi-tenant.
  • Elles sont, de plus en plus souvent, hébergées sur des plateformes IaaS.

La priorité absolue, immédiate, des responsables des SI de l’État français doit être de promouvoir la création de dizaines, de centaines d’applications cœur métier SaaS, disponibles sur des clouds communautaires.

Pour ces applications cœur métier, privilégier des infrastructures clouds publics sur le territoire national a du sens. OVH, Orange-CloudWatt, Numergy, Outscale ou d’autres sociétés pourront être mises en concurrence pour héberger ces applications cœur métier. Le fait que ces applications SaaS ne soient pas toutes chez le même fournisseur serait une bonne chose, en créant un environnement concurrentiel fort entre ces acteurs, dont pourront bénéficier tous les organismes publics.

La tache est immense, compte tenu du très grand nombre d’applications cœur métiers à construire. Pour répondre à ce challenge, je propose une démarche très pragmatique :

  • Logo Coter ClubS’appuyer sur les organismes associatifs existants. Dans le domaine des collectivités locales, le Coter-Club est le partenaire évident. Je suis persuadé qu’ils seraient prêts à établir, rapidement, une première liste d’applications prioritaires, après une enquête auprès de leurs membres. La même démarche peut être menée auprès des associations de DSI du secteur de la santé, des ministères.
  • Privilégier au début les applications cœur métier les plus simples, les plus rapides à déployer, celles qui posent le moins de problèmes techniques ou organisationnels. Nous avons trop tendance, en France, à chercher les sujets les plus complexes pour démarrer !
  • S’appuyer, chaque fois que c’est possible, sur les éditeurs historiques de solutions métiers existantes. Ils connaissent bien les problématiques de ces applications mais n’ont pas toujours l’envie ou les compétences nécessaires pour basculer de leur modèle actuel, de logiciels à installer avec ventes de licences vers un modèle économique SaaS.  Aider financièrement ces éditeurs, souvent petits, à prendre le virage du SaaS sera un investissement raisonnable et porteur de véritable valeur, pour les organismes publics clients et pour les éditeurs.
  • Utiliser tous les outils existants qui permettent d’industrialiser au maximum cette migration. Je pense en particulier aux solutions de Corent Technologies, « SurPaas », qui permettent de transformer très rapidement certaines applications existantes en véritables applications SaaS mullti-tenant. Corent Surpaas

En profiter pour recréer des filières d’excellence pour favoriser la carrière des développeurs, des ingénieurs logiciels, sujet que j’ai traité récemment. C’est un domaine où le secteur public peut être très moteur.

Dans les domaines « I » et « S », l’offre de solutions est en avance sur la demande ; il n’est donc pas nécessaire d’investir, il suffit de déployer les solutions existantes.

Dans le domaine « B », l’offre est très en retard sur la demande. C’est dans ce domaine que l’État doit favoriser l’investissement en aidant à la création de produits pour lesquels une forte demande latente existe.

  

Des exemples à suivre, dans d’autres pays

J’ai déjà présenté la stratégie Cloud du gouvernement US (2011) et la place de marché du gouvernement UK (2012).

Il y a d’autres initiatives innovantes dans le domaine des SI du secteur public, dont on peut aussi s’inspirer en France. Je vous en propose quatre :

  • Obama 150 people IT teamLe président Obama vient de recruter une équipe « secrète » de 150 personnes, parmi les plus brillants informaticiens de la Silicon Valley, pour l’aider à moderniser les SI du gouvernement américain. Ils ont tous accepté cette « mission », c’est le mot qui convient, malgré de fortes baisses de salaires et les « stock options » abandonnées.
  • David Recordon White House IT directorEn mars 2015, la « Maison Blanche » a recruté son nouveau directeur informatique : David Recordon a 28 ans, travaillait avant chez Facebook et est l’un des gurus de l’Open Source.
  • Toujours en mars 2015, l’armée américaine a publié un document, public, définissant sa stratégie Cloud Computing. Parmi les objectifs annoncés : « réduire notre possession des matériels (I) et autres technologies de commodités (S)... pour mieux répondre à nos missions (B) ». US Army Strategy objectives
  • Plus près de nous, l’Estonie a développé ce qui est considéré aujourd’hui comme le SI d’e-gouvernement le plus avancé du monde.

