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Maîtriser ses données : grand défi des prochaines années (Deuxième partie)

 

AdS DPC 2 with fingers S 375623058Dans la première partie de ce billet, j’ai présenté les deux “visions” différentes qui sont nécessaires pour gérer efficacement des données numériques :

● Technique, avec la nécessité d’utiliser plusieurs solutions logicielles, toutes dans des clouds publics.

● Métiers, qui n’ont pas à savoir comment les différentes données dont ils ont besoin sont gérées par les équipes de la DSI.

La deuxième partie de ce billet présente les défis auxquels il faut répondre pour assurer une “transparence utilisateur” entre ces deux visions et les indépendances à créer entre infrastructures, données et usages.


Vision technique, vision métiers des données

Créer une transparence entre ces deux visions, c’est un défi majeur mais passionnant pour tous les professionnels de la gestion des données.

Je reviens sur l’exemple présenté dans la première partie de ce billet, celui du technicien qui assure la maintenance d’une installation industrielle.

Sur son smartphone, il a besoin, selon les étapes de son processus d’intervention, d’un plan, d’un document PDF, de photos, de données temporelles…

Ce n’est pas à lui de savoir dans quelle base de données les informations dont il a besoin sont stockées.

Les applications métiers, construites pour répondre, cas par cas, aux attentes spécifiques des collaborateurs doivent pouvoir “piocher” les données nécessaires dans les différents réservoirs disponibles.

Vision Infrastructures + Métiers données

Ce schéma peut faire peur à des dirigeants et des professionnels du numérique par son apparente complexité. Au contraire, les efforts initiaux qui sont nécessaires pour “architecturer” les données deviennent vite une arme redoutable pour les entreprises qui suivent ce chemin. Elles peuvent construire des applications adaptées aux attentes des métiers plus vite. Il devient aussi possible de changer certaines briques logicielles sans prendre le risque que tout l’édifice des données s’écroule.

 

Les trois indépendances

Ce nouveau schéma présente les composants du modèle B I S D d’une manière légèrement différente. Il permet de visualiser la nouvelle démarche d’indépendances que j’ai imaginée et qui aidera les entreprises à construire des solutions numériques innovantes, flexibles et évolutives.

Modèle BISD - Infra  Soutien  Métiers -Data - 3 indépendances

Trois indépendances sont mises en évidence :

● Indépendance 1 : entre les infrastructures et les usages, qu’ils soient Support ou Métier.

● Indépendance 2 : entre les infrastructures et les données, dans leurs dimensions techniques.

● Indépendance 3 : entre les usages et les données, dans leurs dimensions d’usages.

Puzzle Infra usages donnéesCette démarche d’architecte s’oppose frontalement à celle de ceux qui s’obstinent à croire aux vertus des solutions intégrées, que j’ai visualisées dans ce puzzle.

Quelques grands fournisseurs historiques s’accrochent encore à cette fiction des avantages des solutions intégrées. Elles ont, pour eux, l’intérêt majeur de garder leurs clients dans une prison dont il est très difficile de sortir. Il y a encore, hélas, de trop nombreux DSI et dirigeants qui se laissent bercer par le chant de ces sirènes.

Ces sirènes maléfiques informatiques sont bien connues ; j’en ai identifié les quatre espèces les plus dangereuses :

● Les éditeurs d’ERP intégrés.

● Les grands acteurs historiques des bases de données structurées.

● Les fournisseurs d’infrastructures propriétaires “on premise”.

● Les grandes ESN qui recommandent ces trois espèces de sirènes. Elles vont ensuite profiter, pendant des années, des budgets millionnaires des entreprises qui se sont laissées séduire par la mélodie insidieuse mais tentante de l’intégration.

Ulysse sirènesDirigeants et DSI, essayez de réduire au maximum les rencontres avec ces sirènes du malheur. Si, comme Ulysse, vous ne pouvez pas éviter de croiser leur chemin, attachez-vous à votre bureau, les mains liées derrière votre chaise, pour éviter de signer le moindre contrat !

 

Indépendance 1 : Usages - Infrastructures

Le principe est simple : les évolutions des infrastructures et des applications doivent être aussi indépendantes que possible.

C’est l’indépendance dont je parle depuis le plus longtemps, mais elle reste plus que jamais d’actualité.

J’ai publié un premier billet sur ce thème en… 2008, il y a plus de 12 ans. Ce principe est maintenant bien accepté par la majorité des entreprises raisonnables, et c’est une bonne nouvelle.

L’une des réponses les plus efficaces est aussi la plus simple : toute application nouvelle qui n’est pas accessible depuis un navigateur moderne est strictement interdite. En 2008, cette affirmation faisait débat. Aujourd’hui, elle est acceptée par tous les professionnels du numérique.

Indépendance 1 - I - B & S navigateur


En 2015, les PWA, Progressive Web Apps ont fait leurs débuts. Les PWA sont des applications Web qui ’installent un lien sous la forme d'une icône sur les objets mobiles Android et iOS.

Logo PWAEn pratique, cela signifie qu’une application développée en mode PWA peut être utilisée sur les trois grandes plateformes modernes :

● Navigateur

● Android

● iOS

Ceci évite aux entreprises d’écrire trois versions différentes de la même application !

PWA a un autre avantage, de plus en plus intéressant : une entreprise peut diffuser une application PWA pour Android et iOS sans passer sous les fourches caudines des places de marché de ces deux fournisseurs.

Garantir cette indépendance entre les applications et les infrastructures qui y accèdent est en 2021 possible avec les solutions navigateurs et PWA. Toute autre approche est suicidaire, car elle obère les capacités d’évolution d’un Système d’Information.

Le mot “obérer” s’impose ici : il signifie accabler de dettes, compromettre l’avenir.

 

Indépendance 2 : Données - Infrastructures

Cette indépendance entre les données et les infrastructures est une préoccupation plus récente, mais qui s'impose rapidement.

La gestion de cette indépendance incombe aux équipes de la DSI : elle n’intéresse pas directement les métiers, même s’ils en sont les grands bénéficiaires.

Les progrès réalisés dans ce domaine depuis les trois dernières années sont spectaculaires, et c’est une excellente nouvelle. L’émergence de trois grands leaders mondiaux dans les infrastructures Cloud a facilité cette amélioration. Les fournisseurs de solutions de gestion de données structurées sont les pionniers de cette indépendance. Quelques exemples :

BigQuery Omni. BigQuery est l’entrepôt de données créé par Google pour son Cloud GCP. La nouvelle version, BigQuery Omni, annoncée en 2020, peut être utilisée sur AWS et Azure.

Snowflake, solution d’entrepôts de données créée par des Français, est elle aussi disponible sur les trois clouds publics.

Databricks a pour ambition de proposer une solution qui combine entrepôt de données, analyse des données et intelligence artificielle. Databricks est disponible sur...AWS, GCP et Azure.

Cohesity est une solution de sauvegarde, elle aussi présente sur AWS, Azure et GCP.

Indépendance 2 données - infrastructures

J’entends souvent des DSI évoquer les risques de devenir “prisonniers” de leurs fournisseurs de Clouds Publics et faire la promotion des solutions multiclouds. Ce sont en priorité les DSI les plus réticents aux solutions Clouds publics qui cherchent des alibis, des excuses pour ne pas faire le saut !

Les solutions que je viens de présenter, et beaucoup d’autres réduisent à néant ces alibis.

Je souhaite abandonner AWS pour basculer sur Google Cloud ? Pas de problèmes, je peux porter mon environnement Snowflake ou Databricks de l’un vers l’autre.

Les DSI innovants, pragmatiques et tournés vers l’action l’ont bien compris ; la majorité d’entre eux ont fait le choix de deux de ces trois leaders et savent très bien qu’ils ne sont pas prisonniers de leurs choix.

 

Indépendance 3 : Usages - Données

Cette troisième indépendance entre les applications (Support et Business) et les données (D) est la plus complexe, mais probablement la plus essentielle à long terme.

Le principe est simple à énoncer : il faut sortir les données de leurs prisons applicatives, et les exporter dans les outils choisis par l’entreprise pour gérer de manière unifiée les six familles de données présentées dans la première partie de ce billet.

Indépendances 3 usages données

Une majorité des applications historiques des entreprises sont encore installées dans leurs centres de calculs privés. Les bases de données utilisées ont pour nom DB2, Oracle ou SQL Server. Les ERP les plus répandus restent SAP, Oracle (PeopleSoft…) ou Microsoft Dynamics.

Les données créées par ces applications sont prisonnières de leurs applications. Il est impossible d’y accéder directement.

Prison logicielle applications historiques

La situation n’est pas plus simple avec les applications Support, utilisées en SaaS, Software as a Service. Quand une entreprise décide d’utiliser un logiciel SaaS tel que Salesforce, Workday ou Talentsoft, elle doit accepter les choix d’infrastructures IaaS et des bases de données utilisées faits par l’éditeur du logiciel SaaS.

SOR SaaS with their own data

Ce que souhaitent tous ces éditeurs de logiciels, traditionnels ou SaaS, c’est que l’entreprise paye autant de droits d’accès que le nombre de personnes qui vont accéder aux données qu’elles produisent, même si ce sont pour des usages très occasionnels et depuis d’autres applications.

