Après l’invasion de l’Ukraine par Poutine: les souverainetés européennes prioritaires
08/03/2022
Je ne connais pas l’Ukraine.
Je ne suis pas un spécialiste de la géopolitique mondiale.
Je suis par contre, comme l’immense majorité des Français, indigné par cette invasion d’un pays démocratique, l’Ukraine, invasion décidée par un dictateur et assassin, Vladimir Poutine.
Depuis quelques années, un grand débat a lieu en France sur la Souveraineté Numérique, et j’y prends une part active. Cette invasion de l’Ukraine m’a fait réfléchir sur le concept plus large de souverainetés européennes, et j’emploie le pluriel à dessein.
C’est le thème de ce billet.
Poutine n’est pas la Russie
Nous ne devons jamais parler de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais de l’invasion de l’Ukraine par Poutine. C’est Poutine, et lui seul, qui a pris, seul, cette décision d’envahir un pays démocratique pour des raisons pseudohistoriques qui n’ont ni queue ni tête.
Une grande partie du peuple russe, ses élites, ses dirigeants, ses militaires n’ont jamais demandé à Poutine de déclarer cette guerre. Il ne faut cependant pas oublier qu’environ 50% des salariés russes travaillent pour le secteur public ou des entreprises appartenant à l’État, ce qui les rend très dépendants.
Comme tous les dictateurs, Poutine est un homme seul, qui vit dans la peur permanente d’un assassinat par les personnes qui l’entourent. Il n’écoute plus personne, ne fait plus confiance à personne, ce qu’ont confirmé de très nombreuses personnalités qui connaissent bien la Russie.
Hubert Seipel, un journaliste allemand, a été l’une des rares personnes non russes autorisée à passer de longs moments avec Poutine et en a tiré un film qui a été diffusé en Allemagne sur la chaîne publique ARD le 27 février 2022. Ce film confirme ce sentiment de solitude.
Les photos ahurissantes des “micro-tables” de réunion utilisées par Poutine valent plus qu’un long discours. Elles transmettent des messages terribles de solitude et de défiance.
Honte aux hommes et femmes politiques français qui se sont moqués de notre Président Emmanuel Macron quand il a été reçu par Poutine avec cette petite “grande” table.
Si la longueur de la table est un signe de mépris et de défiance, alors le signal est clair:
Poutine a encore plus peur de ses collaborateurs et des Russes que de la France et de l’Europe.
C’est un très bon signe.
Quelles souverainetés nationales pour la Russie
J’ose espérer que Poutine s’est posé la question des dépendances de son pays avant de décider de se lancer dans une guerre atroce qui n’a aucune justification.
La Russie est une dictature et Poutine avait tous les moyens à sa disposition pour garantir les souverainetés nationales de ce pays. Il n’y est pas arrivé.
En 2022, aucun pays au monde ne peut vivre en autarcie ; la souveraineté nationale absolue est un mythe.
En quelques jours, la Russie a découvert qu’elle était dépendante du reste du monde, et dans de nombreux domaines.
J’ai choisi quelques exemples, non exhaustifs, mais en privilégiant ceux qui ont une dimension numérique:
● Le système financier international, SWIFT et autres. Le rouble est devenu une devise non convertible et la bourse de Moscou est morte. Cet interview en direct, sur la télévision russe, d’un analyste financier qui porte un toast à la mort de la bourse russe est révélateur. La tête et la réaction de la journaliste devant cette annonce sont révélatrices de son effroi.
● Visa et Mastercard arrêtent leurs opérations en Russie. Les opérations avec des cartes émises par les banques russes sont bloquées, en Russie et à l’étranger. American Express fait de même.
● Les fournisseurs de solutions de paiement par mobile. Apple et Google ont désactivé leurs outils de paiement en Russie. On voit sur cette photo des citoyens russes obligés de faire la queue pour acheter avec des roubles des billets dans le métro de Moscou.
● Les moyens de transport aériens. En plus de la fermeture des espaces européens aux avions russes, y compris les jets privés des oligarques, les deux grands systèmes de réservation de voyages, l’Américain Sabre et l'Européen Amadeus, ont bloqué les compagnies aériennes russes comme Aeroflot. Ceci interdit en pratique aux Russes de réserver des billets d’avion, y compris pour des vols intérieurs.
