Numérique et technologie, meilleures armes contre le réchauffement climatique?

 

AdS DPC thumb up positif S 183628565Et si le numérique et la technologie étaient les meilleures armes pour lutter contre le réchauffement climatique ?

C'est par ce thème essentiel que je termine ma série de quatre billets sur le numérique, ses dangers et ses potentiels.

Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté le danger numérique le plus immédiat, les cyberattaques sur les infrastructures physiques de transport. Début février 2022, des attaques sur des ports européens ont, hélas, confirmé mon pronostic.

Dans la deuxième partie, j’ai analysé quels pourraient être les impacts d’une guerre dans le détroit de Taiwan sur l’industrie des microprocesseurs.

Dans la troisième partie, j’ai abordé le thème des risques liés à la croissance exponentielle des potentiels des technologies numériques.

Cette quatrième partie analyse le grand défi mondial de la maîtrise du réchauffement climatique et des rôles, positifs, que peuvent y jouer le numérique et la technologie.

Il est impossible de parler du réchauffement climatique en se focalisant uniquement sur le numérique et la technologie.

J’ai organisé ce billet en quatre parties :

● Quels défis à l’horizon 2030.

● Quels acteurs pour lutter contre le réchauffement climatique.

● Un acteur clef : les organismes financiers.

● Un acteur clef : numérique et technologies.

J'ai écrit un texte très long, avec beaucoup de références, de graphiques et de liens, pour vous donner la possibilité d'étudier en profondeur ce sujet majeur, qui nous concerne tous. J'espère que ce gros effort vous sera utile et vous aidera dans vos réflexions sur ce thème.

N'hésitez pas à partager largement autour de vous ce billet, si vous pensez qu'il peut aider d'autres personnes à avoir une vision complète et positive des actions a mener pour sauver la planète avant 2030.

 

1 - Horizon 2030+ : réchauffement climatique hors de contrôle

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, le numérique n’est pas l’alpha et l'oméga des réponses, loin de là.

Commençons par les mauvaises nouvelles : le World Economic Forum a publié en janvier 2022 son rapport sur les risques globaux pour 2022.

À la question : quelle est votre position sur l’avenir du monde, 16% seulement des répondants ont une vision positive ou optimiste.

XWEF - Outlook for the world

Je fais partie des personnes qui sont convaincues que le réchauffement climatique est un danger mortel pour la planète. Cette conviction s'est construite petit à petit, par l’étude de nombreux documents, une analyse scientifique et rationnelle des chiffres qui montrent les évolutions de ces dernières décennies.

Le club de ceux qui nient les impacts de l’homme sur le climat, des personnes qui croient que la terre est plate, des antivax, des chantres de la décroissance… je n’en fais pas partie.

J’ai écrit en 2021 deux billets sur les différents scénarios possibles pour affronter cette crise :

Quel avenir pour la planète : “More from Less” ou “Less is More”.

L’Europe, leader mondial dans les usages numériques au service de la planète.

Si une rupture forte dans les actions menées pour réduire le réchauffement climatique ne se produit pas rapidement, si les mesurettes actuelles sont maintenues, le monde sera dans une situation catastrophique en 2030.

Ce n’est pas pour cela qu’il faut céder au catastrophisme (Doomism en anglais), au contraire. Dans la suite de ce texte, j’analyse ce que différents “acteurs” peuvent faire pour rendre cette catastrophe évitable.

 

2 - Quels acteurs pour lutter contre le réchauffement climatique

J’ai identifié six familles d’acteurs qui peuvent avoir un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique :

● Les organisations internationales : ONU, COP…

● Les pays.

● Les entreprises.

● Les particuliers.

● Les organismes financiers.

● Les innovations technologiques et numériques.

Chacune de ces familles d’acteurs peut agir sur les deux dimensions :

● Offre : réduire l’offre d’énergies carbonées et d’émissions de gaz à effet de serre.

● Demande : réduire la demande en énergie, carbonée ou non.

XClimat - Potentiels Acteurs - Offre et demande + Numérique + org InternDans ce premier tableau, je vous présente mon évaluation personnelle des impacts positifs potentiels que chacun de ces six acteurs pourrait avoir sur l’offre et la demande d’énergies carbonées. Cinq étoiles correspondent au plus haut impact possible, une étoile au plus faible.

Je vais aller vite sur les quatre premiers acteurs.

Je traiterai plus à fond le cinquième, les organismes financiers ; c’est un domaine où des décisions rapides peuvent avoir des impacts positifs immédiats.

L’essentiel de ce billet sera consacré au sixième, numérique et technologies, qui est celui sur lequel j’ai une raisonnable compétence.

Organismes internationaux et états

La dernière COP, 26e du nom, a pris fin à la mi-novembre 2021, après 15 jours de négociations à Glasgow.

XCop 26 temperature pledgeLe rapport final dit, de manière “diplomatique”, que l’objectif de limiter à 1,5° le réchauffement climatique est toujours atteignable (Reach) mais il faudra pour cela en faire plus (further actions needed).

Traduit en langage “normal” : les décisions annoncées après la COP 26 ne permettent pas d’atteindre cet objectif.

Ces organismes internationaux pourraient avoir un impact majeur s’ils avaient le courage de prendre des décisions fortes et contraignantes. La réalité est, hélas, tout autre.

Peut-on faire confiance aux organismes internationaux et aux responsables politiques des grands pays du monde pour agir en profondeur, et très vite ?

La réponse actuelle est claire : non !

XDon't look up posterSorti sur Netflix en décembre 2021, nominé aux Oscars, le film “Don’t look up” est une remarquable illustration de cette capacité des politiques à regarder “ailleurs”, à chercher en permanence des excuses pour ne pas agir.

Pris individuellement, les états sont encore plus désarmés que les organismes internationaux pour prendre des décisions qui auront des impacts globaux sur le climat. Les états ont heureusement des capacités pour agir localement, qu’il ne faut pas négliger.

J’en prendrai un seul exemple, celui de la Norvège. La Norvège a pris dès 2016 la décision d’interdire la vente de véhicules thermiques à partir de 2025. Les Norvégiens ont vite compris qu’acheter un véhicule thermique était un très mauvais investissement et qu’ils ne pourraient pas le revendre. Comme le démontre ce graphique, les impacts ont été immédiats : les ventes de véhicules thermiques seront proches de zéro… dès 2022 !

C’est un bon exemple de l’impact de décisions sur l’anticipation des acteurs économiques. L’objectif fixé à 2025 sera atteint avec trois ans d’avance, en 2022.

XVentes voitures thermiques Norvège

XPlan Economie Française Shift projectEn France, le Shift Project vient de publier son “plan de transformation de l’économie française”. Je ne peux pas le commenter ; l’ouvrage était indisponible quand j’ai écrit ce texte. Je suis par contre inquiet quand je lis dans la préface, écrite par Jean-Marc Jancovici, les mots suivants : “Nous devons être capables de naviguer dans un monde sans nouveautés techniques décisives”. C’est une démarche inverse que je pousse dans ce texte.

 

Les entreprises

Il faut séparer les entreprises, acteurs de l’offre d’énergie carbonée et toutes les autres qui consomment de l’énergie, carbonée ou pas.

Entreprises, acteurs de l’offre d’énergie carbonée.

Peut-on leur faire confiance pour mettre fin à leurs activités sans pressions extérieures fortes ? La réponse est évidente : non.

XThe new climate war coverUn livre remarquable, “The New Climate War”, écrit par Michael Mann, démonte les démarches machiavéliques utilisées par les entreprises pour se défausser de leurs responsabilités sur… les particuliers.

Ces démarches sont très anciennes et touchent beaucoup d’industries. Les producteurs de tabac, de pesticides, d’amiante, de peinture au plomb ont été des précurseurs dans ce domaine.

Un autre exemple, moins connu, est révélateur de ces démarches de l’offre qui culpabilise l’usage. Il est possible d’ajouter à une cigarette des produits qui font qu’elle s'éteint toute seule si on la pose sur une table. Ceci permettrait d’éviter les morts par incendie qui se produisent trop souvent, mais représenterait un coût additionnel pour les producteurs. La réponse des fabricants de tabac a été simple : il faut empêcher les draps de s’enflammer quand un mégot allumé tombe dessus. Des milliards ont été dépensés pour ajouter des produits toxiques aux tissus domestiques et les rendre ininflammables quand il aurait suffi de prendre le problème à la source.

Dans son livre, Michael Mann estime qu’une centaine de très grandes entreprises mondiales sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre.

Je reviendrai sur ce sujet majeur quand j’aborderai le rôle des organismes financiers.

 

Les entreprises, consommatrices d’énergie

XSecteurs clefs émetteurs Greenhouse gas - Bill Gates copieToutes les entreprises consomment de l’énergie pour fonctionner, certaines plus que d’autres. Dans son analyse des secteurs les plus consommateurs d’énergie, Bill Gates place en tête l’industrie et en particulier les secteurs de l’acier et du ciment. L’industrie produit 31% des 51 milliards de tonnes de CO2 émises en un an, 15,81 milliards de tonnes.

Numérique et technologies sont des forces puissantes pour améliorer tous ces processus de fabrication et leur permettre de réduire leur consommation d’énergie à production constante.

 

Les particuliers

Est-ce que nous pouvons, individuellement, réduire notre consommation d’énergie et nos impacts négatifs sur le climat ? La réponse est oui.

Il faut par contre être attentif aux pièges posés par les entreprises productrices d’énergie carbonée, qui essaient par tous les moyens de nous culpabiliser, comme je l’ai expliqué plus haut.

XAdS DPC Waste reduce reuse S 277729989Les exemples sont innombrables :

● Il faut trier les déchets : et si l’industrie ne produisait pas de produits jetables?

● Il faut se déplacer moins : et si l’on produisait plus de voitures électriques?

● Nous sommes tous coupables, individuellement : merveilleuse méthode pour dédouaner les producteurs.

Vous êtes un mauvais citoyen pour la planète si vous n’êtes pas végan, si vous voyagez, si vous regardez Netflix… Faire reposer l’essentiel des efforts sur les actions individuelles est l’une des illusions les plus dangereuses de ce combat pour la planète.

 

3 - Acteur clef : les organismes financiers

Je partage l’opinion de Michael Mann sur ce sujet essentiel : agir sur la finance est probablement la méthode la plus rapide et la plus efficace pour réduire l’usage d’énergies carbonées.

Tarir les flux financiers qui financent les projets liés aux énergies carbonées, c’est les rendre impossibles.

XLargest banks invest in fossil fuelsLa situation actuelle est catastrophique : comme le démontre cet article, les investissements dans les énergies fossiles par les banques restent très élevés. Depuis les accords de Paris en 2016, les 60 plus grandes banques mondiales ont financé 3,8 T$ de nouveaux projets dans les énergies fossiles. (1 Trillion US = mille milliards européens).

3 800 milliards de dollars ! Si ces sommes n’avaient pas été disponibles, il est évident que ces projets financés n’auraient pas été lancés.

Ce document très complet de 80 pages, ”Banking on Climate Chaos”, fait le point sur les financements bancaires, analysés par grandes familles de projets et par banque.

Dans ce classement de la honte, le “champion” français est dixième. Il s'agit de BNP Paribas; sur la période 2016-2020, les sommes investies, de 121 milliards de dollars, sont… en croissance !

Sur ce schéma, j’ai visualisé les principales pistes qui permettraient d’agir pour tarir ces financements des énergies fossiles.

XActeurs sur climat -Finance

XAdS DPC Risks > Reward  SS 170136001

Organisations financières : il faut  les convaincre qu’investir dans les énergies carbonées, c’est un placement à très haut risque et dont la rentabilité ne sera jamais au rendez-vous. Financer un pipeline pétrolier, l’exploitation d’un gisement de gaz fossile ou la construction d’une nouvelle raffinerie, ce sont des projets dont la durée de vie s’étale sur des dizaines d’années. C’est un message que tous les investisseurs comprennent très bien.

Organisations internationales : elles ont réussi dans certains domaines à imposer des règles très fortes, comme dans le cas des gaz CFC qui détruisent la couche d’ozone. Faire peser la menace d’une interdiction des financements d’énergies fossiles à partir de 2025 ou 2030 suffirait à bloquer, immédiatement, tous ces financements. C’est ce qui c’est produit avec les véhicules thermiques en Norvège.

Pays : il suffirait qu’un petit nombre de pays importants, en Europe par exemple, interdisent aux organismes financiers présents sur leur territoire tout nouveau financement de projets liés aux énergies carbonées. Tous les organismes financiers présents dans le pays seraient concernés, quelle que soit leur nationalité d’origine. Je pronostique un effet domino rapide. La peur que ces décisions soient contagieuses et se répandent dans d’autres pays aura un effet majeur sur les dirigeants financiers qui ont horreur des risques politiques.

XOil industry terrified of college kidsParticuliers : l’un des mouvements les plus efficaces est celui des étudiants américains qui ont réussi, difficilement, à obliger de grandes universités à ne plus investir dans les énergies fossiles. Ils obtiennent de plus en plus un engagement de désinvestir. Comme l’explique très bien cet article, l'industrie pétrolière américaine est paniquée par ces actions qui donnent des résultats dans les plus grandes universités comme Harvard ou Yale. Harvard gère un portefeuille d’investissements de 53 milliards de dollars ! Les lobbyistes de l’industrie pétrolière financent des projets de loi qui tentent de rendre illégales ces actions.

XDivestissement fossil fuel 41 T$ in 2021Ce document très complet, de 39 pages, fait le point sur les désinvestissements réalisés ou annoncés à la fin de l’année 2021.

J’en ai extrait ce graphique qui montre que les fonds qui ont pris la décision de désinvestir dans les énergies fossiles gèrent un total de 41 T$ !

