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Pas d’ingénieurs logiciels en interne ? Pas d’entreprise numérique !

 

DPC Words S 64680360Entreprise numérique, Chief Digital Officer, Big Data... Les entreprises sont toujours prêtes à parler des nouvelles technologies, à se gargariser de mots qui donnent l’illusion de la modernité et de l’innovation.

Le seul problème : ces entreprises sont trop peu nombreuses à passer à l’action, à avoir le courage de prendre les décisions qui permettraient de mettre en œuvre ces outils numériques au service de leur compétitivité.

J’aborde dans ce billet l’une des carences les plus universelles dans les grandes organisations, leur incapacité à créer en interne des équipes de développeurs, d’ingénieurs logiciels, et à les garder en leur proposant une véritable carrière.

  

L’entreprise devient logiciel

GE becoming a software company«Toutes les entreprises doivent devenir des entreprises logiciels» Bill Ruh, General Electric

Cette citation d’un dirigeant de General Electric illustre parfaitement la mutation qui touche toutes les entreprises, quelle que soit leur secteur d’activité. General Electric a embauché plus de 1 200 ingénieurs logiciels.

Entreprise industrielle, de transport, banque, assurance ou secteur public, toutes les entreprises doivent, elles aussi, devenir «éditeur de logiciels métiers» pour rester compétitives.

Le «B» du modèle B I S

Les lecteurs de ce blog sont familiers du modèle B I S, Business, Infrastructures, Support.

DPC Developper smallDevenir éditeur de logiciel n’a de sens que pour les usages «B», cœur métiers. Pour que cette mutation culturelle puisse se réaliser, il y a deux préalables indispensables :

  • La reconnaissance par la DG, les directions métiers et la DSI du rôle primordial des applications métiers spécifiques, innovantes.
  • La reconnaissance par la DG, la DRH et la DSI du fait que pour développer des applications métiers innovantes, il faut... des ingénieurs logiciels en interne.

Si ces deux conditions ne sont pas remplies, les entreprises resteront dans le «discours incantatoire» et n’auront jamais la capacité de devenir des «entreprises logiciels».

Par contre, si cette prise de conscience a lieu, et les décisions qui en découlent sont prises, alors, le futur des usages cœur métiers devient passionnant.

Pourquoi ? Toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour que les équipes d’ingénieurs logiciels puissent réaliser un travail formidable.

 

Ingénieur logiciel, en 2016 : tout doit changer

DPC Comeback renaissance S 100260192Dans un billet récent, j’ai annoncé la «renaissance du métier d’ingénieur logiciel», en espérant que les entreprises comprennent mon message et le mette en pratique. La réalité est hélas encore très loin de cette prise de conscience.

Démarches, outils, plateformes... tout ce que l’on avait appris sur les ex bonnes pratiques du métier de développeur doit être abandonné :

  • La séparation entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre.
  • La séparation entre développement et production.
  • Les méthodes traditionnelles de gestion de projets.
  • Les recettes logicielles.
  • ....

Si je devais choisir seulement deux concepts qui vont révolutionner le métier d’ingénieur logiciel dans les prochaines années, ce seraient :

  • Devops
  • Serverless

Devops

DevOps logoDevops est la contraction de Developpement et Operations. L’expression Devops est utilisée depuis le début des années 2010.

Au delà des outils, Devops est une démarche de rupture dans tout le processus de construction d’une application. Elle a ses origines dans les démarches agiles et le «continuous delivery».

Tout l’édifice classique informatique est mis à bas par Devops. Dans l’immense majorité des entreprises, les équipes de développement s’occupent du code et passent ensuite le «bébé» aux équipes d’infrastructures qui vont, après moult tests, accepter de mettre cette application en production. Ce processus dure souvent des semaines ou des mois.

You built it, you run it Werner vogelsC’est Werner Vogels, le CTO d’AWS, Amazon Web Services, qui en a donné ce qui est pour moi la meilleure et la plus simple définition :

«You build it, you run it»

Chez AWS, des centaines de projets Devops avancent en parallèle. Dès que l’équipe du projet 134 est prête, elle met en production la nouvelle version sans se préoccuper de ce que font les autres projets. Toute les notions de synchronisation ou de schéma directeur disparaissent, car elles seraient des facteurs de blocage et de ralentissement insupportables.

