Réseaux privés 5G : tsunami en approche avec la "Cloudification" des télécoms d’entreprise
Après un ordinateur pour chaque col blanc, un smartphone pour chaque FLW, Front Line Worker

J’ai mal à mon Europe du Numérique

 

XAdS DPC European commission & Flag S 70568070Depuis plusieurs décennies, je suis un acteur du monde de l’informatique et du numérique. J’ai aussi essayé d’anticiper les grandes tendances et d’identifier les solutions numériques qui pouvaient apporter des ruptures fortes sur ces marchés.

Il m’est arrivé de me tromper : à la fin des années 1990, j'annonçais la mort des mainframes… et ils sont toujours là !

Dans l’ensemble, je n’ai pas trop à rougir de la qualité de mes prévisions.

Je suis aussi un Européen convaincu, comme je l’explique en préambule à ce billet d’avril 2021 où je proposais déjà des pistes d’action pour que l’Europe reste compétitive dans la compétition mondiale du numérique.

J’ai aussi vu avec inquiétude l’Europe du Numérique perdre progressivement des parts de marché dans de nombreux secteurs d’activité.

Depuis 5 ans, la croissance exponentielle des performances des technologies et du chiffre d’affaires des entreprises leaders a profondément changé le panorama concurrentiel dans les industries du numérique.

L’Europe numérique est en danger !

XEurope du Numérique car crashL’Europe peut, d’ici à 2030, devenir un acteur marginalisé dans les industries du numérique.

Je n’ai pas envie que cela se produise !

Les actions et décisions récentes m’inquiètent beaucoup et mènent l’Europe du Numérique tout droit dans le mur.

XEurope numérique slow vs fastIl faut agir, vite, autrement !

C’est le thème de ce billet, de cet appel à une prise de conscience de la gravité de la situation actuelle de l’Europe du numérique.

Ce sont aussi, et surtout, des propositions d’actions rapides, concrètes, qui pourraient permettre à l’Europe de garder une place raisonnable dans l’industrie mondiale du numérique.

Je considère que ce billet est l’un des plus importants que j’ai jamais écrits.

Il est long, mais ce thème est essentiel et je suis certain que vous le lirez dans son intégralité avec beaucoup d’intérêt.

 

Situation de l’industrie du numérique dans le monde, fin 2021

XAdS DPC China dragon vs eagle USA S 282450384Je ne vais pas faire un panorama complet de l’industrie mondiale du numérique, mais choisir quelques secteurs clefs pour mettre en lumière des tendances de fond.

Depuis une dizaine d’années, la montée en puissance de la Chine dans l’industrie du numérique a été spectaculaire. La Chine se pose de plus en plus en challenger des États-Unis. Les infrastructures cloud et surtout l’Intelligence Artificielle (IA) en sont deux exemples majeurs.

 

XMQ Gartner IaaS 2021Cloud : IaaS, Infrastructures as a Service, AWS, GCP de Google et Azure de Microsoft. Les Chinois Alibaba et Tencent montent en puissance pendant que les anciennes gloires de l’informatique historique, IBM et Oracle, sont reléguées dans la case “Niche Players”.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans l’IaaS ? Non !

 

Plateformes pour l’Intelligence Artificielle (IA)

En 2017, j’ai écrit deux billets qui présentaient les potentiels et les défis de l’IA, ici et .

Les besoins en puissance de calcul et capacité de stockage de données sont tels en IA que les solutions IaaS Cloud Public sont indispensables pour utiliser les modèles d’IA, en particulier en Machine Learning et Deep Learning.

Le Cloud Public est un préalable à l’IA.

XForrester Wave AIAlternative au cadran magique du Gartner, ce graphique “Forrester Wave” analyse les infrastructures pour l’IA. Il donne comme leaders les trois géants du Cloud Public cités plus haut. Nvidia, dont les processeurs sont massivement utilisés par AWS, GCP et Azure complète la liste dans la zone des leaders.