AdS DPC jail prison window open S 159270914Ouvrir les prisons dans lesquelles sont enfermées les données, c’est la nouvelle priorité des entreprises innovantes, et c’est tout sauf simple !

La démarche qui pourrait devenir la norme serait de… répliquer en temps réel toutes les données créées par ces applications pour les copier dans des espaces de stockage indépendants de ces applications. Ceci oblige l’entreprise à doubler sa capacité de stockage, en priorité pour les données structurées. Les capacités de stockage dans les clouds publics et leurs coûts très bas font que ce doublement des volumes n’est plus le problème principal.

Les difficultés viennent de la “mauvaise volonté” de nombreux éditeurs et du petit nombre de solutions logicielles performantes pour assurer ces transferts de données.

L’une des startups les plus prometteuses dans ces domaines était Attunity ; elle a été rachetée par Qlik et son nouveau nom est Qlik Replicate, nom en phase avec ses fonctionnalités.

Comme le montre ce tableau, Qlik Replicate donne accès à beaucoup de logiciels, historiques et SaaS. Les résultats peuvent être stockés, quelle surprise, dans les trois grands clouds publics.

Qlik replicate solutions 3

Cette vidéo YouTube présente le mode de fonctionnement de Qlik Replicate.

Je pronostique et j’espère que l’offre de solutions permettant d’organiser ces réplications de données pour en retrouver la maîtrise va s'enrichir rapidement.

Logo FivetranParmi les nouveaux entrants sur ce marché de la réplication, la société Fivetran est devenue une licorne en 2020 après avoir levé 100 M$.

C’est justement parce que cette troisième indépendance entre les usages et les données est la plus difficile à mettre en œuvre qu’il faut s’attaquer immédiatement à ce grand défi.

Je suis effondré quand je constate qu’un nombre important de DSI et dirigeants prennent exactement… le chemin inverse !

Le plus spectaculaire contre-exemple de cette absence d’indépendance entre les usages et les données est un produit dont j’ai déjà dit beaucoup de “bien” : S/4HANA de SAP.

SAP:4HANA GuantanamoCette solution est géniale pour... SAP ; elle leur assure des dizaines d’années d’entreprises enfermées dans un “Guantanamo Numérique”. Les ESN dont j’ai parlé au début de ce billet sont prêtes à jouer les rôles de gardiens des DSI emprisonnés.

Elle est catastrophique pour les entreprises qui sont obligées de choisir une base de données propriétaire SAP pour leurs données structurées. C’est d’autant plus inexcusable que c’est justement dans le domaine des solutions de gestions de données structurées que l’offre de solutions cloud est la plus abondante. Honte aux DSI et entreprises qui acceptent d'entrer dans cette prison numérique monstrueuse, la fleur au fusil, alors que rien ne les y oblige.

AdS DPC Ja Nein S 91268040Qu’un éditeur de logiciel comme SAP soit capable d’imposer sa volonté à ce point là, que des entreprises parmi les plus grandes du monde n'aient pas le minimum de courage nécessaire pour dire “Nein!”, ce n’est vraiment pas glorieux pour la profession des DSI.

Vous voulez créer de la dette numérique pour des années ? S/4HANA est le moyen le plus efficace pour y arriver, et de très loin !

 

Indépendance Usages - Données : deux exemples

Pour illustrer et rendre plus concret cette indépendance entre les usages et les données, je vous propose deux exemples, un dans le domaine des données structurées et l’autre pour les contenus multimédia.

Données structurées

Les données structurées sont encore, et de très loin, les plus utilisées dans toutes les entreprises. Cet exemple est pertinent pour toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité.

Comme on l’a vu plus haut, les solutions pour gérer des données structurées sont légion ; j’ai choisi quelques noms dans le schéma ci-dessous, mais il peut s’appliquer à beaucoup d’autres produits.

Indépendance Usages - Données : Structurées

En partant du bas du schéma, on trouve :

● Les applications qui sont les sources principales de contenus structurés. Ce sont aussi bien des applications anciennes telles que SAP ou PeopleSoft que des solutions SaaS comme Salesforce ou Workday.

● Les nouveaux logiciels “extracteurs” de données, Qlik Replicate ou Fivetran. Ils sont capables, si nécessaire, de faire ces extractions au fil de l’eau, en temps réel, pour garantir que les données extraites auront le même niveau de fraîcheur que dans les applications.

● La couche “D”, “Données indépendantes” Data Warehouse, Data Lake ou tout autre nom que l’on souhaite lui donner.

● Les applications d’usages spécifiques de l’entreprise, développées sur mesure ou disponibles en SaaS, qui accéderont aux données de la couche D. À ce niveau, on n’a plus à se préoccuper de savoir si la donnée vient de SAP ou de Workday ; on accède à des données structurées qui sont les mêmes pour tous les collaborateurs de l’entreprise.

Données multimédia

À l’inverse des données structurées, la gestion des données multimédia est encore balbutiante dans la majorité des entreprises.

Le schéma ci-dessous présente quelques cas d’usages possibles de la solution WizyVision, qui a été créée pour répondre à ce problème.

(Rappel : WizyVision est développé par Wizy.io, société dont je suis l’un des cofondateurs. Cette solution est née pour répondre aux besoins d’une entreprise industrielle qui ne trouvait pas de réponse satisfaisante sur le marché.)

Indépendance usages données - exemple multimédia

Les trois composants de WizyVision sont :

Digital Repository : base de données spécialisée dans les contenus multimédia (D du modèle B I S D).

DAC = Digital Asset Center : outil universel (S du modèle B I S D) qui permet à tous les collaborateurs d’une entreprise d’accéder aux contenus du Digital Repository.

ML Studio : outil “No Code” qui donne la possibilité aux collaborateurs des entreprises de construire eux-mêmes des modèles de ML, Machine Learning pour répondre à des besoins métiers spécifiques (B du modèle B I S D).

● Pour la dimension (I) du modèle B I S D, WizyVision est construit sur l’infrastructure GCP, Google Cloud Platform.

L’alimentation du Digital Repository peut se faire de plusieurs manières. Sur la partie basse de ce schéma, j’en ai représenté quatre, qui illustrent différents cas d’usages :

● Récupérer les données multimédia existantes dans un logiciel DAM traditionnel (Digital Asset Management) que les équipes des directions marketing ou communication souhaitent mettre à la disposition, contrôlée, de tous les collaborateurs de l’entreprise.

● Recevoir depuis un drone des photos ou des vidéos pour surveiller des installations industrielles ou des réseaux de distribution physiques tels que l'électricité, l'eau ou le gaz.

● Déployer en Edge Computing des outils spécialisés d’analyse d’images pour identifier par caméras vidéos des défauts sur une ligne de production.

● Permettre à des FLW, Front Line Workers, travailleurs en première ligne, d’enregistrer, directement depuis leur smartphone, des images pendant des opérations de maintenance.

Pour les usages, dans la partie haute du schéma, les collaborateurs peuvent accéder au Digital Repository :

● Depuis le DAC, Digital Asset Center, outil universel qui leur permet de retrouver tous les contenus multimédia dont ils pourraient avoir l’usage.

● Depuis une application métier spécialisée construite avec ML Studio, des FLW peuvent trouver tous les contenus multimédia dont ils ont besoin pour accélérer et améliorer leurs processus métiers.

Dans la logique de ce billet, le composant D, Digital Repository, est indépendant des deux autres, DAC et ML Studio. Il peut être utilisé seul, pour enregistrer tous les contenus multimédia d’une entreprise. Des API permettent d’y accéder avec toutes les applications existantes qui auraient besoin de ces contenus multimédia.

Je pronostique que ce sera le composant de WizyVision qui aura le plus de clients.

 

Synthèse

Ces deux longs billets ont mis en évidence les défis qui se posent aux entreprises qui souhaitent reprendre la maîtrise de leurs données, de toutes leurs données.

DPC old Climbing road S 15104963Il a surtout présenté des pistes innovantes, solides et pérennes pour y répondre ; elles s’appuient :

● Sur le modèle d’architecture B I S D.

● La double vision, technique et métiers, des données.

● Les trois indépendances qu’il faut créer pour reprendre la main sur ses données.

● Des offres de solutions de plus en performantes sur lesquelles on peut s’appuyer.

Le chemin pour y arriver est long, escarpé, plein d'embûches, oui, mais les bénéfices et les avantages concurrentiels que vont en retirer les entreprises ayant eu le courage d’entreprendre le voyage feront vite oublier les difficultés rencontrées en cours de route.


Cybersécurité : ne pas se tromper de combat

 

AdS DPC 1 milliard billion S 240309178Les cyberattaques font la une depuis quelques jours ; la cybersécurité devient une priorité nationale, une de plus...

Deux hôpitaux, quelques mairies découvrent les joies des rançongiciels et, COVID-19 oblige, la classe politique française unanime décide qu’il faut faire cesser ces attaques inacceptables.

Comme s’il existait des attaques de diligences, de banques ou d’hôpitaux acceptables…

La méthode française pour s’attaquer à un problème est bien connue. Elle comporte deux volets :

● Un plan.