AWS Certified Devops EngineerAWS a récemment créé une certification «Devops Engineer».

Devops est utilisé par tous les géants du Web et des entreprises innovantes telles que NetFlix.

En apparence, la démarche Devops est en contradiction avec une des idées que je défends avec le plus de force, l’indépendance entre les usages et les infrastructures.

C’est là qu’intervient la deuxième révolution, «serverless»

Serverless

La démarche serverless, «sans serveur», consiste à affranchir l’ingénieur logiciel de toute référence à des ressources matérielles d’infrastructures, telles que serveurs ou fichiers.

Aws lambda Une fois de plus, c’est AWS qui a pris le leadership dans ce domaine, avec l’annonce de Lambda ( λ ).

L’application envoie des ordres, les lambda functions, et le service Lambda va dynamiquement mettre en œuvre les ressources d’infrastructures nécessaires à son exécution.

Avec Lambda, on atteint la parfaite indépendance usages - infrastructures ; les développeurs ne pensent qu’à leur code, et Lambda met en œuvre les ressources nécessaires.

Book AWS LambdaUn premier livre sur Lambda est disponible, pour le moment uniquement en version Kindle.

 Les leaders mondiaux de l’informatique ont bien pris conscience de l’importance de cette démarche «serverless». L’avancée prise par AWS avec Lambda les inquiète et ils commencent à réagir :

  • Google a annoncé, début 2016, Google Cloud Functions, très proche dans sa logique de Lambda.
  • Le projet Kratos, porté par Iron.io, a pour objectif de rendre Lambda agnostique et de permettre de porter les fonctions λ sur tous les fournisseurs de Cloud.

Kratos project - AWS Lambda compatible

J’aurais aussi pu parler des microservices, des différents langages disponibles ou des grands frameworks applicatifs. J’ai préféré me concentrer sur les deux concepts qui vont, à mon avis, avoir le plus d’impacts sur le métier d’ingénieur logiciel : Devops et Serverless.

MAJ du 23 février 2016

IBM rejoint AWS et Google avec l'annonce de sa version Serverless pour Bluemix : OpenWhisk. IBM met en avant une caractéristique importante : c'est une solution Open Source.

 

Actions urgentes, immédiates

DPC Risk sharks S 48163440Les entreprises, et en particulier les plus grandes, qui n’auront pas, très rapidement, des équipes internes d’ingénieurs logiciels qui maîtrisent Devops et Serverless prendront de graves risques de perte de compétitivité.

Il leur sera très difficile de se battre à armes égales avec leurs concurrents capables de produire, mois après mois, de nouveaux services numériques innovants.

Pour recréer des conditions d’accueil d’ingénieurs logiciels, DRH et DSI doivent travailler ensemble pour proposer des rémunérations et des plans de carrière dignes de ce nom.

Rémunération

Le site ComputerCareers vient de publier une étude sur les salaires des ingénieurs logiciels ; ce sont les chiffres de décembre 2015. Ce tableau donne les résultats dans les entreprises qui payent le mieux.

Computer careers Salaires Software engineers : company 12:2015Pour les sept entreprises citées, la moyenne des salaires annuels est dans la fourchette 130 000 à 155 000 dollars.

Plans de carrières

Ce deuxième tableau montre que l’écart entre les débutants et les mieux payés est de 1 à 3, ce qui permet des plans de carrière raisonnables.

Computercareers salary range

Comparez ces chiffres à ceux pratiqués dans votre entreprise : même en tenant compte des écarts de salaires entre les USA et l’Europe, vous aurez une bonne idée du chemin qui reste à parcourir.

Les ingénieurs logiciels seront, demain, les informaticiens les plus importants de vos équipes. Proches des directions métiers, ils vont acquérir de plus en plus de compétences sur les activités essentielles des entreprises. Il serait criminel de ne pas les «chouchouter», de ne pas leur donner la possibilité d’exercer cette activité pendant des dizaines d’années.

 

Des paroles ou des actes

DPC Word Action S 100476305Les entreprises doivent arrêter de se faire plaisir avec des mots et des concepts ronflants, qui ne débouchent sur rien de concret, d’opérationnel. L’action doit prendre le pas sur la parole, et vite !

Vous aimez développer des logiciels ? Nous vous proposons des carrières passionnantes, à long terme.

