2020 - 2030, la décennie du «Machine Learning» : deuxième partie
02/05/2016
Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté les cinq composants nécessaires au succès du Machine Learning (ML) ainsi que les principaux acteurs de ce marché, le quoi et le qui (What, Who).
Il reste deux questions clefs :
- Pourquoi le Machine Learning est essentiel (Why).
- Comment s’y préparer (How).
Décalage grand public - monde professionnel
En 2021, le ML sera devenu le compagnon familier et permanent des 4 ou 5 milliards d’internautes. Nos grands outils quotidiens : recherche, email, agenda, messagerie instantanée, itinéraire, partages de photos ou de vidéos... feront massivement appel au ML. Ce très haut niveau d’intelligence, présent nativement dans tous nos outils, ne surprendra plus personne et fera partie de nos attentes «normales».
En tant que clients externes, nous aurons les mêmes attentes quand nous dialoguerons avec les banques, les assureurs, les transporteurs aériens, les organismes publics...
Comme clients internes, nous ne pourrons plus imaginer une seconde que les applications informatiques mises à notre disposition par nos entreprises n’aient pas un niveau d’intelligence au moins égal à celui proposé par nos usages grand public quotidiens.
Il existe déjà aujourd’hui un fort décalage entre les usages informatiques grand public et professionnel. Ils sont surtout sensibles en matière d’ergonomie, de facilité d’usages et d’universalité d’accès. Même si l’image des entreprises en souffre, ces décalages sont en priorité perçus comme des inconvénients raisonnablement mineurs.
Si, demain, les applications informatiques pour les clients externes et internes des entreprises ne proposent pas un niveau d’usage du ML équivalent à celui des usages grand public, il faut se préparer à une «révolte» majeure, à des rejets massifs.
Ces décalages éventuels dans la maîtrise du ML seront perçus comme des signes inacceptables de mépris des clients par les entreprises qui oseraient les traiter comme on le faisait au «siècle dernier».
Machine Learning, essentiel pour toutes les entreprises
L’objectif est clair : une entreprise devra proposer du ML dans toutes ses interactions avec ses clients, externes et internes.
Les premiers usages du ML sont disponibles. Depuis avril 2016. Facebook propose aux entreprises de construire des «ChatBots», des interactions intelligentes dans ses messageries instantanées, Messenger aujourd’hui, WhatsApp demain.
Bank of America, CNN, eBay ou Expedia ont annoncé leurs ChatBots, et certains sont déjà opérationnels.
J’entends déjà les «grincheux permanents» : ils vont me répliquer que ces usages sont élémentaires, sans véritable valeur métier, et loin des applications «sérieuses» comme la facturation ou la gestion des contrats.
Toutes les révolutions technologiques commencent par des outils simples, et le ML ne va pas y faire exception. C’est en démarrant immédiatement, sur des usages simples, que les entreprises peuvent acquérir les compétences pour développer, ensuite, des usages ML plus sophistiqués.
Sanjit Dang, d’Intel Capital, annonce dans ce texte que le ML deviendra la prochaine «commodité», que le ML sera partout. Il illustre son propos par de nombreux exemples de solutions opérationnelles.
Le Machine Learning, une mode passagère qui va disparaître ? Je vous déconseille de faire ce pari.
Comment se préparer pour le Machine Learning, aujourd’hui
Pour être prêt en 2020, votre SI devra être déployé sur des solutions d’infrastructures Cloud Public et les usages SaaS. Vous ne pouvez plus vous permettre le luxe d’attendre. Cette migration sur le Cloud Public est un préalable indispensable au Machine Learning.
Le modèle B I S (Business, Infrastructures, Support) montre une fois de plus sa pertinence.
J’ai rajouté dans ce schéma la dimension ML sur le modèle B I S.
- Usages Support = SaaS
Les fournisseurs de solutions SaaS commencent à rajouter une dimension ML «native» dans leurs produits : Google, Facebook, Microsoft et beaucoup d’autres ont déjà pris ce virage majeur.
Pour le moment, cela prend encore la forme de fonctionnalités simples. Google Goals en est une bonne illustration ; cet outil enregistre vos «bonnes résolutions», telles que faire du jogging ou aller au gymnase deux fois par semaine et place automatiquement ces RV dans votre agenda, en fonction de vos activités.
- Infrastructures = IaaS
Les industriels du IaaS, AWS, Google, Microsoft... mettent eux aussi du ML «natif» dans leurs solutions. Kubernetes, AWS-Lambda, DC/OS - Mesosphere... tous ces outils d’automatisation et d’abstraction des ressources d’un Data Center font de plus en plus appel au ML.
Les entreprises utiliseront de plus en plus de ML sur les dimensions I et S, sans avoir besoin de faire le moindre investissement dans ce domaine. Vos fournisseurs le font nativement à votre place, ils investissent massivement pour vous.
Vous utiliserez du ML en OPEX, le CAPEX étant réalisé par les fournisseurs !
- Usages cœur métiers = PaaS
C’est une toute autre histoire pour vos usages métiers. Vous devrez investir rapidement (CAPEX) pour rajouter une dimension ML dans la majorité de vos applications cœur métiers, et en priorité pour celles qui dialoguent avec vos clients externes.
Les plateformes PaaS des grands acteurs industriels du Cloud seront, une fois de plus, indispensables. Comme on l’a vu dans la première partie de cette analyse, ils sont les seuls à proposer la puissance de calcul, le stockage, les données et les moteurs logiciels de ML dont vos équipes d’ingénieurs logiciels auront impérativement besoin.
Il s’agira, pour vos usages cœur métiers, de «ML Maison», vous donnant la capacité de proposer des services à forte valeur ajoutée, vecteurs de différences, porteurs de compétitivité.
En 2020, le Machine Learning aura trouvé sa place dans tous les composants de votre SI. Nous vivrons dans un monde profondément nouveau, mais lequel ?
Quel monde futur ?
Parmi la dizaine de livres liés à mon métier que je lis chaque année, «The Rise of the Robots» est l’un des plus passionnants, mais aussi les plus perturbants de cette année 2016.
L’un des thèmes majeurs de cet ouvrage est que le Machine Learning peut, rapidement, supprimer un grand nombre d’emplois dans les métiers du tertiaire qui avaient été épargnés par les premières vagues d’automatisation, agricole et industrielle.
Cette «grande peur» est-elle justifiée ? On ne peut pas ne pas se poser la question. Les salariés du Crédit Mutuel ont exprimé leur inquiétude suite à l’arrivée de Watson, l’outil ML d’IBM.
Tous les métiers, sans aucune exception, vont être profondément impactés par le Machine Learning : distribution, automobile, industrie, finances, secteur public, santé...
Il est illusoire de bloquer les avancées en Machine Learning ; j’espère que la catastrophe française du «principe de précaution» ne va pas se déclencher sur le thème du ML.
Je trouve beaucoup plus positif, plus porteur d’avenir, la réaction de personnes aussi remarquables qu’Elon Musk, Sam Altman ou Peter Thiel qui ont créé une structure ouverte, Open Source, OpenAI.
Leur premier domaine d’action : Deep Learning Research, un autre nom pour le Machine Learning.
Dans quel état seront le monde, les états et les entreprises en 2025, quand le ML sera omniprésent ? Je ne le sais pas.
Je suis par contre persuadé que c’est en se posant immédiatement la question, en déployant dans toutes nos organisations des usages ML que l’on a le plus de possibilités de dominer le sujet et d’en maîtriser, un peu mieux, les impacts.