● L’annonce d’un gros chiffre. On précise en annexe ou en tout petit que ce chiffre correspond à des dépenses ou investissements étalés sur un grand nombre d'années.

Le Président Emmanuel Macron a mis en pratique cette démarche le 18 février 2021, en annonçant, quelle surprise :

● Un plan cybersécurité.

● Un budget de 1 milliard d’euros. Un chiffre rond, cela fait sérieux. Ce budget sera réparti sur la période 2021 - 2025, soit environ 200 millions d’euros par an.

Macron Cybersécurité 1 B€

Personne n’a la moindre idée de la manière dont ce milliard a été calculé, ni de comment cette somme sera dépensée.

Devant l’urgence de la situation, j’ai décidé de plancher cette nuit sur le sujet pour apporter, modestement, mais rapidement quelques éléments de réponse.

C’est le sujet de ce billet.

 

L’offre de solutions de cybersécurité : très en avance sur les usages

J’ai une excellente nouvelle pour le gouvernement français : la part de ce budget à consacrer à développer de nouvelles offres de solutions est facile à mesurer : Zéro Euro.

Depuis des dizaines d’années, des centaines de sociétés innovantes, dans le monde entier, ont développé des produits logiciels exceptionnels qui couvrent toutes les dimensions techniques pour se protéger efficacement des cyberattaques.

À titre d’illustration, le tableau ci-dessous dresse une carte de plus de 80 produits de nouvelle génération qui s’appuient sur l’Intelligence Artificielle (IA) pour combattre le cybercrime.

Map Cybersecurity with AI solutions

Des centaines d’autres solutions, elles aussi très performantes, travaillent de manière plus traditionnelle, car elles sont nées avant l’arrivée de l’IA.

En résumé

L’offre de solutions pour se protéger des cyberattaques n’est plus le problème en 2021.

Il y a même une surabondance de solutions et la principale difficulté des experts sérieux dans le domaine est de faire son choix parmi autant de produits exceptionnels.

Ceci m'amène à faire une première recommandation pratique au gouvernement français, après avoir vu la répartion prévisionnelle de ce budget de 1 milliard d'euros.

Toutes les sommes présentes dans la première colonne de ce tableau peuvent être ramenées à... zéro euro :

  • Rajouter encore plus de solutions à une offre déjà surdimensionnée, quelle absurdité.
  • Il faudra en plus des années pour produire ces "nouvelles solutions", et sans aucune garantie qu'elles soient perfomantes.
  • Il y a vraiment beaucoup plus intelligent, plus efficace à faire pour s'attaquer à la cybercriminalité.

Répartition plan cyber

Ceci représente 515 millions de moins dans les dépenses et autant dans les financements. Dans la suite de ce billet, j'indiquerai comment on peut réallouer ces sommes.

 

Protéger les infrastructures et les usages

Cybersécurité - Infrastructures usages sans réponsesLes lecteurs de mon blog connaissent bien cette distinction :

● Les infrastructures, serveurs, réseaux, objets d’accès sont les fondations d’un Système d’Information.

● Les usages ou les applications s’appuient sur ces infrastructures pour créer de la valeur pour les clients, internes et externes de chaque entreprise.

● Ceci est valable pour toutes les entreprises, TPE, PME, ETI ou grandes, privées ou publiques, dans tous les pays du monde.

Dans ce court billet, je vais aller à l’essentiel.

 

Cybersécurité : quelles réponses opérationnelles en 2021

Cette distinction entre infrastructures et usages sert de référence pour proposer des réponses opérationnelles, immédiatement.

Infrastructures

Dans les infrastructures, la protection des centres de calcul où fonctionnent serveurs et outils de stockage des données est essentielle.

Il existe deux grandes familles de centres de calcul :

● Les centres de calculs privés : chaque entreprise gère un ou plusieurs bâtiments où se trouvent ces serveurs.

Cloud security● Les Clouds Publics : ce sont des serveurs gérés par de grands industriels mondiaux qui mettent leurs ressources au service des entreprises. C’est la démarche IaaS, Infrastructure as a Service. Trois grands fournisseurs dominent le marché : AWS d’Amazon, Azure de Microsoft et GCP de Google.

En 2021, face aux cyberattaques, il n’y a plus qu’une seule décision de bon sens :

Fermer le plus vite possible tous les centres de calcul privés et obliger 99,99% des entreprises à basculer sur des clouds publics.

Aucune entreprise, même parmi les plus grandes, celles qui sont membres du CIGREF, Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, n’a les ressources techniques, humaines et financières suffisantes pour offrir un niveau de sécurité équivalent à ceux proposés par les industriels IaaS.

Sécurité des infrastructures serveurs : problème réglé.

Usages

Pour se protéger efficacement des cyberattaques, la profession des professionnels de ces outils utilise une expression très parlante : Zero Trust.

Zero Trust : cela veut dire que l’on fait l’hypothèse que rien n’est sécurisé et qu’il faut tout protéger.

Les principaux composants d’une démarche Zero Trust sont résumés sur ce schéma.

Démarche zero trust

Je reprends ici quelques lignes d’un blog récent où je présentais Zero Trust.

● Vérifier l’identité de la personne qui se connecte. On complète les mots de passe par d’autres techniques regroupées dans la famille MFA, Multi Factor Authentication.

● S’assurer que l’on peut faire confiance à l’objet d’accès, quel qu’il soit.

● Chiffrer les données, en transit et dans les objets d’accès.

● Autoriser les accès aux applications, une par une, selon les personnes, selon les lieux d’accès.

● Fournir des outils d’audit pour des contrôles a posteriori quand c’est nécessaire.

Zero Trust, c’est le remplacement des technologies archaïques que certains d’entre vous ont connu dans une vie antérieure : VPN sur les postes de travail et Pare Feu périmétrique autour des centres de calcul privés.

Comme je l’ai écrit au début de ce billet, l’offre de solutions est pléthorique. Ce tableau présente quelques-unes des solutions qui participent à cette démarche Zero Trust, parmi les plus connues du marché

Outils solutions zero Trust

 

Cybersécurité - Infrastructures usages avec réponsesEn reprenant la même image que j’avais utilisée pour séparer infrastructures et usages, on peut résumer les deux démarches qui permettent de bien se protéger contre des cyberattaques :

● Utiliser les clouds publics pour les infrastructures.

● S’appuyer sur des outils qui permettent une approche Zero Trust pour les usages.

 

Reste l’essentiel : les comportements humains

Je ne connais pas les deux hôpitaux qui ont déclenché cette réaction rapide du gouvernement français après avoir subi une cyberattaque. Ce que je sais, c’est qu’ils avaient tout faux : centres de calculs privés et pas de démarche Zero Trust.

J’ai envie de proposer au gouvernement français un objectif ambitieux et réaliste pour son plan cybersécurité :

Faire de la France l’un des pays les moins rentables et les plus coûteux pour réussir des cyberattaques contre ses entreprises.

Les cyberattaques vont continuer, vont devenir de plus en plus sophistiquées, c’est une évidence.

Penser une seule seconde que l’on peut garantir une sécurité parfaite contre les cyberattaques est une idée absurde.

La seule arme raisonnable, c’est donc la dissuasion. C’est le principe des portes blindées dans les appartements. Une porte blindée de qualité n’est jamais inviolable, mais ralentit beaucoup les cambrioleurs ; ils préféreront souvent s’attaquer à un autre appartement moins bien protégé.

Je propose donc que 100 % de ce budget de 1 milliard d’euros soit consacré à des actions vers les dirigeants et les responsables informatiques des entreprises, en étant très, mais très directif.

Il y a deux décisions prioritaires et “simples” à énoncer.

Décision 1 : toute entreprise présente sur le territoire français doit fermer rapidement ses centres de calcul privés.

Comment accélérer cette décision ? Attaquer les dirigeants au porte-monnaie.

● Pour les entreprises ayant des petits centres de calcul privés, de moins de 100 serveurs, une taxe sera établie sur la valeur comptable de ce centre de calcul :

○ 10% de cette valeur en 2022.

○ 20% en 2023.

○ 30% en 2024 et années suivantes.

● Pour les entreprises ayant des centres de calcul privés avec plus de 100 serveurs, elles sont peu nombreuses, cette taxe sera :

○ 0% en 2022, car il leur faut quand même plus de temps pour se préparer.

○ 20% en 2023.

○ 30% en 2024 et années suivantes.

Je prévois que le montant de ces taxes devrait rapidement rembourser le budget de 1 milliard d’euros prévu.

On taxe bien les produits dangereux pour la santé tels que le tabac ou l'alcool. Il est donc logique de taxer aussi les produits dangereux pour la santé de l'informatique, les centres de calcul privés.

Seringue Zero Trust SécuritéDécision 2 : vacciner rapidement au Zero Trust tous les responsables informatiques et les RSSI, Responsables de la Sécurité des Systèmes d’information. Cette vaccination devra être terminée avant juillet 2022. Un certificat de vaccination sera remis à toutes les personnes qui auront suivi avec succès cette formation. Il sera exigé pour pouvoir exercer ces professions à partir de janvier 2023.

