2017 : après 2007, autre année charnière pour l’innovation technologique ? Quatrième partie
29/08/2017
Première partie : les sept technologies nées en 2007 et qui sont devenues incontournables en 2017.
Deuxième partie : croissance exponentielle des performances et le rôle essentiel des microprocesseurs spécialisés.
Troisième partie : Intelligence Artificielle et Machine Learning.
Dans cette quatrième partie, j’aborde les thèmes 3 et 4 : Réseaux 5G et Edge Computing.
3 - Réseaux 5G
Les premières expérimentations techniques de la 5G, cinquième génération de réseaux mobiles, se multiplient depuis la fin 2016 et le début de 2017.
Tous les grands équipementiers réseaux publient les résultats de leurs premiers essais avec des vitesses de transmission de 10 à 20 fois supérieures aux meilleurs réseaux 4G-LTE actuels. Les vitesses de transmission vers les objets mobiles sont comprises entre 10 et 20 Gb/s.
Les opérateurs télécoms innovants ne sont pas en reste et ont annoncé de premiers déploiements entre 2017 et 2019, comme le confirme cette carte publiée en mars 2017 par GSA, l’association des opérateurs.
La 5G, pour quels usages
Une technologie n’a de valeur que si elle permet d’améliorer les usages existants et/ou de proposer de nouveaux usages innovants. Dans le cas de la 5G, le consensus des professionnels donne trois grandes familles d’usages :
- Amélioration des communications mobiles actuelles.
- Des services nouveaux pour lesquels des réseaux très performants sont indispensables : voitures connectées, VR/AR (Réalité Virtuelle, Réalité Augmentée)… Dans ce document, Qualcomm explique clairement pourquoi la 5G est indispensable pour permettre le développement des usages AR/VR.
- L’IoT, Internet des objets, et en particulier l’IIoT, l’Internet Industriel des objets.
La 5G : quelles technologies
La 5G sera plus une « plateforme réseaux » qu’une technologie bien définie. C’est en particulier le cas dans le domaine des fréquences :
- Une partie des fréquences est commune avec celles utilisées en 4G/LTE et permettra une continuité entre la 4G et la 5G.
- Toute une nouvelle gamme de fréquences, baptisée «5G NR » pour New Radio ; elle n’est pas compatible avec LTE. 5G NR couvre une très large gamme de fréquences, allant des fréquences inférieures à 1 Ghz à plus de 100 Ghz.
Pour ceux qui ont une bonne compétence dans les technologies radio et souhaitent en savoir plus, je recommande la lecture de ce document : « What is RG NR », d’où est extrait le schéma ci-dessus.
GSMA est la plus importante association d’opérateurs de réseaux mobiles, avec plus de 800 membres. Elle a publié, début 2017, un long document de 42 pages mettant en évidence les bénéfices potentiels de la 5G ; il permet de découvrir tous les domaines d’usages envisagés pour la 5G.
La phrase d’introduction donne le ton de ce document : « La 5G est plus qu’un changement de génération ; elle représente une transformation fondamentale du rôle que la technologie mobile joue dans la société. »
La 5G n’est pas opérationnelle en 2017, mais il est possible de se préparer à son arrivée pour en anticiper les usages, et en particulier les nouveaux usages que ne permettaient pas les réseaux actuels, en IoT, IIoT et AR/VR.
Quand ? Le graphique suivant donne la réponse des opérateurs à cette question.
Même si quelques premiers déploiements sont prévus dès 2018, la majorité des réponses donne 2020 comme l’année charnière qui verra les réseaux 5G largement diffusés et opérationnels.
Le sport va servir de vitrine des potentiels de la 5G. En mai 2017, lors des 500 Miles d’Indianapolis, Verizon a mené une expérience « intéressante » : conduire une voiture sans voir la piste, juste au travers d'une image de la route transmise en temps réel !
Nos amis asiatiques de Corée du Sud et du Japon vont utiliser les prochains Jeux olympiques d’hiver, en Corée en 2018, d’été au Japon en 2020, pour faire la promotion de leurs compétences dans la maîtrise des réseaux 5G. Ces deux grands événements sportifs pourraient vraiment donner le coup d’envoi de la 5G dans le monde.
A partir de 2020, le nombre d’utilisateurs devrait grandir très vite : une couverture de 35 % de la population mondiale est prévue dès 2025.
Mon pronostic : en 2027, la 5G fera partie de ces technologies « invisibles » utilisées par des milliards de personnes et des dizaines de milliards d’objets.
Le très haut débit partout, aussi naturel que l’air qu’on respire, c’est peut-être une bonne définition pragmatique de la 5G.
4 - Edge Computing
Edge = à la frontière, aux limites…
Le mot « Edge » a de nombreuses significations en informatique ; on peut citer :
- Edge dans les réseaux, la version la plus « rapide » de la 2G.
- Edge, le nouveau navigateur de Microsoft.
Dans ce texte, Edge fait référence au « Edge Computing », démarche complémentaire du Cloud Computing. La définition de Wikipédia est la suivante:
« Edge computing is a method of optimizing cloud computing systems by performing data processing at the edge of the network, near the source of the data. »
Edge computing est une méthode d’optimisation des solutions cloud computing en réalisant les activités de traitement des données aux limites du réseau, près de la source des données.
Comme le montre ce graphique Google Trends, la popularité de l’expression Edge Computing est récente, en 2016.
Edge Computing : les fondamentaux
Où doivent se réaliser le stockage des données et les traitements ? Edge Computing est l’une des réponses à cette question.
Avec l’Edge Computing, l’informatique fait des infidélités à la logique binaire et rentre dans une démarche « ternaire ».