Les acteurs chinois ne sont pas présents sur ce graphique : leurs solutions sont utilisées en grande majorité en Chine, mais les spécialistes s’accordent pour dire que la Chine devrait passer devant les États-Unis en 2025 dans le domaine de l’IA.

Dès 2019, j’avais alerté l’Europe sur l’urgence absolue d’investir massivement dans l’IA face à la montée en puissance de la Chine.

Cet autre graphique confirme que le duopole États-Unis et Chine en IA va s'accélérer. Il montre la forte croissance des investissements des VC (Venture Capitalists) dans les startups de l’IA entre 2012 et 2020. La Chine et les États-Unis représentent 80% des investissements et l’Europe est très loin, derrière.

XInvestissements startup dans AI USA et Chine

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les plateformes pour l’IA ? Non !

 

À côté de cette montée en puissance de la Chine face aux États-Unis, il existe de nombreux autres domaines de l’industrie du numérique dans lesquels des positions dominantes sont établies et où l’Europe est absente. Je vais en citer quatre:

● Les Systèmes d’Exploitation pour smartphones.

● Les navigateurs Web.

● Les solutions bureautiques cloud de communication et de collaboration.

● Les fondeurs de semiconducteurs.

 

Systèmes d’Exploitation (OS) pour smartphones

XSmartphone DuopolyAujourd’hui, le duopole d’Apple avec iOS et de Google avec Android est absolu, comme le montre ce graphique qui compare 2010 et 2019.

Cela n’a pas toujours été le cas. Avec SymbianOS, l’Européen Nokia avait environ 40 % du marché des téléphones mobiles en 2010.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les OS pour smartphones ? Non !

 

Navigateurs Web

Ce graphique montre l’évolution des parts de marché des navigateurs Web entre 2009 et décembre 2021. La marginalisation d’Internet Explorer, la diminution de la présence de Firefox et la montée en puissance de Chrome sont claires.

Le seul européen, Opera, est à moins de 3% de part de marché.

XBrowser market share Worldwide 12:2021

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les navigateurs Web ? Non !

 

Solutions bureautiques cloud de communication et de collaboration

XMarket share US Office 365 vs Google WorkspaceDans ce domaine aussi, il existe un duopole entre Microsoft Office 365 et Google Workspace. Il est difficile d’avoir des statistiques fiables au niveau mondial, mais ce graphique, pour les USA, confirme l’essentiel : ces deux outils sont archidominants.

Les chiffres sont différents en Europe, où Microsoft est devant Google, mais cela ne change pas le fait que les concurrents y sont aussi marginalisés, comme dans le reste du monde.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les solutions bureautiques cloud de communication et de collaboration ? Non !

 

Les fondeurs de semiconducteurs.

Les fondeurs sont les entreprises qui ont les usines qui fabriquent les circuits électroniques pour la quasi-totalité des constructeurs informatiques comme Apple, Dell, HP, GCP ou AWS.

XSemiconductors share by countriesDans ce domaine aussi, il y a un duopole, mais ce sont deux pays d’Asie qui dominent le marché, Taiwan et la Corée du Sud.

Dans un billet de blog récent, j’ai mis en évidence le danger majeur de cette situation face à une probable invasion de Taiwan par la Chine Continentale dans les 5 années qui viennent.

Je reprends ce graphique qui montre que 80% des semiconducteurs sont fabriqués par Taiwan et la Corée du Sud. Les États-Unis sont à moins de 10% et l’Europe quasi absente.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les fondeurs de semiconducteurs ? Non !

 

J’imagine qu' à ce stade de la lecture, vous êtes désespéré et pensez que l’Europe a définitivement perdu la bataille de l’industrie mondiale du numérique.

Rassurez-vous, dans la suite de ce billet :

● Je vais d’abord vous expliquer pourquoi les démarches récentes en Europe sont dangereuses et pourraient lui interdire de conserver un rôle significatif dans cette industrie du numérique.

