FNAC et Motorola : deux PME qui n’ont rien compris aux attentes des clients Internet
14/09/2015
Trop, c’est trop ! De temps en temps, cela fait du bien de pousser un « coup de gueule », ce que je fais aujourd’hui.
J’ai choisi d’illustrer le retard catastrophique que des « PME » telles que la FNAC ou Motorola ont pris dans la gestion de leurs clients Internet. Ces exemples sont des signes inquiétants d’un mouvement plus large, qui frappe un trop grand nombre d’entreprises.
« Le client au centre de nos préoccupations », c’est le discours de toutes les entreprises aujourd’hui, mais la réalité vécue par ces clients est trop souvent... l’inverse !
La principale cause de cette situation : des processus à revoir de fond en comble, centrés aujourd’hui sur les attentes des acteurs internes et qui oublient les demandes de base des clients.
Vous avez tous vécu des situations similaires, en ayant l’impression que l’entreprise à laquelle vous essayez d’acheter un service ou un produit fait tout ce qu’elle peut pour vous en décourager. L’analyse qui suit, de quatre petits exemples concrets, a pour objectif d’alerter les entreprises sur les impacts catastrophiques que peuvent avoir des processus « anti-clients ».
Ces quatre « saynètes » n’ont, individuellement, aucune gravité ; prises ensemble, elles montrent à quel point de grandes entreprises prennent des risques majeurs en oubliant que ce sont leurs clients qui les font vivre.
FNAC
Acte 1 : tentative d’achat d’un smartphone.
Il y a deux ans, Je décide de faire une opération très complexe, acheter sur Internet un smartphone. Je vais sur le site FNAC.com, pour changer un peu de mon fournisseur habituel, Amazon.com
En apparence, tout se passe bien ; je paie avec ma carte American Express (AMEX) et FNAC.com m’annonce une livraison dans 4 jours.
Une semaine, dix jours se passent et je n’ai aucune nouvelle, rien ! Je me décide à appeler par téléphone, ne trouvant aucune information sur le site.
Après de longues minutes d’attente, une personne sympathique prend mon appel ; je lui donne la référence de mon achat et lui demande pourquoi ce retard. C’est à ce moment que commence un dialogue « ubuesque » :
- Nous avons un problème de paiement avec AMEX.
- Lequel ?
- C’est la première fois que vous payez chez nous avec AMEX ?
- Oui.
- Nous ne pouvons pas accepter le paiement sans confirmation de domicile.
- Vous ne pouviez pas m’en informer au moment du paiement, ou par email ! Si je n’avais pas appelé, j’aurais pu attendre... longtemps.
- Désolé, mais, en plus, pour confirmer votre adresse, il faut que vous nous envoyiez,par « courrier papier », un document de justification de domicile ! Jamais on ne m’avait encore fait une blague pareille, sur Internet !
J'ai immédiatement annulé ma commande et acheté ce smartphone, devinez où, sur Amazon.
Acte 2 : achat d’un livre en magasin FNAC
Il y a un an, passant devant un magasin FNAC, je rentre pour acheter un livre peu connu.
Très aimable, le vendeur regarde sur son écran et me dit : « on peut vous le livrer dans 15 jours ».
Je paie avec ma carte de crédit en choisissant VISA (pas AMEX !) et part avec mon reçu.
Une semaine plus tard, je reçois à mon domicile une lettre de la FNAC :
- Elle m’annonce que le livre n’est pas disponible ! On aurait peut-être pu le dire immédiatement !
- La lettre contenait un... chèque de remboursement !! C’est bien la première fois que l’on me crédite un paiement carte de crédit par un chèque.
J’ai un scoop pour la FNAC : il est possible de créditer directement le compte de la carte de crédit.
En plus d’une image client désastreuse, est-ce qu’il y a une seule personne un peu raisonnable à la FNAC qui s'est posée la question du coût de ce processus ?
- Impression et envoi de la lettre chèque.
- Envoi par le client à sa banque.
- Traitement du chèque par la banque.
- J’avais oublié de préciser que le montant de mon achat était de 18,72 €.
Dans les deux cas, ce ne sont pas les personnes qui sont en cause, elles ont fait le mieux possible leur travail. Ce sont les processus qu’il faut revoir de fond en comble.
L’équation est simple :
Un service banalisé + un processus catastrophique = un client définitivement perdu.
Motorola
Acte 3 : tentative d’achat d’un smartphone Motorola G
Motorola a annoncé en septembre 2015 la version 3 du modèle G, un smartphone avec un excellent rapport qualité/prix. Je décide de commander la version « haut de gamme », avec 2 Go de mémoire et 16 Go de flash, pour le prix « exorbitant » de 229 € TTC, livraison comprise.
Je profite aussi d’un sympathique service de personnalisation pour choisir quelques options comme la couleur du dos.
La commande se déroule sans encombre et l’on m’annonce un délai de livraison de 15 jours, car la demande est forte.
Surprise ! Le lendemain je reçois un courriel m’annonçant que ma commande est « en suspens ».
J’appelle donc le numéro indiqué (payant !!) et une personne, encore une fois prête à m’aider le mieux possible, m’explique que ma commande ne peut être honorée, car j’ai... payé sur le site français avec une carte Visa... espagnole. Je ne savais pas qu’Arnaud Montebourg était conseiller de Motorola France pour pratiquer le « traité en France ».