● Les approvisionnements en composants électroniques. Dès le début de l’invasion, des industriels importants comme Intel, AMD et TSMC ont annoncé qu’ils arrêtaient les livraisons de composants électroniques à la Russie. La Russie a développé ses propres circuits électroniques, sous la marque Baïkal. Problème: les microprocesseurs Baïkal sont fabriqués par TSMC à Taiwan. Taiwan est sous la menace d’une invasion par la Chine continentale, alliée de la Russie, au moins pour le moment. Cette menace d’invasion plane aussi sur l'Europe comme je l’ai écrit dans ce billet de blog.
● De nombreux fournisseurs de solutions informatiques arrêtent leurs ventes en Russie: Apple, Microsoft, Google, Samsung... la liste s'allonge tous les jours.
Souveraineté énergétique : les énergies fossiles russes
Est-ce que les énergies fossiles russes, charbon, gaz et pétrole sont très utilisées en Europe en 2022? Réponse: oui.
Est-ce que les énergies fossiles russes, charbon, gaz et pétrole sont très utilisées aux États-Unis en 2022? Réponse: non.
Est-ce que l’économie russe est très dépendante de ses exportations d’énergies fossiles? Réponse: oui.
Dans ce domaine des énergies fossiles, qui dépend le plus de qui, la Russie ou l’Europe? La réponse n’est pas simple.
La forte dépendance de l'économie russe aux trois énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole est mise en évidence par ce tableau des principales exportations russes en 2019. Quatre des principales sources de revenus sont liées aux énergies fossiles. La cinquième “unspecified commodities” regroupe vraisemblablement les produits alimentaires.
J’ai regroupé trois informations qui mettent en évidence les dépendances, l’inverse des souverainetés, entre la Russie et l’Europe:
● 50% des exportations de la Russie, 20% de son PIB, sont liées au gaz et au pétrole.
● La Russie est le troisième exportateur mondial de charbon; l’Europe importe 44% du charbon russe.
● L’Europe importe 60% du pétrole russe.
Des géants de l’énergie pétrolière ont réagi rapidement à cette invasion.
BP, Exxon, Shell, qui ne font pourtant pas partie des entreprises les plus “vertueuses” du monde, ont annoncé qu’elles quittaient la Russie.
Je constate avec tristesse que le Français TotalEnergies est le seul grand acteur occidental qui n’a pas encore, à l’heure où j’écris ces lignes, annoncé son retrait de Russie. Je reste optimiste et pense que la pression des politiques et des Français obligera TotalEnergies à annoncer son retrait de Russie avant la fin du mois de mars 2022.
Temps court, pour la Russie
À court terme, en 2022 et 2023, l’armée russe se maintiendra en Ukraine, quelles que soient les pertes humaines des deux côtés, tant que Vladimir Poutine restera Président. Il n’acceptera jamais un retrait, qui serait un échec militaire et politique que sa mégalomanie ne supporterait pas.
La seule manière de mettre rapidement fin à cette invasion est l’élimination physique de Vladimir Poutine. Sur cette vidéo officielle russe, les deux responsables militaires qui sont présents quand Poutine annonce la mise en alerte de l’arsenal nucléaire russe n’ont pas l’air très enthousiastes.
Il est difficile de trouver une image plus parlante pour illustrer le pouvoir absolu de Poutine que celle de cette réunion du “Conseil de Sécurité” pour leur “demander leur avis”.
Ils sont nombreux, les dictateurs qui ont été éliminés par leurs proches.
(Cette vidéo, non essentielle, montre comment sont morts 25 dictateurs.)
Temps long, pour la Russie : une souveraineté nationale qui pourrait disparaître
L’invasion de l’Ukraine par le dictateur Poutine aura, pour la Russie, les résultats inverses de ceux qu’il espérait. Frans Timmermans, Vice-Président de la Commission Européenne, parle du “Waterloo de Poutine”, et je partage ce point de vue.
Projetons-nous dans la décennie qui démarrera en 2030.
La Russie est une statue aux pieds d’argile, un géant militaire et un nain économique.
Le PIB de la Russie est le douzième du monde, entre la Corée du Sud et l’Espagne.
Dans le paragraphe précédent, j’ai montré que les exportations de la Russie étaient dominées par les énergies fossiles.
L’invasion de l’Ukraine par Poutine va accélérer la volonté de l’Europe de ne plus dépendre des énergies fossiles, et en priorité de celles de la Russie. Les investissements dans les énergies renouvelables s’accéléreront et le nucléaire reprendra des couleurs, y compris dans des pays comme l’Allemagne et la Belgique qui avaient décidé de s’en passer.
