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Outils numériques modernes pour tous, priorité pour l’enseignement public

 

AdS DPC old school desk S 112203335Réussir la Transformation Numérique du monde de l’éducation est une des clefs de la réussite à long terme d’un pays, de tous les pays. En France, l’essentiel de l’effort éducatif, depuis le primaire jusqu’aux universités, est pris en charge par le secteur public, sous la responsabilité du Ministère de l’Education Nationale (MEN).

Le MEN est le plus grand employeur français, avec environ un million de salariés.

Peut-on améliorer rapidement, à faible coût, les “services numériques” proposés par le MEN à ses “clients”, des millions d’élèves et d’étudiants ?

Réponse : oui !

Comment ? C’est le thème de ce billet. Je mets en priorité l’accent sur les outils universels, utilisables par tous, élèves comme enseignants, en clair les outils bureautiques.

Remarque : les contenus des enseignements, les programmes pédagogiques ne sont pas abordés dans ce billet, strictement centré sur la dimension Transformation Numérique ; c’est à elle seule un chantier majeur.

 

Enseignement public en France : quelques chiffres

MEN chiffres clefsLe MEN a publié un document donnant les chiffres clefs de l’enseignement en France pour l’année 2018 :

  • 13 millions d’élèves en primaire et secondaire.
  • Part du secteur public : 80 %.
  • Coût annuel par élève : 6300€ en primaire et 9 700 € dans le secondaire, pris en charge par la communauté nationale, pas par les parents.

Coût étudiant en France 2016Ces chiffres n’incluent pas les universités et les enseignements supérieurs :

  • 2,7 millions d’étudiants.
  • 75 % des bacheliers démarrent des études supérieures.
  • Coût annuel par étudiant :     11 500 €.

La Transformation Numérique de l’éducation publique en France, c’est un beau défi, qui concerne :

  • 13 millions d’élèves et étudiants : 80 % du total de 16 millions.
  • 1 million de collaborateurs du MEN, enseignants (50 % du total) et administratifs (50 %).

 

Outils numériques universels actuels : une catastrophe

Dans l’immense majorité des établissements scolaires et universitaires qui dépendent du MEN, les outils numériques universels utilisés, quand il y en a, sont des vestiges du XXe siècle.

Office = MaE XXIe sièclePostes de travail : Office de Microsoft est dominant. Petit rappel : Office est disponible depuis 1990, il y a 30 ans. C’est la machine à écrire du XXIe siècle et l’on ose former la jeunesse française avec cet outil archaïque !

Le secteur public français est tombé amoureux des logiciels Open Source, trop souvent appelés à tort “logiciels libres”. En bureautique, ils ont pour noms OpenOffice ou LibreOffice, produits encore plus nuls que Microsoft Office ! Ils en font moins tout en continuant à demander une installation des logiciels sur les postes de travail. Le fait qu’ils soient gratuits et qu’ils ne viennent pas du grand méchant américain Microsoft n’enlève rien à leur nullité et leur archaïsme.

Solutions messagerie et agenda : on retrouve dans les établissements du MEN les antiquités du XXe siècle, Lotus Notes, annoncé par IBM en 1990 et Exchange de Microsoft qui date de 1996.

BlueMind solutionJe dois ajouter à cette liste une autre catastrophe nationale, la volonté de créer une solution “logiciel libre”, nationale, supposée remplacer les produits américains : elle a pour nom BlueMind et annonce “fièrement” qu’elle est compatible… Outlook !

C’est bien sûr une solution à… installer dans les centres de calculs, à gérer, à faire vivre, à mettre à jour… Signe majeur de modernisme : on peut aussi l’utiliser en mode hébergé !

Tout responsable informatique qui persiste en 2019 à installer des outils bureautiques dans ses centres de calcul mérite une sanction exemplaire : licenciement immédiat pour faute professionnelle grave, sans indemnités. C’est un peu plus “délicat” à mettre en œuvre dans le MEN ; il faudra simplement lui demander de changer de métier.