Combien d’entreprises sont capables, aujourd’hui de tenir ce discours et... de le mettre en œuvre.

Il existe heureusement des lueurs d'espoir ; dans un entretien avec la revue du digital, Carlos Gonçalves, DSI de Société Générale CIB, prévoit "un avenir incroyable pour les bons développeurs".

Avenir incroyable pour développeurs DSI Société Générale

Espérons qu'ils seront de plus en plus nombreux, les DSI à partager son point de vue !


Qui sera le prochain géant des plateformes Clouds ?

 

DPC Giant Cloud Girafe S 100019673Les plateformes industrielles Clouds Publics sont devenues, en moins de dix ans, les solutions de base pour toutes les entreprises «raisonnables». Il existe encore un dernier bastion d’entreprises rétrogrades qui n’ont pas pris ce virage, mais je ne suis pas très optimiste sur leur avenir.

Ces premières années du Cloud ont permis l’émergence de géants généralistes, qui répondent aux attentes de toutes les entreprises.

On voit maintenant apparaître de nouvelles familles de plateformes Cloud, qui prennent une approche verticale, en se spécialisant sur des usages pertinents pour des secteurs d’activité bien définis.

C’est cette deuxième famille de solutions que je fais évoquer dans ce billet, mais en faisant auparavant un point sur l’état du marché, fin 2015.

 

Le marché IaaS/PaaS, fin 2015

Logos Géants Cloud PublicLes géants actuels, AWS, Google, IBM et Microsoft ont gagné la bataille industrielle des plateformes de Clouds Publics. J’avais publié il y a quelques mois un billet sur ce sujet.

Leurs offres IaaS (Infrastructures as a Service) et PaaS (Platform as a Service) sont complémentaires, et de plus en plus difficiles à séparer. Ces plateformes s’adressent en priorité aux professionnels de l’informatique, pour les infrastructures et les applications, ce qui explique le rapprochement entre IaaS et PaaS. 

Amateurs, s’abstenir.

Comme le montrent clairement les chiffres publiés par Synergy Research, la part de marché des quatre leaders augmente tous les ans. Au deuxième trimestre 2015, cette part de marché était supérieure à celle de tous leurs concurrents, ce qui n’était pas le cas il y a deux ans, en 2013.

Synergy research Cloud IaaS Q2 2015

La purge du marché est bien entamée ; c’est une excellente nouvelle pour les entreprises clientes qui n’auront plus comme fournisseurs que de véritables industriels. Deux illustrations :

La disparition des clouds «souverains» français : CloudWatt est absorbé par Orange et Numergy par SFR ; fin de la récré.

DPC Game Over Slot Machine S 95635148La sortie de ces marchés par des fournisseurs importants qui ont compris qu’ils n’avaient ni les compétences ni les moyens d’investir. La liste est déjà longue, et va s’enrichir en 2016 :

  • Verizon, qui met en vente 48 centres de calculs.
  • Rackspace, qui a abandonné la partie en 2014.
  • HP, qui choisi de s’associer avec l’un des quatre grands, Microsoft Azure.
  • Dell est aussi sorti du marché et met tous ses espoirs dans le rapprochement avec EMC, opération qui est loin d’être acquise.
  • ...

Pendant ce temps là, AWS, numéro un de ce marché, loin devant ses concurrents, continue sa croissance impressionnante.

AWS Numbers 4 quarters 2015 - copie

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • CA 2015 proche de 8 B$.
  • Bénéfices : 1,8 B$.
  • Taux de croissance Q4 2015 par rapport à Q4 2014 : 70 %.

AWS est l’activité la plus rentable d’Amazon. Nous sommes nombreux à penser qu’AWS deviendra une entreprise indépendante d’Amazon. Quand ? Je n’en ai pas la moindre idée.

  

Emergence de Clouds Publics verticaux

Predix LogoPredix ? Vous ne connaissez pas encore cette offre ? C’est l’un des futurs grands acteurs du Cloud Public, l’un des premiers à se positionner sur un marché vertical, celui de l’industrie.

Predix est une plateforme Cloud Public, IaaS & PaaS, pour le monde industriel, pour prendre en charge les applications IoT (Informatique des objets). General Electric (GE), l’entreprise industrielle aux 300 000 salariés et avec un CA de 150 B$, est à l’origine de la création de Predix.