Les quelques chiffres que j’ai présentés montrent à quel point la dimension financière est essentielle dans la lutte contre les énergies fossiles.

Bloquer les financements d’énergies fossiles, c’est :

● Possible.

● Rapide.

● Très efficace.

● Obtenir des résultats immédiats.

 

4 - Un acteur clef : numérique et technologies

C’est le thème prioritaire de ce billet : quels peuvent être les impacts positifs du numérique et plus généralement de l’innovation technologique sur les émissions de gaz à effet de serre?

Il est de plus en plus difficile de dissocier numérique et innovation technologique : le numérique est le moteur principal de toute innovation technologique, quel qu’en soit le secteur.

XModerna 42 jours Re-InventJe prendrai un exemple récent dans le domaine de la santé, que j’ai déjà cité dans mon blog. Le vaccin contre la COVID-19 de Moderna a été mis au point en 42 jours en utilisant toute la puissance du Cloud AWS. Le CEO de Moderna estime qu’il lui aurait fallu 20 mois (novembre 2021) si les solutions Cloud Public n’avaient pas existé. Combien de millions de vies ont été sauvées par le Cloud Public ?

Ce schéma servira de base à la suite de ce billet.

XActeurs sur climat - Numérique

Il met en évidence les différents impacts possibles du numérique sur les entreprises, les particuliers, l’offre d’énergie et la demande d’énergie. Je ferai référence aux numéros de ce schéma pour aborder ces sept interactions.

Je n’aborde pas les impacts potentiels du numérique sur les organisations internationales, les pays ou les organismes financiers ; pour moi, ils sont mineurs.

 

Frugalité Numérique : flux 1, 2, 3 et 4

XFrugalité Numérique processeurLa frugalité numérique, que d’autres préfèrent appeler sobriété numérique, a pour objectif de réduire au maximum les impacts des usages numériques sur le réchauffement climatique, et en priorité la consommation d’énergie.

En 2020, j’ai publié sur ce blog quatre textes sur la frugalité numérique :

Présentation générale.

Les centres de calcul

Les objets d’accès

Les réseaux

Chacun de ses textes représente un gros travail de recherche de données fiables. Dans le domaine de la frugalité numérique, un grand nombre de données publiées sont fausses et peuvent amener les particuliers et les entreprises à prendre des décisions contre-productives.

Je fais le choix de présenter ici un tout petit nombre d’exemples concrets de solutions numériques qui peuvent améliorer notre sobriété numérique immédiatement. Il serait aussi possible de parler des usages qui sont nocifs pour la planète.

Ma position générale est très claire : utilisés avec un minimum d’intelligence et de pragmatisme, les outils numériques sont d’excellents moyens de réduire nos consommations d’énergie et nos impacts négatifs sur la planète.

Je suis un farouche opposant du “Numérique Bashing” et j’ai les données pour argumenter ma position.

Les quatre textes référencés contiennent des informations plus détaillées sur tous ces sujets. J’ai fait le choix de ne présenter que les impacts positifs du numérique et de la technologie.

 

Flux 1 et 4 : numérique et entreprises

XOld Desktop Mac● Les ordinateurs portables consomment beaucoup moins d’énergie que les anciens PC fixes à écrans cathodiques.

● Fermer ses centres de calculs privés et basculer sur des clouds publics réduit d’un ordre de grandeur sa consommation d'énergie électrique.

XEmail vs Cloud Collaboration● Travailler en mode collaboratif pour créer à plusieurs un document ou une présentation réduit dans un rapport 20+ les échanges de données par rapport aux démarches archaïques qui consistaient à s’envoyer des documents par mail en pièces jointes, ce que résume remarquablement bien ce schéma. Il montre les échanges entre 4 personnes essayant de créer un document en commun, à gauche avec Word de Microsoft, à droite en mode collaboratif avec Google Workspace.

● Dématérialiser ses échanges numériques avec les clients, les partenaires et les fournisseurs transmet des bits qui consomment beaucoup moins d’énergie que des documents papier.

 

Flux 2 et 3 : numérique et particuliers

● Le smartphone est le meilleur ami de la planète. Un smartphone remplace des dizaines d’objets qui consommaient beaucoup d’énergie et de matières premières : caméscope, appareil photo, réveil, lecteur de CD/DVD, montre…

● Les usages d’un smartphone permettent de réduire fortement sa consommation de documents papier : encyclopédie, cartes, guides touristiques, dictionnaires, albums photos, documents de voyages…

● Visionner un film Netflix est beaucoup moins consommateur d’énergie que d’acheter un DVD que l’on ne regardera qu’un tout petit nombre de fois.

 

Flux 4 : Réduire la consommation d’énergie et les émissions des entreprises

Je m’intéresse ici aux activités “métiers” des entreprises industrielles qui produisent de l’acier, du béton, de l’aluminium ou des machines. Le texte de Bill Gates que j’ai cité plus haut montre que l’industrie est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre. Toute action dans ces métiers est prioritaire et aura des impacts majeurs.

XHybrit Fossil Free SteelCet article explique comment les fournisseurs d’acier s’attaquent au problème.

Le premier exemple cité : en août 2021, une aciérie de la société Hybrit en Suède a produit de l’acier sans utiliser du charbon, remplacé par de l’hydrogène. La production industrielle est prévue pour 2026.

Autre exemple récent en Europe : ArcelorMittal lance un grand programme de décarbonisation de ses activités avec un investissement de 1,7 milliard d’euros, soutenu par le gouvernement français. Objectif annoncé : réduire de 40% les émissions de CO2 sur le territoire français d’ici à 2030.

XArcelorMittal 1 7B€ investment

L’industrie du ciment produit 8% des émissions de CO2 dans le monde. C’est aussi l’une des industries les plus difficiles à décarboner.

Ce long article fait le point sur des dizaines de projets et réalisations en Europe pour s’attaquer au problème. Des réductions de 30% à 60% des émissions de CO2 sont envisagées.

Toutes ces industries travaillent aussi sur des démarches de capture des gaz émis, technologies regroupées sous le sigle CCUS : Carbon Capture Utilisation and Storage.

XCCUSCCUS regroupe deux réponses différentes :

● Utilisation : transformer le CO2 capturé en d’autres produits utiles.

● Stockage : injecter le CO2 dans le sol.

Ce site de l’IEA, International Energy, fait le point sur les très nombreuses démarches CCUS proposées.

Le Global CCS Institute est une autre source intéressante sur ce sujet. Ce document présente sur des centaines de réalisations ou projets dans le monde.

Les exemples que j’ai cités pourraient produire de premiers résultats significatifs dans la deuxième moitié de cette décennie, à partir de 2025 ou 2026.

Beaucoup de ces projets, de ces innovations technologiques, des solutions numériques proposées seront des échecs industriels, oui. Mon hypothèse de travail est que d’autres seront des succès, capables de se déployer à grande échelle dans les entreprises industrielles émettrices de grandes quantités de gaz à effet de serre.

Si l’on ferme le robinet d’investissements dans les énergies fossiles pour les organismes financiers, ils seront obligés de trouver d’autres terrains d’investissements.

Ils auront l’embarras du choix avec toutes ces entreprises innovantes qui développent des solutions à impacts positifs sur la planète.

Verdox, spin-off du MIT, qui a mis au point un dispositif de capture du CO2 plus efficace, vient de lever 80 M$, dont une partie vient de Bill Gates, investisseur très actif dans ces combats pour la planète.

 

Flux 6 : Numérique et demande d’énergie

C’est à mon avis le domaine où le numérique aura le moins d’impacts directs.

Comme on l’a vu plus haut, la demande d’énergie est en priorité liée aux demandes des particuliers et des entreprises.

XNormes ISO 50001 & 14000Une démarche pragmatique consiste à développer des indicateurs simples (KPI) pour aider les particuliers et les décideurs dans les entreprises à mesurer et suivre les impacts de leurs usages.

De premières normes, telles qu’ISO 50001 et ISO 14000, peuvent servir de base à ces mesures.

XSweep DashboardsPour les entreprises, de premières offres SaaS performantes, comme celle de la startup française SWEEP, permettent de piloter efficacement ses impacts carbone.

Ce sera plus difficile pour les particuliers : leurs consommations d’énergie sont réparties sur de nombreux lieux tels que domicile ou moyens de transport.

J’espère que des solutions simples permettront bientôt aux particuliers d’avoir un tableau de bord raisonnablement fiable et complet de toutes leurs consommations d’énergie.

 

Flux 5 et 7 : numérique et offre d’énergie

C’est dans ce domaine que je mets le plus d’espoir pour que des solutions de rupture permettent de disposer de suffisamment d’énergies non carbonées performantes avant 2030.

La croissance exponentielle des performances des solutions numériques, que j’ai présentée dans la troisième partie de cette série, s’appliquera aussi aux innovations dans le domaine de la production d’énergie.

J’ai choisi de ne parler que de trois domaines de progrès, parmi tous ceux qui sont possibles. Ce sont ceux qui ont, à mon avis, la meilleure probabilité d’apporter rapidement des réponses concrètes :

● Panneaux solaires.

● Stockage d’énergie électrique.

● Énergie nucléaire.

J’aurais pu aussi parler des éoliennes et de l’informatique quantique : cet article du JdN, “L’informatique quantique va-t-elle sauver la planète” présente les efforts de Microsoft dans ce domaine.

 

Panneaux solaires

L’énergie du soleil est la plus prévisible et la plus répandue sur la terre. Une étude du MIT donne les chiffres suivants :

● Énergie solaire arrivant sur terre en permanence : 173 000 térawatts.

● Ceci correspond à 10 000 fois l’énergie totale consommée sur terre.

● Avec des panneaux solaires ayant une efficacité de 20% et utilisés ⅓ du temps, cette énergie solaire couvre 300 fois les besoins de l’humanité.

Ce premier graphique montre le caractère exponentiel de la baisse du coût de l’énergie produite par des panneaux solaires : réduction dans un rapport 5 en 10 ans.

XSolar costs 2010 vs 2020

Ce deuxième graphique est encourageant : il montre que les experts ont sous-estimé la vitesse de cette réduction du coût. Ceux qui pensent que cette baisse va s’arrêter pourraient, à leur tour, être contredits par les faits.

XSolar costs reduction vs predictions

Ce troisième graphique (source Wikipédia) compare les coûts de l’énergie des différentes sources, en utilisant une mesure le “Levelized cost of energy”, qui calcule le prix de revient complet de production, selon des règles précises.

XLevelized cost of energy by source

En 2020, le solaire est devenu l’énergie la moins chère du monde, et personne ne va s’en plaindre.

 

Stockage d’énergie électrique

L’énergie électrique a beaucoup d’avantages, mais un grand problème, aujourd’hui; à l’inverse d’autres énergies comme le pétrole, le gaz ou le charbon elle est difficile à stocker.

Si l’on couple cette caractéristique avec le fait que les principales énergies renouvelables, solaires et éoliennes sont par nature intermittentes, on se trouve face au grand défi actuel de ces énergies renouvelables : comment stocker l’énergie électrique quand elle est abondante pour la restituer quand la production se réduit ?

Quel est le meilleur moteur de l’innovation ? Un problème difficile à résoudre !

Ceci explique pourquoi l’offre de solutions de stockage d’énergie est en forte croissance, avec des démarches très différentes, comme celles référencées dans cet article.

J’en ai sélectionné quatre, très différentes :

● L’énergie cinétique.

● La gravitation.

● L’hydrogène.

● Les batteries

L’énergie cinétique.

Cette technologie existe depuis très longtemps : les tours des potiers l’utilisaient dans l’antiquité. Elle consiste à transformer l’énergie électrique excédentaire en énergie cinétique stockée dans un volant d’inertie en mouvement.

XAmber Kinetics FlywheelsDes startups ont repris l’idée en améliorant les performances et les rendements qui peuvent atteindre 90%. Principaux avantages : durée de vie très longue et performances constantes dans le temps.

Amberkinetics (image jointe) et Revterra sont deux sociétés qui proposent des solutions opérationnelles à coupler avec des énergies renouvelables intermittentes.

La gravitation ou pesanteur

XEnergyVault gravity storageCette autre solution mécanique utilise l’énergie liée à la gravitation. EnergyVault, une des startup dans ce domaine, utilise des blocs de 35 tonnes qui sont soulevés par des grues automatiques quand l’énergie est disponible, énergie récupérée quand on les laisse redescendre vers le sol.

L’hydrogène

L’Europe et la France mettent beaucoup d’espoir sur cette technologie pour stocker dans de l’hydrogène à haute pression de l’énergie. C’est bien expliqué dans ce document de Teréga qui dispose dans le Sud Ouest de la France des plus grandes capacités de stockage de gaz en France dans des réservoirs naturels souterrains.

XCB Insights Europe lead in HydrogenCB insights est une source d’information d’une exceptionnelle richesse et qualité sur de nombreux domaines. Ils ont publié en février 2022 ce rapport de 150 pages qui fait le point sur les investissements dans le secteur de l’énergie en 2021. J’en ai extrait ce graphique qui montre que l’Europe investit plus sur l’hydrogène que les États-Unis ou l’Asie. C’est le seul domaine dans lequel l’Europe est en tête !

Autre bonne nouvelle : le congrès annuel des ingénieurs de France, en mars 2022, sera consacré à l’hydrogène.

 

Les batteries

C’est la technologie qui vient immédiatement à l’esprit quand on pense stockage d’énergie, et c’est de loin la plus utilisée aujourd’hui. Je ne vais pas analyser le marché des véhicules électriques, mais me concentrer sur les usages industriels des batteries pour stocker l’énergie sur de longues périodes.

La baisse du coût du kilowatt des batteries les plus répandues, Lithium-Ion, est, elle aussi, exponentielle, comme le montre ce graphique.