 

Résumé

DPC oui  S 42619841Oui, il est possible, rapidement de définir une stratégie SI innovante pour le secteur public.

Oui, on peut être optimiste en voyant ce qu’il est possible de faire, aujourd’hui, pour améliorer le fonctionnement et l’efficacité des acteurs du secteur public.

Oui, mais, tout cela dépend d’une forte capacité à remettre en cause des démarches et stratégies actuelles qui, elles, nous conduisent dans le mur.

 


Systèmes d’Information de l’état : alerte aux erreurs stratégiques - Première partie

 

DPC Alerte S 77134119Les systèmes d’information du secteur public, et en particulier ceux pilotés par la DISIC, prennent en ce moment des virages stratégiques dangereux.

 

Nous savons tous que le gouvernement français a des budgets sans limites et qu’il est possible de dépenser sans compter ! Les SI du secteur public peuvent contribuer beaucoup, et rapidement, à la modernisation du fonctionnement de l’état et à la réduction des dépenses publiques. Encore faut-il que les décisions prises aillent dans le bon sens, ce qui n’est vraiment pas le cas aujourd’hui
Je vous propose, dans cette première partie, de mettre en évidence quelques erreurs stratégiques récentes.

DPC Diagnostic clavier S 53105774Ce diagnostic serait sans intérêt s’il n’y avait pas d’autres pistes possibles ; ce sont celles que je vais explorer dans la deuxième partie de cette analyse.

En publiant ces deux billets, je suis conscient que je vais me mettre à dos le ban et l’arrière-ban des sommités informatiques du secteur public ; j’en assume le risque ! 

Mon éthique m’interdit de rester silencieux quand je mesure l’ampleur des catastrophes qui s’annoncent.

  

Secteur public, secteur privé : des challenges SI similaires

DPC Privé Public S 59256035Pour l’essentiel, les mêmes outils informatiques d’infrastructures et d’usages peuvent être déployés dans toutes les organisations, publiques et privées.

Ce qui fonctionne bien dans les entreprises privées peut aussi donner d’excellents résultats dans la sphère publique, et il serait criminel de ne pas en profiter.

  • Les mêmes PC, tablettes, smartphones, réseaux WAN et LAN, solutions IaaS, Infrastructures as a Service... sont disponibles pour toutes les organisations, privées comme publiques.
  • Les mêmes applications « universelles » SaaS, Software as a Service, telles que messagerie, décisionnel, gestion RH, budgets... peuvent être déployées dans une administration publique, une banque ou une société pétrolière. 

Il y a bien sur des différences entre ces deux mondes, et en particulier pour tout ce qui touche les applications « cœur métier » spécifiques. J’aurai l’occasion d’en reparler dans la deuxième partie.

Il semblerait que de grands pontes de l’informatique du secteur public pensent le contraire ; trois exemples précis vont illustrer quelques-unes des erreurs stratégiques commises par le secteur public. 

  

Echec sanglant des « clouds souverains » 

La « souveraineté de la France » est menacée par l’invasion des grands méchants industriels de l’IaaS, Infrastructure as a Service, AWS, Google et Microsoft ? Qu’à cela ne tienne, on va créer des clouds souverains, avec le financement de l’état, en l’occurrence la Caisse des Dépôts.

Résultats cloud à la FrançaiseEntre 2012 et 2015, les performances de ces deux acteurs souverains, Numergy et ClouWatt, ont été « spectaculaires » comme l’a confirmé une enquête de BFM-TV en juin 2015.

Sur la même période, et sans aucun financement public, des acteurs tels que OVH ou Outscale ont développé des offres crédibles, déployées au niveau international et non pas seulement à l’intérieur des frontières de la France.

CloudWatt a été repris par OBS, Orange Business Services : espérons que cela leur permettra de retrouver rapidement un nouveau positionnement, pérenne et spécialisé.