 

Ma première tentative de rupture numérique, sans succès, en 2015

Conférence éducation nationale Besançon 10:2015J’avais été invité en octobre 2015 par le DSI du MEN de l’époque, Mathieu Jeandron, à présenter ma vision des potentiels numériques devant les DSI des Académies françaises, à Besançon ; il y avait environ 200 personnes dans la salle.

Je leur ai demandé combien ils avaient de “clients” : silence dans la salle ; des clients ? J’ai du préciser ma pensée en disant que c’étaient les élèves des lycées et collèges qu’ils reçoivent dans leurs établissements ! La réponse : nous n’avons pas de clients mais environ 13 millions d’élèves.

Ma proposition était très simple : en septembre 2016, pour un investissement informatique de zéro euro, ils pouvaient proposer à leurs 13 millions de clients une solution bureautique de qualité, G suite. Je ne peux pas dire que ma proposition ait suscité un enthousiasme exceptionnel dans la salle !

Omnigraffle Modèle LN 2018 Pendant les échanges, on m’avait interrogé sur ce que je pensais du projet SIRHEN de gestion des ressources humaines du MEN. Je ne le connaissais pas et me le suis fait présenter en 5 minutes : en chantier depuis près de 10 ans, SIRHEN n’était toujours pas opérationnel et gérait, mal, 5 000 personnes au lieu du million prévu. J’ai donné mon verdict : une seule réponse, l’abandonner, immédiatement.

Vous imaginez facilement le tollé général.

L’annonce de son abandon a été décidée, trois ans plus tard, en juillet 2018, par le nouveau ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer ; bravo pour avoir eu le courage de prendre cette décision.

 

Les clients du MEN : des natifs numériques

Après cette image noire de la situation actuelle, passons aux éléments positifs qui peuvent faciliter la Transformation Numérique de l’enseignement public.

Le premier : l’immense majorité des élèves du secondaire maîtrise les outils numériques de base, et cette maîtrise se répand très vite dans le primaire.

AdS DPC Teens with smartphones SS 133544495 copie

Ce sont des “natifs numériques”, des personnes qui n’imaginent plus sortir sans leur smartphone et pour qui la culture du partage est banalisée ; photos, images ou vidéos.

Et si l’on utilisait intelligemment ces compétences numériques existantes pour rendre les missions du MEN plus efficaces, au lieu de les rejeter comme c’est trop souvent le cas. Interdiction des portables à l’école… une bonne idée ?

Hottest chat apps Google docsUn exemple récent confirme l’extraordinaire capacité d’innovation des natifs numériques dans l’usage des outils : des jeunes utilisent Google Docs pour… chatter de manière non contrôlée par leurs parents ou enseignants. Une preuve de plus, si c’était nécessaire, de leur capacité à imaginer des usages non prévus par le fournisseur de la solution.

 

Quels outils numériques universels, pour préparer l’avenir

Deuxième bonne nouvelle : tous les outils numériques universels dont a besoin le MEN pour réussir sa Transformation Numérique et préparer la jeunesse française aux modes de travail qu’il sera indispensable de maîtriser demain sont disponibles, depuis longtemps.

Comme pour les entreprises, les outils universels sont, impérativement :

  • SaaS, Software as a Service.
  • Collaboratif natif.
  • Accessibles depuis un navigateur, sur tout objet d’accès.

Ce sera une grande surprise pour les lecteurs de mon blog : l’outil universel que doit déployer en priorité le MEN, dans 100 % des établissements est… G Suite for Education de Google.

Gsuite pour éducationC’est, pour l’essentiel, la même version que G suite entreprise, mais avec une différence sympathique : gratuité totale, pour les élèves, les enseignants et les administratifs.

Pas besoin d’un tableur très puissant pour calculer le coût de cette solution pour les 14 millions de personnes à équiper : 14 M x 0 = 0 €.