Nous sommes en 2015 ! Ce n’était pas une carte de crédit grecque ! Il ne doit pas être impossible de détecter l’origine de ma carte au moment du paiement pour me prévenir que je dois utiliser une carte française !
Je propose gentiment de lui donner par téléphone les numéros de ma carte française. Réponse : c’est impossible, il faut annuler la commande et retourner sur le site Motorola pour reprendre à zéro tout le... processus de commande.
Je suis enchanté de la réponse ? Non, mais j’accepte de repasser commande, car j’ai bien compris qu’il n’y a pas d’alternative. Je pose la question sur la date de livraison et on m’annonce qu’elle sera probablement décalée.
Acte 4 : deuxième tentative d’achat du même smartphone Motorola G
Plein de bonne volonté, je repasse ma commande en prenant soin de payer avec une carte Visa française.
Surprise ! Le lendemain, je reçois à nouveau le même message de mise en suspens de ma commande.
Très perplexe, je retourne sur le site voir l’état de ma commande et j’ai le plaisir de lire qu’elle est « Cancelled » (annulée) alors que le courriel parle de « en suspens ».
- Est-ce trop demander à Motorola France de mettre « annulée » au lieu de « cancelled », quand tout le reste du texte est en français ?
- Pourquoi mettre cancelled quand on veut dire « en suspens » ?
- Le comble ! Motorola a bien compris qu’il y a un problème ; en relisant le message reçu par courriel (voir plus haut) il est précisé en petit, dans la dernière ligne que je risque de voir apparaître par erreur le message « annulé ». Au lieu de corriger une erreur dans le processus, on le... complexifie pour rajouter un texte qui n’aurait jamais du exister.
Nouvel appel, payant, à Motorola pour comprendre le pourquoi de ce deuxième rejet. La réponse obtenue est tout simplement ahurissante : « comme mon paiement précédent a été rejeté, je suis maintenant suspect et on refuse ma deuxième prise de commande ». Motorola est aussi devenu un adepte du principe de précaution, cher à la France.
Mon interlocutrice, toujours aimable, m’annonce qu’elle pense avoir une solution : elle va appeler un responsable des ventes qui a le pouvoir de « forcer » la commande, qui pourrait être autorisée dans... 2 ou 3 jours ! Je suis, vous l’avez compris, « enchanté » de cette réponse.
J’ai enfin reçu une bonne nouvelle : ma commande a été débloquée. C’est bien, mais il ne faut pas oublier qu’elle n’aurait jamais dû être... bloquée.
Le plus triste de cette histoire : plusieurs personnes de Motorola ont perdu du temps pour essayer de court-circuiter un processus catastrophique au lieu de le corriger, et tout cela pour une commande de 229 €. Le coût de ce dysfonctionnement interne doit approcher le montant de ma commande.
L’équation est simple :
Un excellent produit + un processus catastrophique = un client furieux, mais qui reste quand même client.
Un contre exemple positif : la démarche de Jeff Bezos, PDG d’Amazon
Comment « ravir les clients Internet » ? Ce devrait être l’objectif prioritaire de toute entreprise qui utilise le Web. La démarche suivie par le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, en est une excellente illustration.
Tous les mois, il passe une journée dans un centre d’appels, à dialoguer avec les clients comme un opérateur normal. Combien de dirigeants d’entreprises ont une démarche de ce type ?
Ce qui est encore plus passionnant, c’est la logique suivie : si un client appelle, c’est que... nous ne sommes pas bons ! Il suffit d’avoir passé un moment dans des centres d’appel pour avoir entendu des opérateurs employer des phrases du genre : « Ils sont nuls, ils n’ont rien compris, quelle plaie... » en parlant des... clients.
La réponse de Jeff Bezos : analysons pourquoi cet appel a eu lieu, ce qui fait que le client a du appeler et changeons le processus pour qu’aucun nouvel appel de ce type ne se reproduise.
Connaissez-vous beaucoup de sites Web aussi agréables, aussi efficaces que ceux d’Amazon ? Moi, non.
Je suis persuadé que c’est à l’aide de dizaines, de centaines de petites modifications de processus qu’Amazon a obtenu cette fluidité, ce confort d’usage qui les rend aussi redoutables.
Résumé
Ce sont des dizaines de « petites erreurs » dans les processus qui créent de grandes catastrophes, ce que j’ai envie de nommer « l’effet papillon » des processus.
Combien de temps faudrait-il aux équipes informatiques de la FNAC ou de Motorola pour corriger ces erreurs ridicules de processus ? 15 jours ? 1 mois ? Combien faudra-t-il de clients perdus, insatisfaits pour que la décision soit prise ?
Je rencontre tous les jours des salariés motivés, pleins de bonne volonté, qui font leur maximum pour satisfaire leurs clients malgré les défauts, les absurdités des processus internes.
Les entreprises doivent comprendre que c’est par la fluidité et l’ergonomie de leurs processus clients externes qu’est jugée la qualité de leur SI.
Ecoutez vos clients, écoutez leurs remarques, ce sont les mieux placés pour vous aider à améliorer vos processus.