L’essentiel du budget de 1 milliard d’euros sera consacré à la mise en œuvre de ces deux décisions. Cela représente beaucoup de travail et d’investissements en accompagnement et formation, mais ce seront vraiment des “investissements d’avenir”.

Comme je l'ai proposé plus haut, on peut récupérer la moitié du budget initialement prévu pour créer de nouveaux produits, soit 515 millions d'investissements et autant de financements

 

Résumé

Se protéger des cyberattaques est une priorité pour la France, comme pour tous les autres pays.

L’objectif ne sera jamais d’arriver à une protection parfaite. On le voit bien aujourd’hui avec les vaccins contre la COVID-19 : les meilleurs ont des niveaux de protection exceptionnels, supérieurs à 90 %.

Cet encadré propose un bel objectif aux décideurs qui vont relever le défi posé par ces cyberattaques : en réduire de 99% les dangers.

Infr Cloud + Usages ZT = 99% moins

Est-ce que je serai entendu ?

Est-ce que mes recommandations seront acceptées ?


Maîtriser ses données : grand défi des prochaines années (Première partie)

 

AdS DPC barre bateau S 270637175La prise de conscience de l’importance des données numériques c’est accélérée depuis 2 ou 3 années. En 2021, la “donnée” est sur toutes les lèvres.

Deux événements qui ont eu lieu en France en janvier 2021 le confirment.

Le GAIA-X French Hub a tenu sa première conférence plénière le 22 janvier 2021, sous les auspices du CIGREF. J’ai suivi cette conférence en ligne qui a duré toute la matinée. Le support est disponible au format PDF.

La priorité a été clairement mise sur les données ; neuf domaines clés ont été identifiés tels que la santé, l’énergie ou l’agriculture.

Gaia-x 9 data spaces

Assises de la donnée 28:2:2021Les assises de la Data Transformation se sont tenues à Bercy le 28 janvier 2021 ; Bruno Lemaire, ministre des Finances, en a fait l’ouverture.

Cette conférence a duré toute la journée et j’ai pu en suivre une grande partie. L’essentiel des conférences est disponible sur ce lien.

L’avenir du numérique européen passe par la donnée pour GAIA-X. “Les données sont au cœur de notre relance économique” pour le ministre des Finances de la France.

Quelles belles ambitions, quels beaux projets !

AdS DPC small man vs big Man S 55968372Je travaillais sur ce billet pendant que je regardais ces deux conférences ; j’ai eu un moment le sentiment de me sentir “tout petit” avec mon objectif d’aider chaque entreprise à améliorer sa gestion des données. Parler des entreprises quand l’avenir de la France et de l’Europe dépend des données, ce n’était vraiment pas au niveau voulu...

Je suis rapidement revenu à la raison : gérer efficacement ses données est déjà un défi d’une exceptionnelle difficulté pour chaque entreprise, et prendra plusieurs années. Sur ce thème, je pense pouvoir apporter de la valeur.

Au niveau de la France ou de l’Europe ? Je préfère laisser cette activité à d’autres.

Ce billet a pour ambition d’aider, un peu, les entreprises à reprendre la maîtrise de leurs données.

 

Rappel : modèle B I S et modèle B I S D

(Pour les lecteurs qui ne sont pas familiers avec ces deux modèles.)

En 2015, j'ai proposé un modèle d’analyse du Système d’Information (SI) des entreprises, nommé B I S :

B = Business, cœur métier en français : les applications liées aux activités spécifiques de chaque entreprise.

I =  Infrastructures : serveurs, réseaux, postes de travail, les fondations d’un SI.

S = Support, les applications transverses, universelles que l’on rencontre dans la majorité des entreprises.

En 2019, j’ai fait évoluer ce modèle en ajoutant la dimension D, pour données ; il est devenu le modèle B I S D.

Modèle BISD - Infra  Soutien  Métiers -Data

Les missions d’accompagnement des entreprises dans leur Transformation Numérique que j’ai menées entre 2015 et 2019 ont confirmé que les données occupent une place centrale dans la nouvelle version de mon modèle.

 

Les données : un peu d’histoire

Cover 10 000 years of recorded information STout au début de ma carrière en informatique, j’ai eu l’honneur et le privilège de rencontrer et de travailler aux USA avec Paul Strassmann quand il était DSI de Xerox. Cet homme exceptionnel, né en Europe de l’Est, a immigré aux USA après l’invasion de son pays par les Russes à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il a organisé pour Xerox une exposition remarquable sur “10 000 ans d’information enregistrée”. Le catalogue de cette exposition en présente quelques pièces exceptionnelles. C’est à ma connaissance la seule collection qui regroupe tous les moyens utilisés par l’humanité, dans toutes les civilisations, pour “enregistrer” des informations. Il est fascinant de voir comment, avec des techniques très différentes, les hommes ont, depuis 10 000 ans, cherché à mémoriser des données. L’une des pièces les plus rares (p 11) est l’un des seuls Quipus Péruviens restants, qui servait à enregistrer les… taxes. Les Espagnols avaient détruit systématiquement toutes ces “mémoires” pour effacer l’histoire du pays.

Aujourd’hui, l’immense majorité des données est mémorisée sous forme numérique. En 2021, les contraintes de volumes et de coûts ont disparu : il est possible de tout mémoriser. Comme le montre ce graphique, cette croissance des volumes de données est exponentielle ; on est passé entre 2010 et 2020 de 2 zettabytes à 60 zettabytes, une multiplication par 30.

Data stored from 2010 to 2024 - Zettabytes

Comment gérer efficacement ce déluge de données, qui ne fait que commencer ?

Je vous propose une démarche innovante qui, je l’espère, vous aidera à répondre à ce défi.

 

Les deux dimensions des données

Données dialogue SQL vs BudgetLorsque vous parlez de données à un professionnel du numérique, il pense immédiatement aux solutions disponibles.

Lorsque vous parlez de données avec les métiers, ils les voient sous la forme de contenus, financiers, humains ou autres.

C’est pour répondre à cette double vision des données qu’il est nécessaire d’avoir… une double réponse :

● La première, qui va proposer des solutions d’infrastructures numériques.

● La deuxième, qui parle des données dans le langage des métiers.

● Le défi, bien sûr, c’est de réconcilier les deux.

 

Dimension Infrastructures des données

J’ai participé à d’innombrables conférences, salons et séminaires où des professionnels du numérique parlent des données. Ce qui est fascinant pour moi, c’est que tout le monde se concentre sur un seul type de données, les données structurées.

Oui, les données structurées, utilisées en comptabilité, en finance, pour la gestion des ressources humaines ou des stocks sont importantes. Mais, en 2021, elles ne sont pas les seules à être numérisées, et ce sont celles qui occupent les plus petits volumes !

J’ai identifié six grandes familles de données :

● Les données structurées.

● Les documents bureautiques : textes, tableurs, présentations, PDF…

● Les modèles 3D, utilisés en ingénierie, construction…

● Les séries temporelles, que l’on rencontre aussi bien en finance que dans l’industrie.

● Les contenus multimédia : images, photos, vidéos…

● Les données géographiques : cartographie, routes, météo…

Vision Infrastructures données

L’ordre dans lequel elles sont présentées, de droite à gauche, n’est pas le fruit du hasard, comme on va le voir maintenant.

Remarque concernant les solutions citées : l’avenir des données est dans les Clouds Publics ou...dans les Clouds Publics. Toutes les solutions historiques, que l’on rencontre encore dans les centres de calcul privés que quelques rares entreprises “frileuses” continuent à gérer ont vocation à disparaître, et très vite. Je ne vais donc référencer que des solutions “natives cloud”.

C’est aussi un domaine où quelques fournisseurs attardés essaient de faire croire à leurs clients qu’ils ont LA solution universelle, intégrée, pour tous les types de données.

On retrouve ce combat entre les solutions “universelles” et les “best of breed” dans tous les domaines du numérique, et la gestion des données n’y fait pas exception.

Données structurées

Ce sont les données pour lesquelles il existe le plus de solutions techniques, et de très loin. Bases de données SQL, entrepôts de données, Data Lake… des centaines de logiciels sont disponibles pour gérer les données structurées. Ce sont aussi les solutions de gestion de ces données structurées qui sont les mieux connues par les informaticiens. Les formations à la gestion des bases de données sont presque exclusivement centrées sur ce thème.

La société de Capital Risque A16z (Andreessen Horowitz) a publié ce graphique qui présente son “Architecture Unifiée d’Infrastructures de Données.” Il est d’une grande complexité, liste des dizaines de solutions qui sont toutes…quelle surprise, dédiées aux données structurées.

A16z Unified Data Management Model

Données bureautiques.

Gdrive collaborationC’est la deuxième famille de données la plus utilisée dans les entreprises. Toutes les entreprises créent et gèrent des rapports, des présentations, des contrats… Il existe des solutions leaders dans ce domaine, venant :

● Des fournisseurs d’outils bureautiques cloud comme GDrive de Google ou OneDrive de Microsoft.

● De sociétés spécialisées comme Box ou Dropbox.