GE Cloud Predix HP

GE se définit maintenant comme «The Digital Industrial», en ligne avec la quatrième révolution industrielle dont on a beaucoup parlé à Davos il y a quelques jours.

GE Internal usage Aviation of Predix benefitsQui mieux que GE pouvait proposer un Cloud industriel ? La division GE Aviation a servi de «cobaye» et obtenu d’excellents résultats, comme le confirme ce graphique.

Predix est encore en version ß, mais les grands usages sont clairement identifiés :

Why use Predix

  • Relier des machines au Cloud et entre elles. Un exemple cité par GE est la possibilité pour des éoliennes d’un parc énergétique de dialoguer entre elles pour échanger des informations sur leurs conditions de fonctionnement.
  • Construire des applications spécialisées, cœur métiers, pour mieux gérer ces actifs industriels
  • Anticiper les pannes et les incidents, d’où le nom «Predix», venant de prédictif.

Toutes les entreprises industrielles, toutes les entreprises qui ont des projets IoT devraient, immédiatement, ouvrir un compte Predix pour en découvrir les potentiels, mais aussi les limites.

 

Un improbable trio, GE, Predix et AWS 

A la conférence annuelle AWS, Re-Invent, qui avait lieu en octobre 2015 à Las Vegas, Jim Fowler, CIO de GE faisait partie des clients d’AWS invités à présenter leurs expériences. Son intervention, passionnante, est dans cette vidéo ; elle se situe entre les instants 1h11 et 1h19.

 

AWS Re-invent 2015 - GE Oil & Gas 52% reduction TCOLe message est très clair : GE considère AWS comme un partenaire stratégique et souhaite lui confier des dizaines de milliers d’applications. Un exemple cité par Jim Fowler est celui de la branche «Oil & Gas» ; plus de 50 % des applications ont été portées sur AWS avec une réduction du TCO de 52 %.

Mais c’est la où situation devient «intéressante» : à cette même conférence Re-Invent, AWS annonce qu’il lance un Cloud pour... l’IoT !

AWS IoT platform at Re-invent 2015

Cette plateforme est maintenant disponible sur le site AWS France.

Les plateformes GE Predix et AWS IoT s’adressent au même marché, celui des entreprises industrielles ; elles sont en concurrence frontale.

Cette situation est passionnante, car elle illustre très bien le modèle B I S que j’ai proposé au début de l’année 2015, et dont GE semble s’inspirer :

  • GE confie à un tiers, AWS, les fonctions infrastructures et Support, « I et S ».
  • GE garde pour lui les fonctions cœur métiers, « B », et construit Predix pour les héberger.

J’ai représenté sur ce schéma le rôle de ces plateformes, pour GE et pour les entreprises industrielles.

Trio GE AWS Predix

  • GE confie à AWS ses usages non cœur métiers, « I et S ».
  • GE déploie ses applications cœur métiers, « B » sur sa plateforme maison Predix.
  • Les entreprises industrielles ont le choix entre deux plateformes de Cloud pour l’IoT, Predix et AWS IoT.

Il sera intéressant de suivre ces deux plateformes pour voir qui peut devenir le leader :

  • GE : le professionnel de l’industrie qui devient fournisseur de Cloud.
  • AWS : le professionnel du Cloud qui devient fournisseur pour l’industrie.

Les paris sont ouverts.

 

Résumé

DPC activity sector S 66370529L’émergence de plateformes Clouds Publics pour des marchés verticaux démarre avec l’arrivée de Predix. Ce mouvement devrait s’amplifier dans les années qui viennent. Santé, secteur public, finances... La liste est longue des secteurs d’activité potentiels pour lesquels une plateforme Cloud verticale a du sens.

Il y a peut-être là une possibilité pour l’Europe, pour la France, de se repositionner sérieusement sur les marchés IaaS/PaaS avec des offres verticales ciblées. En agissant très vite, il reste une petite chance de réussite...

 

MAJ du 4 février 2016

Microsoft vient de confirmer l'ouverture de son Cloud Azure IoT. Il est très probable que Google et IBM vont suivre rapidement. Fin 2016, l'offre de solutions de Clouds Publics spécialisés IoT sera... en avance sur la demande.