CTO, responsable des infrastructures : un beau métier, essentiel, passionnant, frustrant
11/02/2019
CTO, Chief Technology Officer : je rencontre de plus en plus d’entreprises qui créent cette fonction.
Un CTO est responsable des infrastructures numériques de l’entreprise, le I du modèle B I S, que connaissent bien les lecteurs de ce blog.
L’importance et la couverture fonctionnelle du métier de CTO vont croître fortement au cours des 3 à 5 prochaines années. Comment ? Réponses dans ce billet.
Les Infrastructures numériques : rappel
Les infrastructures sont les fondations d’un Système d’Information moderne : ses principaux composants :
- Serveurs
- Réseaux
- Objets d’accès
- Outils de gestion des données
- …
Dans un langage plus “management”, les infrastructures regroupent tout ce qui n’intéresse absolument pas les clients internes et externes de l’entreprise !
Une autre caractéristique majeure des infrastructures numériques est financière : les infrastructures coûtent et ne rapportent rien. Elles permettent des usages qui, eux, peuvent être rentables. L’analogie avec le transport ferroviaire est claire : construire une ligne de TGV représente des investissements importants ; si la demande est au rendez-vous, les trains qui y circulent sont remplis et la ligne sera rentable.
Un CTO est responsable d’un centre de coût, jamais d’un centre de profit ; ce n’est jamais une position très confortable !
Indépendance Infrastructures - Usages
Créer une indépendance aussi forte que possible entre les infrastructures et les usages Support (S) et cœur métier (B de Business), est l’une des conditions essentielles de la réussite de la mise en œuvre du modèle B I S.
C’est même une condition de survie si l’on souhaite garder toute la flexibilité nécessaire pour faire évoluer son SI, répondre aux nouvelles attentes des clients et déployer les solutions d’infrastructures innovantes dès que possible.
La bonne nouvelle ? En 2019, créer cette indépendance entre les infrastructures et les usages est possible. Voici quelques exemples des décisions simples et fortes qui garantissent cette indépendance :
- Interdiction de déployer une application qui n’est pas accessible par navigateur ; ceci permet de les utiliser depuis tous les objets d’accès du marché : PC, Macintosh, smartphones et tablettes Android et iOS ou Chromebook. Un test simple permet de garantir cette règle : une application qui ne peut pas être utilisée depuis un Chromebook est… interdite.
- Privilégier des développements Serverless sur des infrastructures clouds publics. Les développeurs se concentrent à 100 % sur la logique de leurs applications et les infrastructures serveurs et fichiers sont automatiquement instanciées.
- Reprendre le contrôle de ses données en créant des espaces de données, datawarehouse, datalake… indépendants de toutes les applications. C’est pour moi le domaine d’innovation prioritaire pour un CTO : prendre en charge toutes les données de l’entreprise, structurées, documents, multimédia…, dans des espaces de stockages spécialisés. J’ai abordé ce sujet essentiel dans un billet récent.
Ces choix d’infrastructures s’imposent aux usages. Cette dimension “dictatoriale” du métier de CTO est difficile à défendre au début, mais de premiers bénéfices seront obtenus rapidement et tout le monde comprendra le bien fondé de ces “diktats” d’infrastructure.
Invisibilité des Infrastructures performantes
Les clients internes et externes du SI d’une entreprise ne s’intéressent pas “directement” aux infrastructures, ce qui est logique. La valeur pour eux vient des usages, des applications, rendues possibles par les infrastructures.
Plus un CTO est performant dans ses métiers, plus il devient “invisible” :
- Le taux de disponibilité des serveurs et des réseaux dépasse les 99,99 %,
- Les clients internes et externes choisissent l’objet d’accès qui leur convient le mieux, selon leurs besoins, les lieux ou les moments.
- Les responsables des usages “S” peuvent faire leur marché parmi les dizaines de milliers d’applications SaaS disponibles.
- Les développeurs internes qui construisent les applications “B” s’appuient sur des plateformes de développement PaaS, disponibles sur les infrastructures clouds publics.
Cette invisibilité des infrastructures devient un avantage concurrentiel majeur, un plus essentiel, garant de la cohérence de tous les usages numériques et d’une flexibilité maximale (l’agilité dont tout le monde parle beaucoup…).
Les principaux “aaS” du CTO
Le seul avenir sérieux et pérenne des infrastructures numériques se trouve dans les clouds publics, seuls capables de fournir toute la puissance de calcul, toute la capacité de stockage des données à des prix compétitifs et en baisse permanente.
En langage simple : “hors du cloud public, pas de salut pour les infrastructures numériques”.
Toutes les offres dans les Clouds publics, pour les infrastructures comme pour les usages, sont proposées en aaS, as a Service.