Il ne viendrait à l’idée de personne d’utiliser une base de données structurées SQL pour gérer tous ses documents.

Les quatre familles de solutions techniques qui suivent sont moins universelles que ces deux premières. Ce sont des données que l’on ne rencontre pas dans toutes les entreprises. Conséquence : le nombre de solutions “Cloud” disponibles pour ces familles de données est plus réduit.

Modèles 3D

Dassault 3D experienceLa numérisation de toutes les activités d'ingénierie est banalisée depuis des dizaines d’années. C’est l’un des rares domaines du numérique où la France a un champion mondial, Dassault Systèmes. Depuis plusieurs années, Dassault Systèmes a pris le virage du Cloud avec ses solutions 3ds.com. La mise à disposition des modèles 3D dans le Cloud permet à des collaborateurs sur le terrain d’y accéder depuis un navigateur.

Séries temporelles

Amazon timestreamÉvolution d’un cours de bourse, suivi de la vitesse de rotation d’un moteur, variation de la température dans un four… les domaines d’activités où l’on souhaite suivre l’évolution d’une donnée au cours du temps sont très nombreux. Il a fallu attendre longtemps avant de voir apparaître des solutions logicielles spécialisées pour gérer efficacement ces types de données, et elles sont encore peu nombreuses. Amazon Timestream, disponible sur AWS, n’est arrivé qu’en 2019.

Contenus multimédia

Pendant longtemps, les contenus multimédia, photos, images ou vidéos, ont été réservés à des métiers spécialisés comme la communication ou le marketing. Des dizaines de solutions DAM, Digital Asset Management, existent pour répondre à ces besoins spécifiques.

Il y a 2 ans, nous avons recherché avec une entreprise industrielle française une solution simple de gestion de contenus multimédia dans le Cloud pour permettre à tous les collaborateurs de partager ces contenus.

WizyVision exempleComme aucune solution satisfaisante n’était disponible, l’entreprise Wizy.io, dont je suis l’un des fondateurs, a développé un logiciel SaaS pour les contenus multimédia. C’est devenu le produit WizyVision DAC, Digital Asset Center. Je peux le définir comme le premier outil universel, natif Cloud, pour la gestion des contenus multimédia.

Données géographiques

Des milliers de services numériques utilisent la géolocalisation : Uber, CityMapper et même StopCovid !

Toutes les entreprises n’ont pas les moyens de Google, Apple ou Uber pour construire sur mesure des solutions métiers qui s’appuient sur des dimensions géographiques. Il existe depuis des années des outils qui répondent à ce besoin, mais ils sont chers, complexes et construits sur des architectures anciennes.

Bonne nouvelle : les toutes premières solutions Cloud natives arrivent. L’une des plus prometteuses est Unfolded.ai. Les fondateurs sont d’anciens collaborateurs d’Uber ; ils avaient construit leurs applications en créant des briques Open Source, Kepler.gl et Deck.gl.

Unfolded.ai on Open Source platforms

Unfolded.ai s’appuie sur ces composants Open Source, ce qui est un gage de qualité et de pérennité.

 

Dimension infrastructures : en résumé

Petit à petit, l’offre de solutions natives Cloud s’enrichit, pour répondre à toutes les attentes des entreprises pour gérer leurs données. Dans des domaines comme le multimédia ou les données géographiques, pour lesquels les demandes des entreprises avaient du mal à trouver des réponses modernes, les premières offres sont maintenant disponibles.

Vision Infrastructures données + solutions

Oui, les métiers de gestionnaires des infrastructures de données seront de plus en plus complexes, car il faudra maîtriser plusieurs outils logiciels.

C’est la seule option raisonnable à long terme, face à la tentation, suicidaire, d'espérer trouver la solution unique qui répondrait à toutes les attentes, actuelles et futures, des entreprises pour la gestion de toutes les familles de données dont elles ont besoin.

Matrice gestion données ancien monde nouveau mondeCette matrice à quatre cases permet de visualiser les évolutions nécessaires des entreprises dans leur démarche de gestion des données :

● La situation historique la plus fréquente : des outils universels installés dans des centres de calculs privés

● Deux cases sans avenir : outil universel dans le cloud et outils spécialisés dans centres de calcul privés.

● Le point d’arrivée moderne : des outils spécialisés dans le cloud public.

 

Usages

La situation est plus stable dans le domaine des usages : les métiers ont des attentes raisonnablement bien connues et pérennes.

Toutes les entreprises ont besoin d’information dans des domaines universels tels que :

● Clients.

● Ressources Humaines.

● Finances.

Il existe aussi des attentes spécifiques à certains secteurs d’activités :

● Gestion de production.

● IIoT : Industrial Internet of Things, informations sur les objets connectés.

Vision métiers données

Les limites techniques de l’informatique des années 1960 à 1990, les coûts très élevés des solutions de stockage avaient conduit les entreprises à avoir une stratégie de gestion de la pénurie et à considérer que l’octet était une ressource rare et chère. Les données structurées financières et bureautiques textuelles étaient les seules à pouvoir être stockées dans des supports numériques. L’exemple probablement le plus célèbre est celui des années ; on n’avait gardé que les deux derniers chiffres pour économiser des octets. Le passage à l’année 2000 a montré à quel point cette économie initiale avait été la source de coûts très élevés quand il a fallu passer à quatre chiffres.

L’explosion des usages d’Internet et du Web a fait naître des sources d’information nouvelles, externes à l’entreprise, telles que les réseaux sociaux et les sites Web ouverts à tous.

Données sources internes - externes 1990 - 2020Entre 1990, année du début du Web, et aujourd’hui, les volumes de données créées en interne ont augmenté, mais raisonnablement. À l’inverse, les entreprises ont vu croître très vite les données d’origine externe.

Les FLW, Front Line Workers, les travailleurs en première ligne, ont été pendant trop longtemps les oubliés de la Transformation Numérique. Leurs besoins de données numériques n’étaient pas prises en compte et le papier restait leur outil principal.

L’exemple que je vais présenter montre comment ces FLW peuvent en 2021 profiter de ces différentes sources de données pour transformer en profondeur leurs modes de travail.

AdS DPC FLW with smartphone factory S 354388167Cet exemple est celui d’un technicien qui doit mener une opération de maintenance sur une installation industrielle de grande taille. Comme tous les FLW, il est équipé d’un smartphone. Il peut :

● Localiser le lieu d’intervention par la cartographie.

● Arrivé sur place, une simple photo lui permet de retrouver, dans la base multimédia, les références du matériel à réparer.

● Toutes les données des maintenances préalables s’affichent automatiquement sur son écran, à partir d’une base de données structurées. Aucune saisie manuelle n’est nécessaire.

● Il peut consulter à tout moment, dans la base des documents, le manuel d’entretien.

● S’il diagnostique que le problème vient d’irrégularités dans la pression d’alimentation en air comprimé, un coup d’œil sur les évolutions de la pression au cours des 3 derniers mois dans la base temporelle lui permet de confirmer son intuition.

● Un accès aux plans 3D de l’installation lui montre sur quel composant il doit intervenir.

● À la fin de son intervention, quelques photos après réparation vont enrichir la base multimédia, ce qui aidera un autre technicien d’entretien lors d’une prochaine visite.

● Tout ceci est réalisé en mode numérique 100%, sans avoir besoin d’utiliser le moindre support papier pendant l’intégralité des étapes de son intervention.

L’application sur mesure qui a été développée pour ce FLW fait appel aux six solutions logicielles de gestion des données, de manière totalement transparente pour lui.

C’est aussi un bon exemple d’un double bénéfice “Gagnant Gagnant” :

● Pour le Front Line Worker, qui peut se concentrer sur ses activités à forte valeur ajoutée, sans perdre du temps sur des fonctions administratives.

● Pour l’entreprise, à qui ce nouveau processus 100% numérique garantit que toutes les informations, de toute nature, sont à  jour en permanence.

Cet exemple permet d’introduire la deuxième partie de ce billet ; il présentera les indépendances nécessaires à créer entre les composants d’un Système d’Information construit sur le modèle B I S D.


Et si notre monde était devenu incapable de s’adapter à l’innovation ? Deuxième partie

La première partie de cette analyse a présenté les trois époques principales de l’innovation et l’entrée du monde, depuis une dizaine d’années, dans une croissance exponentielle de ces innovations, en particulier dans le monde du numérique.

 

Les premiers signes de réactions négatives

AdS DPC Positive Negative S 313730832Mes lectures récentes montrent bien qu’il y a deux visions du monde futur.

Une première, optimiste, parie sur la capacité de l’humanité à s’adapter :

● “Exponential Organizations” de Salim Ismael, explique que les entreprises peuvent et doivent elles aussi adopter des démarches exponentielles d’évolution.

● “The future is faster than you think” de Peter Diamantis et Steven Kotler met l’accent sur la convergence de différentes technologies, toutes exponentielles et donne des pistes pour s’adapter pendant la décennie actuelle.

Une deuxième vision, pessimiste, met en doute notre capacité à nous adapter :

● “New Dark Age” de James Bridle, annonce la fin du futur de l’humanité.

● “How to fix the future” de Andrew Keen, prédit un futur effrayant et négatif.

