Bravo, la France du numérique qui passe à l’offensive! Les annonces Scaleway du 17 novembre 2023
19/11/2023
J’ai passé ce vendredi 17 novembre 2023 une matinée formidable, qui restera longtemps gravée dans ma mémoire.
Scaleway, filiale du groupe Iliad de Xavier Niel, est un acteur français du Cloud Public dont j’ai souvent dit du bien.
Scaleway avait organisé ai-PULSE, une réunion exceptionnelle pour présenter ses innovations dans le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA).
Ce billet de blog est long, mais l’importance de l’événement le justifie amplement.
ai-PULSE, l’événement.
Plus de 1000 personnes étaient inscrites à la réunion ai-PULSE. Scaleway avait été obligé de refuser l’inscription d’un grand nombre de personnes qui souhaitaient s’y inscrire. Il y avait une longue file d’attente pour rentrer car des mesures strictes de contrôle d’identité avaient été mises en place, ce que j’ai accepté sans rechigner.
C’est tout sauf une coïncidence: ai-PULSE était organisé à Station F. C’est un espace dédié aux startups du numérique, inauguré en 2017 et dans lequel Xavier Niel a investi environ 250 M€.
Les conférences de la matinée étaient organisées dans l’un des grands halls de Station F. Les places assises étaient “chères” et un grand nombre de participants sont restés debout pendant toute la matinée.
Cette vidéo YouTube, de 1h30, vous permettra de visualiser l’essentiel des discours de cette matinée exceptionnelle.
Le thème général de l’événement : quand le Cloud Computing se met au service de l’IA
Il y a quelques mois, j’avais publié sur LinkedIn un texte sur le thème des AIPC, Artificial Intelligence Publics Clouds.
J’y expliquait qu’il restait des places à prendre sur le marché des Clouds Publics, non pas en essayant de copier les géants actuels tels que AWS, GCP, ou Azure, mais en créant des Clouds Publics spécialisés pour l’IA, en mettant à disposition des entreprises des processeurs dédiés GPU, dont le leader mondial est NVidia.
J’y suggérais que la France se positionne rapidement sur ce marché des AIPC,... Scaleway l’a fait.
Des intervenants prestigieux
La matinée était animée par Anne Durand, Directeur Général délégué de Scaleway, qui l’a fait de main de maître. C’est Damien Lucas, le CEO de Scaleway, qui a pris la parole en premier avant de céder la place à des intervenants extérieurs. Bravo à tous les deux.
Vous connaissez beaucoup d’entreprises qui sont capables de réunir en un même lieu autant de personnalités de haut niveau et venant d’univers aussi différents? Moi, non!
En une matinée, j’ai pu entendre les interventions de:
- Emmanuel Macron, Président de la République Française (en visio).
- Jean-Noël Barrot, Ministre délégué du numérique.
- Jensen Huang, CEO de NVidia. (en visio).
- Xavier Niel, CEO d’Illiad.
- Rodolphe Saadé, Chairman et CEO de CMA CGM.
- Eric Schmidt, ancien CEO de Google.
- De nombreux chercheurs prestigieux en IA, et je reviendrai plus loin sur eux.
L’écosystème Scaleway dans l’Intelligence Artificielle
J’ai résumé sur ce graphique ma compréhension des annonces faites par Scaleway dans le domaine de l’IA.
J’ai identifié cinq composants clés:
- Une infrastructure AIPC, du nom de Nabu 2023.
- La capacité d’y exécuter plusieurs LLM comme Mistral AI ou Hugging Face.
- Un accord stratégique avec NVidia pour l’utilisation de leurs GPU les plus performants.
- La création d’un centre de recherche sur l’IA, Kyutai.
- Des investisseurs capables de mettre plusieurs millions d’euros sur la table.
- Et un sixième… le soutien officiel du gouvernement français.
Je vais analyser chacun de ces composants, mais la principale valeur de cet écosystème tient aux interactions entre toutes ces briques.
Cet écosystème est unique en France. Je n’en connais pas d’équivalents en Europe ou aux Etats-Unis.
Les investisseurs, sans qui cet écosystème n’existerait pas
C’est bien évidemment Xavier Niel qu’il faut féliciter en premier pour ses investissements massifs dans le numérique français.
