2 stratégies pour une DSI : conservatisme ou courage. Faites le test pour vous situer !
25/01/2016
Je rencontre tous les ans des centaines de DSI, dans des entreprises de toute taille, de tout secteur et dans de nombreux pays. Ils me demandent souvent de les aider à moderniser leur Système d’Information, à redéfinir leur stratégie SI.
Mon rôle n’est pas de définir cette stratégie, mais d’aider les entreprises à en construire une qui est cohérente avec leur culture, thème que j’ai abordé récemment.
En analysant les échanges que j’ai eus au cours de ces dernières années, j’ai constaté qu’il existe deux familles de DSI :
- Les conservatrices, qui privilégient la continuité.
- Les courageuses, qui n’ont pas peur de bousculer le statu quo.
En 2016, une profession de foi pour l’innovation n’est plus un critère de différenciation : c’est devenu l’alibi favori des conservateurs pour ne pas agir. Avez-vous déjà rencontré des responsables informatiques qui ne se disent pas favorables à l’innovation ? Moi, jamais !
La conférence de Davos 2016 avait pour thème la «quatrième révolution industrielle», sujet que j’avais abordé dans ce blog dès 2010, sous le nom de R2I, Révolution Industrielle Informatique. Cette R2I peut se réaliser aujourd’hui, avec les outils et solutions disponibles aujourd’hui. La fuite en avant, l’attente de «la prochaine innovation» est l’arme préférée des DSI conservatrices.
Je vous propose aujourd’hui un test qui vous permettra de déterminer à laquelle de ces deux familles votre DSI appartient.
Conservatisme
Dans toutes les organisations, grandes et moyennes, l’informatisation c’est développée sur plusieurs décennies. Je rencontre encore beaucoup d’applications Cobol, de serveurs Mainframe IBM et de PC Windows.
Toutes les DSI sont confrontées à ces boulets historiques. Les conservateurs vont agir, comme le nom l’indique, pour :
- Protéger, maintenir l’existant aussi longtemps que possible.
- Privilégier la pérennité des métiers des informaticiens de leurs équipes. Cela part souvent d’une bonne intention, mais préserver la «paix sociale» peut être un argument fort qui encourage l’immobilisme.
- Continuer à travailler avec les grands fournisseurs qu’ils connaissent, qui ont «pignon sur rue». On reprochera rarement à une DSI des choix Oracle, Microsoft ou SAP...
- Ne pas mettre en péril son job. Ne pas créer de vague, ne pas lancer des projets de rupture, c’est, à court terme, une bonne assurance emploi.
L’un des plus grands génies de la stratégie, Machiavel, l’avait parfaitement compris quand il mettait en lumière les risques pris par les innovateurs.
Courage
D’autres DSI, courageuses, n’hésitent pas à affronter les challenges, les pesanteurs de l’existant et lancent de véritables projets de transformation.
Pour cela, il faut beaucoup, mais beaucoup de courage. On doit :
- Bousculer les conforts actuels, des équipes informatiques et des clients internes, pour qui tout changement est une menace.
- Expliquer que les risques liés à l’immobilisme sont, à moyen terme, supérieurs à ceux créés par des actions de changement.
- Ne pas hésiter à miser sur des fournisseurs innovants, qui n’ont pas 20 années d’expérience et des armadas de commerciaux pour vous rencontrer.
- Mettre en cause les attributs de son pouvoir : budgets, nombre de collaborateurs et investissements ; les potentiels immédiats de la technologie permettent de réduire les coûts du SI.
Ce sont de beaux combats en perspective, c’est tout sauf une ballade tranquille.
Etes-vous conservateur ou courageux : un test en 10 questions
Pour préparer ce test, j’ai choisi dix questions auxquelles il est facile de répondre par oui ou par non, avec un minimum d’ambigüité. J’ai aussi privilégié des démarches et outils opérationnels depuis de nombreuses années, en évitant la fuite en avant sur des technologies en émergence comme le «machine learning» ou l’informatique des objets.
Mes choix sont subjectifs, contestables, mais ils ont le mérite de permettre aux responsables informatiques de découvrir, clairement, à laquelle des deux familles ils appartiennent. L’ordre dans lequel ces questions sont présentées n’est pas significatif.
1 - Outils de communication et de collaboration.
Les outils modernes de communication et de collaboration, substituts des antiquités Exchange de Microsoft ou Lotus Notes d’IBM, existent depuis de nombreuses années : Google for Work en 2007 et Office365 en 2011.
Quels que soient les arguments utilisés par les DSI pour justifier leur choix, ils ne servent qu’à conforter l’appartenance à l’une des deux familles :
- Les courageux choisissent Google for Work.
- Les conservateurs choisissent toujours Office365 de Microsoft.
2 - BYOD opérationnel
Des entreprises comme Revevol ou Cisco ont entrepris une démarche BYOD, Bring Your Own Device depuis de nombreuses années.