Comme le montre ce graphique, les efforts demandés à de grands pays comme l’Allemagne ou l’Italie seront gigantesques: en 2020, ils dépendaient à près de 50% du gaz russe.
Dans les dix ans qui viennent, les importations par l’Europe de pétrole, charbon et pétrole en provenance de Russie vont s'effondrer.
Ceci est confirmé par cet entretien dans le journal l'Opinion avec Margrethe Vestager, Vice Présidente de la communauté européenne, publié au moment où je mettais la dernière main à ce texte. Il annonce une possible indépendance énergétique de la Russie en 2030.
Quelles sont, dans l’autre sens, les principales importations de la Russie?
La Russie à une économie de pays en voie de développement: exportation de matières premières à faible valeur ajoutée et importation de produits manufacturés.
Ce que montrent aussi ces graphiques, c’est que la Chine est déjà, de loin, le pays dont la Russie dépend le plus pour ses importations. Cet article de la Tribune confirme ce rapprochement commercial entre la Chine et la Russie. Tout est en marche pour que la Chine prenne la Russie dans ses filets...
D’ici à 2030, la Chine sera aussi devenue le premier acheteur des matières premières russes. La Chine tiendra alors l’économie russe à sa merci, autant par les importations que les exportations.
En 2030, la Russie sera un pays rejeté par les États-Unis et l’Europe. Reste une inconnue, la position de l’Inde qui est difficile à évaluer. En 2022, l’Inde essaye de tenir un équilibre complexe entre ses deux grands voisins, la Chine et la Russie. De quel côté aura basculé l’Inde en 2030?
L’invasion de l’Ukraine par Poutine en 2022 aura les résultats inverses de ceux qu’il espérait: l’empire russe aura disparu et la Russie sera devenue un vassal de la Chine, un pays mineur dans un monde tripartite, Chine, États-Unis et Europe.
Mise à jour du 8 mars 2022
A la suite d'un commentaire publié ce matin, je me suis posé la question:
Existe-t-il une alternative à cette vassalisation de la Russie vers la Chine?
Réponse: oui.
Les Russes, le peuple, l'armée ou les oligarches éliminent Poutine avant la fin de l'année 2022, et c'est tout à fait possible, je dirai même probable.
Aussitôt, l'Europe propose une paix des nobles aux Russes en levant les sanctions et les aidant à rélancer leur économie vers l'Ouest, pour réduire leur dépendance à la Chine.
On retrouve une idée très ancienne, et plus pertinente que jamais du Général de Gaulle:
"L'Europe, depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural"
Une Russie qui collabore avec l'ensemble des pays de l'Europe de l'Ouest, c'est encore possible si Poutine est éliminé rapidement.
L'équilibre du monde serait plus raisonnable, avec trois grandes forces:
- Etats Unis
- Chine
- Europe + Russie
Comment l'Europe peut aider les Russes à éliminer Vladimir Poutine, ce devrait être une priorité absolue des dirigeants européens.
Les souverainetés européennes en question
L’Europe sortira renforcée de cette guerre abominable menée par le dictateur Poutine contre l’Ukraine. C’est difficile à écrire, mais c’est la réalité.
En plus de la souveraineté numérique, que je traite dans un paragraphe spécifique, j’ai identifié quatre autres souverainetés dont l’importance est devenue encore plus stratégique après cette invasion de l’Ukraine. Je les aborde dans l’ordre alphabétique.
Souveraineté alimentaire
L’Ukraine et la Russie étaient deux exportateurs importants de produits alimentaires vers l’Europe, et en particulier pour le blé, le maïs et le tournesol.
En 2020, ces deux pays représentaient environ 20% des exportations mondiales de blé et de maïs.
Une grande partie de la chaîne alimentaire européenne sera impactée par la hausse des prix de ces matières premières, en particulier dans l’élevage.
Souveraineté énergétique
J’ai déjà longuement évoqué les dépendances énergétiques de l’Europe vis-à-vis de la Russie.
Ces trois graphiques montrent que la Russie est le premier fournisseur de l’Europe pour…les trois énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz. (Source Eurostat)
Des décisions courageuses ont déjà été prises, comme l’arrêt de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 par l’Allemagne. La société de droit suisse, Nord Stream 2 AG, filiale du groupe pétrolier russe Gazprom, a licencié en mars 2022 tous ses collaborateurs.
Quels peuvent être les autres pays producteurs de charbon, pétrole et gaz capables de fournir rapidement à l’Europe les quantités d’énergies fossiles dont elle aura encore besoin pendant quelques années?
