Frugalité Numérique : première partie
07/01/2020
J’ai terminé 2019 par un long billet optimiste sur les impacts positifs potentiels de l’innovation et du numérique sur la planète.
Je démarre 2020 avec le premier d’une longue série de billets sur la Frugalité Numérique.
Je souhaiterais que ce thème soit présent dans les réflexions de tous les dirigeants et responsables du numérique au cours de cette année 2020.
Le numérique : bon pour l’entreprise, bon pour la planète
Ce préalable, très court, est indispensable avant de parler de Frugalité Numérique.
Non, non et non ! Le numérique n’est pas nocif pour la planète, comme je l’ai longuement expliqué dans mon billet de fin d’année 2019.
C’est par plus d’innovations, plus d’entrepreneuriat, plus de numérique que l’humanité peut imaginer rapidement des solutions qui permettront de mettre un coup d’arrêt au réchauffement climatique et de trouver des méthodes efficaces pour réduire les niveaux de CO2 déjà présents.
La dématérialisation de l’économie est l’option la plus prometteuse et nous en voyons tous les jours des exemples encourageants. (J’invite ceux qui ne l’ont pas fait à lire mon dernier billet).
Les ventes d’appareils de photos numériques illustrent très bien cette dématérialisation. Comme le montre ce graphique, leurs ventes se sont écroulées avec la diffusion massive des smartphones.
Entre 2010 et 2018, les smartphones ont réduit de 100 millions par an les ventes d’objets numériques lourds et chers. Sur cette même période, c’est environ 550 millions d’appareils photo numériques qui n’ont pas été fabriqués et vendus ! Ceci mérite une médaille d’honneur pour les smartphones avec la mention “La planète reconnaissante”.
Frugalité : faire mieux avec moins
Sobriété numérique, green IT, frugalité numérique, de nombreuses expressions sont utilisées pour parler d’un même thème : minimiser les impacts environnementaux du numérique.
J’ai choisi de privilégier l’expression “Frugalité Numérique” car elle porte un message positif :
La frugalité, c’est faire mieux avec moins.
A la fin de l’année 2019, j’ai eu l’occasion d’échanger avec Navi Radjou, co-auteur d’un livre passionnant et… optimiste sur ces sujets de la frugalité, dans tous les domaines et pas seulement le numérique : “Le guide de l’innovation frugale”.
La frugalité, ce n’est pas faire moins, mais faire mieux. Des mouvements très forts, très vocaux, prônent le “numérique bashing” : le numérique, c’est mauvais pour la planète, il faut réduire ses usages du numérique, ne plus utiliser de smartphones, ne plus regarder de vidéos en streaming… Je suis en totale opposition avec ces démarches rétrogrades, comme je l’ai longuement expliqué dans mon dernier billet de 2019.
La démarche de Frugalité Numérique que je porte est tournée vers le futur, vers l’innovation, vers plus de numérique. Elle permet, en même temps :
- De promouvoir des usages innovants du numérique.
- De le faire en réduisant les impacts environnementaux du numérique.
Opposer ces deux idées est dangereux, pour le numérique, et pour la planète !
Frugalité Numérique
Aujourd’hui, les performances des outils numériques sont telles que la probabilité de ne pas pouvoir mettre en œuvre une solution numérique pour répondre à une demande des entreprises est proche de 0 %.
C'est une situation récente ; pendant longtemps, il n’y avait pas de réponses techniques à toutes les demandes de traitement, de stockage ou de transport d’information.
Toutes les barrières technologiques ont disparu. Au vu de la croissance exponentielle de la performance des outils numériques au cours des prochaines années, il sera de plus en facile de répondre à une demande d’usages numériques.
En clair, dans le domaine du numérique, l’offre est en avance sur les usages possibles.
Une entreprise peut, en 2020, répondre à toute demande de nouveaux usages numériques en s’appuyant sur la puissance des outils existants. Raison de plus pour s’interroger, pour bien réfléchir avant de formuler une demande de nouveaux usages numériques.
Deux des principaux enjeux du numérique pour la planète sont l’énergie et l’utilisation de métaux rares. Toutes les solutions numériques ne se valent pas dans leurs impacts sur l’environnement et les différences entre elles sont très importantes. Les prochains billets que je vais publier sur ce thème auront pour objectif prioritaire d’aider les entreprises à faire les choix numériques qui sont les plus positifs pour la planète.
La bonne nouvelle : il est possible de concilier innovation numérique et défense de la planète.
La mauvaise nouvelle : la majorité des solutions informatiques existantes sont… mauvaises pour la planète.
Prendre en compte la dimension Frugalité Numérique dans leur démarche de Transformation Numérique devient un impératif pour toutes les entreprises.
Six principaux domaines d’action
Il n’existe pas de réponses globales à la recherche de solutions numériques frugales. Il est impératif de travailler par “composants” pour trouver, cas par cas, les meilleures réponses. Les travaux que je mène sur ce sujet m’ont permis d’identifier six domaines d’action différents :
- Les centres de calculs.
- Les réseaux, filaires et sans fil.
- Les objets d’accès : PC, smartphone, tablette, chromebook...
- Le stockage des données, centralisé ou distribué.
- Les impressions.
- Les applications.
Chacun de ces domaines fera l’objet d’un billet spécifique.
Les cinq premiers font partie des infrastructures numériques, au service du sixième, les applications. Le CTO, Chief Technical Officer, responsable des infrastructures, a un rôle essentiel dans la définition d’une démarche de Frugalité Numérique. Ce sont sur ses épaules que repose l’essentiel des décisions et des actions.
Est-ce qu’il existe un autre domaine d’action que j’aurais ignoré ? Si oui, je suis preneur de vos remarques à ce sujet.