XPrice batteries Lithium Ion over time

XTesla Battery park AustraliaTesla est un acteur majeur de ce marché. L’une des plus grandes installations a été construite en Australie, avec une capacité de 1 274 MWh. Elle est opérationnelle depuis décembre 2021.

Des dizaines d’entreprises travaillent sur des alternatives à la filière Lithium-Ion, et il est difficile de les citer toutes. Sodium-ion, Zinc-ion et Dual Carbon sont trois des pistes les plus prometteuses.

J’ai construit ce tableau comparatif de ces trois solutions à partir d’un article très complet, publié en février 2022.

XBatteries comparaison

Une quatrième technologie, Metal-ion, attire aussi les investisseurs : Bill Gates et ArcelorMittal ont investi 360 M$ dans Form Energy, qui utilise l’acier, ce qui explique la présence d’ArcelorMittal au capital.

XCB Insights Global Energy FundingCette très longue liste de solutions de stockage d’énergie montre à quel point l’innovation est forte dans ce domaine clef. Ce graphique, extrait du même document CB Insight, montre que les investissements dans les startups de l’énergie ont atteint 36 milliards de dollars en 2021, en croissance de 260% par rapport à 2020 !

Il faudrait vraiment être un irréductible pessimiste pour penser que toutes ces innovations seront des échecs.

 

Énergie nucléaire

Le nucléaire est une énergie qui déclenche des passions, pas toujours rationnelles.

Mon objectif, ici, est d’en parler de la manière la plus rationnelle possible. Les spécialistes du nucléaire me pardonneront les simplifications que je suis amené à faire.

XMortality rate:EnergyLes faits :

● Le nucléaire est une énergie non carbonée.

● Le nucléaire est la source d’énergie la plus sûre au monde : charbon, gaz, pétrole ont tué beaucoup plus de personnes que le nucléaire.

Il y a deux grandes familles de solutions pour produire de l’énergie nucléaire :

● Fission = casser de gros noyaux pour en faire de moins gros.

● Fusion = assembler des petits noyaux pour en faire des plus gros.

Cet article l’explique en quelques lignes. Pour en savoir plus, je vous renvoie aux textes de Wikipedia sur la fission et la fusion.

Aujourd’hui, l’électricité est produite dans le monde par des réacteurs de fission nucléaire, et de grande taille.

D’ici à 2030, je vois venir des mutations majeures dans les solutions permettant de produire de l’énergie électrique nucléaire.

Familles de centrales nucléaires 1J’ai construit ce tableau pour présenter les quatre familles principales de solutions qui pourraient être opérationnelles en 2030.

D’ici à 2030, trois nouvelles familles de réacteurs nucléaires pourraient voir le jour:

● Fission : réacteurs de petite taille.

● Fusion : réacteurs de grande taille.

● Fusion : réacteurs de petite taille.

 

Petits réacteurs industriels de fission

À Belfort, dans son discours de février 2022 sur l’avenir du nucléaire en France, le Président Emmanuel Macron a parlé d’EPR, mais aussi annoncé le lancement de la fabrication de “SMR”, Small Modular Reactors.

Dans ce domaine des petits réacteurs, la France est en retard : Russes, Chinois et Américains ont lancé des projets et des réalisations depuis plusieurs années.

XPetite centrale nucléaire Rolls RoyceL’un des projets européens à haut potentiel est celui proposé par Rolls-Royce, qui s’appuie sur son expérience dans les sous-marins à propulsion nucléaire. Rolls-Royce propose de construire une usine qui fabriquera, de manière industrielle, ces petits réacteurs nucléaires. Ils seront ensuite transportés sur les sites où ils seront installés, dans le monde entier.

Cette approche me fait penser à la démarche industrielle d’Elon Musk avec SpaceX qui a révolutionné le monde des lanceurs.

 

Fusion : réacteurs de grande taille

Le projet emblématique de réacteur nucléaire de grande taille pour la fusion est le réacteur Tokamak ITER.

XITER Agreement MeetingLes chiffres relatifs à ITER sont impressionnants, et confirment le gigantisme de ce projet :

● Lancé officiellement en 1985, quand Jacques Chirac était président de la République en France.

● Membres : Communauté Européenne, Russie, Chine, États-Unis, Inde, Japon, Corée…

● 20 ans après : accord sur lieu de construction, près d’Aix-en-Provence en France.

● Surface du site : 180 hectares, dont 42 pour le réacteur.

● Poids du réacteur : 23 000 tonnes.

● Production d’énergie prévue : 500 MW, 10 fois les 50 MW nécessaires pour le faire fonctionner.

● La première production de plasma était prévue fin 2025, 40 ans après le lancement du projet. Les dernières estimations, fin 2021, parlent maintenant de 2035.

● Le budget initial, de 6 milliards d’euros, est aujourd’hui de 18 à 22 milliards d’euros. Les opposants parlent d’un budget de 45 à 65 milliards d’euros.

● ITER, expérimental, ne sera jamais connecté au réseau. Il faudra attendre le successeur, DEMO, pour avoir une version industrielle en 2050.

● L’industrialisation éventuelle n’est pas prévue avant 2070.

XITER construction Octobre 2021

Les critiques d’ITER se font de plus en plus nombreuses :

● En juillet 2021, l’ASN, Autorité de Sureté Nucléaire, a publié un rapport montrant que des composants importants n’avaient pas passé les tests nécessaires.

● La revue Energy Times tire le signal d’alarme en octobre 2021.

Vous l’avez compris : je ne suis pas convaincu qu’ITER sera l’un des sauveurs de la planète.

 

Fusion : réacteurs de petite taille

De toutes les options présentées, je pronostique que ce sont ces réacteurs de fusion de petite taille qui seront la réponse la plus performante aux besoins du monde en énergies non carbonées et non intermittentes.

Les progrès spectaculaires de ces dernières années dans la fusion nucléaire sont attribués au numérique, comme le confirme Chris Hansen, chercheur à l’Université de Washington dans cet article : “Our ability to model and move forward on some of these scientific and technological developments because of increased computing power has really been a difference maker.” (Notre capacité à modéliser et à faire avancer certains de ces développements scientifiques et technologiques grâce à une puissance de calcul accrue a vraiment fait la différence.)

Un rapport très complet, publié par la Fusion Industry Association au Royaume-Uni, fait le point sur l’extraordinaire dynamique de ce secteur. J’en ai extrait quelques graphiques.

23 startups privées ont été créées entre 1992 et 2020. La moitié sont nées entre 2016 et 2020. Ce rapport contient aussi des fiches détaillées sur chacune de ces 23 sociétés.

XNumber of private fusion companies

XWorld Map fusion startupCette carte montre que la majorité de ces startups de la fusion sont aux États-Unis, mais l’Europe avec six sociétés reste dans la course. La société française est Renaissance Fusion, basée à Grenoble.

Les financements sont au rendez-vous, mais à l’échelle des startups :

XFunding for fusion companies● Le total est proche de 2 milliards de dollars, à comparer aux 20 milliards déjà dépensés pour ITER.

● 95% de ces financements sont privés, les États n’apportant que 5%.

● Pour les startups financées, la moyenne des fonds levés est de 100 M$.

● TAE Technologies, en Californie, est la plus financée, avec 880 M$.

XDifferent technical fusion solutions by startupsCe qui m’a le plus frappé dans ce rapport, c’est la grande variété des technologies utilisées par ces startups, comme on le voit dans ce tableau. (Ne me demandez pas de vous expliquer les différences entre ces approches.)

La question à laquelle il est le plus difficile de répondre est : “quand ces petits réacteurs seront-ils opérationnels et connectés au réseau de distribution électrique ?

XWhen Will fusion be connected to the gridCe graphique regroupe les prévisions de ces startups. La majorité des réponses indiquent les années 2030.

Familles de centrales nucléaires 2050Pour terminer ce long chapitre sur l’énergie nucléaire, je vous livre mon pronostic sur la situation telle que je la vois en 2050. (Rappel, je ne suis pas un spécialiste du nucléaire).

 

Les grandes centrales de fission pourraient faire jeu égal avec les petites centrales de fusion, chacune fournissant environ 40% de l’énergie électrique venant du nucléaire.

 

Synthèse

XClimat - Réalité - Acteurs - Offre et demande + Numérique + org InternAu début du premier de ce billet consacré aux défis climatiques, j’avais construit un tableau évaluant quels pourraient être les impacts potentiels des six familles d’acteurs identifiés.

Dans ce nouveau tableau, j’ai ajouté deux colonnes qui présentent la réalité de ces impacts, tels que je les pronostique.

Je fais le pari suivant : numérique et technologies seront les moyens les plus puissants, les plus efficaces pour lutter contre ce réchauffement climatique.
Les cinq autres familles d’acteurs auront aussi des rôles importants à jouer sur l’offre et la demande ; je les mets à égalité, avec trois étoiles chacune.

Pour vous aider à établir de manière plus précise votre propre évaluation des rôles potentiels de ces six acteurs, j’ai aussi construit ce nouveau tableau chiffré :

Climat - Acteurs - Offre et demande + Numérique + Org Intern. - Mon pronostic

● Les deux premières colonnes proposent une fourchette large des rôles possibles, sur l’offre et la demande, des six acteurs.

● Les deux autres colonnes sont utilisées pour que chacun fasse son pronostic. Je l’ai rempli avec les miens pour que vous en ayez un exemple.

● Le total dans chaque colonne doit être égal à 100%.

Nous aurons probablement des visions différentes, et c’est normal.

L’important, c’est que chacun comprenne qu’il y a de nombreux moyens d’action pour attaquer ce défi majeur du réchauffement climatique.

Oui, je souhaite rester optimiste et anticiper un monde qui aura su, en 2030, maîtriser les quatre défis que j’ai identifiés.

Serons-nous capables, au niveau mondial, de nous mobiliser, immédiatement, sans laisser des personnes, des entreprises, des États et des organisations internationales bloquer les décisions urgentes qu’il convient de prendre ?

Je laisse à chaque lecteur le soin de répondre à cette question.


Incendie Global Switch : réflexions sur la résilience des Clouds Publics

 

XData Center Global Switch ClichyL’un des centres de calcul d’un grand hébergeur mondial, Global Switch, situé à Clichy en région parisienne, a été victime d’un incendie dans la semaine du 24 avril 2023. 

Ces incendies sont rares, mais ils se produisent de temps en temps et aucune entreprise n’est à l’abri d’un tel accident dans un centre de calcul, qu’il soit:

  • Géré directement par l’entreprise, “On Premise”.
  • Chez un hébergeur.
  • Sous la responsabilité d’un acteur du Cloud Public.

Cet incendie a immédiatement déclenché une polémique sur la qualité des services proposés par les géants du cloud public américain. Pourquoi? Le Cloud Public GCP de Google a été touché et des services proposés par une “Zone France Paris” ont été indisponibles pendant plusieurs heures.

Mon ami Alain Garnier, PDG de Jamespot, a immédiatement publié sur LinkedIn une vidéo pour commenter cet incident. Il m’a personnellement cité en me reprochant gentiment d'être un “suppôt” des géants du Cloud Public. 

Suppôt, non, mais grand fan, oui. Sur ce point, il a tout à fait raison et je ne m’en suis jamais caché, depuis plus de 15 ans.

Cette mise en cause et cet accident m’ont donné l’envie et l’occasion d’apporter des éclaircissements sur les différentes implantations géographiques des géants du Cloud Public.

C’est un sujet qui est rarement abordé et amène trop d’entreprises à faire des erreurs qu’elles pourraient éviter quand elles travaillent avec les grands acteurs du Cloud Public.

Ce que j'explique dans ce texte est valable pour tous les grands acteurs du Cloud Public, AWS d’Amazon, Azure de Microsoft et GCP de Google. 

 

L’incendie: les faits

XDeux sites touchés par incendieDans la nuit du 25 au 26 avril 2023, un incendie a éclaté dans un des centres de calcul de l’hébergeur Global Switch, situé à Clichy, en région parisienne. Cet incendie a entraîné l’arrêt de ce centre de calcul.

De nombreuses organisations qui hébergeaient leurs services numériques dans ce centre de calcul ont annoncé que ces services étaient indisponibles. Parmi les organisations importantes touchées, on peut citer le service Cybermalvaillance du gouvernement français et la ville de Lille.

C'est à chacune de ces entreprises qu’il incombe la responsabilité d’avoir préparé leur PRA, Plan de Reprise d’Activité. J’espère que c’était le cas pour la majorité d’entre elles.

Mais c’est bien évidemment le “client” Google-GCP de ce centre de calcul qui a retenu l’attention et fait couler le plus d’encre, ce qui est logique.

Un géant du Cloud Public, un “Hyperscaler” qui subit une panne, c’est suffisamment rare pour que la planète numérique française s’en émeuve.

XGoogle Cloud sous l'eau

J’ai un “scoop” pour les personnes qui sont ravies de pouvoir critiquer le supposé manque de résilience des géants du Cloud Public: des pannes, ils en ont en permanence, et j’y reviens longuement dans le prochain paragraphe.

Depuis des années, Google met à la disposition de ses clients un tableau de bord de l’état de fonctionnement de tous ses services, dans chaque région géographique. 

Il est mis à jour en temps réel. Voilà un instantané d’une partie de ce tableau, le 26 avril 2023: il indique clairement que tous les services dans la “Zone Europe-West9, Paris” sont indisponibles.

XPanne GCP France 26:4:2023

Cette zone de GCP est répartie chez quatre hébergeurs différents, comme le rappelle Google dans un communiqué: 

Google Cloud se reposant sur trois autres datacenters de la région parisienne (Interxion, Data4 et Telehouse), la firme a proposé à ses clients de « basculer » temporairement et d’éviter la zone affectée (europe-west9).”