J’entends déjà les réactions horrifiées des partisans de Microsoft Office 365, disant que c’est aussi une solution gratuite pour l’éducation, ce qui est exact.

Alors, pourquoi éliminer Office 365 ? Pour une raison majeure, fondamentale : il serait scandaleux, ridicule et suicidaire de former la jeune génération à des outils et des modes de travail obsolètes, avec les outils Office Word, Excel et PauvrePoint.

Ne venez pas me dire que l’on pourrait utiliser Office 365 en mode Web : c’est théoriquement vrai, mais faux dans la pratique de 98 % des organisations qui ont déployé cette solution, comme je l’ai clairement expliqué dans un billet récent.

Facebook for educationJ’aurais aimé pouvoir proposer une autre solution intéressante et complémentaire, Workplace for education de Facebook, autre outil très bien maîtrisé par les natifs numériques.

Pourquoi je ne peux pas la recommander ? La principale raison est financière : cette solution est gratuite pour les enseignants et les administratifs, mais pas pour les élèves. C’est, à mon avis, une erreur grave de Facebook. Je pronostique que la gratuité pour les élèves sera annoncée rapidement ; le MEN pourra alors compléter G Suite par Workplace by Facebook, comme le font aujourd’hui beaucoup d’entreprises innovantes.

En complément de G Suite for Education, les établissements d’enseignement peuvent utiliser une application “métier”, spécialisée, Google Classroom. Elle facilite les échanges entre les enseignants et les élèves.

Google Classroom + Logo

C’est, une bonne illustration du modèle B I S que j’utilise depuis 5 ans :

  • G Suite : une application S, support, universelle.
  • Classroom : une application B, cœur métier, spécialisée pour l’éducation.

 

Quels objets d’accès pour accompagner la Transformation Numérique du MEN

Le MEN devra promulguer une règle impérative : tous les objets d’accès qui disposent d’un navigateur moderne doivent pouvoir accéder à 100 % des applications proposées par le MEN à tous les élèves, les enseignants et administratifs. PC Windows, Macintosh, smartphones et tablettes Android ou iOS, tous sont autorisés. Toute application qui demande une installation sur les postes de travail est… définitivement interdite.

Il manque dans cette liste un outil innovant, qui devrait représenter demain l’essentiel du parc des objets d’accès dans les écoles : le Chromebook.

J’ai publié plusieurs billets sur les Chromebooks, le dernier récemment.
Un rapide rappel pour ceux qui ne connaissent pas bien les Chromebooks :

  • Ce sont des PC portables qui fonctionnent sous ChromeOS, pas sous Windows.
  • Tous les grands fabricants de PC proposent des Chromebooks : Acer, Asus, HP, Dell, Lenovo… Plusieurs dizaines de modèles différents sont disponibles.
  • Les 3 millions d’applications Android disponibles sur Google Play peuvent s’exécuter sur un Chromebook, nativement.
  • La gamme de prix va de 200 € à 800 €.

Pour le monde de l’éducation, il convient de privilégier :

  • Des modèles économiques, à moins de 300 € ou 400 €.
  • Impératif : des écrans tactiles, pour utiliser efficacement les applications Android.
  • La robustesse et la protection, raisonnable, contre les liquides.

A titre d’exemple, ce modèle proposé par ACER représente un bon compromis, à coût raisonnable.

Acer chromebook édu 2

En faisant l’hypothèse d’une durée de vie utile de 3 ans, pour tenir compte des “mauvais traitements” qu’ils vont subir, les Chromebooks représentent un coût mensuel d’environ 8 €.

Rappel : rien n’interdira aux élèves, enseignants ou administratifs d’utiliser leurs outils personnels, s’ils en sont satisfaits. Par contre, les seuls objets d’accès qui seront fournis par le MEN seront des Chromebooks.

 

Des premières réussites dans le monde éducatif en France

Google Suite est arrivé en France début 2007, il y a 12 ans, sous le nom de Google Apps.