Comment, à quelle vitesse, les énergies non carbonées, et en priorité l’éolien, le solaire et le nucléaire peuvent se substituer aux énergies fossiles?
L’Europe devra trouver rapidement des réponses concrètes à ces deux questions si elle souhaite accroître sa souveraineté énergétique. Facile à écrire, difficile à réaliser.
Souveraineté militaire
Une force européenne de défense? Le premier projet dans ce sens, la CED, Communauté Européenne de Défense, a été lancé en 1950. C’est la France qui a fait échouer ce projet en 1954 alors que les autres pays, Allemagne, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg l’avaient accepté.
Entre 1954 et 2021, l’Europe de la Défense est restée une idée sans mise en œuvre pratique.
Avec l’invasion de l’Ukraine, Poutine a réussi un exploit que personne n’avait pu faire avant lui, amener l’Allemagne à investir massivement pour son armée!
Un premier budget de 100 milliards d’euros a été annoncé et l’Allemagne va rapidement monter son budget militaire à 2% de son PIB.
Entre 1990, année de la réunification, et 2021, l’Allemagne avait réduit ses effectifs militaires de 500 000 à 200 000 personnes.
Une vidéo de six minutes sur cette annonce est accessible dans ce lien vers France24.
L’Allemagne a aussi, pour la première fois, accepté d’exporter en Ukraine des armes "létales", missiles sol-air et roquettes antichars.
C’est un changement radical de la politique militaire en Allemagne, que personne n’avait anticipé.
Ces décisions allemandes peuvent, rapidement, relancer l’idée d’une armée européenne, dont les responsables seront uniquement des Européens. Cela ne se fera pas en quelques jours…
Souveraineté politique
Souverainetés alimentaires, énergétiques et militaires, il sera difficile de les mettre en œuvre s’il n’y a pas un pouvoir politique plus fort au niveau européen.
Dans ce domaine aussi, Poutine a réussi l’exploit de permettre que ce sujet redevienne d’actualité, comme le rappelle cet article du JDD.
En France, la majorité des hommes et femmes politiques “souverainistes”, anti-européens, étaient aussi de grands admirateurs de Poutine. Est-ce que leur grand embarras actuel permettra à la France de prendre une position plus positive sur un accroissement du pouvoir politique de l’Europe? Il est encore trop tôt pour le dire.
Souveraineté Numérique
En ce début 2022, EuroCloud, le CIGREF et d’autres organisations du monde numérique ont publié des documents à destination des candidats à la Présidence de la République Française pour leur faire des recommandations et proposer des plans d’action dans le numérique.
Mercredi 9 mars 2022, les candidats ou leurs représentants, invités par Convergences Numériques, qui regroupe 10 associations du numérique, auront 15 minutes pour “Pitcher” leur programme numérique. J’y serai.
Vous dire que j’attends beaucoup de cette soirée, ce serait mentir. Les discours des politiques en période électorale sont pleins de belles phrases, d’envolées lyriques, surtout dans des domaines comme le numérique que peu d’entre eux maîtrisent.
L’expression “souveraineté numérique” sera prononcée des centaines de fois pendant cette soirée.
J’ai publié à la fin 2021 un long billet sur mon blog mettant en lumière mes profondes inquiétudes sur l’avenir du numérique européen d’ici à 2030.
Est-ce que l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine va donner à ces candidats de nouvelles idées sur les moyens d’accroître la souveraineté numérique de l’Europe? J’en doute.
Est-ce que les discours classiques pour le “Cloud Souverain”, contre les méchants GAFAM et autres Cloud Act vont évoluer? J’en doute.
L’annonce d’une probable coupure par les acteurs américains du cloud public, AWS, Azure et GCP de l’accès à leurs services IaaS par les organisations russes peut même renforcer le discours des opposants au Cloud Public: “ On vous a prévenu, s’ils peuvent couper les services cloud aux Russes, ils pourront aussi les couper à l’Europe s’ils le souhaitent”.
Il y a de profondes différences entre la situation de la Russie et de l’Europe. Aucun des trois acteurs américains du cloud public, AWS, Azure et GCP, n’a d’implantation de centres de calcul en Russie alors qu’ils en ont des dizaines dans les pays européens.
Si je reviens sur la liste des sanctions prises contre la Russie dans le monde numérique, on s’aperçoit que certaines d’entre elles ne pourraient pas être imposées à l’Europe:
● SWIFT est une société basée en Belgique.
● Amadeus a son siège social à Madrid, ses équipes de développement en France et son centre de calcul historique en Allemagne.
