Un scandale qui n’a que trop duré : les tarifs mafieux des télécoms professionnels
30/03/2016
Entreprises de tous les pays, unissez-vous ! Vos opérateurs télécom vous exploitent honteusement !
Pourquoi, aujourd’hui, détourner cette citation de Karl Marx pour parler de l’exploitation de l’ensemble des entreprises par les opérateurs télécom quand ils vantent les mérites de leurs solutions «dites professionnelles» ?
C’est un scandale qui dure depuis trop longtemps, mais les écarts entre les tarifs grand public et professionnel des opérateurs télécom sont aujourd’hui devenus tellement absurdes qu’il est temps de pousser un véritable coup de gueule sur ce sujet.
Je m’étais déjà élevé, en 2007, contre les tarifs de gangsters d’un hôtel de luxe à Paris qui faisait payer le WiFi à 50 € par jour.
En réponse à mon blog, le tarif avait été ramené à 20 € par jour. Je suis retourné dans cet hôtel en mars 2016 et le WiFi était, enfin, gratuit pour tout le monde.
J’espère que ce billet aura des impacts similaires, plus rapidement !
Prix actuels proposés par les opérateurs aux entreprises
Scandaleux, mafieux, inadmissibles, confiscatoires... les mots me manquent pour exprimer mon indignation quand je lis les propositions commerciales envoyées aux entreprises, et en particulier aux PME, par les opérateurs télécom.
Ce sujet a été abordé avec les participants d’un séminaire que j’animais fin mars 2016 à Paris. Nous avons partagé quelques chiffres ; l’un d’entre eux, DSI dans une PME d’une centaine de personnes en Bretagne, m’a envoyé des exemples de réponses à un appel d’offres, fin 2015. D’autres participants ont confirmé avoir reçu des offres similaires.
Cette proposition a été envoyée par un «petit opérateur national», Orange.
Trois chiffres la résument : plus de 2 200 € par mois, pour 40 Mb/s et un engagement de 36 mois pour l’entreprise.
L’analyse de cette offre, outre son prix démentiel, m’amène à me poser plusieurs questions :
- De la fibre optique à 20 Mb/s ? Comment est-ce possible quand que le minimum de vitesse sur des fibres est supérieur à 100 Mb/s ? Cela coûte probablement plus cher à l’opérateur de limiter artificiellement la bande passante que de laisser l’entreprise utiliser toute la capacité disponible.
- 20, 30 ou 40 Mb/s sur la même proposition, avec des prix de vente strictement proportionnels. J’ai beaucoup de mal à imaginer la différence de coût d’installation et de fourniture du service par Orange entre ces trois vitesses...
- Contrat de 36 mois : cela transforme, en pratique, un budget OPEX en CAPEX. L’entreprise s’engage pour 79 400 €, pour 40 Mb/s et jusqu’en 2018.
Une autre des offres reçues émane de Bretagne Télécom ; on reste dans les mêmes ordres de grandeur.
Une fibre 20 Mb/s et un lien cuivre SDSL 8 Mb/s, 28Mb/s au total, pour un prix que varie de 1620 € à 1398 € par mois, en osant proposer un contrat sur... 60 mois.
Le discours de ces opérateurs mafieux aux tarifs mafieux est bien rodé : avec ces tarifs professionnels, nous vous garantissons un service de très haut niveau. Si seulement c’était vrai... Sur le site d’Orange, les garanties proposées sont :
- Un niveau de service de 99,8 %.
- 4h pour rétablissement de la ligne en cas de panne.
Ce sont des chiffres très moyens et qui ne justifient en rien ces tarifs en or massif.
Et pendant ce temps-là... dans le grand public
Dans le classement des pays sur les coûts d’accès Internet grand public, la France est bien placée ; merci la concurrence, merci Free, à l’origine de cette baisse des prix dont ont bénéficié tous les clients.
L’ARCEP publie tous les trimestres de remarquables statistiques, gratuites, sur les réseaux en France. Fin 2014, 27 millions de foyers avaient des accès haut débit à Internet, et plus de 4 millions, 15 % d’entre eux, étaient en très haut débit, supérieur à 30 Mb/s.
A quel prix ? Pour rester cohérent avec les chiffres que j’ai donnés pour la PME bretonne, j’ai regardé les offres proposées par Orange en fibre optique grand public, visibles ci-dessous.
Cette offre à... 500 Mb/s (flèche rouge) est actuellement en promotion à 29 € par mois. Le débit montant garanti n’est «que» de 200 Mb/s.
Le prix sans promotions, incluant la Livebox, donc le routeur WiFi, est de 46 € par mois, chiffre que je vais utiliser dans la comparaison qui suit.
Je ne tiendrai pas compte des autres avantages, tels que l’accès à 140 chaînes de télévision, qui ont peu d’intérêt dans le monde professionnel.
Cette offre demande un engagement de 12 mois de la part du client grand public, à comparer aux 36 mois de l’entreprise.
Dans ce tableau très simple, j’ai comparé les deux offres d’Orange :
- Professionnelle à 40 Mb/s, symétrique.
- Grand public à 500 Mb/s descente, 200 Mb/s montée.
Un chiffre saute aux yeux : le coût au Mb/s de la solution professionnelle est... 600 fois plus élevé que celui de la solution grand public en descente, 240 fois plus élevé en montée.
Retour sur l’argument «massue» des opérateurs pour essayer de justifier l’injustifiable, cet écart de prix, la «qualité de service pro», dont à vu plus haut qu’elle n’était pas exceptionnelle.