Le CTO est le grand maître des infrastructures ; il choisit, propose et gère un grand nombre d’aaS. Les principaux aaS d’infrastructures se retrouvent dans cette liste :
- IaaS, Infrastructure as a Service : la majorité des entreprises choisissent deux fournisseurs parmi les trois leaders, AWS, Google Cloud Platform et Azure de Microsoft.
- AaaS, Aggregation as a Service : ces plateformes techniques permettent d’industrialiser les échanges entre les différents composants applicatifs. Les leaders actuels sont Apigee de Google, Mulesoft de Salesforce et Snaplogic. Les solutions "légères" telles que Zapier font aussi partie des outils à privilégier.
- TaaS, Trust as a Service : tous les outils, cloud bien sûr, qui permettent de créer la confiance en assurant la sécurité et la confidentialité. Ils font tomber les alibis classiques utilisés par les entreprises qui cherchent par tous les moyens à trouver de mauvais arguments pour ne pas utiliser des solutions clouds publics. Si l’on est “gentil”, on parlera d’entreprises traditionnelles, si l’on est plus direct, on les appellera retardataires ou ringuardes.
- NaaS, Networks as a Service : l’ensemble des solutions réseaux, sans fil et filaires, qui permettent aux clients internes et externes d’accéder en haut débit à tous les usages, en tout lieu, à tout moment.
- ADaaS, Access Devices as a Service : la capacité de proposer aux collaborateurs de l’entreprise une large gamme d’objets d’accès, de type, de taille et de puissance variés, correspondant aux spécificités de leurs activités et à leurs préférences personnelles.
- iDaaS, intelligent Data as a Service : ce sera l’une des priorités absolues d’un CTO moderne pour les 3 prochaines années : proposer toute une gamme d’outils spécialisés permettant aux entreprises de reprendre le contrôle de leurs données sous toutes leurs formes :
- Structurées.
- Multimédia : photos, images, vidéos, son…
- Documents bureautiques.
- Géographiques.
- …
La variété, la complexité et la richesse de tous ces métiers mettent en évidence l’importance majeure de ce métier de CTO. On est loin de l’image ancienne et poussiéreuse du responsable technique informatique classique, qui gérait dans son antre au sous-sol des serveurs, des disques et des routeurs.
Les clients du CTO
En plus de ces fortes compétences technologiques, le CTO est dans l’entreprise la personne qui a le plus grand nombre de “clients” de ses solutions :
- Les clients externes de l’entreprise : derrière ce mot client se trouve une grande variété de personnes : les clients commerciaux, entreprises et/ou particuliers, fournisseurs, organismes publics… Dans un monde de plus en plus numérique, tous ces clients externes attendent un service impeccable et fiable, disponible en permanence, sur tous leurs objets d’accès.
- Les clients internes de l’entreprise : personnes du terrain, fonctionnels, dirigeants… ils ont tous droit à la même qualité de service que les clients externes. Ils ne peuvent plus être traités comme des clients de “deuxième zone”.
- Les clients internes de la DSI : les responsables des usages B, métier et S, support, doivent accepter les contraintes imposées par le CTO et comprendre que c'est en réalité une grande opportunité pour eux. Plus le temps passera, plus ils comprendront la valeur ajoutée d’un CTO puissant.
Ces trois familles de clients correspondent aux usages B et S :
- B, en priorité pour les clients externes.
- S, en priorité pour les clients internes.
- B + S, pour les équipes internes de la DSI qui sont chargées de les déployer (S) ou de les construire (B).
CTO : garantir évolution, cohérence du SI et de la Transformation Numérique
Il est difficile de résumer tout ce qu’une entreprise attend de son CTO tant ce métier est riche et complexe ; il faut être, en même temps :
- Un architecte du numérique, capable de construire les fondations d’un SI performant en s’appuyant sur un grand nombre de solutions différentes, les aaS.
- Capable de mener une veille technologique à 3 ou 5 ans, pour anticiper les innovations fortes qui lui permettront d’améliorer en permanence les infrastructures mises à la disposition des clients de l’entreprise.
- Garder la maîtrise des choix technologiques essentiels et les faire respecter par tous les collaborateurs.
- Résister à la pression permanente pour réduire les coûts des infrastructures.
- Garantir un fonctionnement sans pannes des infrastructures opérationnelles.
- Avoir la capacité à répondre aux attentes de tous les clients, internes et externes, en leur proposant des solutions performantes et en leur faisant découvrir les potentiels des innovations qui apparaissent en permanence.
- Et tout cela… en acceptant d’être la personne “invisible” et que tous ses clients trouvent “normal” que les infrastructures mises à leur disposition fonctionnent sans incident.
Le titre de ce billet résume bien le métier de CTO : c’est un très beau métier, essentiel, passionnant, souvent frustrant...