Exclusivité : les vœux 2023 du Président de la République Française pour le numérique
26/12/2022
Mes contacts à l’Elysée m’ont permis d’avoir accès en avant-première au texte des vœux que le Président de la République adressera aux Français sur le thème du numérique à la veille de l’année 2023.
Je vous en livre la primeur, dans son intégralité.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Françaises, français,
Mes chers compatriotes de métropole, d’outre-mer et de l’étranger,
Je souhaite vous partager les vœux que je fais pour qu’en 2023 la France prenne des décisions fortes qui lui assurent une place significative dans l’industrie mondiale du numérique d’ici à 2030.
La France et l’Europe ne peuvent pas perdre la guerre du numérique qui se joue au niveau mondial, avec deux poids lourds, les Etats-Unis et la Chine, qui se livrent un combat acharné pour dominer cette industrie.
Le numérique est, et sera de plus en plus, au cœur de toutes les activités économiques d’un pays moderne comme la France.
J’ai décidé qu’une démarche forte, de rupture, est nécessaire pour que la France et l’Europe agissent pour une souveraineté numérique efficace, pragmatique et réaliste.
Nous avons pendant trop longtemps voulu croire que nous pourrions obtenir une Souveraineté Numérique totale, dans tous les domaines du numérique.
Ceci nous conduit à mener des croisades numériques sympathiques, mais inefficaces, comme celle contre ceux que nous considérions comme nos grands ennemis, les GAFAM.
A l’aube de cette nouvelle année 2023, j’ai décidé, après avoir beaucoup réfléchi et consulté des experts reconnus, de proposer à la France une nouvelle démarche, plus efficace et pragmatique, en tournant définitivement le dos à quelques illusions numériques qui nous menaient directement dans le mur.
La France et l’Europe doivent choisir de manière claire les combats à mener, les domaines du numérique dans lesquels il est encore possible d’occuper une place raisonnable.
En voici quelques exemples:
- Industrie des composants électroniques.
- Informatique quantique.
- Logiciels SaaS, Software as a Service.
Le modèle d’analyse B I S D, proposé en 2019 par un ingénieur français pionnier du numérique, Louis Naugès, servira de base aux décisions que je propose en 2023 à la France.
- I, ce sont les infrastructures, les fondations de toute action dans le numérique.
- S, ce sont les usages “Support”, commun à la majorité des entreprises.
- B, ce sont les usages “Business”, cœur métier, spécifiques de chaque entreprise, différents pour une banque, une entreprise chimique ou un distributeur alimentaire.
- D, ce sont les données, qui seront essentielles pour toutes nos activités, demain.
L’une des clés de la réussite dans un monde numérique qui évolue très vite, c’est de créer le maximum d’indépendance entre ces quatre composants.
Les infrastructures Cloud Publics, IaaS, Infrastructures as a Service, sont nées il y a 15 ans et occupent une place de plus en plus grande sur le marché mondial.
Aujourd’hui, dans le iaaS, les acteurs dominants sont américains, AWS d’Amazon, GCP de Google et Azure de Microsoft. En Chine, en s’appuyant sur leurs marchés intérieurs captifs, des entreprises comme Alibaba ou Tencent sont elles aussi devenues des acteurs importants de ce secteur.
La France et l’Europe, malgré de nombreuses tentatives de création de solutions IaaS souveraines, n’ont pas réussi à se faire une place significative sur ce marché.
La France doit avoir le courage de reconnaître ses échecs en IaaS, et ils sont définitifs.
J’ai pris la décision, difficile mais courageuse, de demander à toutes les organisations françaises, publiques et privées, d’utiliser sans réserves les solutions exceptionnelles, sécurisées, fiables et aux puissances sans limites des géants américains AWS, GCP et Azure.
En 2021, l’État d’Israël, dont personne ne conteste les exigences en matière de sécurité et souveraineté numérique, a décidé de confier à AWS et GCP les usages numériques de son gouvernement et de son ministère de la défense.
En 2022, AWS a permis en quelques semaines à l’Ukraine de sauvegarder toutes ses données stratégiques en les mettant à l’abri de l’envahisseur russe.
Ceci m’amène à aborder avec vous un sujet qui nous préoccupe tous, les attaques des cybercriminels.