Quel avenir pour Numergy, maintenant que son actionnaire SFR a été repris par Numéricable et que l’autre actionnaire, Bull, a rejoint Atos ? Bien malin qui pourrait répondre aujourd’hui à cette question, surtout quand on connait le goût prononcé de l’actionnaire principal de SFR, Patrick Drahi, pour les entreprises qui perdent beaucoup d’argent...

  

Appel d’offres « Cloud Public », téléguidé pour Orange

DPC Public Cloud S only 62180979En mai 2015, l’État français annonce en grande pompe son premier appel d’offres pour un cloud public.

Et un projet ridicule de plus ! J’ai du relire plusieurs fois ce document pour être certain de ne pas me tromper ; on parle d’1 M€ sur deux ans quand les achats d’informatiques gérés par les services d’achats de l’état sont de 30 milliards d’euros par an.

La rédaction de cet appel d’offres, un chef d’œuvre de mauvaise foi, interdisait en pratique à tous les acteurs industriels du marché de répondre.

Et, quelle surprise... C’est Orange avec OBS qui va gagner ce micro-marché.

Il y a vraiment de quoi s’inquiéter très sérieusement si les responsables informatiques de l’état essayent de nous convaincre qu’ils croient en l’avenir du cloud public en annonçant fièrement qu’ils vont y consacrer 0,016 % de leur budget.

US it federal_budget_on_cloudUn léger contraste : dès 2011, le rapport stratégique sur l’informatique du gouvernement fédéral américain proposait de basculer 25 % de ses budgets informatiques, soit 20 milliards de dollars, sur le Cloud.

25 % contre 0, 016 %, et 5 ans après ! Les décideurs informatiques du secteur public français ont vraiment pris conscience des potentiels des infrastructures cloud...

 

L’obsession Open Source, et ses dérives

DPC Open Source S 76074527Les solutions Open Source sont omniprésentes dans les infrastructures Cloud des grands acteurs industriels tels qu’AWS, Google ou Facebook. Même Microsoft s’est converti et soutient des projets Open Source tels que Mesos ou Docker.

Ce n’est pas moi qui vais reprocher au gouvernement français de trouver de la valeur aux solutions Open Source, au contraire.

Par contre, en faire une religion, un dogme est très dangereux, surtout si on parle plus de « logiciels libres » avec toutes les connotations politico-économiques que cela induit que d’Open Source, qui a une signification technique claire et non ambigüe.

Cette dérive dogmatique s’est traduite, en juillet 2015, par une nouvelle décision ridicule, absurde et qui va jeter, dans le monde entier, un discrédit total sur la capacité de nos dirigeants informatiques du secteur public.

Le gouvernement va investir environ 11 M€, sur quatre ans, pour concurrencer les « PME Google et Microsoft » en finançant le projet OpenPaaS, des solutions Open Source de bureautique et de messagerie.

Dans mes cauchemars les plus noirs, jamais je n’aurais pu imaginer que l’on oserait prendre une décision aussi nulle : 

  • Face aux deux leaders mondiaux de la bureautique Cloud, Google Apps et Microsoft Office 365, Linagora, une ESN qui fait 11 M € de CA, pour l’essentiel avec le secteur public, a été chargée de développer une solution « gauloise », annoncée fièrement comme bien meilleure que celles des nuls américains. 
  • Je ne résiste pas au plaisir de citer l’un des avantages clefs de cette petite merveille : contrairement aux solutions actuelles, qui limitent à quelques dizaines le nombre de personnes qui peuvent collaborer en temps réel sur un même document, il sera maintenant possible à des centaines de personnes de le faire. Toute personne qui a déjà participé à la rédaction d’un document collaboratif sait très bien qu’au-delà de 5 à 7 personnes, c’est mission impossible.
  • Comble de la bêtise, ce sera bien sur une solution de type « cloud privé » ; elle va obliger les organismes publics à installer et gérer leurs propres serveurs de messagerie et de stockage de contenus. Linagora proposera même d’héberger ces messageries aux organismes qui le souhaitent...
  • Cela fait maintenant plus de sept ans que les entreprises privées ont commencé leur migration vers les solutions SaaS de Google puis de Microsoft. Tout DSI qui n’a pas compris que son rôle n’est plus de gérer en interne sa messagerie doit de toute urgence changer de métier.
  • Je l’ai écrit plus haut, mais il est important de le répéter : si tout va bien ce projet génial verra le jour dans 3 ou 4 ans.