Question : avez-vous mis en œuvre une démarche BYOD pour plus de 10 % des collaborateurs de votre entreprise ?
3 - IaaS en production
Depuis 2006, AWS, Amazon Web Services est le leader mondial des offres IaaS, Infrastructures as a Service. Des entreprises comme Netflix ou GE utilisent massivement les solutions IaaS d’AWS.
Question : est-ce que plus de 20 % de votre production informatique est sur des plateformes IaaS ?
4 - WiFi généralisé et encouragé
Les premiers réseaux WiFi sont nés en 2001, il y a plus de 15 ans.
Question : est-ce que votre entreprise a basculé sur des réseaux WiFi comme solution prioritaire ?
Ceci signifie que tous vos lieux de travail sont équipés en WiFi, que vous proposez du WiFi à vos visiteurs et que tous vos collaborateurs peuvent utiliser des réseaux WiFi pendant leurs déplacements, pour leurs usages professionnels.
5 - Le navigateur Internet Explorer (IE) n’est plus le standard de la DSI
Cela fait 10 ans que IE est concurrencé par Firefox, Safari ou Chrome et Microsoft propose maintenant un nouveau navigateur, Edge.
Question : est-ce que vous avez choisi comme navigateurs privilégiés, installés sur tous les objets d’accès, des navigateurs qui ne sont pas IE ?
6 - Master PC supprimé
Smarphones, tablettes, Macintosh...la variété des objets d’accès au SI n’a jamais été aussi grande.
Question : avez-vous définitivement abandonné le principe du «Master PC», des configurations PC standard pour tous vos collaborateurs ?
Les solutions telles que Citrix ou VDI font bien sûr partie de ce choix «Master».
7 - Chromebooks déployés
Les Chromebooks, PC portables fonctionnant sous ChromeOS, sont disponibles depuis 2011 ; l’offre c’est fortement enrichie depuis cette date.
Question : est-ce que les Chromebooks représentent plus de 10% des PC portables utilisés dans votre entreprise ?
8 - Solutions SaaS en priorité
Salesforce est né en 2000, il y a plus de 15 ans. Plusieurs milliers d’excellentes solutions SaaS (Software as a Service) sont disponibles et couvrent 100 % des fonctions support pour les entreprises.
Question : est-ce que vous avez mis en œuvre une démarche «SaaS first», interdisant l’usage de solutions non SaaS pour toutes ces fonctions support, en RH, marketing, commercial, finances...
9 - Equipes internes de développement
Pour que leurs applications cœur métiers redeviennent des outils de compétitivité et de différentiation, les entreprises vont devoir recréer des équipes internes de véritables développeurs, d'ingénieurs logiciels. Je ne parle évidemment pas des «paramètreurs d’ERP».
Question : avez-vous dans vos équipes informatiques plus de 10 % de collaborateurs qui sont de véritables développeurs d’applications ?
10 - Utilisation de PaaS, Platform as a Service
IBM avec Softlayer, Amazon, Google et Microsoft proposent de remarquables plateformes de développement, indispensables pour construire des applications modernes en mode Devops.
Question : est-ce que plus de 20 % de vos applications sont construites sur des plateformes PaaS ?
Voici maintenant le tableau que vous pouvez utiliser pour déterminer votre score et savoir si vous êtes conservateur ou courageux.
Un juste milieu ?
Rares seront les DSI qui auront un score «parfait», 10 pour conservateur ou 10 pour courage.
Je vous propose une classification en fonction du nombre de réponses positives dans la colonne «Courage» :
- 0, 1 ou 2 : vous êtes résolument conservateur. Si c’est un choix clairement assumé, parfait ; si vous souhaitez faire évoluer votre SI, vous avez un gros chantier sur les bras.
- 3 ou 4 : vos efforts pour aller vers une démarche «courage» sont importants. Il faut maintenant choisir vers quel camp vous souhaitez basculer.
- 5 ou plus : vous faites partie des DSI courageuses, qui ont montré qu’elles étaient capables d’affronter les challenges du changement.
Je suis persuadé qu’il n’y aura plus de «juste milieu» possible. Dans un monde qui bouge de plus en plus vite, où la technologie s’invite dans tous les métiers, le SI aura un rôle stratégique majeur.
Faire du «sur place» deviendra un exercice périlleux, et pour l’entreprise, et pour la DSI.
Qui n’avance pas recule !
Synthèse
Je respecte le choix culturel des responsables informatiques, conservatisme ou courage.
Ce que je leur demande, c’est d’assumer leur choix et ne pas faire semblant, ne pas prétendre appartenir à la famille «courage» quand ils sont profondément conservateurs.
Plus le discours des responsables informatiques est incantatoire, innovation, rupture, entreprise numérique, lutter contre «l’ubérisation», plus je me méfie.
Visiter un salon comme le CES, se faire photographier à côté de patrons de startups, cela ne suffit pas pour devenir un «capitaine courageux» du SI.
Seuls, les actes, les décisions comptent.