La redondance, le PRA natif font partie des services standards de GCP.
Aucun client n’a perdu de données comme le rappelait Emmanuelle Olivié-Paul, utilisatrice de GCP dans cette zone, dans sa réponse au billet LinkedIn d’Alain Garnier que je cite au début de ce billet.

XPanne GCP France 29:4:2023

Ce deuxième instantané du tableau de disponibilité des services de GCP, pris le 29 avril 2023, montre que la situation est normalisée.

 

Les Clouds Publics, des pannes en permanence

Qui peut croire, ou tenter de faire croire que les infrastructures géantes des fournisseurs de Clouds Publics ne tombent jamais en panne?

Je n’ai jamais, je ne tiendrai jamais un tel discours, ce serait ridicule.

XCloud Downtime 2018 - AWS  GCP  AzureDans un billet de blog publié en 2019, il y a quatre ans, sur le thème “Clouds Publics, la confiance”, j’abordais une fois encore ce sujet. J’avais inséré ce graphique qui mettait en évidence les temps de panne de GCP, AWS et Azure pour l’année 2018.

Toute personne qui essaie de me faire dire le contraire, ou est de mauvaise foi, ou n’a jamais lu mes écrits.

Une étude très récente, publiée en mars 2023 par Parametrix, société spécialisée dans l’assurance des risques numériques, fait le point sur toutes les pannes qui se sont produites en 2022 chez AWS, GCP et Azure.

XParametrix report title Cloud Downtime 2023

J’ai extrait de ce rapport cette phrase qui résume bien la situation:

“In 2022, Parametrix identified a total of 1190 performance disruptions across this cloud landscape. Some 41.4% of these events, 492 in total, were classified by Parametrix as critical.” (C’est moi qui ai mis en gras quelques mots.)

Oui, vous avez bien lu, près de 1200 incidents en une année, plus de 3 par jour! Ils sont nuls, ces géants du Cloud Public!

XParametrix Main Cloud Outages causes 2022Ce graphique, présent dans ce rapport, indique les principales causes de ces incidents.

Les incidents matériels sur les infrastructures physiques, comme les incendies, sont de loin les… moins fréquents, à 8,33%, 3,5 fois moins que ceux causés par des erreurs humaines.

Ce que demandent les clients d’AWS, GCP ou Azure, ce n’est pas qu’ils leur garantissent qu’ils n’auront jamais de pannes, ce qui serait une demande idiote.

Ce que demandent ces clients, c’est qu’AWS, GCP ou Azure mettent en œuvre toutes les procédures et méthodes nécessaires pour les mettre à l’abri de ces pannes inévitables.

XClouds Publics protection des clients des pannes

Et cela, AWS, GCP et Azure le font, et le font très bien!

Ce n’est pas pour cela que les entreprises doivent basculer dans les Clouds Publics sans prendre des précautions importantes, au contraire.

L’une des premières décisions à prendre, et elle est essentielle, c’est de bien choisir la ou les zones géographiques dans lesquelles elles vont déployer leurs applications.

C’est ce que j’analyse dans le paragraphe qui suit.

 

Les différentes familles d’implantation des géants du Cloud Public

Les informations que j’utilise sont publiques; toutes les entreprises peuvent y accéder quand elles doivent choisir leurs fournisseurs d’infrastructures Cloud Public.

Je vais illustrer mon analyse par l’exemple de GCP de Google, qui a été mis en cause à la suite de cet incendie.

Comme je l’ai écrit plus haut, j’aurais pu faire la même démonstration pour AWS ou Azure.

Les fournisseurs de Cloud Public proposent trois grandes familles d’implantations:

  • Les centres de calcul dont ils sont propriétaires et qu’ils gèrent eux-mêmes.
  • Des centres de calcul qui appartiennent à des hébergeurs et où ils localisent une partie de leurs services IaaS.
  • Des points de présence: ce sont des petits sites qui ont pour fonction principale de proposer des accès par fibres optiques à des centres de calcul GCP. Ils sont utilisés pour réduire la latence.

Cette liste, disponible sur le site de GCP, identifie en toute transparence ces différentes familles d’implantations.

XFamilles de centres de calcul Google

Centres de calculs appartenant à GCP

Un grand centre de calcul, construit et géré par GCP, représente un investissement supérieur à 500 millions de dollars et peut atteindre 1 ou 2 milliards de dollars.

Cette carte du monde montre l’implantation des centres de calculs qui appartiennent à GCP.

XCarte Mondiale Centre de Calcul Google

Google dispose de centres de calcul en propre dans 36 régions, réparties sur 109 zones. Ils sont en priorité installés aux Etats-Unis et en Europe.

Centres de calculs “Edge”, hébergés

Pour assurer une présence dans le plus grand nombre possible de pays, Google GCP installe une partie de ses services chez des hébergeurs locaux, comme Global Switch en France.

Dans cette configuration, GCP n’est pas maître de la gestion des centres de calcul, qui est déléguée aux hébergeurs.

C’est ce qui permet à GCP d’annoncer une présence dans plus de 200 pays.

Ce sont souvent des installations “politiques”, réalisées pour répondre aux exigences de certains pays ou entreprises qui exigent que leurs données soient stockées sur leur territoire.

“Edge” ne veut pas dire une installation unique: pour des raisons évidentes de résilience, GCP répartit ses installations “Edge” chez des hébergeurs différents. Dans le cas de Paris, ils sont quatre.

On le voit sur cette carte, où sont aussi indiqués les centres de calcul en périphérie, nommés “Edge".

XGoogle Data Center with Edge ones

Il existe un moyen simple de vérifier si une zone géographique GCP est gérée par Google en direct ou hébergée: il suffit de compter le nombre de services disponibles. Ils sont beaucoup plus nombreux dans les zones gérées en direct par Google.

Cette carte met aussi en évidence un autre investissement majeur de Google, dans les fibres optiques sous-marines.

Points de présence

Sur cette autre carte Google, les principaux points de présence sont visualisés.

XGoogle network with 7500 access point

Google annonce qu’il dispose de 7 500 points de présence dans le monde. C’est une bonne nouvelle. Ceci permet à toute entreprise, où qu’elle soit située, de trouver un point de présence proche qui garantit un accès rapide, par fibre optique, à GCP.

Le cas de l’Europe

En analysant les données fournies par Google, j’ai pu construire ce tableau qui fait le point sur la situation actuelle des implantations de GCP en Europe. Ce n’est qu’une photographie à un instant donné, de nouveaux investissements étant réalisés en permanence.

XData Center Google Europe

Au moment où je publie ce texte, GCP est présent dans la majorité des grands pays européens, dans 35 villes:

  • 6 implantations de centres de calcul appartenant à Google. Ils sont tous situés dans des pays de l’Europe du Nord.
  • 29 implantations “Edge”, hébergés. 
  • C’est le cas de la France, où il n’y a pas de centres de calcul appartenant à Google, mais deux “Edge” à Paris et Marseille. 

Dans le paragraphe qui suit, je présente mes recommandations concernant les différentes options qui s’offrent à une entreprise, publique ou privée, quand elle doit choisir les zones géographiques où elle souhaite déployer ses usages numériques dans un Cloud Public.

 

Recommandations

L’immense majorité des entreprises publiques et privées ont le libre choix du pays où elles peuvent utiliser des services de Clouds Publics, et c’est une très bonne chose.

Il y a quelques exceptions, variables selon les pays.

Listes hébergeurs certifiés HDSEn France, la plus connue est celle liée aux données de Santé. Il est obligatoire d’obtenir une certification HDS, Hébergement de Données de Santé, pour proposer des services dans ce domaine. Comme le montre cette liste officielle, publiée par le ministère de la Santé et de la Prévention, plusieurs centaines d’organisations sont certifiées HDS.

AWS, GCP et Azure font partie de cette liste, et cela ne surprendra personne.

Conséquence: Google est obligé d’utiliser les zones hébergées en France pour les données de santé et ne peut pas les porter sur des centres de calcul qu’il gère en direct.

Pour toutes les autres entreprises, le choix est libre, même s’il y a souvent des pressions politiques pour que l’hébergement ait lieu en France.

Si votre entreprise décide ou préfère héberger ses applications et ses données en France, elle a le choix entre des grands acteurs du Cloud Public, tous présents en France, ou des acteurs français eux aussi présents en France.

Si je fais le choix de travailler avec GCP pour tout ou partie de mes usages numériques, j’ai plusieurs options:

  • Je choisis un “Edge” en France: si tous les services dont j’ai besoin sont disponibles dans cette zone, c’est une piste raisonnable.
  • Je choisis une zone gérée directement par Google, par exemple en Belgique ou aux Pays-Bas. Je suis certain d’accéder à tous les services disponibles et à des infrastructures uniquement dédiées à GCP.
  • Je choisis d’utiliser plusieurs zones pour mes usages. C’est une évidence pour les entreprises qui sont présentes à l’international.

Depuis peu, GCP propose aux entreprises un nouveau service: Cloud Region Picker.

Il permet de choisir la zone où elles peuvent exécuter leurs programmes en tenant compte du poids respectif que l’on donne à trois paramètres:

  • L’impact carbone.
  • Le coût.
  • La latence.

Les réponses varient toutes les 5 minutes, en fonction des conditions météos des différentes zones et des taux d’utilisation des ressources.

GCP Region Picker 2 optionsDans cet exemple, réalisé à Paris le 1er mai 2023 à 13h, j’ai regardé deux options. Dans les deux cas j’ai gardé une latence identique, à 50% d’importance:

  • Option du haut: prix,critère essentiel. Impact carbone, critère pas important.
  • Option du bas: prix, critère pas important. Impact carbone, critère essentiel.

Les résultats sont spectaculaires: GCP propose 4 zones pour chaque option, et ce sont au total 8 zones différentes qui sont proposées.

Je trouve cette initiative excellente et elle n’est disponible que chez les géants du Cloud Public, qui ont des installations dans le monde entier et peuvent faire profiter leurs clients de toutes les possibilités d’ensoleillement ou de vent.

C’est une excellente opportunité pour les entreprises de montrer concrètement qu’elles ont envie d’œuvrer pour une véritable frugalité numérique.

Reste une option que je n’ai pas encore abordée, le multi-cloud. Elle est recommandée par Alain Garnier dans la vidéo dont je parle au début.

Que faut-il en penser?

 

Multi Cloud et résilience

AWS Azure GCP logosUne démarche Multi Cloud consiste à utiliser plusieurs fournisseurs différents de services Cloud pour son entreprise.

C’est une idée vieille comme le monde, celle qui consiste à ne pas mettre “tous ses œufs dans un même panier”.

Est-ce une bonne idée d’utiliser une démarche Multi Cloud pour améliorer la résilience de son Système d’Information en cas d’accidents comme l’incendie de Global Switch?

La réponse est claire: non, non et non!

Pourquoi? Imaginez que vous utilisez GCP pour votre application de gestion commerciale et que le site qui l’héberge prend feu. Combien de temps vous faudrait-il pour trouver une version de cette application compatible avec un autre Cloud comme AWS et l’y déployer? Poser la question, c’est y répondre.

Si la réponse Multi Cloud n’est pas la bonne, quelle démarche faut-il privilégier? 

Elle est beaucoup plus simple, et je l’ai présentée dans ce billet: une démarche multi sites chez le même fournisseur de Cloud. Rien de plus simple! La réplication dans une autre zone géographique prendra instantanément le relais, sans aucun délai.

Ceci ne veut absolument pas dire que la démarche Multi Cloud n’a aucun intérêt, au contraire. La majorité des entreprises avec lesquelles je travaille ont choisi deux ou au maximum trois fournisseurs parmi AWS, GCP ou Azure.

Ce n’est jamais pour répondre à des problèmes de résilience.

Quelles sont les raisons qui militent pour le Multi Cloud?

  • Résilience? Non.
  • Services Clouds de base? Non. Tous les fournisseurs proposent des services de base en calcul, stockage, bases de données qui sont très proches les uns des autres.
  • Services avancés différents? Oui. C’est de loin la raison principale. Chaque grand acteur a des domaines spécialisés pour lesquels il propose des services meilleurs que ses concurrents. C’est le cas avec AWS pour l’informatique industrielle et IoT. C’est le cas pour GCP dans le domaine du Big Data et du décisionnel.
  • Faire jouer la concurrence entre les fournisseurs? C’est parfois le cas, mais moins souvent qu’on ne le croit.

 

Résumé

J’ai eu l’opportunité d’acquérir en France une formation d’ingénieur, qui m’a aidé à avoir des raisonnements scientifiques, rationnels et pragmatiques.

AdS DPC Résilience S 101375048Ce texte ne parle que de la meilleure manière de garantir la fiabilité et la résilience de ses infrastructures dans des Clouds Publics, de garantir une continuité de services quand des catastrophes comme un incendie ou une erreur humaine se produisent, incidents qui sont inévitables.

Traiter les sujets importants, un par un, c’est la seule manière rationnelle de progresser que je connaisse.

Rappel: Il y a de nombreux autres sujets “chauds” quand on aborde le thème des Clouds Publics. Ils ne sont pas traités dans ce texte.

J’ai écrit des dizaines de billets sur mon blog qui parlent de toutes les autres facettes du Cloud Public, et ce depuis 15 ans.

 


Quel terminal pour vos équipes terrain - Deuxième partie

 

AdS DPC FLW with gloves in street S 366931258Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté les principales familles de terminaux disponibles pour répondre aux attentes des équipes terrain.

Dans cette deuxième partie, j’aborde des sujets plus complexes, organisationnels et culturels:

  • Quels sont les modes d’acquisition possibles.
  • Comment prendre en compte la dimension Frugalité Numérique.
  • Quels outils pour gérer et sécuriser les terminaux des équipes terrain.

 

Modes d’acquisition et d’usages

Il existe différentes familles de terminaux pour répondre aux attentes des équipes terrain. Les entreprises ont aussi à leur disposition plusieurs options pour gérer l’acquisition et les usages de ces terminaux. 