Des établissements d’enseignement innovants, en dehors de l’éducation nationale, ont vite compris les avantages de ces outils.

Essec Google Apps 2009En septembre 2009, l’ESSEC avait déployé Google Apps pour tous ses étudiants, après avoir pris la décision en mai 2009, projet mené avec l’aide de Revevol.

De nombreux organismes de formation français ont pris la même décision.

Un signal d’espoir ? Avant de devenir l’actuel ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer était directeur général de l’ESSEC où G Suite est installé depuis 10 ans. Il connaît bien la solution et cela peut faciliter une prise de décision dans ce sens par le MEN.

 

Principaux bénéfices

Commencer la Transformation Numérique du MEN en déployant des outils universels modernes pour les 14 millions de personnes concernées est une démarche à très forte valeur ajoutée et à risques faibles. Cette première liste d’avantages va à l’essentiel.

Préparer toute la jeunesse française aux usages numériques modernes. Ce doit être la priorité absolue du MEN, c’est sa mission première.

Succès immédiat auprès des élèves. Ces solutions viennent du grand public :

  • AdS DPC kids with cup S 226471182Apprentissages immédiats.
  • Déjà connues et maîtrisées par une grande partie des élèves.
  • Ergonomie remarquable.
  • Capacités suffisantes : une boîte courrier électronique de 30 Go par personne.
  • Performances et résilience techniques : 1 500 millions de personnes ont un compte Gmail. Ajouter 14 millions de personnes représente moins de 1% d’utilisateurs supplémentaires.

Investissements faibles pour le MEN :

  • Aucun investissement pour les infrastructures, pour les logiciels et leur maintenance.
  • Il faudra par contre investir sur l’accompagnement des… enseignants et des administratifs. Ils sont souvent “analogistes” et ont déjà pris de mauvaises habitudes avec Microsoft Office, qu’ils devront perdre. Un beau défi !

Tous gagnants

Cette démarche s’inscrit très bien dans la ligne des objectifs louables de l’état français de réduire la dépense publique en offrant, en même temps, de meilleurs services :

  • AdS DPC every one wins tous gagnants S 113255416Gagnant pour l’état qui réduit ses coûts.
  • Gagnant pour les clients “élèves” avec de meilleurs services qu’ils maîtrisent déjà.
  • Gagnant pour les enseignants, qui peuvent utiliser des outils performants et mieux collaborer avec les élèves.
  • Gagnant pour les parents qui peuvent partager plus de contenus avec les enseignants et les écoles.
  • Surtout, gagnant pour le pays qui prépare ainsi toutes les nouvelles générations qui vont rentrer dans la vie active à l’usage des outils numériques modernes dont ils auront besoin.

J’allais oublier :  il n’y a… aucune contre-indication sérieuse et rationnelle à cette démarche innovante et courageuse.

 

“Bonnes” raisons pour ne pas suivre mes recommandations

Dès la sortie de Google Apps, j’ai pris mon bâton de pèlerin, d’évangéliste et rencontré de nombreuses écoles et universités du secteur public, persuadé que, comme aux Etats-Unis, 60 % des établissements seraient équipés de G suite en moins de 5 ans.

Je suis allé de refus en refus, avec des résistances beaucoup plus fortes que dans les entreprises, où elles étaient déjà élevées.

Je ne vais pas reprendre dans cette liste les arguments traditionnels contre les clouds publics, mais ceux, plus spécifiques, que j’ai le plus entendu dans le monde de l’éducation nationale

Ce sont des arguments irrationnels, ringuards et ridicules tels que :

  • AdS DPC No ! S 177153945Ce sont des solutions qui viennent des grands méchants GAFAM américains.
  • La sécurité de l’état français est menacée par la lecture des boîtes mail des élèves et des enseignants.
  • L’indépendance nationale de la France est en jeu.
  • Ce n’est pas Open Source, alors que près de 100 % des infrastructures de Google ou Facebook sont construites avec des solutions Open Source.
  • Les petits acteurs locaux de services informatiques ne vont plus gagner leur vie en gérant, mal, les centres de calcul microscopiques et mal sécurisés des écoles et universités.
  • … Je vous laisse rajouter toutes les autres “bonnes raisons” pour ne pas le faire.