Par contre Visa et Mastercard sont aujourd’hui des sociétés américaines. Il existait une association indépendante, Visa Europe, mais elle a été achetée par Visa inc., de droit américain, en 2015.
La position que j’ai défendue dans ce billet de blog, à savoir que l’Europe doit choisir les combats qu’elle souhaite mener dans les domaines du numérique, sort renforcée de la tragédie ukrainienne.
Comme on l’a vu précédemment, la souveraineté numérique n’est pas la seule dont doit se préoccuper l’Europe.
L’invasion de l’Ukraine par le dictateur Poutine va nous obliger, nous Européens, à choisir nos priorités en matière de souverainetés européennes.
Quelles souverainetés prioritaires pour l'Europe
J’ai préparé ce tableau avec les cinq souverainetés, classées par ordre alphabétique.
C’est une question que j’aimerais bien poser aux candidats à l’élection présidentielle en France: merci de classer de 1, la plus importante, à 5, la moins importante, les souverainetés européennes à privilégier dans les années qui viennent, en tenant compte de la situation nouvelle créée par l’invasion de l’Ukraine.
J’ai beaucoup parlé de l’Europe dans ce texte. Quel est la position spécifique de la France dans ce débat?
Dans l’Europe, la France est bien placée dans trois de ces souverainetés:
Énergétique: avec son parc nucléaire le plus important d’Europe, la France est moins dépendante des énergies fossiles russes que ses voisins.
Alimentaire: l’agriculture française subvient à la majorité des besoins alimentaires des français. SI nécessaire, la France peut rapidement devenir autosuffisante dans l’alimentaire, en rééquilibrant ses productions vers des besoins prioritaires.
Militaire: l’armée française est, de très loin, la plus forte et la mieux entraînée de toute l’Europe. C’est aussi, maintenant que le Royaume Uni ne fait plus partie de l’Union Européenne, le seul pays qui dispose de l’arme nucléaire.
Les réponses à la guerre déclenchée par le dictateur Poutine ne peuvent qu’être européennes. La France est bien placée pour y participer et sera l’un des pays européens qui aura le moins à souffrir des ajustements indispensables.
La réponse la plus fréquente sera probablement, langue de bois politique oblige, qu’elles sont toutes aussi importantes. Les obliger à choisir nous éclairerait sur leurs visions à moyen terme de l'Europe et du monde.
Je me suis livré à cet exercice et vous propose d’établir, à votre tour, votre classement.
Vous pouvez aussi le partager autour de vous, et comparer les réponses. Je suis persuadé que vous obtiendrez des réponses très différentes, qui pourraient vous surprendre.
Cela a été tout sauf facile, en tout cas pour moi.
Étant un homme du numérique, la tentation était forte de mettre cette souveraineté en première position. Elle n’arrive pourtant qu’en quatrième position dans mon classement.
Mise à jour du 9 mars 2022
J’ai eu un échange passionnant avec Matthieu Hug, multi entrepreneur du cloud et CEO de Tilkal, entreprise qui propose une solution de traçabilité blockchain.
Il m’a proposé ce schéma qui met les cinq souverainetés en perspective et m’a autorisé à le publier, merci Matthieu.
Les idées fortes:
- La souveraineté numérique est la fondation indispensable des autres souverainetés.
- La souveraineté politique est indispensable pour agir sur toutes les souverainetés.
- Les trois souverainetés, alimentaires, énergétiques et militaires, ne peuvent se développer que si les deux autres deviennent une réalité.
L’invasion de l’Ukraine par le dictateur Poutine aura fait faire en quelques jours un pas de géant à l’Europe dans sa prise de conscience qu’elle doit assumer une présence beaucoup plus forte dans un monde complexe et dangereux.
Espérons que cette prise de conscience se traduira par des actes forts et pérennes.
Le jeudi 24 février 2022 pourrait alors devenir une date clé dans l’histoire de l’Europe:
● Célébration de l'héroïsme du peuple ukrainien et de son jeune Président de 44 ans, Volodymyr Zelensky.
● Date à laquelle l’Europe a pris conscience qu’elle devait et pouvait devenir une puissance mondiale forte. Elle sera considérée comme la deuxième date de naissance de l’Union Européenne, après les accords de Maastricht du 1er novembre 1993.
Malgré cette tragédie qui touche le peuple ukrainien, je reste optimiste sur l’avenir de l’Europe, une fois que le cauchemar Poutine aura disparu des radars.