● Je propose ensuite des pistes qui montrent qu’il n’est pas trop tard pour réagir, mais qu’il faut le faire très vite.

 

Europe : les très mauvaises réponses actuelles

Je ne mets en doute ni l’intelligence des décideurs européens qui travaillent dans les domaines du numérique ni le fait qu’ils ont compris que c’était un sujet essentiel pour l’avenir de l’Europe.

Ce que je critique, et fortement, ce sont les démarches utilisées pour essayer de répondre à ces défis urgents, et qui justifient le titre de ce billet.

XLogos CloudWatt NumergyLes mauvaises réponses ont commencé tôt, en France, dès 2011, avec le lancement des clouds souverains français, CloudWatt et Numergy.

Dès 2012, j’avais émis des doutes sérieux sur leurs probabilités de succès.

L’avenir m’a hélas donné raison : en 2015, après avoir “cramé” plusieurs centaines de millions d’euros financés en grande partie par la Caisse des Dépôts, en clair nos impôts, Numergy et CloudWatt ont cessé leurs activités sans avoir produit un seul euro sérieux de valeur ajoutée.

En juin 2020, l’Europe, mais en pratique représentée seulement par la France et l’Allemagne, a lancé en grande pompe le projet GAIA-X, pour lutter contre la domination des clouds américains.

J’ai immédiatement pris la plume pour annoncer que ce projet n’avait aucune chance de réussir.

Consciencieusement, j’ai assisté par vidéoconférence à toutes les réunions organisées par GAIA-X. À chaque fois, j’en ressortais catastrophé, ayant entendu des discours théoriques, généraux, très loin des préoccupations réelles des entreprises.

Plus le projet avançait, plus le nombre de membres augmentait. Il est passé de 22 au départ à plus de 300 organisations aujourd’hui. De grands “européens” comme Microsoft, Huawei, Salesforce, Amazon ou Palantir ont rejoint GAIA-X.

XMembres GAIA-X

Vous savez gérer efficacement une organisation de 300 membres, aux intérêts souvent opposés ? Moi, non !

Cette structure lourde, devenue bureaucratique, est incapable d’avancer à un rythme compatible avec la vitesse d’évolution des solutions numériques.

Le départ de membres fondateurs comme Scaleway est un signal clair : GAIA-X est entré en unité de soins palliatifs. La meilleure issue que je peux souhaiter à GAIA-X, c’est une mort douce et rapide, avec le moins de souffrances possible pour ses membres.

Jamais deux, sans trois !

XLogo European Alliance for IndustrialLe 14 décembre 2021, l’Europe vient de pondre une nouvelle association au nom ronflant :

European Alliance for Industrial Data, Edge and Cloud.

J’ai consulté la liste des membres fondateurs : il y a un grand “progrès” par rapport à GAIA-X : ils sont déjà 39 au lieu des 22 pour GAIA-X !

Cela ne surprendra personne : plus de 60% des membres de cette nouvelle association sont… aussi membres de GAIA-X.

J’ai aussi analysé le formulaire permettant de demander à en faire partie. J’y ai trouvé cette liste, me demandant quels étaient mes centres d’intérêt.

XEuropean Industrial Cloud objective with Industrial Asso

Quelques remarques sur cette liste :

● Celui que j’ai mis en évidence par la flèche rouge est l’objectif de base de GAIA-X. Bis repetita.

● On y retrouve les thèmes récurrents, répétitifs, lassants, de souveraineté, de défense…

● Ahurissant ! Le mot “Industriel” ne figure pas dans cette liste alors que c’est censé être l’objectif principal de cette nouvelle association.

Avant même de se mettre en ordre de marche, cette alliance ouvre les portes à l’entrée de nouveaux membres, avec des critères de sélection très souples, y compris sur la possibilité d’organisations non européennes, mais ayant une activité en Europe de s’y inscrire.