 

Synthèse

Cette première Transformation Numérique du MEN autour des outils universels au service de leurs “clients” externes ne va pas résoudre, par magie, les défis majeurs de l’enseignement en France, c’est une évidence. C’est une première étape importante et elle ne peut que faciliter les actions suivantes en créant un environnement numérique plus ouvert, plus collaboratif.

DPC sunset Dawn with tree S 83411331Oui, il est possible, rapidement, de mettre des outils numériques modernes, économiques et à forte valeur ajoutée entre les mains des 13 millions de jeunes qui apprennent dans des établissements gérés par le million de collaborateurs du Ministère de l’Education Nationale.

Oui, ce doit être une priorité absolue pour la France.

Oui, ce sera difficile et il faudra du… courage pour affronter les très fortes résistances que ce projet de Transformation Numérique fera naître.

Je lance un appel urgent à tous les responsables du Ministères de l'Education Nationale : faîtes le, faîtes le vite, pour l'avenir de nos enfants, pour l'avenir de vos enfants.

Oui, les bénéfices sont tellement supérieurs aux risques que je n’ose pas imaginer que cette initiative ne démarre pas… en 2019.

 


Des équipes internes de constructeurs de logiciels, de “Builders” : indispensable et urgent

 

DPC Ads Software Engineer Woman S 1552206Constructeur de logiciels, c’est probablement le plus beau métier dans le monde du numérique.

Ce sont les personnes qui construisent des produits et services utilisés par des milliards de personnes, tous les jours.

Le vocabulaire a beaucoup évolué depuis les débuts de l’informatique : programmeur, développeur puis ingénieur logiciel.

Depuis peu apparaît l’expression “Builders”, constructeurs, que j’aime beaucoup. Les grands acteurs du cloud emploient de plus en plus cette expression, comme le montrent ces deux extraits de la conférence introductive du CEO d’AWS, Andy Jassy lors de la réunion “Re-invent” de novembre 2018.

AWS Builders tools

Aujourd’hui, ces “ingénieurs logiciels” sont employés en priorité par les éditeurs de logiciels, grand public et professionnels.

Les entreprises innovantes ont compris, récemment, qu’il est urgent de reconstruire en interne des équipes de “Builders” de logiciels. Toutes les entreprises, et en priorité les plus grandes, doivent suivre leur exemple, embaucher et former des milliers de constructeurs de logiciels.

Une priorité de plus, pour 2019.

 

Situation actuelle : une catastrophe absolue, dangereuse, intenable

Software development teamsLes entreprises, et en particulier les plus grandes, ont commis depuis une vingtaine d’années une faute majeure, en supprimant les équipes internes de développement.

Le mythe de l’ERP intégré, capable de tout faire y est pour beaucoup, aidé en cela par les grandes ESN qui déploient des équipes de plusieurs dizaines de personnes pour les “paramétrer” dans des missions qui ne finissent jamais. C’est une poule aux œufs d’or qu’elles n’ont aucun intérêt à tuer...

Je croise tous les jours de grandes entreprises où il n’y a plus une seule personne qui écrit du code pour une application sur mesure ! Des “chefs de projets” gèrent, avec un outil très “puissant et professionnel”, Excel, les prestataires qui exécutent ces travaux de développement, le plus souvent dans des pays lointains tels que l’Inde.

Cigref nomemclature 2018 des métiersPour mesurer l’étendue de ce désastre, il suffit de consulter la “bible” de l’emploi des informaticiens dans les entreprises, le document publié par le Cigref (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises), la nomenclature des métiers du Système d’Information.