Les quatre principales démarches sont:

  • Le mode kiosque.
  • Le terminal managé.
  • COPE : Corporate Owned, Personally Enabled.
  • BYOD : Bring Your Own Device.

Le mode Kiosque

Mode Kiosque SLe mode Kiosque est utilisé quand un terminal est dédié aux seuls usages professionnels. Ne sont installées sur le terminal que la ou les applications nécessaires pour l’activité des collaborateurs. Ceci permet d’avoir un écran simplifié au maximum pour favoriser l’efficacité des usages.

C’est une bonne approche pour des activités très structurées, comme la lecture de codes barres dans un entrepôt ou la livraison de colis.

Dans le mode Kiosque, l’entreprise fournit et gère le terminal mis à disposition du collaborateur terrain.

Terminal managé

Cette démarche est une version plus souple et étendue du mode Kiosque. Même si le terminal n’est utilisé que pour des activités professionnelles, le collaborateur terrain accède à plus d’applications. Il peut s’agir d’applications privées d’entreprises, par exemple pour la collaboration, et d’applications publiques externes comme WhatsApp. L’entreprise peut décider d’interdire certaines applications ou certaines fonctionnalités du terminal. On peut par exemple bloquer l’usage d’une carte SIM si le terminal est utilisé uniquement dans un espace clos comme une usine ou un entrepôt quand le WiFi est disponible partout.

Comme dans le mode Kiosque, c’est l’entreprise qui fournit et gère le terminal mis à disposition du collaborateur terrain.

Démarche COPE: Corporate Owned, Personally Enabled.

On rentre maintenant dans une démarche où le même terminal est utilisé pour des usages professionnels et personnels.

Le terminal est fourni et géré par l’entreprise, mais il est aussi utilisable par le collaborateur pour ses usages personnels, y compris en dehors des lieux professionnels et pendant le week-end ou les vacances.

La démarche COPE peut être utilisée par des entreprises de toute taille.

Deux cas d’usages emblématiques de cette démarche COPE sont ceux de la Poste en France et de Walmart aux Etats-Unis.

FacteoLe projet Facteo de la Poste a été lancé en 2011. Plus de 70 000 postiers sont équipés du terminal “Facteo”, un smartphone Android standard du marché, correspondant à la catégorie “Terminaux grand public durcis” présentée dans la première partie de cette analyse.

On trouve sur Facteo:

  • Des applications professionnelles à l’usage des facteurs: demandes de congés…
  • Des applications professionnelles tournées vers les clients.
  • Des applications personnelles, clairement séparées des usages professionnels.

Walmart employee image 740 000 & freePlus récemment, en 2021, le distributeur américain Walmart a décidé d’équiper ses “associates”, en clair tous les collaborateurs terrain, avec un smartphone en mode COPE et une “Super App”, me@walmart, qui regroupe tous les usages possibles dans une seule application.

En 2021, ce sont plus de 740 000 collaborateurs qui ont été équipés d’un smartphone Samsung, qu’ils peuvent utiliser en remplacement de leur smartphone personnel s’ils le souhaitent.

Tous les coûts sont pris en charge par Walmart.

Démarche BYOD: Bring Your Own Device

Le BYOD est l’inverse de COPE: le terminal appartient au collaborateur, qui l’utilise aussi pour ses activités professionnelles.

L’entreprise participe au coût du terminal en remboursant tous les mois au collaborateur une somme liée au terminal et aux coûts réseau. La démarche du forfait mensuel, indépendant du prix du terminal, est celle qui est la plus fréquemment utilisée.

Couverture livre BYODDès 2011, j’avais abordé le thème du BYOD, qui semblait promis à un bel avenir.

En 2014, j’avais écrit la préface du premier livre publié en France sur le thème du BYOD.

Si la démarche BYOD est souvent utilisée dans les startups et les entreprises du numérique, elle est très peu répandue dans les entreprises moyennes et grandes et plus souvent en France que dans d’autres pays.

Il y a plusieurs freins à la diffusion d’une démarche BYOD:

  • Difficulté pour l’entreprise de gérer des terminaux qui ne lui appartiennent pas.
  • Réticence des équipes informatiques et en particulier des responsables de la sécurité à voir des terminaux non gérés accéder aux réseaux et applications de l’entreprise.
  • Complexité administrative et fiscale sur la manière de traiter le remboursement fait au collaborateur.

Les entreprises qui acceptent le principe d’un terminal unique pour les usages professionnels et personnels choisissent en priorité une démarche COPE plutôt que BYOD.

La gestion d’un parc de terminaux mobiles pour les équipes terrain pose des questions que l’on rencontre moins souvent avec les équipes bureaux car les modes d’usages sont très différents. L’immense majorité des terminaux mobiles des collaborateurs bureaux leurs sont affectés de manière permanente.

Les principales questions qui se posent:

  • Peut-on avoir un parc de terminaux mobiles banalisés, non liés à une personne? Réponse, oui. C’est souvent le cas pour les usages en mode Kiosque. Le secteur de la logistique où les chauffeurs-livreurs sont des personnes externes en est un bon exemple.
  • Est-il possible d’avoir des terminaux mobiles en libre-service ? Réponse, oui. Cette approche est par exemple utilisée quand le travail se fait en continu, avec des personnes différentes qui occupent un même poste de travail à différentes heures de la journée, dans l’industrie, le commerce ou la logistique.
  • Est-ce que les équipes terrain ont besoin d’une adresse email avant d’être équipées? Réponse, non. Un grand nombre de collaborateurs terrain n’utilisent pas le mail.
  • Simple SIM ou double SIM dans le cas d’un terminal COPE ou BYOD: il est possible de séparer sur un terminal mobile les usages professionnels et personnels même quand une seule carte SIM est utilisée. Le principal avantage d’une double SIM, c’est la capacité d’identifier sans ambiguïtés les coûts réseau professionnels et personnels. 

 

Dimension Frugalité Numérique

Pendant longtemps, la question de la frugalité ou sobriété numérique n’était pas posée dans les entreprises. Elle devient aujourd’hui une priorité, et personne ne va s’en plaindre.

C’est un sujet que j’ai souvent abordé; ce billet de blog est consacré à la frugalité numérique des terminaux.

Concernant les terminaux, toutes les études récentes et sérieuses sur les thèmes de la frugalité numérique sont d’accord sur deux points essentiels:

  • Les postes de travail sont la principale source d’impact sur la planète.
  • La construction du terminal a plus d’impacts que son usage.

Ce graphique, tiré d’une étude publiée par le CIGREF (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises) confirme que:

CIGREF -ADEME terminaux réseaux Data centers

  • Les terminaux représentent plus de 75% des impacts du numérique, beaucoup plus que les réseaux ou les centres de calcul.
  • La phase de fabrication peut représenter jusqu’à 80% des impacts du numérique.

Aujourd’hui, l’équipement avec un terminal des collaborateurs terrain ne peut plus se faire sans prendre en compte cette dimension frugalité numérique.

Ceci pose deux questions:

  • Durée d’utilisation des terminaux.
  • Nombre de terminaux par personne.

Durée d’utilisation des terminaux

On l’a vu dans la première partie, le smartphone est le terminal dominant pour les équipes terrain.

En Europe, la durée d’utilisation moyenne d’un smartphone est de trois années, comme le montre cette étude. Dans les entreprises, ils sont utilisés en priorité par les collaborateurs bureaux.

Smartphones numbers - Frugalité

Dans cette hypothèse de trois années pour un smartphone:

  • Les ¾ de ses impacts sur la planète sont liés à sa fabrication.
  • ¼ seulement des impacts est créé par les usages.

Comparé au monde du bureau, le monde du terrain est un bien meilleur élève! Les terminaux utilisés aujourd’hui, spécialisés ou professionnels durcis, ont une durée de vie utile au moins égale à 5 années.

Lorsqu'un smartphone est utilisé pendant 5 ans ou plus:

  • Sa fabrication ne représente plus que 50% des impacts sur la planète.
  • Son usage a le même impact que sa fabrication, 50%. Ce sont des chiffres que l’on retrouve pour les PC portables dont la durée d’usage moyenne est de cinq ans.

Chaque année d’usage gagnée est une excellente nouvelle pour la planète.

L’utilisation de plus en plus fréquente de terminaux grand public durcis ne devrait pas trop impacter cette durée d’usage. Ils peuvent eux aussi être utilisés sans difficulté pendant cinq ans ou plus.

La frugalité numérique, c’est une raison de plus pour ne pas utiliser de terminaux grand public d’entrée de gamme ; leur fiabilité n’est pas suffisante pour un usage professionnel de cinq années ou plus.

Nombre de terminaux par personne

Deux smartphones par personne, c’est une très mauvaise idée!

Même si la durée de vie est portée à 5 ans, deux smartphones utilisés par la même personne représentent un impact sur la planète de 150, comparé aux 100 dans le cas de l’usage d’un seul smartphone:

  • 50% pour la fabrication de chaque smartphone = 100% pour deux.
  • 50% pour son utilisation. 

C’est 50% de plus!

Tous les collaborateurs terrain sont aujourd’hui équipés d’un smartphone personnel.

Comment éviter le doublement du parc de smartphones lors de l’équipement des collaborateurs terrain?

La démarche la plus logique serait de basculer en BYOD. Le collaborateur garde son smartphone personnel et l’utilise aussi pour ses usages professionnels. Comme on l’a vu plus haut, la démarche BYOD est difficile à mettre en œuvre, en particulier dans les grandes entreprises.

La deuxième approche raisonnable est de proposer un smartphone COPE aux collaborateurs terrain. Il faut en même temps les encourager à se séparer de leur smartphone personnel existant. Pour le faire, il y a plusieurs pistes:

  • Leur demander de le transmettre autour d’eux à une personne qui n’est pas encore équipée.
  • Le vendre sur une des nombreuses plateformes qui proposent des smartphones de seconde main.
  • Au minimum, s’il est en fin de vie, le rapporter à un organisme qui le détruira, mais en récupérant tous les composants encore utiles, et en particulier les métaux rares.

Cette démarche COPE ne peut pas être utilisée quand on déploie des terminaux spécialisés type ATEX ou terminaux durcis professionnels. Elle prend tout son sens chaque fois qu’un téléphone grand public durci peut être choisi.

Fairphone 4Bonne nouvelle: le smartphone européen Fairphone 4 fait partie des modèles qui sont “Android Enterprise Recommended”. Les smartphones Fairphone ont été les premiers au monde à être conçus dès l’origine pour être facilement réparables et évolutifs.

Les entreprises qui ont communiqué auprès de leurs collaborateurs, bureaux et terrain, pour expliquer les impacts des terminaux sur la planète ont toutes été entendues et comprises par ces collaborateurs. Ceci facilite beaucoup l’acceptabilité d’une démarche COPE. Il faut simplement que ces collaborateurs soient rassurés sur l'étanchéité absolue entre les deux espaces professionnels et personnels.

C’est le sujet du prochain paragraphe.

 

Gérer et sécuriser les terminaux

EMM (Enterprise Mobility Management), anciennement MDM (Mobile Device Management), des solutions pour la gestion d’un parc de terminaux existent depuis des dizaines d’années.

EMM leaders Multi OSLes leaders historiques de ce marché, que l’on retrouve sur ce quadrant magique du Gartner, sont Microsoft, IBM, Ivanti…

On peut regrouper les fonctionnalités des outils EMM en quelques grandes familles:

  • Gestion du terminal:
    • Déploiement sur le terrain.
    • Maintenance à distance.
    • Bloquer de manière définitive un terminal perdu ou volé.
    • Permettre ou non l’usage des caméras.
    • Réseaux autorisés: 4G ou 5G, WiFi, Bluetooth…
    • Géolocalisation.
    • Geofencing: limiter la zone géographique où il peut être utilisé.
  • Management des applications:
    • Choix et contrôle des applications autorisées.
    • Déploiement automatique des applications autorisées et leurs mises à jour.
  • Gestion des données:
    • Transfert automatique vers des fichiers centraux.
    • Horodatage des données.
    • Effacement à distance.
    • Utilisation d’outils de chiffrement.
  • Gestion des utilisateurs:
    • Inscription, suppression, modifications.
    • Identification: email, numéro de téléphone…
  • Tableaux de bord pour suivre les indicateurs essentiels.

Quand les démarches COPE ou BYOD sont mises en œuvre, une autre fonction des EMM devient essentielle: garantir l’étanchéité absolue entre les deux espaces, personnel et professionnel.

COPE WOrk profile personal profile

Sur ce schéma, on visualise le même terminal en mode COPE, dans trois situations différentes:

  • 1 : Le container personnel avec les applications choisies par le collaborateur.
  • 2 : Le container professionnel avec les applications de l’entreprise.
  • 3 : Le container professionnel mis en veille pour le WE.

Le collaborateur terrain doit être convaincu que l’entreprise ne pourra pas “espionner” ses usages personnels. Les EMM le font très bien, mais… Il reste un problème de confiance, particulièrement aigu en France.

L’entreprise devra réaliser un gros travail pour:

  • Rassurer les collaborateurs.
  • Convaincre les organismes sociaux et les syndicats.
  • Garantir le droit à la déconnexion professionnelle, pour les personnes qui le souhaitent.

Combien de logiciels de gestion de parc de terminaux?

C’est une question qui est souvent posée: faut-il un seul outil EMM pour gérer toutes les familles de terminaux, tous les OS, des équipes bureaux et terrain, ou est-il plus efficace et plus économique de déployer plusieurs EMM adaptés à chaque famille?

Tous les grands leaders cités par le Gartner sont “multi OS”: Windows, macOS, Linux, Android et iOS.