● “The Uninhabitable Earth'', de David Wallace-Wells, est l’un des plus négatifs et  annonce tout simplement que notre planète terre deviendra rapidement invivable.

● “Human Compatible” de Stuart Russell, se concentre sur l’Intelligence Artificielle et questionne nos capacités à en contrôler les évolutions.

Le nombre de livres publiés ayant une position négative est supérieur à ceux qui sont optimistes. A mon avis, ce n'est pas seulement parce que le catastrophisme fait vendre.

 

Un début de basculement vers une allergie à l’innovation technologique ?

Le décalage entre la réalité des améliorations spectaculaires apportées par la science et la technologie au monde et la perception des personnes s’accélère, et ce n’est pas un bon signe.

Ces deux doubles pages sont extraites du livre de Hans Rosling, Factfulness, cité dans la première partie de ce billet.

La première présente 16 indicateurs de phénomènes négatifs qui se sont réduits fortement au cours des années : esclavage, maladies, accidents d’avion, ozone...

16 bad things decreasing

La deuxième présente 16 indicateurs de phénomènes positifs qui se sont améliorés fortement au cours des années : droits de vote, éducation des femmes, démocratie…

16 good things increasing

Nous devrions tous être contents ; et bien non ! On a l’impression que le monde perçoit exactement l’inverse : les phénomènes positifs se détériorent et les négatifs augmentent.

Factfullness Hans Rosling monde pireUne grande enquête a été réalisée en 2017 dans plusieurs pays. Les personnes devaient répondre à la question : est-ce que le monde devient meilleur, reste le même ou pire. Ce graphique donne les réponses "pires". Il n’y a pas un seul pays où le score est inférieur à 50%.

La France est dans le peloton de tête.

Les effets les plus visibles de cette intolérance à l’innovation numérique se concentrent en ce moment sur les infrastructures. Pourquoi ? Elles sont beaucoup plus visibles que les usages et les applications.

Vous connaissez beaucoup d’infrastructures qui n’ont aucun impact sur les paysages et la nature ? Moi, non :

● Lignes électriques haute tension.

● Autoroutes.

● Voies ferrées, TGV et autres.

● Centrales électriques, thermiques ou atomiques.

● Barrages hydrauliques, qui ont submergé des villages entiers.

● …

Comme toutes les infrastructures nécessaires pour déployer des innovations technologiques, les éoliennes, les satellites, les antennes radio, ne sont pas invisibles. Oui, les éoliennes terrestres se voient de loin, quelle surprise ! Sont-elles vraiment plus moches que les lignes haute tension ?

Fédération Non à l'éolien en France

Oui, on apercevra parfois depuis sa résidence secondaire à La Baule des éoliennes en mer quand le ciel est dégagé ; est-ce vraiment un crime visuel insupportable ?

Installer un parc d’éoliennes en France est devenu un parcours du combattant qui dure plusieurs années, tous les blocages juridiques possibles étant utilisés. Face à l’urgence du basculement vers des énergies renouvelables, est-ce une démarche raisonnable ?

Les nouveaux satellites basse altitude lancés par SpaceX d’Elon Musk fourniront dès 2021 des accès internet haut débit aux pays qui en manquent cruellement. C’est un scandale ! Ils perturbent un peu le travail des astronomes.

Autre exemple significatif de cette allergie croissante à l’innovation : le déploiement de la 5G en France. Nous sommes le dernier pays d’Europe à l’avoir autorisé. Des dizaines d’études scientifiques ont confirmé que la 5G ne présente aucun risque pour la santé.

5G no risks

Les antennes 5G, qui ne sont le plus souvent que des antennes déjà installées que l’on met à niveau, ont fait l’objet de plus de 100 attaques et destructions pendant la seule année 2020. L'incompétence technique des attaquants est telle qu’ils leurs arrivent de confondre antennes 5G et antennes de télévision.

Attaques anti 5G

Je connais déjà la réponse de ceux qui sont farouchement opposés à toute nouvelle infrastructure qui peut apporter de la valeur à l’humanité : “Oui, mais les infrastructures actuelles, on s’y est habitué.”

 

Un argument en croissance : l’innovation technologique est mauvaise pour la planète

Opposer innovation technologique, en particulier numérique, et écologie devient un autre d’axe fort de ces mouvements anti-innovations. Soit parce qu’ils sont mal informés, le plus souvent parce qu’ils sont de mauvaise foi, les “verts bien pensants” communiquent massivement sur les méfaits des innovations technologiques pour la planète.

Essayez de leur opposer des arguments scientifiques. Ils se transforment en une armée de petits Donald Trump, offensés, et crient à la manipulation, aux fausses nouvelles.

J’ai écris de nombreux billets sur mon blog qui s’appuient sur des éléments chiffrés, factuels, pour montrer que :

L’innovation technologique est l’une des meilleures armes pour sauver la planète. Elle permet en particulier une dématérialisation de l’économie.

Transformation Numérique et Frugalité Numérique sont de puissants alliés. Ce lien est vers le premier d’une série de quatre billets.

La santé est un autre sujet sensible ; de nombreux “marabouts” modernes ont découvert le filon et proposent à une clientèle fragile des protections en tout genre. Le danger des ondes radio est très en vogue en ce moment.

Baldaquin anti ondesDe nombreuses boutiques en ligne, auxquelles il faut bien sûr accéder en utilisant des réseaux numériques sans fil, proposent des protections personnelles ou d’habitation. Pour la modique somme de 1 880 € HT, vous pouvez vous protéger pendant votre sommeil des ondes radio avec un superbe baldaquin faisant office de cage de Faraday.

 

Un cas concret : les vaccins anti COVID-19

Tous les médias, et pas seulement les réseaux sociaux, sont concentrés sur le court ou le très court terme ; le temps consacré à des analyses posées, scientifiques, factuelles sur les évolutions à long terme est presque inexistant. L’exemple des vaccins anti COVID-19 l’illustre très bien.

C’est un succès scientifique vraiment extraordinaire : les premiers vaccins contre la COVID-19 étaient disponibles moins d’un an après l’arrivée du virus, et avec des taux d’efficacité supérieurs à 90%, ce qui n’avait jamais existé face aux virus précédents celui de la COVID-19.

D'où vient cette double performance, temps de développement et efficacité, que personne n’aurait imaginé en mars 2020 ? Des progrès exponentiels réalisés dans les sciences de la vie et du numérique.

Moderna on AWS  42 jours au lien de 20 moisLa société Moderna a utilisé les solutions IaaS, Infrastructure as a Service, d’AWS depuis 2017. Moderna estime que, pour développer son vaccin COVID-19, le temps nécessaire a été de 42 jours ; il lui aurait fallu 20 mois sans AWS. C’est une accélération de plus de 14 fois.

18 mois de gagnés, 18 mois pour vacciner plus vite : combien de vies cette accélération a sauvé ? Sur la base de 2 millions de morts en 12 mois, on arrive au chiffre extraordinaire de… 3 millions de vies potentiellement sauvées.

Je n’ai pas lu beaucoup d’articles sur ce “miracle technologique”. A l’inverse, des milliers de politiques et de commentateurs dénoncent un “drame absolu” quand un laboratoire annonce un retard de 1 à 3 semaines dans la mise à disposition des doses, dû à des problèmes de mise en production que toute personne ayant une expérience industrielle peut comprendre. Ce retard va ralentir de quelques semaines le rythme des vaccinations, car la fabrication reprendra avec des capacités plus élevées.

Une illustration, parmi des milliers de ces réactions : le Secrétaire d'État Christian Beaune menace les laboratoires de sanctions pour ces retards :

● Date de l’entretien : jeudi 21 janvier 2021.

● Date de reprise des livraisons, annoncée dans ce même entretien : lundi 25 janvier 2021.

Christian Beaune sur vaccins

Heureusement que d’autres responsables politiques, au niveau européen, avaient une véritable vision moyen terme en passant des commandes massives de vaccins dès juillet 2020, alors qu’aucun vaccin n’était encore disponible et n'avait été approuvé par les organismes de certification. La date de livraison de ces vaccins n’était évidemment pas inscrite dans ces contrats.

Autre polémique : l’Europe s’insurge car les Etats Unis et le Royaume Uni sont livrés plus vite que l’Europe. La raison ? Ils ont passé des commandes 3 mois avant, et il est logique qu’ils soient livrés avant.

Lançons aujourd’hui une enquête d’opinion en posant la question : “Que pensez-vous de la vitesse à laquelle les vaccins anti COVID-19 sont disponibles ?”

Quelles seraient les réponses les plus fréquentes, et de loin ? Je suis prêt à parier que ce seraient des critiques virulentes de ces retards de quelques semaines.

Ils seraient peu nombreux ceux qui diraient : “C’est génial, on dispose d’un vaccin en moins d’un an, ce qui n’était jamais arrivé auparavant !”

Les seuls qui feraient référence à cette accélération ? Des anti-vaccins pour dire qu’un vaccin développé aussi rapidement, c’est louche, c’est pas normal, on va être des cobayes, j’ai pas confiance… Ces deux réponses de politiques français illustrent très bien cette position de méfiance vis-à-vis des progrès rapides de la science moderne.