Dans ce long document de 193 pages, mis à jour en 2018, où tous les métiers sont censés être cités, j’ai recherché l’occurrence de quelques mots importants, liés aux développements modernes tels que :

  • Devops
  • Microservices
  • Serverless
  • Container
  • Ingénieur logiciel

Ils brillent tous par leur absence : aucun n’est cité, même une seule fois !

J’ai identifié les deux seuls métiers qui parlent de développement :

  • 3.2. Concepteur - Développeur : que trouve-t-on comme compétence nécessaire ? “Adapte et paramètre les progiciels applicatifs (ERP)” ! La messe est dite…
  • 3.5. Paramétreur de progiciels : dans ce deuxième cas, c’est encore plus clair !

Ce qui me navre, ce qui me désespère, c’est que ce document représente un travail long et sérieux, par de personnes occupant des postes élevés dans les DSI de grandes entreprises françaises. Il est un reflet précis de la vision actuelle de ces entreprises et confirme que pour elles, les véritables métiers du développement… n’ont pas droit de cité chez elles.

Optimiste de nature, je me prends à rêver, à ouvrir la version 2019 de ce document et y découvrir... au moins trois définitions de fonctions liées à des métiers de constructeur professionnel de logiciels.

 

Deux grandes familles de demandes, donc... d’outils

Démarrée il y a 20 ans, la révolution des solutions logicielles SaaS, Software as a Service, a permis de répondre à 99 % des attentes des entreprises pour les fonctions S, Support, du modèle B I S que je propose depuis 2015.

C’est une excellente nouvelle : cela libère du temps et des ressources pour investir dans des développements spécifiques pour les fonctions B, Business ou cœur métier.

Une fois de plus, l’unicité des réponses est le plus grand danger : pour répondre à des demandes spécifiques très différentes, il faut proposer des solutions… très différentes.

Solutions de développement : minima communs

Tous les outils utilisés pour développer des applications spécifiques ont les caractéristiques communes suivantes :

  • Disponibles dans des clouds publics industriels : en pratique, sur AWS d’Amazon, GCP de Google ou Azure de Microsoft.
  • Accessibles depuis un navigateur et sur tous les objets d’accès du marché, depuis les smartphones jusqu’aux Chromebooks.
  • Fonctionnent dans une logique collaborative native, pour permettre le partage des applications qui seront construites.

Outils de développement - minima communs

 

Matrice des attentes et des outils

Attentes et outils peuvent être classés en deux grandes familles, ce qui permet de construire une matrice à 4 cases :

Matrice attentes outils développements

  • Attentes structurées et complexes : les usages cœur métier d’une entreprise sont dans cette famille : gestion des infrastructures de transport dans une ville, équilibrage de l’offre et de la demande d’électricité…
  • Attentes flexibles et légères : tableaux de bord pour suivre le lancement d’un nouveau produit, processus d’embauche d’un nouveau salarié…
  • Outils industriels de développement : solutions Serverless, microservices...
  • Outils “Low Code” de développement : Business Intelligence, Business Process Management...

Il est important de le préciser : il n’y a pas une famille plus “noble” que l’autre. Il ne faut pas opposer les développeurs “pros” qui maîtrisent les outils industriels aux bricoleurs qui utilisent les outils légers. Ils ont tous des rôles essentiels dans la réussite de la Transformation Numérique d’une entreprise.

 

Attentes légères, outils “Low Code”

Logo Low code developmentLa demande d’applications légères, flexibles, faciles à modifier est universelle. Quand une DSI n’a pas de réponse à ces demandes, quand elle ne trouve ni le temps ni les ressources pour y répondre, on assiste à l’explosion des informatiques fantômes et du cloud fantôme.

Il est urgent de recréer une confiance réciproque entre la DSI et les métiers pour que, ensemble, il soit possible de construire ces centaines d’applications légères.