Ceci n’a pas entravé le succès d’EMM spécialisés: un bon exemple est JAMF, spécialisé dans tous les terminaux proposés par Apple.

La question se repose, avec la prévision de croissance massive du nombre de terminaux pour les équipes terrain.

Les collaborateurs dans les bureaux utilisent des terminaux très différents:

  • PC Windows.
  • PC Apple.
  • Chromebooks.
  • Smartphones iOS ou Android.
  • Tablettes Windows, iOS ou Android.

Ils sont souvent équipés de deux, voire trois terminaux différents.

A l’inverse, les collaborateurs terrain sont équipés d’un seul terminal:

  • Smartphones ou tablettes Android dans plus de 80% des cas.
  • Smartphones ou tablettes iOS dans environ 15% des cas.

EMM - Best of Breed vs IntegratedLes informaticiens ont toujours eu une forte préférence pour l’unicité des solutions, le Master PC, les ERP intégrés…démarches qui sont censées leur faciliter la vie.

Le débat permanent, intégré versus “Best of Breed”, se pose aussi pour les EMM.

Dans le domaine des EMM pour les équipes terrain, qui est le sujet de ce billet,  j’encourage les entreprises à peser le pour et le contre d’un EMM dédié aux terminaux des équipes terrain. Quand il s’agit de parcs importants, les solutions spécialisées sont plus efficaces et surtout… beaucoup plus économiques.

 

Exemple d’un EMM terrain “best of breed”, WizyEMM

(Rappel: WizyEMM est une solution SaaS construite par Wizy.io, entreprise dont je suis l’un des cofondateurs.)

WizyEMM a été développé au départ pour répondre aux attentes de Chronopost et du groupe DPD, un grand transporteur européen. Ils cherchaient un EMM performant et économique lors du renouvellement de leur parc de terminaux pour les équipes terrain, qui basculait de Microsoft CE vers Android. WizyEMM est aujourd’hui déployé chez ce transporteur sur des dizaines de milliers de terminaux Android, dans plusieurs pays européens.

WizyEMM est parti d’une feuille blanche, au moment où Google avait décidé de reprendre la main sur le marché des terminaux Android en fixant des règles communes à minima, pour tous les EMM.

WizyEMM est donc un des premiers EMM de nouvelle génération, ce qui lui procure des avantages importants:

  • Nativement Cloud SaaS, multi tenant, sur GCP, le Cloud Public de Google.
  • Conforme aux recommandations les plus récentes d’Android.
  • Utilise l’agent natif de Google (AMAPI), ce qui permet d’être compatible, par défaut, avec tous les équipements recommandés par Android Entreprise.
  • S’adapte à des parcs de terminaux très variés, de constructeurs différents.
  • Permet de pousser automatiquement les mises à jour. Lorsqu’Android annonce une nouvelle version, elle est immédiatement déployable dans les parcs installés gérés par WizyEMM.
  • Tableau de bord WizyEMM exempleFacilite les mises à jour à distance de tous les logiciels d’un terminal, ce qui évite le retour physique des terminaux dans les bureaux centraux.
  • Capacité pour les clients d’exporter toutes les données d’utilisations des terminaux dans l’entrepôt de données BigQuery de Google et de créer des tableaux de bord sur mesure. Cette capture d'écran illustre cette possibilité. Les données ont été floutées car ce tableau correspond à un cas réel d'un client de WizyEMM.

Flexibilité dans les modes de facturation

L’autre domaine important dans lequel WizyEMM a innové est celui des modes de facturation disponibles, très flexibles:

  • Mensuel ou annuel, la démarche classique de tous les EMM du marché.
  • Pay as you Go: sans engagement préalable, au fur et à mesure que les terminaux sont mis en fonctionnement.
  • Lifetime : pour toute la durée de vie du terminal. Ceci permet de passer dans un mode de financement en CAPEX, pour les entreprises qui souhaitent réduire leurs dépenses en OPEX. Cette option intéresse beaucoup les directions financières.
  • Possibilité, pour les grands clients, de créer une instance Cloud dédiée, option choisie par le Groupe DPD dont fait partie Chronopost.

 

Résumé

L’équipement des équipes terrain d’un terminal mobile est un préalable à tout déploiement d’applications numériques adaptées à leurs attentes.

La bonne nouvelle: les options sont nombreuses et opérationnelles:

  • Familles de terminaux.
  • Modes d’acquisition et d’usages.
  • Solutions pour gérer et sécuriser les terminaux.
  • Possibilités de concilier efficacité et protection de la planète.

AdS DPC WIn WIn  Cube S 76918148Tout ceci ne doit pas vous faire oublier l’essentiel: s’ils ne le sont pas encore, l'équipement de tous vos collaborateurs terrain avec un terminal numérique doit faire partie de vos priorités.

Pour eux, pour votre entreprise, pour votre efficacité et votre rentabilité, c’est l’un des meilleurs investissements que vous pourrez faire, dès cette année.


Jumeaux numériques : la France du Numérique qui gagne

 

Xio-base annonce biarritzJeudi 22 septembre 2022, j’ai eu le plaisir de participer à la journée organisée à Biarritz par Teréga Solutions pour présenter leur solution numérique io-base.

Avec GRTGaz, Teréga est l’un des deux grands acteurs français du transport de gaz, sujet au combien stratégique en ce moment! Les installations gérées par Teréga représentent plus de 5 000 km de tuyaux de transport de grandes dimensions, à haute pression.

XTeréga stockage lussagnet gaz STeréga est aussi, comme Storengy, un acteur clé du stockage de gaz, avec comme principal site celui de Lussagnet, dont l’origine remonte aux gisements de gaz de Lacq. Lussagnet dispose d’une capacité de stockage de 3GNm3.

Teréga a démarré en 2017 une exceptionnelle et très rapide Transformation Numérique, que j’ai eu le grand honneur d’accompagner. Comme toute Transformation Numérique moderne, elle s’appuie sur l’usage intensif des Clouds Publics, AWS et GCP dans le cas de Teréga.

Très rapidement, les dirigeants de Teréga ont décidé que les infrastructures physiques de transport et stockage de gaz devaient rester à 100% déconnectées du Cloud et d’Internet. Toute cyberattaque réussie sur ces infrastructures physiques pourrait entraîner la mort de nombreuses personnes.

La démarche de construction d’un jumeau numérique c'est imposée comme la seule réponse solide et pérenne à ces dangers.

La solution io-base, développée au début pour les usages internes de Teréga, est ensuite devenue un produit numérique, commercialisé par la filiale Teréga Solutions.

Dans ce billet, je vous propose de:

  • Rappeler les principes des jumeaux numériques.
  • Comprendre les avantages de la solution io-base.
  • Découvrir quelques premiers usages d’io-base.
  • Voir comment la France peut s’appuyer sur io-base pour devenir un leader européen et mondial des solutions de jumeaux numériques.

 

Jumeaux numériques : principes de base

Le principe du jumeau numérique est simple: il s’agit de construire une “image numérique” d’une installation physique.

Ce schéma en présente les principaux composants.

XPrincipe Jumeau numérique

Sur la partie gauche, j’ai représenté l’environnement physique:

  • Des équipements à piloter: la variété de ces installations est grande.
    • Installation de transport et de stockage de gaz, d’eau ou d’électricité.
    • Hôpitaux et établissements de santé.
    • Réseaux ferroviaires ou de métro.
    • Usines de traitement de matières nucléaires.
  • Des informations à saisir. Des capteurs de pression, de vitesse, de vibration… envoient les mesures dans des bases de données. La variété des données, des outils de saisie et le fait que ce sont souvent des technologies numériques très anciennes rendent complexe cette saisie de données.
  • Des logiciels d’analyse de ces données, regroupées sous le nom de SCADA, vont ensuite permettre d’agir sur les installations physiques.
  • La seule manière efficace de protéger ces installations physiques des cyberattaques est de les déconnecter à 100% d’Internet et du Cloud. Une seule porte d’entrée ouverte suffit pour créer un risque majeur. Elles doivent donc impérativement être “on premise”, sur des infrastructures numériques, serveurs, réseaux et objets d’accès qui n’ont aucun lien vers le monde extérieur.

Sur la partie droite, on trouve le jumeau numérique:

  • La flèche verte indique que l’on recopie 100% des données venant de l’environnement physique dans une base de données externe.
  • La flèche rouge montre qu’il est impératif d’interdire tout retour d’information depuis le jumeau numérique vers l’informatique “on premise”.
  • Ce jumeau numérique est construit dans les Clouds Publics, pour avoir accès à toute la puissance de calcul et de stockage dont on a besoin dans les IaaS, Infrastructures as a Service.
  • Le jumeau numérique reçoit aussi les données externes dont on a besoin pour gérer efficacement les installations physiques: météo, demandes des clients et des fournisseurs… Ceci est représenté par la flèche jaune.
  • L’entreprise peut utiliser toutes les ressources logicielles disponibles dans les Clouds Publics en SaaS, Software as a Service, et créer les applications métiers indispensables avec les outils PaaS, Platform as a Service.

Au milieu, j’ai représenté le poste de pilotage des installations physiques:

  • Les personnes responsables de ce pilotage disposent de deux écrans, l’un relié au SCADA, l’autre au jumeau numérique.
  • Ces deux écrans sont totalement indépendants: aucune donnée ne peut passer de l’un à l’autre.
  • L’écran du jumeau indique les opérations à réaliser sur les installations physiques. La personne utilise ensuite l’écran relié au SCADA et aux équipements pour exécuter les opérations nécessaires.

 

Les apports de io-base aux jumeaux numériques

Cette journée io-base du 22 septembre 2022 avait pour objectif de démontrer que cette solution numérique avait atteint un niveau de maturité suffisant pour pouvoir être déployée dans toutes les entreprises ayant besoin d’un jumeau numérique, et elles sont nombreuses!

Objectif réussi.

Teréga Solutions avait construit une maquette de démonstration pour simuler le pilotage d’une installation fournissant des énergies renouvelables, éoliennes et solaires.

Xio-base maquette éolienne + panneau solaire

Sur cette maquette, on trouve, de bas en haut:

  • La partie réseau qui communique avec les installations physiques.
  • La “box” Indabox, l’innovation technologique inventée et brevetée par Teréga Solutions. Elle comporte trois composants physiques indépendants:
    • Un connecteur qui capte les données venant des installations physiques.
    • Un boîtier qui fait office de “diode numérique” en permettant le passage de données dans un seul sens, du physique vers le jumeau numérique.
    • Un connecteur qui envoie les données vers le jumeau numérique.
    • C’est Indabox qui garantit que la flèche rouge sur mon schéma d’un jumeau numérique est bien protégée.
  • La partie réseau qui communique vers le jumeau numérique.
  • En haut, un panneau solaire et un ventilateur utilisés pour simuler les sources d’énergies renouvelables.

Avec Indabox, Teréga propose une solution unique au monde qui sécurise parfaitement les échanges entre les installations physiques et les jumeaux numériques.

Xio-base jumeau numérique éolienne + solaireSur ce graphique, produit en temps réel par le jumeau numérique, on visualise la production d’énergie par les éoliennes et les panneaux solaires. Il suffisait de passer sa main devant le panneau solaire pour voir immédiatement la production d’énergie se réduire.

J’ai une excellente nouvelle pour toutes les entreprises qui gèrent des infrastructures physiques critiques qu'il faut impérativement sécuriser: elles peuvent maintenant créer leur jumeau numérique en toute confiance.

Quand la France innove dans le numérique, je suis vraiment très heureux de pouvoir en parler et en faire la promotion.

 

Importance de la logique d’indépendance dans les architectures numériques

Les lecteurs de mon blog sont familiarisés avec le modèle B I S D que j’utilise depuis de nombreuses années:

  • I = Infrastructures
  • B = Usages cœur métier (Business)
  • S = Usages Support, universels
  • D = Données

XBISD Indépendances Dans la logique de ce modèle, je milite aussi pour créer une indépendance aussi forte que possible entre:

  • Les infrastructures et les données.
  • Les usages et les données.

C’est ce que j’ai représenté sur ce schéma.

La création d’un jumeau numérique confirme à quel point cette double démarche BISD et indépendances est au cœur des architectures numériques modernes.

Que ce soit dans l’environnement industriel ou dans le jumeau numérique, ces indépendances infrastructures, données et usages permettent de créer des jumeaux numériques pour tout type d’entreprise, dans toutes les configurations envisageables.

Quand Indabox transmet les données depuis le monde industriel vers le jumeau numérique, elle ne fait aucune hypothèse sur les solutions techniques utilisées pour gérer les données dans le jumeau numérique.

XJumeau numérique - indépendances

Ces données, une fois disponibles dans le jumeau numérique, pourront être utilisées pour des dizaines de cas d’usages différents, que l’on n’a pas à définir à l’avance.

C’est ce que l’on va découvrir dans les paragraphes suivants.

 

Jumeaux numériques au service de la Frugalité Numérique

L’objectif initial de Teréga en créant son jumeau numérique était de sécuriser ses infrastructures industrielles, et cela reste un objectif prioritaire.

Très vite, Teréga a aussi entrepris une démarche ambitieuse de frugalité numérique et, plus généralement, de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

Xdominique mockly S biarritzDans son intervention pendant cette journée, Dominique Mockly, PDG de Teréga, a présenté les objectifs très ambitieux de l’entreprise dans ces domaines pour 2050:

  • Teréga 100% décarboné.
  • 100% du gaz transporté décarboné.
  • Et bien sûr, le numérique est indispensable pour réussir ces deux défis.

Les données transmises au jumeau numérique permettent maintenant à Teréga de suivre tous ses usages et d’améliorer immédiatement la frugalité des installations industrielles existantes. Cet usage au service de la frugalité numérique n’était pas prévu au départ, mais a été rendu possible par la mise disposition des données dans le jumeau numérique.