DPC gaspillage S 34295231Ce ne sont pas les 11 M € qui seront gaspillés inutilement dans ce projet qui me font hurler le plus ; ce sont les centaines de millions d’euros qui seront dépensés par tous les ministères et organismes publics, condamnés à déployer une solution mort-née. Ceci réduira d’autant leur capacité à investir dans de véritables solutions à forte valeur ajoutée. 

Ce sera aussi un retard catastrophique de plusieurs années imposé à tous ces organismes publics qui devront attendre l’arrivée d’une solution sans avenir et n’auront pas l’autorisation de déployer les solutions industrielles immédiatement opérationnelles.

Une décision ridicule similaire avait déjà été prise il y a un an, obligeant les universités françaises à déployer BlueMind, une autre solution Open Source... concurrente de celle de Linagora. Ces deux entreprises sont d’ailleurs en procès.

Il y a peut-être une solution astucieuse pour transformer cette catastrophe annoncée en outil de compétitivité pour la France : cela consisterait à l’offrir gratuitement OpenPaas à des pays concurrents, si on en trouve d’assez naïfs pour accepter ce cadeau empoisonné.

  

Un long historique de catastrophes dans les SI publics

Ces exemples récents ne sont hélas pas les premiers. Nous connaissons tous quelques échecs majeurs informatiques dans le secteur public :

  • Logo ChorusChoisir l’ERP SAP pour le projet Chorus de refonte de la comptabilité publique française était une erreur grossière qui a coûté des milliards d’euros et a été fustigée par plusieurs commissions d’enquête parlementaires. Il suffisait de 5 minutes de bon sens pour comprendre que la comptabilité nationale française étant un « objet informatique unique au monde », la seule bonne réponse était un... développement spécifique.
  • Le projet Louvois de paie des militaires a été abandonné après dix ans d’efforts et... 200 M d’euros de trop payés par an.
  • Bercy operateur national de paieUne autre catastrophe, concernant la paie des fonctionnaires, a été évitée : l’Opérateur National de Paye (ONP), a été fermé au bout de 7 années d’efforts infructueux.

     

Il n’est pas trop tard pour que le secteur public change, immédiatement, de stratégie SI

DPC Optimismus S 86863025Je n’ai pas écrit ce texte pour mettre en lumière quelques-unes des erreurs stratégiques actuelles des responsables de l’avenir de l’informatique du secteur public ; je n’ai pas mené ce jeu de massacre pour le plaisir, au contraire.

Je l’ai fait, car je suis avant tout un optimiste, profondément persuadé qu’il est encore possible de construire des SI performants, économiques et flexibles, y compris dans le secteur public.

Ce seront ces idées positives que je vais défendre dans la deuxième partie de cette analyse.

DPC Old Way, New Way S 54116212L’organisme responsable des SI du secteur public, la DISIC, va changer de nom et s’appeler la DINSIC.

J’ose encore espérer que le changement de nom, suivi rapidement d’un changement du Directeur Général, sera aussi l’occasion d’un changement radical et rapide de stratégie.

 

 


Ingénieur logiciel : la renaissance d’un beau métier ?

 

Alerte ! Danger majeur ! Urgence ! 

DPC Software Developer S 57767361Il est devenu impossible de faire carrière dans le métier de développeur, d’ingénieur logiciel, et ceci met en péril la compétitivité de toutes les entreprises. Une réaction immédiate s’impose.

La croissance extraordinaire de la puissance des solutions informatiques dont nous disposons aujourd’hui a deux sources :

  • Les améliorations dans les composants électroniques des processeurs, mémoires et réseaux.
  • Les logiciels qui permettent d’exploiter efficacement ces composants.