Avec la banalisation du cloud public et des solutions SaaS, l’offre d’outils performants “Low Code” est devenue très riche et d’une exceptionnelle qualité.

L’expression “Low Code” semble s’imposer face à “Zéro Code” : elle correspond mieux à la réalité et ne crée pas de fausses attentes auprès des personnes qui pourraient penser que l’on peut construire des applications avec “zéro effort”.

Principales familles d’outils “Low Code”

Le regroupement de ces outils en trois familles que je propose est pragmatique, probablement incomplet et contestable.

Business Intelligence : ce sont des outils qui permettent de construire des tableaux de bord, des visualisations de résultats. Face aux solutions anciennes, complexes et chères, de nouveaux entrants comme Google Data Studio ou Power BI de Microsoft représentent l’avenir de cette famille d’outils.

Outils BI exemples Google et Microsoft

BPM : Business Process Management. Pour construire des “workflows”, des processus légers, une solution comme RunMyProcess, développée par des Français et rachetée par Fujitsu ou Kissflow sont de bons exemples de solutions performantes.

Kissflow HP

Remplacement des applications Excel : je ne connais pas d’entreprises où des dizaines, des centaines ou des milliers d’applications Excel ne soient pas omniprésentes. J’ai souvent critiqué ces applications, mal écrites, avec des erreurs de logique dans presque 70% des cas. La bonne nouvelle, aujourd’hui, c’est que de nouveaux outils, 100 % Cloud, permettent de construire des applications de remplacement, plus performantes, plus faciles à développer et… partageables. Le nouveau leader dans ce domaine a pour nom AirTable.

AirTable HP

 

DSI : quels rôles pour outils “Low Code”

Laisser les directions métiers et les collaborateurs de l’entreprise seuls avec ces outils “Low Code” est une très mauvaise idée ! Les équipes de la DSI doivent être capables de les prendre en charge pour permettre une collaboration efficace avec les métiers.

Les compétences les équipes de la DSI dans ce domaine :

  • DPC outils tools SS 64120784Sélectionner les différents outils : elles vérifient que ce sont de véritables outils SaaS et proposent des solutions adaptées aux différentes demandes, en en limitant raisonnablement le nombre. Il n’est pas nécessaire de pousser deux solutions de BI qui font à peu près la même chose ! Les entreprises qui utilisent G Suite choisiront Google Data Studio, celles qui ont déployé Office 365, Power BI.
  • Maîtriser et connaître les outils sélectionnés : il ne suffit pas d’en parler aux métiers, il faut être capable de présenter concrètement les fonctionnalités de ces différents outils et de les aider à en comprendre les potentiels et les limites.
  • Pouvoir développer des applications légères : les équipes “Low Code” de la DSI réalisent des développements légers si les métiers le demandent. Quel pourcentage des usages légers sera réalisé par la DSI, quel pourcentage par les métiers ? Les réponses seront très différentes selon les entreprises.
  • Choice AirTable KissFlowAider dans le choix de l’outil le mieux adapté à une demande : il ne sera pas toujours facile ou évident de choisir un outil pour répondre à une demande précise. KissFlow ou Airtable ? Dans de nombreux cas, les deux réponses sont possibles : DSI et métiers choisiront, ensemble, la réponse qui leur paraît la plus raisonnable.
  • Former des personnes dans les métiers pour qu’ils construisent eux-mêmes tout ou partie des applications dont ils ont besoin. Quand les métiers sont prêts à se prendre en main sur certains de ces outils, la DSI peut leur mettre le pied à l’étrier.

Avec des outils de construction “Low Code” bien choisis et maîtrisés, tout le monde sera gagnant, l’entreprise, les métiers et la DSI.

 

Attentes structurées, outils industriels

Rappel : seules les fonctions B, cœur métier, sont concernées par des développements structurés sur mesure, si des solutions SaaS verticales ne sont pas disponibles pour ces métiers.