- Niveau local : pour de nombreux usages, il est impératif d’avoir des capacités locales de traitement et de stockage de données. Je ne suis pas certain d’avoir envie de confier ma vie à une voiture autonome qui perdrait toute autonomie en cas d’absence de réseau ! Le niveau de puissance de calcul local nécessaire varie beaucoup selon les situations. Un capteur de température ou de pression peut fonctionner avec le microprocesseur le plus basique. A l’inverse, la puissance de calcul nécessaire dans une voiture, un avion ou un bateau autonome est gigantesque. Nous circulerons tous, demain, dans des… centres de calcul ambulants !
- Niveau Cloud Computing : je ne parle bien sûr que du « Cloud Public » et jamais de la fiction nommée Cloud Privé !
Nous aurons de plus en plus besoin du Cloud Computing pour stocker et traiter les « Yotta octets » qui seront créés au cours des prochaines années. Les investissements massifs réalisés par les géants du Cloud Public, AWS, Google et Microsoft, 30 milliards de dollars en 2016, nous garantissent que cette puissance sera toujours au rendez-vous.
- Niveau Edge Computing : Entre le local et le central, il y aura une place de plus en plus importante pour l’Edge Computing. Les cas d’usages les plus évidents sont :
- Concentrer les données issues d’objets à faible capacité de stockage.
- Permettre un premier niveau décentralisé de traitement.
- Répondre à des contraintes de temps réel ou de besoins de latence très faibles.
- Fonctionner en mode « offline » ou quand les réseaux sont défaillants.
Opposer ces trois niveaux d’informatique n’aurait aucun sens ; dans chaque entreprise, pour chaque application, le choix se fera, cas par cas, en évitant toute guerre de religion ! Les choix seront en priorité technologiques, mais les dimensions économiques auront aussi leur mot à dire.
Edge Computing : quelles solutions, quels fournisseurs
Les échanges applications et données entre le niveau Edge et le niveau Cloud seront essentiels pour assurer la performance du Système d’Information des entreprises. Il est donc logique que les grands acteurs du Cloud poussent leurs solutions vers l’Edge Computing, et c’est ce qui se passe en ce moment sur le marché.
Azure IoT Edge est l’une des réponses de Microsoft : son objectif : étendre l’intelligence du Cloud vers les outils Edge pour l’Internet des objets.
AWS est aussi un grand « fan » du Edge Computing. En 2015, AWS avait annoncé Snowball, un disque permettant d’envoyer des données vers le Cloud.
Un an plus tard, Snowball Edge est annoncé : en rajoutant des fonctions de calcul, Snowball Edge devient… un serveur plus classique permettant d’exécuter localement, au niveau Edge, des applications Cloud.
AWS est aussi l’un des leaders du mouvement Serverless, qui permet de définir des composants applicatifs, des fonctions, sans se poser la moindre question sur les infrastructures sous-jacentes. En août 217, AWS annonce que le modèle SAM (Serverless Application Model) devient disponible… en local pour l’Edge Computing.
Pour les entreprises, le choix de leurs solutions d’infrastructures Edge Computing sera déterminé en priorité… par leurs choix en matière de plateformes Cloud Publics. Azure de Microsoft, AWS, GCP de Google seront, demain, les acteurs dominants du Edge Computing, avant que les grands chinois Alibaba, Baidu ou Tencent ne viennent les concurrencer.
Il y aura aussi de la place pour des éditeurs logiciels spécialisés Edge Computing, mais ils s’appuieront tous sur les grandes plateformes industrielles du Cloud Public.
Un exemple de cette collaboration ? Fastly propose une solution « Edge Computing » qui s’appuie sur la solution Big Data de Google, BigQuery.
Edge Computing : pour quels usages
La disponibilité de solutions Edge Computing est une excellente nouvelle pour les entreprises ; elles disposent maintenant d’une plus grande flexibilité pour définir leurs infrastructures informatiques.
Quels sont, dans chacune de vos entreprises, les usages qui vont le plus profiter de ce niveau intermédiaire de traitement et de stockage des données ? Il n’y a pas de réponses universelles à cette question, mais un domaine d’usage prioritaire dans le monde professionnel devrait s’imposer rapidement, l’IIoT, Industrial Internet of Thing, l’internet industriel des objets connectés.
En 2017, la majorité les fournisseurs et des grandes entreprises considèrent que l’IIoT sera le domaine prioritaire de mise en œuvre du Edge Computing. Est-ce que ce sera encore le cas en 2027 ? C’est probable au vu de la croissance du nombre d’objets connectés. Cette analyse, par Statista, annonce 75 milliards pour 2025 ; c’est dix fois plus que le nombre d’habitants sur terre !
Cette autre analyse, réalisée par IDG pour le fabricant de disques Seagate, met bien en évidence les trois niveaux de stockage des données ; en 2025, Cloud + Edge représenteraient environ 50 % du total.
Edge Computing : Complémentarité avec le Cloud Computing
Le pragmatisme s’impose de plus en plus dans le monde de l’informatique, et c’est une excellente nouvelle. Les progrès exponentiels dans les domaines du calcul, du stockage des données ou des réseaux permettent maintenant de localiser la puissance informatique où cela a le plus de sens.
L’expression « Fog Computing » est aussi utilisée, en alternative à Edge Computing. Brouillard et nuages, cette analogie met encore plus clairement en évidence les liens entre ces deux démarches…
Local, Edge, Cloud, une trilogie de solutions qui permettent aux responsables informatiques de répondre de mieux en mieux aux attentes des dirigeants métiers. Qui s’en plaindra ?