COVID-19 Le Pen Dupont Aignan

 

Synthèse : les dix prochaines années

Intelligence Artificielle, informatique quantique, micro-réacteurs à fusion nucléaire, nouveaux traitements médicaux efficaces contre des maladies incurables aujourd’hui…en 2030 les progrès exponentiels de la science et des technologies pourraient continuer et permettre au monde d’améliorer encore plus les nombreux indicateurs de progrès présentés dans ces deux billets.

Ces progrès sont possibles, sauf si l’humanité, désorientée par la vitesse croissante de ces innovations, son incapacité à les comprendre, succombe à la tentation du retour en arrière.

Aotodafé smallVerra-t-on le retour de gigantesques autodafés, numériques cette fois ? Les incendies d’antennes 5G en sont les signes avant-coureurs.

Inquisition espagnole en 1480, destructeurs d’antennes en 2020, même culture, même combat.

Est-ce que les États et leurs lois seront capables de ne pas bloquer des innovations de rupture, qui par définition n’auront jamais été mises en œuvre ? Est-ce que des vaccins ARN auraient été autorisés pour d’autres maladies que la COVID-19 s’il n’y avait pas eu cette urgence mondiale ? Rien n’est moins sûr.

Dans deux textes, publiés en 2018, j’avais déjà tiré le signal d’alarme sur les risques que font courir à la France des lois déraisonnables comme le principe de précaution inscrit dans la constitution.

La tentation sera forte, pour les états, de ralentir les progrès technologiques qu’ils ne comprennent pas en publiant des lois et règlements “technicides”.

A l’inverse, est-ce que les grands blocs qui dominent de plus en plus les innovations numériques, Chine et USA, ne seront pas tentés d’utiliser de nouvelles avancées qu’ils seraient les seuls à détenir pour soumettre le reste du monde à leurs exigences.

Gozilla vs Kong with flagsDe nombreux experts américains prédisent que la Chine deviendra la première puissance mondiale en Intelligence Artificielle dès 2025. Imaginons qu’il en soit de même en informatique quantique en 2030. Chine contre USA, un combat de titans numériques qui peut ébranler la planète dans cette décennie et dont l’Europe est absente.

Gozilla contre Kong, c’est le titre d’un film qui va sortir en 2021 ; l’analogie est tentante…

La tentation sera forte, pour les particuliers, de se rebeller contre des intelligences artificielles plus performantes qu’eux, des voitures autonomes qui feront que la conduite par des humains sera de plus en plus régulée, car trop dangereuse.

Et les fournisseurs leaders ? Auront-ils la sagesse de mettre leurs innovations au service de la société ou la tentation de devenir encore plus les véritables maîtres du monde. Les luttes telles que celles entre le gouvernement chinois et le patron d’Alibaba pourraient se multiplier dans les années qui viennent. On assiste déjà à des affrontements similaires entre les GAFAM et l’Union européenne.

Et les entreprises ? C’est dans ce domaine que le futur des prochaines années est le plus difficile à imaginer. Les profondes différences dans la vitesse d’adoption des technologies innovantes que j’ai pu observer pendant les années 2005 - 2020 vont probablement s’accentuer entre 2021 et 2030.

Est-ce que les entreprises qui sont déjà dramatiquement en retard dans leur Transformation Numérique en 2021 auront encore une possibilité de remonter à la surface avant 2030 ? Rien n’est moins sûr.

J’ai posé beaucoup de questions dans ces billets. Les réponses ne sont pas figées dans le marbre.

2030 Incertitude NumériqueElles dépendent des réactions de milliards de personnes, de millions d’entreprises, de tous les pays de la planète, d’une vingtaine de leaders technologiques mondiaux et de leur capacité à gérer ensemble cette croissance exponentielle de l’innovation technologique pour que nous soyons tous gagnants.

Quel est votre sentiment, en ce début d’année 2021 ?

● Optimiste pour 2030 ?

● Pessimiste pour 2030 ?


Et si notre monde était devenu incapable de s’adapter à l’innovation ? Première partie

 

AdS DPC Ball Optimism Pessimism S 321005567Poser cette question, en 2021, pourquoi ?

Non, ce n’est pas lié à la pandémie COVID-19. C’est une réflexion beaucoup plus large sur les impacts de l’accroissement vertigineux de la vitesse d’évolution des innovations, le monde du numérique étant le plus en pointe.

Depuis des années, dans ce blog, je fais preuve d’un grand optimisme sur les apports positifs des nouvelles technologies numériques.

Aujourd’hui, le doute pointe le bout de son nez : et si notre monde, dépassé par la vitesse de ces évolutions, se rebellait, avec le sentiment que tout va trop vite, et décidait qu’il n’est plus capable de suivre ?

(La longueur exceptionnelle de ce billet m’a amené à le couper en deux parties, qui sont publiées simultanément.)

 

Les trois âges de croissance de l'innovation

Je prends le risque d’une simplification très forte de l’histoire de l’innovation, mais elle me semble nécessaire pour comprendre ce qui se peut se passer dans notre monde au cours des dix prochaines années. Les dates choisies sont indicatives de moments d’inflexion, pas des dates précises.

Trois ages innovation plat linéaire exponentiel

Comme le montre ce schéma, j’ai identifié trois périodes dans l’histoire des innovations :

● Une très longue période pendant laquelle les innovations ont été peu nombreuses, très lentes, jusqu’en 1850.

● Une période d’un peu plus de 150 années, théâtre d’une évolution rapide, mais linéaire, de ces innovations.

● Depuis une dizaine d’années, un basculement vers une évolution exponentielle de ces évolutions.

Steven Pinker Enlightenment nowLa lecture d’un livre passionnant, "Enlightenment Now”, écrit par Steven Pinker, m’a beaucoup aidé dans mes réflexions. Je suis en bonne compagnie pour vous le recommander : c’est le nouveau livre favori de tous les temps de.. Bill Gates.

Il existe aussi en français sous le titre : Le triomphe des lumières.

Je vais m’appuyer sur cet ouvrage pour illustrer en priorité la période 1850 - 2010, correspondant à ce que je nomme la croissance linéaire de l’innovation.

 

L’ancien monde, avant le milieu du XIX siècle

C’était mieux, avant ! Qui n’a pas entendu cette phrase des nostalgiques du passé, de plus en plus nombreux, et on y reviendra.

Réponse : non, non et non !

Vous auriez aimé vivre dans un monde où :

● L'espérance de vie à la naissance était de 31 ans.

● 35% des enfants mourraient avant 5 ans.

● La famine tuait entre 200 M et 1 200 M de personnes par an dans le monde.

● 90% des personnes vivaient en état d'extrême pauvreté.

● …

Steven Pinker life expectancy

Moi ? Non merci !

Ces indicateurs sont restés très stables pendant des millénaires. Il y avait aussi des périodes de grandes catastrophes, épidémies, bouleversements climatiques et famines, qui faisaient baisser brutalement ces chiffres.

Quelques exemples de ces grandes catastrophes :

● Années 974 - 975 : grands froids et famines en France : ⅓ de la population disparaît.

● Années 1648 + : en Pologne, ⅓ de la population meurt à la suite d'inondations, de famine et de peste.

● Années 1769+ : au Bengale, la famine tue 15 millions de personnes, soit encore une fois ⅓ de la population.

Cet article de Wikipedia liste plus de 100 grandes famines avant l’année 1850. D’autres se sont produites ensuite, mais avec des nombres de morts de plus en plus faibles.

Autre exemple : en 1347, la grande peste a déferlé sur l’Europe ; sa population est passée de 85 millions de personnes à 60 millions, une baisse d’environ 25%.

Population Europe Peste 1347

Le monde d’avant 1850, un monde idyllique ? A vous de juger...

 

Croissance linéaire de l’innovation : des résultats remarquables

Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, l’homme a acquis la maîtrise des énergies, principalement fossiles, charbon puis pétrole et gaz. Ces énergies ont été la base de la première révolution industrielle.

En un peu plus de 150 ans, une durée ridiculement courte à l'échelle de l’histoire de l’humanité, le monde est devenu plus riche, plus sain, plus libre, plus éduqué.

Des dizaines d’indicateurs confirment ces évolutions très rapides ; pour ne pas surcharger ce billet déjà long, j’en ai choisi un tout petit nombre :

● Le pourcentage d’enfants qui meurent avant 5 ans a baissé dans toutes les régions du monde, à des rythmes différents. Il est aujourd’hui proche de zéro dans la grande majorité des pays.

Steven Pinker Children death

● En 1900, les femmes pouvaient voter dans 1 seul pays, l’Australie. Aujourd’hui, il reste un seul pays où elles ne peuvent pas voter ! Non, ce n’est pas l’Arabie Saoudite qui a accordé un droit de vote, réduit, aux femmes en 2015. Il s’agit du...Vatican !

● Au début du XIXème siècle, 12% des personnes savaient lire et écrire. Ce chiffre est monté à 83% en 2010. Oui, il reste quand même plus d’un milliard d’analphabétes dans le monde, mais c’est un sacré progrès !