En plus de Station F, déjà cité, il a mis 200 M€ sur la table pour acquérir les processeurs GPU de NVidia dont avait besoin Scaleway.
L’annonce importante faite ce 17 novembre 2023 est la création d’un centre de recherches en IA doté pour son démarrage de 300 M€, ce qui garantit son fonctionnement pour une durée minimale de 4 ans.
Xavier Niel a convaincu Rodolphe Saadé et Eric Schmidt, déjà cités, de se joindre à lui pour entrer dans une fondation qui dispose maintenant de ces 300 M€.
Les trois investisseurs ont lancé un appel pour que d’autres investisseurs se joignent à eux pour accroître les ressources de cette fondation.
Cela fait chaud au cœur de voir trois grands dirigeants, qui n’ont plus rien à prouver, investir massivement pour que la France dispose d’un centre de recherches en IA parmi les meilleurs au monde.
Kyutai, le nouveau centre de recherches en IA basé en France
C’était l’annonce que personne n’attendait, que je n’avais pas anticipée.
Pourquoi avoir nommé ce centre de recherches Kyutai, mot japonais qui signifie “sphère”. A mon avis, cela permettra de faire un jeu de mots en le prononçant “Cute AI”, l’IA mignonne.
Les six brillants chercheurs qui font partie de l’équipe de démarrage de Kyutai étaient présents et ont présenté rapidement les sujets sur lesquels ils vont travailler.
Leurs noms: Patrick Pérez, Hervé Jégou, Laurent Mazaré, Alexandre Defossez, Edouard Grave et Neil Zeghidour.
Trois chercheurs reconnus et chevronnés font partie du comité scientifique qui va aider Kyutai: Yejin Choi, Bernhard Schölkopf et Yann LeCun.
Le mot clé employé par tous les intervenants était “Open”.
On a beaucoup parlé Open Source, Open Science, Open Research, Open AI…
Cela fait des années que j’explique que la principale richesse de la France dans le numérique, ce sont ses talents exceptionnels.
Leur donner les moyens financiers et techniques de mener leurs recherches en France au sein de Kyutai, c’est à mon avis la meilleure nouvelle de l’année 2023 pour faire que notre pays reste compétitif dans le domaine de l’Intelligence Artificielle.
Accord avec NVidia
Les processeurs GPU de NVidia sont aujourd’hui des ressources rares et… chères.
Les H100 sont commercialisés à des prix qui approchent les 40 000 $ l’unité.
La longue intervention, par visioconférence, de Jensen Huang, CEO de NVidia, a montré l’importance qu’il accorde à ses accords avec Scaleway.
Il n’a pas hésité à comparer la puissance de Nabu 2023 à celle du plus puissant des supercalculateurs dédiés à l’IA de NVidia, Eos, et à ceux que NVidia fournit à Azure de Microsoft.
J’ai retenu de son exposé trois idées fortes:
- L’Europe est un grand vivier de compétences en IA. Ce n’est pas moi qui vais le contredire!
- L’Europe et des pays comme la France devraient entraîner des LLM, Large Language Models, sur des jeux de données spécifiques pour prendre en compte les différences culturelles et linguistiques.
- Il y a un grand avenir pour des LLM spécialisés par secteurs d’activités comme la santé, la biologie et l’industrie, secteurs où l’Europe a de fortes compétences et des entreprises performantes.
Venant de la personne qui a construit les processeurs GPU qui sont à l’origine des progrès fulgurants de l’IA et de l’IAG, IA Générative, ces messages ont beaucoup de poids.
Nabu 2023, l’AIPC de Scaleway
Nabu 2023, le Cloud Public dédié à l’IA (AIPC) construit par Scaleway est au cœur de toutes les annonces faites ce 17 novembre 2023.
Comme toutes les infrastructures numériques, Nabu 2023 fait partie des fondations indispensables pour développer des usages innovants dans l’IA.
Nabu 2023 utilise plus d’un millier de GPU H100, les plus puissants disponibles aujourd’hui sur le marché.
Toutes les entreprises françaises et européennes, et pas seulement Kyutai, peuvent maintenant utiliser Nabu 2023. Cette dimension européenne est importante: j’ai échangé avec la personne de Scaleway qui est chargée de la commercialisation sur le marché espagnol.