Il existe dans toutes les entreprises grandes ou moyennes, des attentes cœur métier pour lesquelles on ne trouve pas d’applications SaaS ou on souhaite construire une application différente, innovante et porteuse de compétitivité.

Il ne devrait plus venir à l’esprit d’un dirigeant ou d’un DSI l’idée saugrenue d’essayer de modifier un ERP non adapté pour répondre à ces attentes. La seule réponse moderne est de… construire une application sur mesure.

Des outils industriels modernes, très puissants

Nous sommes en 2019 ! L’offre d’outils de construction d’applications structurées n’a plus rien à voir avec celles que connaissaient les développeurs il y a encore 5 ans.

AdS DPC Nirvana SS 227574772Construire des applications, aujourd’hui, c’est le “Nirvana” pour les “builders” !

Les fondamentaux de l’offre :

  • Disponibles dans des clouds publics ou… des clouds publics, AWS, GCP ou Azure.
  • Serverless : Lambda chez AWS, Functions chez Azure ou GCP permettent aux constructeurs d’applications de se concentrer sur le code, rien que sur le code, et de ne plus se préoccuper des infrastructures sous-jacentes.
  • Microservices : de petites équipes de constructeurs (les célèbres “two pizza teams” chères à Amazon) travaillent dans une logique de composants définis par leurs “API” d’entrée et de sortie.
  • Devops : chaque équipe est responsable de la construction de ses composants, de la mise en production et de la maintenance.
  • Containers : masqués aux développeurs, ces composants s’exécutent dans des containers.
  • Open Source : la majorité des technologies d’infrastructures et de constructions s’appuient sur des solutions Open Source : Docker, Kubernetes, Istio…

Des équipes internes, sous la responsabilité de la DSI

AdS DCP Builder woman SS 52830103A l’inverse de ce qui peut se faire pour les outils de constructions légers, les constructions d’applications structurées doivent rester à 100 % sous la responsabilité de la DSI. Ce serait une très mauvaise idée de laisser croire aux métiers qu’ils pourraient les construire eux-mêmes. Nous sommes nombreux à savoir conduire une voiture, beaucoup moins à savoir piloter un Airbus 320.

S’agissant d’applications cœur métier essentielles pour les entreprises, la majorité des constructeurs de ces applications sont des collaborateurs internes et permanents de l’entreprise. Il serait suicidaire de confier la maîtrise de ces constructions à des ESN !

 

Ces équipes internes de “builders” ont une triple compétence :

  • Maîtriser les démarches modernes et les outils de constructions cités plus haut.
  • Une compréhension raisonnable des activités de leur entreprise, pour être capables de dialoguer efficacement avec les métiers. Dans les grandes entreprises, cela signifie qu’il faudra des équipes spécialisées par grands métiers, pour plus d’efficacité.
  • La capacité de travailler dans une logique “produit”, et non pas projet. La pérennité de ces produits logiciels est vitale ; elle inclut leur maintenance et leur évolution pour garantir qu’ils restent pertinents pendant plusieurs années.

Et si la DSI redevenait ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un lieu où les constructeurs, les réalisateurs sont plus nombreux et mieux considérés que les “managers”, les chefs de projets ?

 

Résumé

Two teams developmentUne entreprise qui ne dispose pas en interne de deux équipes de constructeurs de logiciels, pour réaliser aussi bien des applications légères avec des outils “Low Code” que des applications structurées avec des outils industriels est incapable de répondre aux attentes de tous ses clients internes et externes.

 

Quelle taille pour ces deux équipes de constructeurs ? Je vous propose un objectif minimum de… 20 % du nombre de collaborateurs permanents de la DSI !

Dirigeants et DSI, vous devez investir immédiatement et massivement pour créer ces équipes, les former, leur proposer des plans de carrière attractifs pour qu’une personne puisse dire : “j’ai 50 ans, je suis fier de mon métier de constructeur de logiciels et… je gagne très bien ma vie.”

Un beau défi de plus pour les entreprises courageuses et innovantes !