Xio-base daniel widera et emilie boucher SDans leur intervention qui a suivi, Daniel Widera, Directeur Transformation, Digital et Performance chez Teréga et Emilie Bouquier, Directrice de la Business Unit Multi-énergie et Digital de Teréga Solutions ont présenté les résultats impressionnants obtenus dans la réduction de la consommation d’énergie des infrastructures serveurs et réseaux de Teréga: 96%!

Sur le même sujet de la frugalité numérique, ou plutôt de la sobriété numérique pour utiliser leur vocabulaire, un représentant du CIGREF (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises) a fait le point des travaux de leur groupe de travail sur ce thème. Un nouveau rapport, en complément de celui déjà produit en 2021, devrait être publié rapidement.

XCIGREF Sobriété Numérique 100 bonnes pratiques

La suite logique de cette réunion me paraît évidente: 100% des entreprises du CIGREF qui gèrent des infrastructures industrielles, et elles sont nombreuses, peuvent déployer en 2023 un jumeau numérique en utilisant la solution française io-base proposée par Teréga Solutions!

 

Exemples d’usages des jumeaux numériques

Deux tables rondes ont clôturé la matinée.
La première était consacrée aux usages de la solution io-base. J’ai choisi de parler de deux des cas présentés.

XIo-base table ronde usages

Raphaël Di Pace est directeur de projets chez IDEC Groupe. Ils installent des panneaux solaires sur les toits des entrepôts logistiques qu’ils construisent. io-base sera utilisé pour gérer et commercialiser la production d’électricité par ces installations.

Bernard Plano est maire de Lannemezan et Président de ESL, Energies Services Lannemezan, fournisseur de gaz, d’électricité et d’eau pour sa ville. io-base sera utilisé pour optimiser, mesurer et réduire les consommations dans ces trois domaines. Comme il l'a déclaré: “tous les maires de France sont concernés”. 

Et un beau marché de plus pour io-base!

 

Un écosystème de partenaires technologiques pour io-base

Teréga Solutions a fait le choix intelligent de créer un écosystème de partenaires technologiques pour accompagner la croissance des activités autour d’io-base.

Plusieurs d’entre eux ont participé à la deuxième table ronde, dont:

Xio-base table ronde technologique participants

  • AWS, le Cloud Public utilisé pour le jumeau numérique. C’est un choix logique, quand on connaît l’avance d’AWS dans le domaine des usages industriels des Clouds Publics par rapport à ses grands concurrents.
  • MP Data, spécialiste des solutions de gestion d’installations industrielles dans le secteur de l’énergie. Un des cas d’usages concerne les fermes d’éoliennes. La casse d’une pale se traduit par une immobilisation de plusieurs mois. Il existe de nombreux capteurs sur ces installations, mais les données ne sont pas utilisées. Avec io-base, il est possible de faire de la maintenance préventive dans le jumeau numérique et d’éviter ces pannes en anticipant les réparations nécessaires.
  • Yogosha est un acteur innovant du monde de la cybersécurité. Ils font travailler des “hackers éthiques" pour tester la robustesse des solutions numériques. Teréga Solutions utilise ses services. C’est une bonne assurance qualité pour les clients potentiels de io-base! 

 

Quels potentiels pour la France et l’Europe, immédiatement

Vous l’avez compris, construire des jumeaux numériques est urgent et indispensable pour protéger toutes les organisations dont l’attaque de leurs installations techniques par des cybercriminels pourrait avoir des conséquences dramatiques pour la vie de leurs clients ou des populations.

Avec io-base, la France dispose d’une solution innovante, unique au monde et opérationnelle qui permet de construire en toute sécurité des jumeaux numériques.

Je vois trois priorités pour l’année 2023:

  • Les entreprises qui gèrent de grands réseaux de transport d’énergie, gaz, électricité, pétrole…
  • Toutes les organisations qui gèrent la distribution de l’eau en France. À côté des géants du secteur, il y a des centaines de petites entreprises ou de mairies qui font ce métier et n’ont ni les compétences ni les ressources pour protéger efficacement leurs installations contre des cybercriminels de plus en plus performants.

Xads dpc digital twin hospital S 383178062

  • Et … les hôpitaux! Il y a plus de 1500 établissements hospitaliers en France, et aucun, j’insiste, aucun, n’est aujourd’hui capable d’isoler efficacement ses installations opérationnelles auxquelles sont reliés les personnes soignées. Combien faudra-t-il de morts avant que l’on prenne les décisions qui s’imposent?

Face à l’urgence et à la gravité des menaces qui pèsent sur ces milliers d’installations industrielles, je propose que tous les organismes publics qui ont le pouvoir d’agir dans ce domaine, ministères, ANSSI et autres, changent immédiatement leurs positions sur ces sujets et décrètent que:

  • Tous les systèmes informatiques qui gèrent les infrastructures industrielles sont déconnectés à 100% d’Internet et du Cloud. À 100% et pas à 99%!
  • La construction d’un jumeau numérique dans les Clouds Publics opérationnels aujourd’hui est possible et encouragée. L’anathème porté par trop de responsables politiques français contre les Clouds Publics sous le prétexte idiot qu’ils sont américains doit cesser, et vite.
  • La solution française io-base est utilisée pour tous ces jumeaux numériques, pour garantir l’inviolabilité des informatiques industrielles.

Tout ceci est possible, dès 2023, en utilisant les technologies et solutions numériques existantes sur le marché.

Dans mon billet de blog “j’ai mal à mon Europe du Numérique”, publié fin 2021, j'ai identifié sept DC2E (Digital Commando of Excellence in Europe), domaines dans lesquels l’Europe et la France doivent concentrer leurs efforts.
Les jumeaux numériques sont en quatrième position dans cette liste.

Je reviens de cette journée io-base à Biarritz encore plus optimiste sur la possibilité pour la France de devenir un leader mondial du numérique dans la construction des jumeaux numériques.

L’avance prise par la France dans ce domaine peut ensuite s’exporter dans… 100% des pays du monde. Ils ont tous, absolument tous, les mêmes défis urgents de sécurité à résoudre.

Réussir cette percée technologique spectaculaire dans le monde numérique ne demande pas d’investissements qui se mesurent en milliards d’euros et dizaines d’années. Toutes les solutions sont disponibles pour passer à l’action, dès 2023.

AdS DPC Change mind set Cloud 315679727La seule chose qui manque, mais c’est hélas la plus difficile à rencontrer, c’est le courage politique des décideurs en France.

Pour cela, ils doivent remettre en question des dogmes dangereux et démodés sur ce que sont les bonnes pratiques en matière de sécurité numérique des organisations.

Est-ce que je serai écouté?
Est-ce que je serai entendu?

Est-ce que les idées simples et opérationnelles que je propose aujourd’hui seront mises en œuvre?

 


Frugalité Numérique: les usages

 

XCitroën AMI CargoJ’ai déjà publié sur ce blog plusieurs billets sur le thème de la Frugalité Numérique. Ils traitaient tous des infrastructures numériques, qui consomment de l’énergie et des matières premières:

J’ai aussi publié deux billets plus généraux sur les technologies et la planète:

Il y a quelques jours, le Président Emmanuel Macron a parlé de “La fin de l’abondance et de l’insouciance”. Ceci m’a donné l’envie de revenir sur ce que peut faire le numérique pour répondre à ces préoccupations.

Ce nouveau billet aborde le thème des usages numériques, des applications. 

Ces usages ne consomment pas directement de l’énergie, mais mettent en œuvre des infrastructures qui, elles, consomment énergie et matières premières.

Comme la majorité de mes textes, je me concentre sur les usages professionnels, domaine dans lequel j’ai une raisonnable compétence. Je n’aborderai pas le sujet des usages personnels.

Je m’adresse donc aux dirigeants, aux DSI et à tous les collaborateurs d’une entreprise pour les aider à mieux comprendre comment ils peuvent avoir une utilisation efficace du numérique tout en ayant un impact positif sur la planète.

 

Frugalité ou Sobriété

XAdS DPC Sobriété vs Croissance S 65326193Faut-il parler de frugalité numérique ou de sobriété numérique? Deux camps se livrent un combat “à mort” pour savoir quelle est la bonne expression!       

Cet article récent, août 2022, compare les deux expressions.

Il fait référence à un texte de 2019 d’Hervé Chaygneaud-Dupuy. J’aime bien la manière dont il différencie ces deux concepts, très proches. Je cite:

 La sobriété c’est l’économie des ressources dans une logique de remise en cause volontaire de la société de consommation. C’est avant tout une démarche d’ascèse personnelle.”

“La frugalité c’est la capacité à faire fructifier les ressources dont on dispose sans en abuser. C’est la conception d’un système économique viable et durable à la manière dont est conçue l’économie jugaad des indiens.”

Chacun de nous choisit l’expression qui lui paraît la plus pertinente. De mon côté, j’ai une préférence pour la frugalité, que je perçois comme moins punitive.

Sobriété ou frugalité numérique, l’important ce ne sont pas les mots choisis, mais les actions que les entreprises mettent en œuvre pour réduire leurs impacts carbone liés au numérique.

 

Frugalité Numérique en 2022 : des discours nuls, aberrants, dangereux

Je suis atterré quand je lis ou entends ce qui se dit sur la Frugalité Numérique. C’est du grand n’importe quoi!

Des personnes, des associations ont un a priori fort, le numérique est mauvais pour la planète. Elles s’expriment pour jeter l’anathème sur le numérique et démontrer que “moins de numérique, c’est bon pour la planète”.

Je vais l’illustrer par cette vidéo d’une conférence donnée devant des étudiants par l’une des grandes vedettes de la défense de la planète, Mr Jean-Marc Jancovici.

Sa réponse à une question sur le télétravail (1h 23), c’est une critique des usages vidéos d’Internet, considérés comme des pertes de temps: Netflix, porno, YouTube… C’est un grand moment… de bêtise.       

Regarder un film sur Netflix, c’est meilleur pour la planète que d’acheter un DVD que l’on regardera le plus souvent une seule fois.

Tout est dit dans cette phrase méprisante: " Dans le digital, on va trouver essentiellement des gadgets”.

C’est un message dangereux, faux et qui fait partie de ce grand mouvement de rejet de l’innovation et du progrès.

Ce graphique illustre parfaitement les absurdités qui sont dites sur la nocivité du numérique.

XDifférentes mesures CO2 30 minutes Netflix

Il donne les évaluations d’émissions de CO2 correspondant à la visualisation d’une vidéo de 30 minutes sur Netflix.

Le “célèbre” Shift project français y est cité deux fois:

  • Sa première évaluation, encore trop souvent reprise, annonçait 16 kg de CO2!
  • Devant la levée de boucliers des scientifiques qui démontrent l’absurdité de ce chiffre, ils ont “révisé” leurs calculs pour arriver à 2 kg, huit fois moins.
  • Comme le montrent les chiffres plus sérieux de grands pays et de l’UEA (Energy Agency), les chiffres réels sont beaucoup plus bas.
  • Dans le billet de mon blog sur les réseaux, référencé plus haut, j’ai montré, par des calculs basés sur des chiffres fiables, qu’une heure de vidéo Netflix consomme l’équivalent de deux watts.

Vous comprendrez pourquoi je ne fais aucune confiance au Shift Project: les chiffres qu’il publie sont biaisés et suspects de fortes erreurs.

XJournées été écologistesJ’étais sur le point de terminer ce billet quand j’ai lu avec effarement cette déclaration faite durant les journées d’été des écologistes à Grenoble, fin août 2022. Je cite:

40% de ce que l’on peut émettre pour respecter les limites planétaires sont consommées par le seul numérique

Toutes les études sérieuses sur le sujet chiffrent la part du numérique dans le changement climatique entre 4% et 6%. C’est déjà beaucoup, mais 40%!!

Ce qui est scandaleux, gravissime, inacceptable, c’est que ce chiffre ridicule est annoncé par un représentant de haut niveau du ministère de l’Environnement, énarque, Mr Thomas Cottinet.

Je ne connais pas Thomas Cottinet, mais prononcer de telles âneries devant des responsables politiques, en s’appuyant sur la crédibilité que lui donne son poste, c’est une faute professionnelle majeure.

Ce qui est dramatique, c’est que ce chiffre va être repris avec délectation par tous les pseudoécologistes antinumériques pour “démontrer” que le numérique, c’est la pire des choses pour la planète. Comme “fake news” climatique, difficile de faire pire.

Il serait sain pour l’avenir de la France qu’on lui trouve immédiatement un autre poste dans le secteur public, mais dans un domaine qui n’a aucun lien avec l’écologie ou le numérique.

 

Rappel: quelques chiffres clés sur les infrastructures

Ce sont les infrastructures qui consomment de l’énergie et des matières premières, pas les usages.

Ce double graphique, publié en 2022 par l’ARCEP, est un bon résumé des impacts respectifs des différents composants d’infrastructures, objets d’accès, réseaux et centres de calcul.o

XPart énergie Objets d'accès serveurs réseaux

Le diagramme circulaire évalue l’empreinte carbone de ces trois briques.

  • Les objets d’accès: ils représentent plus des ¾ de l’empreinte carbone du numérique.
  • Les réseaux: autour de 8% du total.
  • Les centres de calcul: environ 15% de l’empreinte carbone.

L’histogramme donne une autre information fondamentale: 

  • L'impact carbone des usages des outils numériques est de l’ordre de 20%, 20% seulement.
  • 80% des impacts carbone sont liés à la fabrication des équipements numériques.

Il faut bien comprendre les implications majeures de ces chiffres. Un outil numérique qu’une entreprise achète et n'utilise pas ou très peu a déjà eu 80% de ses impacts sur la planète avant même son premier usage!

Dit autrement: si demain une entreprise arrêtait 100% de ses usages numériques, elle ne réduirait que de 20% ses impacts carbone liés au numérique si elle gardait toutes ses infrastructures en l’état. 