Avec Nabu 2023, j’espère ne plus jamais avoir à entendre dans le monde de l’IA les arguments ridicules qui ont bloqué la croissance des Clouds Publics en France sous de fallacieux prétextes de souveraineté numérique!
Nabu 2023 appartient à une entreprise française, elle est localisée sur le territoire français, ceci devrait permettre à toutes les entreprises françaises, publiques ou privées, OIV ou autres de faire un saut immédiat dans le monde de l’IA et de l’IAG.
Merci, Scaleway.
Accès à de nombreux LLM
Nabu 2023 mettra à disposition des entreprises plusieurs modèles LLM.
Trois d’entre eux ont été annoncés pendant cette conférence:
- Mistral AI, créé en France en mars 2023 par trois anciens de Meta et Google, et dont le premier modèle est déjà disponible depuis la fin du mois de septembre 2023.
- Huggins Face, entreprise créée à New York par trois ingénieurs français.
- Poolside, entreprise créée aux Etats-Unis et qui a pris en 2023 la décision de s’installer en France. Poolside est un LLM spécialisé dans la création de codes informatiques.
Ces trois modèles sont aussi construits dans une logique Open Source, en cohérence avec les démarches promues par le nouveau centre de recherches Kyutai.
Des soutiens politiques… de poids
La matinée a été clôturée par l’intervention de deux poids lourds de la politique en France, Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, et le Président de la République Emmanuel Macron.
Jean-Noël Barrot s'est exprimé en anglais.
Je n’ai pas été souvent en phase avec les discours de Mr Barrot lorsqu’il parle de souveraineté numérique. Je suis donc heureux de pouvoir dire aujourd’hui que j’ai beaucoup aimé une grande partie de son exposé.
Cela fait du bien d’entendre dire, enfin, oui, que la France a déjà perdu des batailles dans le numérique, mais que la guerre n’est pas pour autant perdue.
Cela rejoint mon discours sur le fait que l’Europe doit choisir ses combats dans le numérique et passer à l’offensive, que j’ai formalisé dans cette conférence TEDx.
C’est exactement ce que fait Scaleway avec les annonces majeures de cette conférence et entendre le ministre les féliciter sur ces actions, cela fait du bien.
Il y a un autre point sur lequel il a insisté, ce sont les risques que font peser sur l’innovation dans le monde de l’IA les projets européens de régulation tels que l’IA Act.
C’était aussi le discours d’Eric Schmidt qui recommandait à la France de se méfier de… Bruxelles!
Entendre dire que la France doit être un super champion de l’innovation dans l’IA, pas un super champion dans la régulation de l’IA, cela change agréablement des discours qui font la promotion de tous les “Act” qu’a pondu l’Europe dans le monde du numérique.
Il conclut en remerciant Xavier Niel et Rodolphe Saadé pour leurs initiatives. Ce rapprochement entre le monde politique et le monde des entreprises, c’est une excellente nouvelle.
Le Président Macron est intervenu en visioconférence. Lui aussi, il n’a pas résisté au plaisir de terminer son exposé en anglais.
Au-delà du contenu assez classique de l’exposé du Président, le fait même qu’il est accepté d’intervenir est un succès majeur pour Scaleway et leurs projets dans le monde de l’IA.
L’une des idées exprimées qui m’est apparue intéressante c’est celle de faire que les défauts du centralisme excessif de la France deviennent des… qualités dans le monde de l’IA en permettant d’utiliser ces grandes bases de données centralisées.
Lui aussi y est allé de son petit couplet contre la réglementation européenne.
On sentait clairement, dans tous les exposés sur ce thème, la volonté de la France de prendre le leadership en Europe dans la création de compétences en IA.
Résumé: L’IA en France, un combat que l’on peut gagner
Un très grand merci à Scaleway et toutes ses équipes pour avoir organisé ce remarquable événement.
Au-delà de l’événement, c’est bien évidemment toutes les annonces qui ont été faites qui ont illuminé ma journée en montrant que, oui, il y a encore en France des entreprises qui ont compris les défis posés par le numérique et sont prêtes à investir massivement pour les relever.
L’écosystème IA mis en place par Scaleway, avec les cinq composants que j’ai présentés, est une structure très innovante et qui a tout pour réussir.
Etre optimiste sur l’avenir de la France dans des domaines du numérique, c’est une situation dans laquelle j’aimerais me trouver plus souvent.