Il n’est pas difficile de prévoir qu’il y aura plus de 100 membres avant la fin du premier trimestre de 2022.

Des organisations bureaucratiques, obèses, à la vitesse d’évolution logarithmique dans un monde exponentiel, c’est la meilleure recette pour que l’Europe du numérique aille dans le mur, et vite.

 

Quelles réponses positives possibles pour l’Europe du Numérique

Comme je l’ai expliqué dans le paragraphe précédent, l’Europe est mal partie pour arriver à se maintenir à une place honorable dans l’industrie mondiale du numérique.

XAdS DPC three plants growing S 204070496Il y a cinq préalables pour que l’Europe puisse garder espoir en changeant immédiatement de stratégie :

● Abandonner toute idée grandiose et universelle de “Souveraineté Numérique” dans tous les secteurs du numérique. En voulant tout faire, l’échec est garanti.

● Reconnaître qu’il y a de nombreux domaines où l’Europe n’a plus son mot à dire. J’en ai identifié six dans la première partie de ce billet et il y en a d’autres.

● Basculer sur une logique de composants et être très sélective dans le choix des domaines du numérique où il est encore possible pour l’Europe de mener le combat avec une probabilité raisonnable de réussite.

● Comprendre que le seul marché du numérique, c’est le monde entier. Toute vision étriquée, nationale ou européenne est suicidaire. Il vaut mieux être un acteur mondial important sur un créneau qu’être marginalisé en voulant attaquer un secteur “prestigieux”, mais où la probabilité de succès est très faible.

● Passer à l’action, et très vite, dans les seuls domaines numériques sélectionnés.

L’État d'Israël, avec moins de 10 millions d’habitants, a montré qu’il est possible d’avoir une présence forte et mondiale dans le numérique en choisissant un domaine d’excellence précis, en l'occurrence la sécurité informatique et en particulier la cybersécurité.

XCybersecurity investments in IsraelCet article de la revue Forbes montre comment l’État, les militaires et les investisseurs ont agi pour créer en Israël des compétences de très haut niveau qui le mettent au deuxième niveau mondial, derrière les États-Unis, mais devant la Chine et tous les pays européens.

C’est aussi le premier pays au monde à avoir ouvert un programme universitaire de doctorat en cybersécurité.

L’exemple d’Israël me permet de répondre par avance à des critiques que ce billet va générer sur la perte de “souveraineté nationale” de l’Europe.

 

Souveraineté numérique : un peu de pragmatisme, s’il vous plaît

Peu de personnes contestent le fait que l’État d’Israël est très sensible à la sécurité, dans toutes ses dimensions.

Cela n’a pas empêché Israël, en avril 2021, de rendre public un contrat pour la construction de Nimbus, un cloud gouvernemental qui sera construit par… AWS et GCP. Ces deux solutions seront utilisées pour des domaines “non critiques”, l’administration et l’armée !

XIsrael GCP AWS

En 2011, Thales avait participé à l’aventure catastrophique CloudWatt.

XThales Google cloud de confianceEn 2021, Thales revient sur le marché du Cloud Public, mais cette fois bien décidé à y réussir.

J’applaudis à l’annonce récente faite par Thales : proposer, en association avec Google GCP, un cloud de confiance en France qui sera disponible avant la fin de l’année 2022.

Au lendemain de cette annonce, on a évidemment eu droit à une levée de boucliers des partisans d’un Cloud souverain indépendant. Oui, il en reste encore…

XRemous après accord Cloud Thales Google

Cette solution est une excellente nouvelle pour un grand nombre d’entreprises françaises. Avant la fin de l’année 2022, elles auront à leur disposition :

● Une des meilleures solutions au monde de Cloud Public, avec tous ses services.

● Une garantie maximale de sécurité et de confidentialité, deux domaines dans lesquels l’expertise de Thales est mondialement reconnue.