Quatre familles d’acteurs
La réussite d’une démarche de Frugalité Numérique demande l’implication forte de tous les acteurs de l’entreprise :
- Les dirigeants.
- La DSI.
- Les responsables métiers.
- L’ensemble de tous les collaborateurs.
Les dirigeants
Devenir une entreprise frugale numérique demande beaucoup d’efforts de remise en cause d’habitudes de travail bien ancrées dans la culture de l’entreprise. Comme il est difficile de se montrer ouvertement contre une démarche qui a pour objectif d’aider la planète, les résistances seront masquées, insidieuses et plus délicates à affronter. Les dirigeants doivent être “acteurs” de cette démarche, comme ils doivent l’être pour accompagner une Transformation Numérique.
La DSI
Peu importe le nom ! DSI, Direction du Numérique ou autre, ce sont eux qui portent l’essentiel des efforts de mise en œuvre des outils et solutions numériques. Ce sont aussi eux qui verront le plus de changements dans leurs différents métiers.
Les responsables métiers
Leur domaine prioritaire de responsabilité, ce sont les applications. Maintenant que tout est techniquement possible, qu’il n’y a plus de limites à la volumétrie des données, aux calculs les plus complexes, il leur faudra beaucoup de courage pour rester raisonnable. Il n’est pas toujours facile de rouler à 120 km/h quand on conduit une voiture qui peut facilement atteindre les 250 km/h !
Les collaborateurs
Chaque collaborateur, quel que soit son métier, peut contribuer à améliorer l’impact de ses actes quotidiens sur l’avenir de la planète. Imprimer un peu moins, plus en noir et blanc qu’en couleur, garder son smartphone un an de plus, éviter d’envoyer un courriel à des listes de diffusion trop longues… ces dizaines de petits gestes, répétés tous les jours, par tous les collaborateurs donneront des résultats spectaculaires à la fin de l’année.
Une des clefs de la réussite : la fierté !
Malgré les difficultés induites par une démarche forte de Frugalité Numérique, je suis très optimiste sur la réussite finale. Les toutes premières actions menées avec des entreprises innovantes et courageuses m’ont convaincu que c’était un moyen remarquable de mobiliser beaucoup d’énergies et de créer un fort sentiment partagé de fierté.
Je suis devenu frugal numérique, et j’en suis fier !
Matrice des rôles : domaines - acteurs
Six domaines d’actions, quatre familles d’acteurs : et si on menait un travail d’analyse pour répartir au mieux les rôles de chacun dans ces différents domaines d’actions ?
J’ai imaginé cette matrice, pour faciliter cette d’analyse.
J’ai placé la Direction Générale dans un rôle de gouvernance de l’ensemble de la démarche, sans essayer de lui donner des règles spécifiques par domaine d’action.
Le mode d’emploi est simple : pour chaque ligne, vous devez repartir 5 étoiles entre les trois familles d’acteurs : collaborateurs, directions métiers et DSI. Le nombre d’étoiles mesure l’importance relative de chaque famille d’acteurs, pour chacun des domaines d’actions.
Le total par colonne donne le poids relatif de chaque famille d’acteurs.
Je vous propose de distribuer cette matrice autour de vous, dans différents groupes, et de demander à chacun de vous donner ses pondérations.
Vous pouvez aussi la remplir vous-même.
Cet exercice peut être réalisé deux fois :
- Immédiatement, avant que j’aie publié les autres billets sur chacun des domaines. Ceci permettra de mesurer la position initiale des personnes interrogées.
- Après avoir lu tous les billets publiés ; les écarts éventuels entre les deux réponses seront intéressants à analyser.
Pour illustrer la démarche, je vous partage ma vision actuelle de cette répartition des rôles. Elle n’est en aucune manière “la” bonne réponse ! Nous avons tous des sensibilités spécifiques sur ces sujets, et c’est en comparant des points de vue différents que l’on peut avancer et faire des progrès.
Synthèse
Faire plus avec moins dans le numérique, c’est un beau sujet qui pourrait être très fédérateur dans votre entreprise en 2020. Pourquoi ?
- C’est un thème urgent : le numérique représente entre 2 % et 3 % de la consommation d’énergie dans le monde. Il est possible d’accroître les usages du numérique tout en réduisant sa part d’usage de l’énergie dans le monde, en devenant plus… frugal numérique.
- C’est un thème porteur d’avenir : Il permet de lutter contre le pessimisme ambiant et la tentation du retour à un “monde ancien meilleur” en réduisant les usages du numérique, ce qui serait une catastrophe mondiale.
- C’est un thème porteur de sens pour tout le monde : l’immense majorité des collaborateurs des entreprises, l’immense majorité des professionnels du numérique sont conscients des défis posés à la planète et de l’urgence de mener des actions fortes pour la protéger. Ils seront tous prêts, tous enthousiastes pour suivre les recommandations qui seront faites pour que la Frugalité Numérique dans leur environnement de travail devienne un grand succès.
Difficile de trouver un thème plus fédérateur, plus porteur de fiertés, individuelles et collectives !
Je prévois d’écrire un billet séparé pour préciser comment mener une démarche de Frugalité Numérique performante pour chacun des 6 domaines du numérique.
Tout ceci devrait se transformer, d’ici à la fin de l’année 2020, en un livre dont le titre sera, vous l’avez deviné, Frugalité Numérique.
Si votre entreprise fait partie des “early adopters” qui souhaitent entreprendre immédiatement une démarche de Frugalité Numérique, parlons-en ; je suis prêt à vous accompagner !
Je l’ai déjà fait...
Deuxième partie : les centres de calcul
Troisième partie : les objets d'accès
Quatrième partie : les réseaux