Siège vs terrain : inverser les priorités du Système d’Information
09/10/2017
J’accompagne des entreprises de tout secteur, de toute taille, dans l’amélioration de leurs Systèmes d’Information (SI).
Je passe l’essentiel de mon temps sur le terrain, dans les usines, dans les bureaux locaux, pour comprendre la réalité des attentes et des usages.
Le décalage entre la vision théorique des personnes du siège et la réalité pratique du terrain est très fort ; ce décalage représente un danger majeur pour la performance des entreprises.
Il devient urgent, urgentissime, d’inverser les priorités du SI et de donner plus de pouvoir, d’importance au terrain.
Aujourd’hui : priorité au siège
Les SI sont construits par des informaticiens, au siège, pour des dirigeants, au siège, pour répondre aux attentes des salariés des directions centrales, au siège. Il ne faut donc pas s’étonner que ces SI soient bien reçus par les collaborateurs… du siège.
Il existe aussi un monde lointain, différent, que l’on appelle le terrain, sur lequel ne s’aventurent jamais les dirigeants et les informaticiens. Il faudrait pour cela quitter des bureaux climatisés, dans les beaux quartiers, et rentrer dans des territoires bizarres, où l’on rencontre des personnes bizarres, qui sont en contact direct avec les machines ou les clients. Ces créatures bizarres travaillent de manière « bizarre » et ne suivent jamais les consignes et les processus « intelligents » construits par les populations supérieures des sièges qui « savent » comment il faut faire, même s’ils n’ont jamais mis les pieds sur ces terrains lointains.
Ces SI hypertrophiés siège sont ceux que je rencontre le plus dans mes missions. Ils contiennent des données fausses, qui ne représentent pas la réalité du terrain. Fournir au siège une image réelle du terrain serait très dangereux : tout décalage entre une image idéale de la réalité attendue par les collaborateurs du siège et ce qui se passe vraiment se traduirait immédiatement par des retours de bâtons punissant lourdement les « serfs » locaux qui osent déplaire aux puissants, aux sachants… du siège.
Et si l’on inversait la démarche, en donnant la priorité au terrain ?
Demain : priorité au terrain
Dès que possible, je demande aux dirigeants avec qui je travaille de passer du temps sur le terrain. Je leur propose aussi que des personnes de la DSI m’accompagnent dans ces visites terrain, chez eux. A ma grande surprise, je découvre souvent qu’ils n’avaient jamais entrepris cette démarche. Externe, je leur sers de guide sur le terrain de… leur propre entreprise !
Il n’est pas nécessaire de passer des dizaines de jours sur le terrain pour prendre conscience des graves déficiences de ces SI au service du siège.
Il suffit d’accompagner ces acteurs opérationnels dans leur mission, dans leurs activités quotidiennes pour découvrir que ces SI sont en permanence des empêcheurs de travailler efficacement. J’ai trop souvent l’impression qu’ils ont été construits pour rendre les opérationnels le moins efficace possible !
Le plus impressionnant, c’est l’extraordinaire bonne volonté de ces opérationnels du terrain qui font tout pour arriver à travailler, malgré les difficultés majeures, les bâtons dans les roues créées par ces SI.
L’inversion des priorités devient urgente : il faut reconstruire un SI dont les clients principaux sont les acteurs du terrain et tout faire pour leur permettre de travailler efficacement, ce qu’ils arrivent malgré tout à faire aujourd’hui, en dépit des difficultés créées par les SI orientés siège.
La bonne nouvelle : ces SI orientés terrain sont beaucoup plus faciles et plus rapides à construire que les SI existants, orientés siège. Pourquoi ?
- Les acteurs du terrain ont envie de bien travailler, de construire des produits de qualité, de répondre aux attentes des clients qu’ils rencontrent.
- Leurs véritables besoins informationnels sont simples, et demandent rarement l’accès à des centaines de données.
- C’est sur le terrain qu’il est possible de saisir des données exactes, correspondant à la réalité des activités des entreprises.
Un choc organisationnel et culturel très fort
Simplifier la vie des opérationnels, leur faire confiance, mettre le SI en priorité à leur service… ce sont des changements majeurs, beaucoup plus organisationnels que techniques.
Ces difficultés, on ne les rencontrera pas sur le terrain, mais… au siège où les personnes devront s’adapter à un SI qui leur demande de tout faire pour rendre plus facile la vie quotidienne des opérationnels.
L’une des actions les plus efficaces, les plus simples pour réduire ce choc organisationnel : demander à chaque collaborateur du siège de passer une semaine sur le terrain, non pas en visite, mais en acteur !
La première population « siège » à envoyer sur le terrain ? Les informaticiens, tous les informaticiens ! Ils reviendront, comme Ulysse dans le poème de Joachim du Bellay, « plein d’usage et raison », en se demandant comment ils ont pu construire des SI aussi catastrophiques, aussi loin de la réalité des attentes, simples, du terrain.
Comment reconstruire ces SI donnant la priorité au terrain ? Je reviendrai très vite sur ce sujet.