Oui, la sécurité et la confidentialité des clouds publics sont une double préoccupation logique de toutes les entreprises. Pour y répondre, elles ont deux options :

● Attendre, attendre des solutions européennes qui seront à un niveau de services proche de ceux proposés par AWS, GCP ou Azure. En 2030, elles seront encore en train… d’attendre.

● Utiliser immédiatement, nativement, les services exceptionnels proposés par ces trois industriels et compléter par l’usage de plateformes communes telles que Thales-Google, pour des cas d’usages très spécifiques qui demandent des niveaux de sécurité et de confidentialité qu’elles jugent mieux adaptés à ces plateformes.

 

Création de DC2E : Digital Commando of Excellence in Europe

XAdS DPC Commando S 361029191J’ai donné le nom de DC2E (Digital Commando of Excellence in Europe) à la démarche que je propose pour l’Europe.

Le mot “commando” est essentiel dans cette démarche : il faut agir très vite, en petits groupes, avec des objectifs clairs.

Cette démarche s’inspire aussi de la célèbre méthode “two pizza team” imaginée par AWS. Les équipes d’AWS doivent pouvoir déjeuner avec deux pizzas, ce qui veut dire en pratique que le nombre de participants est inférieur à 8 ou 10.

Chaque équipe DC2E :

XTwo Pizza Teams AWS● A un leader désigné, responsable de la vie du DC2E.

● Le nombre de participants dans un DC2E est strictement limité à 10. L’acceptation éventuelle d’un nouveau membre est laissée à l’initiative du groupe, comme dans un grand nombre de clubs.

● Travaille sur ses seuls objectifs, indépendamment des autres équipes.

● Déploie sa solution, dès que l’équipe juge qu’elle est opérationnelle, sans se poser de questions sur l’état d’avancement des autres équipes.

(Il faudrait 75 pizzas pour une réunion plénière de GAIA-X !)

Trois remarques avant de vous présenter les pistes que je propose :

● L’idée qu’un pays européen seul, la France, l’Allemagne ou tout autre puisse réussir à tirer son épingle du jeu numérique est absurde.

● Des DC2E sont créés dans les seuls domaines où l’Europe a encore des probabilités raisonnables de réussite.

● L’ordre dans lequel je présente les sept DC2E que j’ai sélectionnés n’est pas lié à leurs importances relatives.

 

Proposition de sept DC2E pour 2022

Les deux premiers domaines correspondent à des secteurs d’activités numériques où des positions fortes existent déjà, mais qui laissent encore de la place pour que des entreprises européennes puissent y prospérer.

 

Microprocesseurs

La pénurie mondiale de microprocesseurs a mis en évidence l’importance majeure de cette industrie dans de nombreux métiers, tels que l’automobile.

Pour mieux en comprendre les enjeux, vous pouvez lire ce billet de mon blog où j’analyse en détail l’industrie des microprocesseurs.

Comme on l’a vu plus haut, le métier de fondeur est dominé par TSMC à Taiwan et Samsung en Corée. Dans ce domaine, ce que j’ai proposé, c’est que l’Europe imite les États-Unis et invite ces deux géants à installer des usines en Europe, pour réduire les risques liés à une guerre contre Taiwan.

Mon vœu semble sur le point d’être exaucé : l’Allemagne annonce être en pourparlers avec TSMC. J’espère simplement que l’on ne mettra pas des bâtons dans les roues de ce projet sous le prétexte idiot que TSMC n’est pas européen.

Le DC2E dans le domaine des microprocesseurs se concentrerait sur les autres activités suivantes:

● Conforter le leadership mondial d’ASML aux Pays-Bas, dans la production de machines lithographiques.

● Renforcer les liens entre deux entreprises qui sont bien placées dans leurs secteurs d’activité respectifs, SOITEC et STMicroelectronics. D’autres acteurs européens pourraient se joindre à ce tandem pour créer un pôle européen pérenne.