Cette « évidence » met au cœur de la performance des SI les développeurs de logiciel, que l’on nomme maintenant « ingénieur logiciel ». Rien n’existerait en informatique sans eux.

Ces ingénieurs logiciels se répartissent en deux grandes familles : 

  • Les personnes qui travaillent au plus près des infrastructures, pour développer des systèmes d’exploitation, des navigateurs, des logiciels de gestion de bases de données... On les trouve en priorité chez les constructeurs informatiques.
  • Les personnes qui construisent des applications pour répondre aux attentes du grand public et du monde professionnel. C’est d’eux, les ingénieurs logiciels applicatifs que je vais parler dans ce billet.

 

Une situation catastrophique, aujourd’hui

DPC indian Developer Yoga S 56385698Un ingénieur logiciel applicatif peut travailler :

  • Chez un éditeur de logiciels.
  • Dans une ESN, Entreprise de Services Numériques, les ex SSII.
  • Dans une organisation, privée ou publique, dont le métier n’est pas l’informatique.

 Chez les éditeurs de logiciels, l’importance du rôle de l’ingénieur logiciel est bien prise en compte et il est possible de faire carrière en restant dans le métier d’ingénieur logiciel applicatif.

 C’est dans les entreprises et les ESN que la situation est dramatique : il est impossible de faire carrière en restant dans ce métier d’ingénieur logiciel applicatif.

Jeune développeur, vous commencez votre carrière dans une ESN, une banque, une entreprise industrielle... C’est une porte d’entrée fréquente dans la profession.

DPC Geek S 85575488Pendant les 2 ou 3 premières années, tout se passe raisonnablement bien, puis la situation se complique. On commence à vous poser des questions, à vous regarder de manière bizarre : 

  • Vous continuez à coder ?
  • Vous pensez vraiment continuer longtemps dans ce métier ?
  • Vous n’êtes pas intéressé par des augmentations de salaire ?
  • Vous n’avez pas envie de faire une belle carrière ?
  • ...

Les seuls plans de carrière proposés aux ingénieurs logiciels les obligent à changer de métier et à devenir, le plus vite possible :

  • Chef de projet, dans les entreprises et les ESN.
  • Commercial, dans les ESN.
  • Ou... sortir des métiers de l’informatique.

Par quel miracle un bon ingénieur logiciel serait-il aussi un bon chef de projet ou un bon commercial ? Les compétences, les intérêts métiers sont totalement différents !

Il y a bien sur des exceptions à cette situation ; je connais quelques ESN innovantes, de petite taille, qui traitent très bien leurs développeurs logiciels.

  

Ingénieur logiciel applicatif : un cul-de-sac professionnel en 2015

La situation des développeurs d’applications n’est vraiment pas brillante, en 2015.

IT developersDes millions de développeurs réalisent des tâches à faible valeur ajoutée, sous-payés, pour paramétrer des ERP archaïques tels que SAP, Oracle Applications ou Microsoft Dynamics.

Je ne critique pas du tout les personnes qui font ce travail, mais les donneurs d’ordres, ces grandes entreprises qui croient encore que l’ERP intégré est la réponse à leurs attentes et les ESN qui sont prêtes à mettre des milliers de personnes à la disposition de ces entreprises, pendant de nombreuses années.

CIGREF Cycle de vie des applicationsIl est d’ailleurs très révélateur que la fonction « paramétreur de progiciels » soit l’un des métiers référencés dans la nomenclature des emplois informatiques proposée par le CIGREF, le Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises.

Est-ce que cette situation est sans espoir pour les ingénieurs logiciels applicatifs qui aiment leur métier, qui souhaiteraient y faire carrière ? 

Non, si les entreprises prennent conscience du danger de la situation actuelle et font évoluer leur vision du SI vers le modèle « B I S » que je propose.

  

Le modèle « B I S », meilleur allié des ingénieurs logiciels applicatifs

Je résume en quelques lignes les trois composants du modèle « B I S » que j’ai présenté en détail dans un billet récent.