Et si la qualité de service grand public était meilleure que la pro ? Quand on a 27 millions de clients grand public, la fiabilité devient essentielle sous peine d’avoir des coûts de maintenance prohibitifs.
Je reviens maintenant sur le cas du DSI de cette PME qui souhaite proposer le meilleur service possible à ses clients internes. Je lui propose de comparer deux options :
- L’offre «professionnelle» d’Orange à 2 200 € pour 40 Mb/s.
- Prendre 5 abonnements grand public soit 230 €, 10 fois moins cher, pour une bande passante de 2 500 Mb/s, 60 fois plus.
Oui, vous avez bien lu : 60 fois plus, 10 fois moins cher.
Pour augmenter la fiabilité, il pourra choisir ses 5 abonnements chez des opérateurs différents, et garantir ainsi un niveau de service très largement supérieur à celui de la solution professionnelle.
Nouvelles offres professionnelles, sans fil
L’arrivée de la 4G/LTE permet de proposer des solutions très haut débit sans fil. Comme le montre ce graphique, la vitesse moyenne de descente en France, mi 2015, était supérieure à 30 Mb/s. Cette même étude donne une vitesse de montée supérieure à 10 Mb/s.
Pourquoi ne pas faire profiter les entreprises de cette solution ? Des opérateurs télécom l’ont compris et proposent maintenant des «routeurs LTE» fixes à déployer dans les entreprises.
J’ai choisi, à titre d’exemple, l’offre proposée par Bouygues Telecom :
- Routeur 4G/4G+ (LTE Advanced, pour les initiés).
- 100 Go de données par mois.
- 99 € par mois.
Comme toutes les offres sans fil, il existe une limite au volume de données échangées. Dans cet exemple, le Go supplémentaire coûte 5 € ; il suffit de dépasser de 20 Go pour payer le prix de deux abonnements, qui permettent... 100 Go de plus.
Si je fais l’hypothèse, raisonnable, que ce réseau 4G propose un débit descendant de 40 Mo, j’ai un coût au Mo de 2,5 €, à comparer aux 55 € du réseau professionnel Orange.
Je peux maintenant proposer au DSI de cette PME bretonne une nouvelle solution, au même coût global, encore plus fiable, car elle combine le filaire et le sans fil :
- Trois abonnements filaires = 138 € pour 1 500 Mb/s.
- Un abonnement sans fil : 99 € pour 40 Mb/s, option de secours suffisante en cas de panne simultanée, improbable, des 3 abonnements filaires.
La révolte des acheteurs
J’espère que la révolte des acheteurs de services de télécommunications professionnels va démarrer en 2016.
Les grandes entreprises devraient être à la pointe de ce combat, car elles ont en interne les compétences pour challenger les fournisseurs historiques. C’est plus difficile pour les PME et les TPE qui se sentent désarmées, face à leurs fournisseurs télécom. En France, Orange occupe une position beaucoup plus dominante dans le monde professionnel que dans le grand public.
Les entreprises peuvent choisir comme exigence cette phrase tirée d’une publicité de Samsung :
«Je veux du pro, aussi pro que mon perso», en rajoutant
«au même prix que mon perso».
A court terme, la démarche la plus rapide, la plus efficace est de demander pour chaque implantation géographique de l’entreprise des réponses chiffrées aux branches professionnelles et grand public des opérateurs. Certains d’entre eux s’y opposent, mais je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas répréhensible sous le principe du «refus de vente».
Nouveaux entrants, nouveaux espoirs
J’ai privilégié dans cette analyse les offres d’accès à Internet, au Cloud, au Web : dans le jargon des télécoms, on parle de MAN, Metropolitan Area Network, des accès de moyenne distance, compris entre 1 et 50 km environ.
J’avais, dans un billet récent, parlé de WaaS, WAN as a Service, pour remplacer les solutions longues distances MPLS, fin de vie, commercialisées par les opérateurs historiques.
Je vous propose aujourd’hui un nouvel acronyme, MaaS, MAN as a Service, pour des offres de réseaux MAN proposés comme des services.
Les entreprises peuvent exiger, pour chacune de leurs implantations, des offres «as a Service», flexibles, sur des durées maximales de 12 mois, et qui proposent, selon les lieux :
- Des liaisons filaires fibres, de 100 Mb/s à 10 Gb/s.
- Des liaisons filaires xDSL, de 5 à 100 Mb/s.
- Des «fibres noires», fibres non utilisées par les opérateurs. On peut les activer pour relier une implantation d’entreprise avec un POP, Point de Présence d’opérateur, pour accéder à Internet.
- Des liaisons sans fil 4G/4G+.
- Des liaisons satellites, telles que celles proposées par Tooway, à 20 Mb/s descente et 6 Mb/s montée, en versions grand public et professionnelle.
Qui seront les premiers fournisseurs à oser se positionner sur le marché du MaaS, à rechercher les meilleures solutions, les meilleurs rapports vitesse/coût pour les entreprises ? Je leur pronostique un avenir radieux et une croissance très forte de leur activité dans les 5 années qui viennent.
Kosc Telecom pourrait être l’un de ces acteurs de rupture. Avec l’aide de BPI France en 2016, il a pour ambition de secouer le marché français, et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre !
Je suis prêt à aider les fournisseurs MaaS de nouvelle génération et les entreprises à construire, ensemble, des offres professionnelles qui ne seront plus des escroqueries monumentales.
Il y a des centaines de millions d’euros à gagner, et rapidement, pour les entreprises.