● Profiter du blocage actuel de la tentative de rachat d’ARM par Nvidia pour surenchérir et faire revenir ARM en Europe. ARM est né au Royaume-Uni. ARM est le leader mondial du design des microprocesseurs utilisés dans plus de 90% des smartphones.

● Faciliter l’installation de TSMC et Samsung sur le sol européen.

Tout ceci peut se réaliser en 2022, au moins en ce qui concerne les décisions. L’Europe aura alors une position forte et pérenne dans ce secteur clef des microprocesseurs.

 

Solutions SaaS pour entreprises

XCloud revenues IaaS PaaS SaaS 2016:2020 $Les logiciels SaaS, Software as a Service, sont nés en 2000 avec Salesforce.

Comme le montre ce graphique, les ventes de solutions SaaS sont largement supérieures à celles des IaaS et du PaaS. Elles représentent les ⅔ du marché des solutions Cloud.

J’estime qu’il y a plus de 50 000 acteurs SaaS différents. C’est un marché très éclaté où même les plus grands comme Salesforce ont une faible part de marché. L’Europe est déjà présente sur le marché mondial SaaS avec plus d’une centaine de licornes, réparties dans plusieurs pays.

XNombre licornes par pays européensLe DC2E SaaS aura comme objectifs :

● D’aider d’autres startups SaaS à devenir des licornes.

● Permettre à ces licornes de grandir.

● Créer les conditions économiques et humaines qui leur permettent de rester en Europe sans être rachetées par des acteurs étrangers, américains le plus souvent.

Il faut surtout éviter les discours nationalistes ridicules que j’entends trop souvent: “C’est un scandale, Doctolib est construit sur AWS”. C’est justement parce que Doctolib utilise AWS que la société a pu grandir aussi vite et répondre de manière exceptionnelle aux pics de la demande liées à la COVID-19.

À l’inverse de ces deux premiers DC2E, ceux qui suivent concernent des domaines qui sont encore en émergence, sans grands leaders mondiaux.

Ils demandent en priorité des compétences humaines de haut niveau dans le numérique. C’est une excellente nouvelle, car c’est la ressource la plus répandue en Europe.

 

Migration des Mainframe dans le Cloud

Plus de 5 000 très grandes entreprises, en priorité dans le secteur financier, utilisent encore des Mainframe IBM pour leurs activités cœur métier.

XLzlabs survey human ressources challengeToutes savent qu’elles vont devoir trouver les moyens de sortir de ces solutions “legacy”, l’une des raisons principales étant qu’il y aura de moins en moins de compétences humaines maîtrisant ces matériels et logiciels Mainframe. C’est ce que confirme une enquête menée par LzLabs auprès de clients Mainframe : 88% des entreprises anticipent des déficits de compétences, en Europe comme aux États-Unis.

Ce grand marché aiguise les appétits des ESN mondiales et des géants du Cloud Public, AWS, GCP et Azure.

Tout reste à faire dans ce domaine et ces migrations ne seront pas terminées avant la fin des années 2030. Aucune solution technique ne s'est imposée pour le moment.

Lzlabs, société européenne basée à Zurich dispose de l’une des solutions les plus prometteuses ; j’en avais parlé dès 2016 dans mon blog.

Il y a beaucoup de grandes ESN en Europe, et en particulier en France.

Le DC2E que je propose pourrait créer en 2022 une filière d’excellence regroupant LzLabs, quelques grandes ESN et les acteurs du Cloud Public pour proposer des services de migration compétitifs, et en priorité pour des clients… aux États-Unis.

 

Jumeaux numériques

Voilà un sujet essentiel, où tout reste à faire, dans le monde entier.

Dans ce billet de blog, j’alerte sur les risques majeurs que font peser sur l’humanité les cyberattaques sur les réseaux industriels de transport d’énergie et de personnes.