Semaine après semaine, un hôpital, un établissement d’enseignement, une mairie, un département ou une région sont victimes de cyberattaques. Ces attaques se multiplieront si nous ne prenons pas des décisions fortes. Sans un changement radical de stratégie, nous resterons condamnés à avoir une démarche de pompier, d’intervention après chaque cyberattaque.
J’en ai parlé avec les ministères concernés et sommes d’accord sur le diagnostic. Ces organismes publics, tous ces organismes publics, quelle que soit leur taille, n'ont pas, n’auront jamais les ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour protéger leurs infrastructures de ces cyberattaques, de plus en plus sophistiquées.
Ensemble, nous avons pris la seule décision courageuse qui s’impose, même si elle peut en choquer plus d’un parmi vous. Avant la fin de mon quinquennat, tous les centres de calcul existants dans les hôpitaux, établissements d’enseignement, mairies, départements et régions seront fermés et remplacés par des infrastructures Cloud Publics réparties chez AWS, GCP et Azure.
Ceci permettra aux professionnels de la sécurité numérique de ces organismes publics de se concentrer sur la protection des applications et des données, dans une démarche que les spécialistes nomment Zero Trust.
Des compétences fortes dans le domaine Zero Trust existent en France. A ma demande, la France a ouvert en 2022 un “Campus Cyber” en région parisienne pour regrouper un maximum d’entreprises dans ce domaine. Ce Campus Cyber accueille toutes les compétences, nationales et internationales. Pour lutter contre les cybercriminels, toutes les énergies sont nécessaires. Dans ce domaine aussi, il serait déraisonnable de penser que la France, seule, peut tout faire.
Il existe, heureusement, des domaines de l'infrastructure numérique où la France et l’Europe gardent des potentiels importants.
Le plus emblématique est celui des composants électroniques.
ASML, Soitec, STMicroelectronics… Ces entreprises européennes ont développé des compétences fortes, souvent uniques au monde.
En 2022, la Commission Européenne, avec un soutien fort de la France, a lancé un “Chip Act”, doté d'un budget qui approche les 50 milliards d’euros.
C’est un bel exemple d’une décision intelligente et pragmatique qui renforcera les compétences de l’Europe dans l’un des secteurs les plus stratégiques de l’industrie mondiale du numérique.
Toujours dans le domaine des technologies d’infrastructures, l’informatique quantique sera, à partir des années 2030, l’une des grandes révolutions du monde numérique.
C’est un secteur où les ingénieurs et scientifiques français ont développé des compétences exceptionnelles. Il c’est créé en France des entreprises parmi les plus innovantes au monde, telles que Quandela et Pasqal, dont l’un des fondateurs est le Dr Alain Aspect, prix Nobel de physique en 2022.
Nous avons en France un des meilleurs experts mondiaux dans le domaine du quantique, Olivier Ezratty, qui a une connaissance encyclopédique du sujet comme le montre le dernier rapport de plus de 1100 pages qu’il a publié en 2022.
Je vais demander à Olivier Ezratty de prendre la tête d’un “commando numérique quantique”, de réunir autour de lui une petite équipe pour piloter efficacement la croissance des compétences quantiques en France. Nous nous donnerons les moyens de faire de la France l’un des grands pays de l’informatique quantique. Il y a peu de domaines aussi enthousiasmants, aussi porteurs de potentiels. Il serait criminel de ne pas investir massivement dans l’informatique quantique pour maintenir l’avance considérable prise par la France dans ce domaine.
Que ce soit pour les usages support ou cœur métier, c’est dans le domaine des usages, des logiciels que l’on peut capitaliser au mieux sur la principale richesse numérique de la France et de l’Europe, ses ingénieurs et scientifiques que le monde entier nous envie.
Dès mon arrivée à la Présidence de la République, en 2017, j’ai voulu faire de la France une “start-up” nation, et nous avons réussi ce pari. Il y a aujourd’hui en France plus de 25 licornes, sociétés non cotées valorisées à plus d’un milliard d’euros.
L’immense majorité des start-ups dans le monde ont construit leurs applications sur les infrastructures Clouds Publics.
C’est le cas de Doctolib qui s’appuie sur AWS. Au lendemain de mon allocution du 11 juillet 2021 demandant aux Français de se faire massivement vacciner contre la COVID-19, les demandes de rendez-vous ont explosé sur Doctolib. Ils ont pu en moins de 24h faire face à ces pics de demande en utilisant les ressources disponibles sur AWS. Heureusement que dans sa grande sagesse, le Conseil d’État avait quelques semaines auparavant rejeté une demande d’invalidation de l’usage d’AWS par Doctolib!