Trois composants BIS - Infra, Soutien, Métiers

  • I, pour Infrastructures : les réseaux, postes de travail et serveurs, pris en charge de plus en plus par des solutions IaaS, Infrastructure as a Service.
  • S, pour usages support : messagerie, pilotage RH, budgets... Toutes ces fonctions sont aujourd’hui disponibles en SaaS, Software as a Service.
  • B, pour usages Business, cœur métiers : il existe aujourd’hui peu de SaaS verticaux spécialisés métiers ; c’est donc dans ce domaine que l’on aura besoin d’ingénieurs logiciels pour construire des applications sur mesure, porteuses de compétitivité et de différentiation.

Si cette logique l’emporte, ce que j’espère sans en être certain, entreprises et ESN vont devoir repenser profondément leur approche, comme je le résume dans ce tableau :

Matrice développeurs BISAujourd’hui, les ingénieurs logiciels sont reconnus et peuvent faire carrière chez les constructeurs et les éditeurs de logiciels.

Demain, il faudra créer un grand nombre d’emplois à haut potentiel d’ingénieurs logiciels applicatifs dans les entreprises et les ESN pour répondre à une demande qui n’existe pas encore aujourd’hui. Ces applications métiers seront, bien sur, développées sur le Cloud avec des outils PaaS, Platform as a Service.

Peut-on croire à cette évolution, à cette révolution ? Je vois de plus en plus de signaux positifs qui me rendent raisonnablement optimiste.

Développer sur le Cloud, en PaaS, est une excellente option pour les ingénieurs logiciels et leur nombre devrait tripler rapidement, comme l’explique cet article récent.


5M developpers in the CloudJ’y trouve aussi dans ce texte une phrase importante : « Les développeurs souhaitent travailler sur des problèmes difficiles », ce que peuvent leur proposer Amazon, Facebook ou Google. DSI des grandes entreprises, plus vous proposerez de développer des applications innovantes, complexes, plus vous aurez de candidats pour vous aider !

GM hired 8000 developpersQuelques grandes entreprises ont compris l’importance de reprendre le contrôle du développement de leurs applications cœur métier ; en 2014, General Motors a pris la décision d’embaucher... 8 000 ingénieurs logiciels.

 

Ingénieur logiciel, un métier qui se bonifie avec l’expérience

J’ai posé des dizaines de fois, dans les séminaires que j’anime, cette question aux personnes qui avaient eu un début de carrière informatique dans le développement logiciel : « Auriez-vous aimé continuer plus longtemps dans ce métier ? »

Une majorité de personnes répondent « oui ».

DPC experience S 86186338Ingénieur logiciel, ce n’est pas un métier pour débutant ! C’est un métier complexe, où l’expérience joue un rôle majeur.

C’est aussi un métier où les différences de performances entre les bons et les « autres » sont très fortes, avec des ratios qui peuvent dépasser 10 à 50 entre les meilleurs et les « moins bons ».

Dans un orchestre symphonique, les violonistes, les trompettistes peuvent faire toute leur carrière en jouant de l’instrument qu’ils maîtrisent très bien.

RostropovichDemain, il faudra aussi permettre aux champions de PHP, JavaScript ou Java de continuer à exercer leurs talents le plus longtemps possible. Le violoncelliste Mstislav Rostropovich donnait encore des concerts quelques semaines avant sa mort, à 80 ans.

Les DRH et les DSI doivent, de toute urgence, mettre sur pied des plans de carrière et de rémunération adaptés à ce nouveau profil « Ingénieur Logiciel Applicatif à vie ». 

Dans un pays comme la France qui a beaucoup de mal à reconnaître et récompenser les compétences techniques au détriment des fonctions de management, ce ne sera pas facile !

Des milliers d’ingénieurs logiciels sont prêts à travailler toute leur vie dans un métier qui leur plait, où ils sont très bons, et deviendront meilleurs au fil des années. Entreprises et ESN doivent simplement apprendre à les accueillir dignement et à rémunérer des compétences dont elles vont avoir besoin, et... très rapidement.