Construire un jumeau numérique, c’est déployer dans un cloud public une image numérique des installations physiques à gérer. Ceci permet de couper 100% des liaisons entre les outils qui gèrent l’installation physique et Internet, pour réduire au maximum les risques de cyberattaques.

XTeréga io-baseTeréga, entreprise française qui, avec GRTGaz, gère le cœur du réseau français de transport de gaz, a développé une technologie numérique unique au monde, io-base.

Io-base permet de transférer des données industrielles vers le jumeau numérique en garantissant que ce lien vers le Cloud et Internet est 100% unidirectionnel.

L’Europe peut créer en 2022 un DC2E sur les jumeaux numériques industriels et développer un savoir-faire mixte numérique et industriel qui permettra :

● De sécuriser rapidement les infrastructures de transport en Europe.

● Améliorer la compétitivité de ces entreprises en matière de simulation et de prévisions.

● Exporter hors d’Europe ce nouveau savoir-faire numérique.

Il y a des dizaines de milliers de jumeaux numériques à créer dans le monde avant 2030.

 

FLW : Front Line Workers, équipes en première ligne

De tous les DC2E que je propose, c’est certainement celui qui peut avoir le plus d’impact au niveau mondial.

Les FLW, Front Line Workers, travailleurs en première ligne, sont les grands oubliés actuels de la Transformation Numérique.

J’ai présenté en détail les potentiels des outils numériques innovants au service des FLW dans ce billet de mon blog.

Les FLW, ils sont 2 700 millions dans le monde, dans des activités aussi diverses que le transport, la construction, l’agriculture, la distribution ou la santé.

X80% of FLW in the world

Le sous-investissement en outils numériques pour les FLW est scandaleux : la majorité d’entre eux n’a même pas droit à un smartphone d’entreprise. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour 1 € investi pour un FLW, les entreprises dépensent 16 € pour un col blanc !

XWizyVision HPL’offre de solutions logicielles pour les FLW est balbutiante en 2021. L’une des solutions SaaS les plus innovantes, WizyVision, est proposée par une startup… française. (Disclaimer, j’en suis l’un des fondateurs).

On l’a vu dans la première partie de ce texte, le marché bureautique des outils universels pour les cols blancs est verrouillé par deux acteurs américains, Microsoft et Google.

Dans ce que j’ai nommé les outils “frontiques”, solutions universelles pour les FLW, tout reste à faire !

Faire de la réduction de la fracture numérique des FLW une cause européenne prioritaire, quel beau DC2E ! C’est quand même plus passionnant que d’essayer sans succès de grappiller quelques % de part de marché des outils bureautiques pour cols blancs.

Dans ce domaine aussi la plus grande sensibilité des entreprises européennes au bien-être des travailleurs FLW sera un atout supplémentaire.

Ce serait une belle revanche si dans quelques années les entreprises américaines se plaignaient que les offres de solutions frontiques sont majoritairement européennes !

 

Frugalité Numérique

Voilà encore un thème essentiel où tout reste à faire et pour lequel l’Europe est très bien placée pour devenir un leader mondial dans les solutions numériques qui permettent de réduire les impacts sur le climat de nos outils numériques professionnels.

J’ai écrit plusieurs billets sur ce thème de la frugalité numérique.

Quand j’ai écrit ces textes, au début de l’année 2020, les solutions permettant aux entreprises de mieux gérer et réduire les impacts sur la planète de leurs outils numériques étaient très peu nombreuses, presque inexistantes.

Les premières solutions de qualité sont maintenant disponibles.

XFrugalité Numérique Sweep HPL’une d’entre elles se nomme Sweep, créée par la multientrepreneuse Rachel Delacour. Sweep vient d’annoncer une levée de fonds série A de 22 M$ ; bravo.