Le site “ourworldindata” est une remarquable source de données fiables sur des milliers de sujets. Vous pouvez construire vous-même des graphiques comme celui que j’ai réalisé sur les équipements des foyers américains sur un siècle, entre 1860 et 1955. L’eau courante, les toilettes ou l'électricité étaient encore des raretés en 1900.

Equipement foyers américains 1860-1955

Monument Jacquard ChomageCette première révolution industrielle n’a pas été acceptée facilement par tout le monde. Le français Joseph Marie Charles dit Jacquard invente le métier à tisser piloté par une carte perforée avec 80 colonnes. Il a failli être jeté dans le Rhône par des ouvriers inquiets pour leur avenir. Tous les pays, tous les secteurs économiques qui s’industrialisaient ont connu des révoltes de ce type. Elles n’ont jamais atteint des proportions majeures ni remis en cause ces industrialisations.

L’informatique a décollé dans les entreprises vers les années 1960, avec l’arrivée des premiers ordinateurs universels, dont l’IBM 360 a été un exemple important.

L’informatique domestique a pris son envol vers les années 1990, avec l’arrivée des premiers PCs et du Web.

Pendant 30 années, les entreprises étaient en avance sur le grand public dans les usages des solutions numériques. Depuis 2000, les courbes se sont croisées et l’innovation numérique se déploie plus vite chez les particuliers. Je reviendrai sur ce basculement ultérieurement.

A la fin de l’année 2020, il y avait environ 5 milliards d’internautes dans le monde

Nombre d'internautes 12:2020 Internetworldstats

Ce deuxième graphique montre la croissance du nombre d’internautes entre 1990 et 2015.

Nombre internautes 1990 - 2015

On constate que cette croissance est forte, mais reste… linéaire ! Nous sommes en face d’un nombre fini d’utilisateurs potentiels, et il reste encore, trente ans après les débuts du Web, un gros tiers de la population mondiale qui n’a pas accès à Internet.

Pendant ces 50 premières années de croissance linéaire des innovations informatiques, il y a eu très peu de “révoltes” contre ces technologies. Au contraire, l’acceptabilité des PC, des réseaux rapides, d’Internet, du e-commerce a été forte, dans tous les pays, dans toutes les tranches d’âge, avec des vitesses différentes.

Les réactions anti informatiques sont restées très limitées. Cela fera sourire les plus jeunes, mais on a sérieusement discuté en France d’une “prime clavier” pour les personnes qui, pour la première fois, devaient utiliser un terminal ou un ordinateur.

Les reproches, et il y en avait, venaient en priorité des pays et des personnes qui pour des raisons techniques ou financières n’avaient pas accès à ces outils numériques. On se plaignait des déserts numériques, des zones blanches ou du manque d’équipements numériques dans le monde éducatif.

 

La croissance exponentielle de l’innovation s’installe

Depuis une dizaine d’années, la croissance exponentielle de l’innovation s'est imposée dans tous les domaines et en particulier dans le numérique. Cette croissance exponentielle existait déjà dans quelques catégories : la célèbre prévision de Gordon Moore d’Intel sur le doublement du nombre de transistors dans les circuits électroniques date de 1970.

J’ai fait le choix pour illustrer cette “exponentialisation” des performances de choisir quelques secteurs différents. J’aurai pu ajouter des dizaines d’autres exemples.

Puissance de calcul dans l’Intelligence artificielle. Ce graphique est un peu la “loi de Moore” dans l’IA, mais beaucoup plus rapide. La puissance de calcul a été multipliée par 300 000 entre 2012 et 2018.

Exponential growth IA

Réduction du coût par Watt des panneaux solaires. Il n’y a pas que le numérique qui fait des progrès exponentiels. Le coût par Watt a été divisé par 400 entre 1975 et 2019.

Réduction exponentielle coût panneau solaire

Croissance des flux de données sur réseaux mobiles. On retrouve aussi ces croissances exponentielles dans les usages numériques. Le taux de croissance des flux numériques mobiles est de l’ordre de 60% par an.

Croissance flux données mobiles

L’exponentiel, c’est démodé, vive le double exponentiel. Dans le monde du calcul quantique, le responsable des travaux quantiques chez Google, Hartmut Neven, a proposé une nouvelle loi qui porte son nom et qui prévoit que la puissance des ordinateurs quantiques va suivre une loi “double exponentielle”. Le tableau ci-dessous compare une croissance exponentielle et double exponentielle. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Sur une puissance de 5 :

● Exponentielle = 32.

● Double exponentielle = 4 milliards ( 4 294 967 296 pour être plus précis).

Double exponentielle

Il serait fastidieux d’afficher d’autres courbes exponentielles dans d’autres domaines.

Le message est clair : nous sommes vraiment entrés dans une période de croissance exponentielle des innovations et rien ne permet de dire qu’elle va s’arrêter, au contraire, comme le montre l’arrivée de croissances double exponentielles.

 

Le monde peut-il s’adapter à cette croissance exponentielle ?

Avant de continuer la lecture de ce billet, prenez quelques minutes pour répondre aux sept questions sur votre perception de l’avenir du monde que vous trouverez sur le site Gapminder.

GapMinder Website quiz

Pour que ce test soit utile, soyez “honnête”, avec les réponses que vous feriez à un ami vous posant ces questions pendant des échanges sur l’état actuel du monde.

Vous serez probablement surpris de votre faible pourcentage de bonnes réponses et de voir dans quel sens vous vous êtes trompé.

Couverture livre FactfulnessCe site GapMinder est une autre source remarquable de données sur les évolutions du monde. Il est géré par la famille Rosling, Ola et Anna, enfants du fondateur Hans, décédé récemment.

Les Rosling ont écrit un livre exceptionnel, Factfulness, disponible en français et en anglais, qui vous fera un bien fou. Je vous laisse découvrir pourquoi.

Cela fait longtemps que je me pose des questions sur les liens entre les technologies numériques et le monde. J’ai pris le temps de lire de nombreux livres qui abordent ces thèmes. Ils ne sont pas tous intéressants ; je vais citer quelques-uns de ceux qui m’ont le plus aidé.

Dans “Thank You for being late”, Thomas Friedman est l’un des premiers à se poser la question de la capacité de l’humanité à s’adapter à la croissance exponentielle de la performance des technologies.

J’en ai extrait ce graphique. Il n’y a pas de date sur le point de croisement entre la courbe exponentielle de la technologie et la capacité d’adaptation de l’humanité, qui est beaucoup plus linéaire.

Thomas Friedman : thanks for being late

J’y ai rajouté quatre composants essentiels, car ils ont des vitesses d'adaptation très différentes.

Les particuliers. Depuis les années 2000, c'est au niveau des personnes que les capacités d’adaptation sont les plus rapides. On le constate tous les jours depuis une vingtaine d’années. Smartphones, réseaux sociaux, photos numériques… Ces innovations sont adoptées très vite, en particulier par les plus jeunes. TikTok, l’outil chinois de création et partage de courtes vidéos sur smartphones en est l’exemple le plus récent. Ce graphique montre que la croissance TikTok aux USA est plus rapide que celle des solutions de Facebook.

Tik tok growth compared to Facebook solutions

Les entreprises. Elles arrivent en deuxième position dans leur capacité à adopter les nouvelles technologies numériques. Il y a de très grands écarts de vitesses selon les entreprises, et l’un de mes métiers de base reste l’accélération de cette adaptation. Les solutions clouds publics et SaaS existent depuis plus de 15 ans. Elles restent encore interdites dans de trop nombreuses entreprises, avec des alibis bien connus tels que la sécurité et la confidentialité.

AdS DPC Digital Servives Act S 396764206Les lois. Là, cela devient grave ! Le retard entre la banalisation des usages numériques dans le grand public et les entreprises et les lois censées les réguler s'accroît tous les jours. Les jeunes leaders du numérique comme Google et Facebook ont pris des positions dominantes dans le monde entier et on parle beaucoup de les contrôler, de les réguler. Dans la pratique, les lois historiques sont inopérantes et les nouvelles lois sont à inventer. En Europe, en décembre 2020, deux séries de recommandations ont été annoncées : DSA, Digital Service Act et DMA, Digital Market Act. Leurs contenus, leurs dates de mise en opération ? Personne ne les connaît encore avec précision.

Les états. Que ce soit au niveau d’un état ou d’une association comme l’Union Européenne, les temps de réponse sont incompatibles avec la croissance exponentielle des performances. Ils sont presque tous en retard d’une, deux ou trois générations vis-à-vis des solutions numériques. La dimension mondiale native des solutions proposées par Google, Facebook, Amazon et autres Alibaba est en totale opposition avec les approches territoriales des États. Sera-t-il possible, un jour, de réconcilier les deux ? Rien n’est moins certain.

Comme l’a montré Thomas Friedman, ces décalages sont restés acceptables tant que l’humanité avait le sentiment qu’elle pouvait les dominer.

Que va-t'il se passer maintenant que la croissance exponentielle de l’innovation technologique dépasse la capacité des personnes, des entreprises, des lois et des états à s’adapter ?

La deuxième partie de cette analyse sera consacrée aux réactions possibles face à ces croissances exponentielles des innovations.