Construire des solutions logicielles SaaS, Software as a Service, qui s’appuient sur les infrastructures IaaS existantes permet à des créateurs d’entreprises de se lancer sans avoir besoin d’investissements massifs. Dans ce domaine aussi, la France est bien placée et j’en profite pour féliciter BPI France (Banque Publique d’Investissement) qui participe activement depuis plusieurs années au financement de centaines de start-ups.
Dans le modèle BISD déjà cité, les données sont au cœur de toute transformation numérique.
Elles doivent être indépendantes des applications et des infrastructures pour permettre à toute personne qui en a besoin, et qui a les droits d’accès de s’en servir.
Le gouvernement français a lancé il y a trois ans une démarche innovante dans le domaine des données de santé avec le Health Data Hub. Il est construit sur l’une des meilleures plateformes numériques du monde, Azure de Microsoft, ce qui est une excellente idée.
Aujourd’hui l’industrie mondiale de la santé vit une révolution majeure portée par les progrès du numérique dans les domaines des infrastructures Cloud, de l’Intelligence Artificielle et des données.
On en a un exemple avec le succès de l’entreprise Moderna, dirigée par un Français, Stéphane Bancel, dans la mise au point d’un vaccin ARN Messager contre la COVID-19. En utilisant la puissance du Cloud AWS, Moderna a mis au point ce vaccin en 42 jours. Les dirigeants de Moderna estiment qu’il leur aurait fallu 20 mois pour obtenir ce résultat sans la puissance d’AWS. Les premiers vaccins n’auraient pas été disponibles avant juin 2022! Combien de millions de vies ont été sauvées par cette accélération de la mise au point d’un vaccin, rendue possible par l’accès à des données, conjuguée avec la puissance du Cloud Public?
Il y a trois mots pour définir le futur de la recherche médicale dans le monde: Cloud, IA et données.
Nous avons encore en France des entreprises industrielles majeures dans le domaine de la santé, comme Sanofi. Face à la COVID-19, elles ont pris par rapport à leurs concurrents mondiaux beaucoup de retard pour fournir un vaccin. C’est un signal préoccupant et nous devons réagir très vite.
Je demande au Ministre de la Santé et de la Prévention de travailler avec tous les organismes de santé en France pour qu’ils partagent rapidement un maximum de données avec le Health Data Hub, en respectant bien évidemment le RGPD. Cette base de données de santé deviendra ainsi un outil de compétitivité pour toute l’industrie de la santé en France.
Mes chers compatriotes,
J’ai identifié les cinq pistes d’actions prioritaires pour que la France continue à jouer un rôle raisonnable dans l’industrie mondiale du numérique:
- Fermeture rapide de tous les centres de calcul existants dans les organismes publics et leur basculement vers les infrastructures IaaS d’AWS, GCP et Azure.
- Utilisation du “Chip Act” Européen pour accélérer la compétitivité de nos champions européens existants dans l’industrie des composants électroniques.
- Accélération des investissements dans l’informatique quantique.
- Renforcement de nos compétences dans les start-ups de logiciels SaaS.
- Partage maximal des données de santé pour permettre aux industriels français de rester compétitifs dans la mise au point de nouveaux médicaments et vaccins.
En concentrant nos énergies et nos ressources, qui ne sont pas infinies, sur ces cinq grands et beaux chantiers, nous pouvons maintenir la France dans le peloton de tête de ces domaines du numérique.
Cette liste pourra progressivement être complétée par des investissements dans d’autres technologies prometteuses du numérique, mais en évitant de trop nous disperser.
Mardi 3 janvier 2023, le gouvernement demandera au Ministre délégué chargé de la transition numérique, à la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique) et à l'ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) de travailler ensemble pour proposer, avant la fin du mois de mars 2023, un plan d’action ambitieux et détaillé pour chacun de ces cinq chantiers, couvrant la période d’avril 2023 à décembre 2025.
Alors, 2023 sera l’année de tous les possibles pour le numérique.
Vive notre Europe du Numérique qui gagne.
Vive la République.
Vive la France.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Ce billet est un exercice de “Politique Fiction”, tout le monde l’aura compris.