Je suis convaincu que Rachel Delacour serait prête à rejoindre un DC2E qui mettrait les compétences et solutions existantes dans le domaine de la Frugalité Numérique au service des entreprises européennes pour les aider à réduire, rapidement et efficacement, leurs impacts carbone.

Les premières solutions opérationnelles sont là, disponibles, en Europe. En accélérant avec ce DC2E, on permettra à des éditeurs logiciels européens de prendre le leadership mondial dans les outils numériques au service du climat.

 

Réseaux privés 5G sur fréquences libres

J’ai parlé de ce sujet, qui concerne des technologies numériques très innovantes, dans un billet publié en décembre 2021.

Il devient possible, pour les entreprises, privées et publiques, de déployer des réseaux privés 5G en utilisant des gammes de fréquences libres. En pratique, cela leur permet de le faire sans avoir à passer par un opérateur télécom.

L’Europe prend en ce moment un retard inquiétant dans la libération de ces gammes de fréquences libres. Il y a une exception en Allemagne et plus de 120 grandes entreprises, en priorité industrielles, ont décidé de déployer ces réseaux privés 5G.

XAGURRE Liste membresEn France, il existe une association peu connue, l’AGURRE, qui regroupe 14 grandes entreprises, surtout dans le secteur du transport et de l’énergie, qui collaborent dans le domaine des réseaux privés d’entreprises.

Un DC2E qui organiserait une collaboration immédiate entre les organismes européens de régulation des télécoms, l’AGURRE et ces entreprises allemandes donnerait à l’Europe une longueur d’avance sur les autres pays dans la mise en œuvre d’une technologie qui peut donner des avantages concurrentiels majeurs aux entreprises industrielles. Au moment où l’on parle beaucoup de la réindustrialisation de l’Europe, il serait criminel de ne pas favoriser ces réseaux privés 5G.

Ce n’est pas un hasard si, pour la quasi-totalité des sujets abordés dans ce billet, j’ai mis des liens vers d’autres textes de mon blog. Cela fait des années que je suis sensible aux défis de la Transformation Numérique des entreprises et que j’alerte les lecteurs sur les défis et les potentiels de toutes ces solutions numériques innovantes.

Cela met en évidence une “raisonnable” cohérence dans les textes que je publie.

Je suis prêt à rajouter à cette première liste de sept DC2E d’autres thèmes pour lesquels l’Europe pourrait apporter des réponses compétitives au niveau mondial.

N’hésitez pas à me faire part de vos propositions.

J’ai fait le choix de présenter plus de solutions porteuses d’espoir, sept DC2E, que de domaines où l’Europe à perdu définitivement la bataille, au nombre de six.

Je reste un incorrigible optimiste !

 

Synthèse

Fin 2021, l'Europe du numérique est dans une situation critique.

Pour 2022, plusieurs pistes s’ouvrent pour l’Europe du numérique :

XEurope Numérique - quatre pistes

● La fanfaronnade : L’Europe croit, ou fait semblant de croire qu’elle a les moyens de rattraper son retard dans tous les domaines du numérique.

● Une vision théorique, bureaucratique, qui essaie de mettre d’accord tous les pays, tous les acteurs potentiels du secteur, qui sont souvent concurrents, avant de passer à l’action. C’est une garantie d’immobilisme et de choix de solutions à minima.

● Le désespoir : il n’y a plus rien à faire, l’Europe a perdu la bataille mondiale du numérique et sera définitivement dépendante de pays tiers pour toutes ses solutions numériques.

● Une démarche pragmatique, positive, rapide, qui consiste à choisir un petit nombre de domaines numériques où l’Europe peut exceller et garder une place importante dans la compétition mondiale.

Je suis persuadé que la quatrième est la bonne, qu’il n’est pas trop tard, qu’elle peut mobiliser un maximum d’énergies chez les nombreux professionnels européens du numérique qui, comme moi :

              N’ont pas envie … d’avoir mal à leur Europe Numérique.

 

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