S’il fallait passer UN seul message aux dirigeants et collaborateurs d’une entreprise concernant les outils numériques d’infrastructures, il serait: “Faire durer au maximum la durée de vie utile d’un équipement numérique doit être votre priorité absolue en matière de frugalité numérique”.

Les principales raisons qui doivent être prises en compte pour accepter un éventuel renouvellement d’un outil numérique sont:

  • XADS dpc broken keyboard S 328065799Une panne majeure qui le rend inutilisable. La facilité de réparation des outils doit avoir un poids majeur dans les critères d’évaluation au moment de l’achat. La lutte contre l’obsolescence programmée est un combat à mener en permanence.
  • Des performances qui ne sont plus en phase avec les véritables besoins et peuvent avoir un impact négatif sur l’efficacité des collaborateurs. La bonne nouvelle: c’est de moins en moins le cas. La croissance exponentielle des performances des outils numériques fait que la majorité est surdimensionnée pour la majorité des usages et des collaborateurs. Qui aura vraiment besoin, après les annonces le 7 septembre 2022 par Apple des nouveaux iPhone? La réponse est simple: 0% des collaborateurs de votre entreprise.
  • Des impacts forts sur la sécurité numérique. Les progrès réalisés par les cybercriminels sont très rapides et peuvent mettre en péril la sécurité du Système d’Information d’une entreprise si des solutions anciennes ne peuvent plus être protégées contre les attaques les plus récentes. Dans ce domaine essentiel, trop de fournisseurs créent une obsolescence sécuritaire inacceptable.

 

Repenser les usages pour une meilleure Frugalité Numérique

Les usages les plus vertueux: ceux que l’on évite.

Gérer intelligemment les usages numériques, ce n’est pas les rejeter, c’est les optimiser pour avoir un minimum d’impacts sur la consommation d’énergie par les infrastructures numériques.

La majorité des usages numériques professionnels sont bons pour la planète, sous réserve, bien sûr, de  modifier en profondeur les processus pour profiter des potentiels des nouvelles solutions numériques.

Prenons l’exemple simple de la réservation d’un billet d’avion:

  • Il y a 20 ans, il fallait se déplacer dans une agence pour réserver son billet = coût en temps et en énergie.
  • Cette agence physique consommait de l'énergie pour son éclairage et son chauffage.
  • On imprimait sa carte d’embarquement sur un papier, que l’on jetait ensuite.
  • Les nouvelles compagnies aériennes, EasyJet, Vueling et Ryanair, sont nées dans l’ère numérique et ont mis en œuvre des processus qui éliminent toutes ces étapes physiques.
  • Aujourd’hui, toutes les compagnies de transport, aérien, ferroviaire, autobus ou automobile ont basculé dans ce modèle Internet. Ce n’est pas la planète qui s’en plaindra.

J’ai choisi d’illustrer mon propos par trois cas d’usages différents.

 

Cas d’usage un: solutions de communication et de collaboration

Les usages universels de tous les cols blancs s’appuient sur les outils bureautiques : écrire, calculer, communiquer…

En 2007 est arrivée la première solution bureautique construite dans le Cloud, Google Apps, devenue depuis Google Workspace.

Ce schéma résume l’avant et l’après des échanges entre quatre personnes qui souhaitent rédiger ensemble un document.

XEmail vs Cloud Collaboration

  • Dans l’ancien monde, précloud, chaque personne envoyait par courriel aux trois autres la version du document Word qu’elle avait rédigée. Chaque destinataire apportait ses modifications et renvoyait le document aux trois autres. En quelques jours, des dizaines de versions différentes de ce document étaient stockées dans les fichiers individuels des personnes, sur leur poste de travail.
  • Dans le monde Cloud actuel, il n’existe qu’une seule version du document. Chaque modification réalisée par l’une des quatre personnes est immédiatement disponible pour les trois autres.

Indépendamment des avantages majeurs de ce mode de travail Cloud en matière d’efficacité et de rapidité, ce schéma met clairement les avantages de la démarche Cloud dans la consommation de ressources numériques:

  • Stockage: dans la démarche Cloud, une seule version du document est stockée, partagée. Dans l’ancien monde, chacun avait sur son poste de travail plusieurs versions du même document.
  • Réseaux: dans la démarche Cloud, les seuls échanges qui ont lieu sont les modifications apportées par chaque collaborateur, des flux qui se mesurent en dizaines de caractères. Dans l’ancien monde, des versions entières du document étaient envoyées trois fois, après chaque modification. Les volumes de données échangées sont réduits de plus de 95%.

Il y a hélas encore en 2022 plus de 80% des entreprises et de leurs collaborateurs qui continuent à envoyer des documents de plusieurs Mo en pièces jointes, et à de nombreuses personnes en même temps.

Si l’on souhaite vraiment avoir un impact fort et immédiat au service de la planète dans ses usages numériques quotidiens, il suffit de prendre une décision “simple”: 

En 2023, tout envoi d’un document en pièce jointe d’un courriel est strictement interdit

Seuls sont acceptés les envois de liens vers des documents stockés dans le Cloud. Après dix envois de pièces jointes, un collaborateur recevra un avertissement et devra payer une somme à déterminer pour usage abusif des réseaux et des mémoires sur son poste de travail.

Pourquoi une règle aussi simple, qui concilie efficacité et réduction des impacts du numérique sur la planète est-elle aussi difficile à prendre dans la majorité des entreprises?

Cela fait plus de 15 ans que je travaille en mode collaboratif Cloud…

 

Cas d’usage deux: applications intégrées vs microservices

Ce deuxième cas d’usage est de loin celui qui peut avoir le plus d’impacts positifs sur les impacts de vos usages numériques sur la planète. C’est aussi le plus difficile à mettre en pratique.

Dans l’immense majorité des entreprises, et en particulier les plus grandes, des solutions intégrées, lourdes sont déployées. Les plus célèbres sont bien sûr les ERP de SAP, Oracle, Microsoft et quelques autres fournisseurs.

Je n’analyse pas ici les avantages ou inconvénients des ERP intégrés comme réponses aux attentes des entreprises. Je me concentre uniquement sur leurs impacts sur la planète.

La réponse à cette question est très claire: les solutions intégrées sont les pires pour la planète.

XMaxi ServeursPourquoi? Ce schéma permet de comprendre les défauts majeurs d’une solution intégrée.

  • Pour héberger cette application ERP intégrée, il est nécessaire d'utiliser un ou plusieurs serveurs de grande taille, disposant de fortes capacités de mémoire.
  • Cette application intégrée comporte des milliers de lignes de code. À chaque instant, moins de 1% du code est actif, les 99% restant de code en mémoire consommant de l’énergie sans réaliser la moindre activité utile.
  • Vous trouvez cela satisfaisant pour la planète? Moi, non!

XFrugalité MicroServicesDans une architecture moderne, construite dans des Clouds Publics, les entreprises peuvent construire des applications modernes sous forme de microservices.

Quels sont les avantages de cette démarche microservices?

  • Pour fonctionner, les microservices utilisent des microserveurs, très économes en énergie.
  • Dès qu’un microservice a terminé son activité, il est fermé et le microserveur qui l'hébergeait se libère pour un autre microservice.
  • Le taux d’usage des serveurs est maximal, et peut atteindre ou dépasser 80%.

La disponibilité d’outils “serverless” tels que Lambda chez AWS améliore encore cette efficacité énergétique. 

Comme l’explique très bien ce schéma présenté à la conférence AWS Re-invent en 2021 par Werner Vogels, CTO d’AWS, un outil serverless va automatiquement instancier le serveur optimisé pour chaque application. Le développeur n’a plus le risque de sur-dimensionner ou sous-dimensionner le serveur. Il ne faut pas oublier qu’il est aujourd’hui possible d’instancier un serveur pour des périodes très courtes, qui se mesurent en millisecondes. Conséquence: la consommation de ressources serveur est strictement alignée sur les besoins de l’application.

XAWS Reinvent 2021 - Keynote Werner Vogels - Normal vs Cloud vs Lambda usage

Voilà un “beau” chantier pour les entreprises qui souhaitent vraiment réduire les impacts de leurs usages numériques sur la planète: remplacer les ERP intégrés par des milliers de microservices.

 

Cas d’usage trois: choisir entre différentes régions dans clouds publics

Les grands acteurs du Cloud Public proposent un service à leurs clients permettant de prendre en compte la dimension des impacts carbone.

Pour l’illustrer, j’ai pris l'exemple du service “Region Picker” de GCP de Google.

XGoogle region picker

Vous avez des réglettes qui vous permettent de donner plus ou moins d’importance à trois paramètres:

  • Impacts carbone.
  • Coûts.
  • Latence.

En fonction de vos choix, GCP vous proposera plusieurs zones géographiques pour déployer vos usages.

Les résultats changent en permanence. Il se peut qu’un centre de calcul américain, alimenté par des panneaux solaires, soit meilleur pour la planète quand il fait jour aux États-Unis, si la latence n’est pas une contrainte forte pour une application.

Je vous laisse le soin de trouver des dizaines d’autres cas d’usages qui vous permettront d’avoir un impact positif pour la planète.

 

Interactions infrastructures et usages

Agir sur les usages numériques pour en réduire au maximum les impacts sur la planète, c’est une bonne démarche.

Il pourrait être tentant de se dire que, les usages ne représentant que 20% des impacts carbone du numérique, une diminution de 50% des usages ne réduirait que de 10% les impacts du numérique.

C’est oublier l’essentiel! Les infrastructures numériques n’existent que parce qu’il y a des usages.

XDynamique usages infrastructuresLa boucle d’amélioration usages - infrastructures peut jouer un rôle majeur dans la réduction des impacts du numérique sur le changement climatique. 

Toute réduction des usages entraîne potentiellement une réduction de la demande d’infrastructures. C’est plus facile à gérer dans une démarche moderne de Clouds Publics qui permet de faire que la demande de ressources physiques évolue au même rythme que celle des usages.

Il y a un effet multiplicateur important dans la réduction des usages. Il peut théoriquement atteindre un rapport quatre: 20% pour les usages, 80% pour les infrastructures. Il est plus raisonnable de viser un rapport deux, ce qui serait déjà remarquable.

 

Résumé

Xmail et ampoule 25 wattConsidérer que les usages numériques sont mauvais pour la planète est une aberration. Hélas, cette vision négative des usages numériques est encore trop répandue dans la société française, et en particulier dans une grande partie de la classe politique.

Il existe de nombreux moyens de réduire les impacts carbone des usages numériques, et j’en ai donné quelques exemples.

Encore faut-il avoir le courage de s’attaquer en profondeur à la manière dont sont construites ces applications informatiques, et le courage est une denrée rare par les temps qui courent…


TSMC, l’AWS de la production de circuits électroniques

 

Logo TSMCTSMC ? Posez la question autour de vous : connaissez-vous TSMC, savez-vous ce qu’ils font?

Il est probable que la majorité des personnes vous répondront qu’elles n’en ont pas la moindre idée.

TSMC, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, est, comme son nom l’indique, une société basée à Taiwan qui fabrique pour le compte d’autres entreprises des semi-conducteurs, en priorité des microprocesseurs.

La pénurie mondiale de microprocesseurs fait la une des journaux depuis quelques semaines. Elle met en évidence le rôle clef des “fondeurs”, les entreprises comme TSMC.

Que les plus grands constructeurs automobiles du monde soient obligés de fermer leurs usines parce que quelques composants électroniques indispensables font défaut, c’est une autre illustration de la sensibilité de l’économie mondiale à un petit nombre d’industries de base.

Pénurie puces mondiale automobile

En 2021, des milliers d’éditeurs de logiciels sont “infrastructures less” et s’appuient sur les solutions des géants du cloud public, AWS, GCP ou Azure pour leurs infrastructures.

En 2021, des centaines de concepteurs de composants électroniques sont “fabless”, sans usine de production et s’appuient sur TSMC pour fabriquer les composants qu’ils conçoivent.

TSMC joue, pour ces concepteurs de composants, le même rôle qu’AWS, IaaS pour les éditeurs de logiciels SaaS. TSMC, c’est un CaaS, Chip as a Service !

Dans ce billet, je présente un panorama raisonnablement complet de l’écosystème des composants électroniques. Il y a un grand nombre d’enjeux stratégiques mondiaux dans cette industrie ; il est important de comprendre comment elle fonctionne.

 

TSMC en quelques chiffres

TSMC est le numéro un mondial des fondeurs indépendants, qui travaillent exclusivement pour d’autres entreprises et ne commercialisent pas directement leurs microprocesseurs.

TSMC est né en 1987, il y a 35 ans. Bien que l’entreprise soit basée à Taiwan, son capital est détenu à 80% par des investisseurs étrangers ; elle est cotée à Taiwan et à New York.

TSMC a investi massivement dans l’innovation ; ils sont aujourd’hui les plus avancés dans les solutions de pointe. Dans cette industrie, l’un des indicateurs de performance est l’écart qui sépare deux connexions ; il se mesure en nanomètre, nm.

TSMC 5nm factoryTSMC est l’un des seuls, avec Samsung, à proposer depuis 2020 des microprocesseurs en 5 nm. Les investissements industriels nécessaires à la fabrication de ces microprocesseurs sont gigantesques, comme le montrent cette image d’une des usines TSMC en 5 nm et le montant des investissements réalisés par TSMC depuis 2009.

TSMC CAPEX 2009-2021

Les smartphones d’Apple avec les processeurs A14 sont construits en 5 nm par TSMC.

5 nm, c’est vraiment très petit, mais difficile à visualiser. Concrètement, cela signifie qu’il y a 134 millions de transistors par mm2.

Apple A14 chip componentsCe schéma des composants d’un processeur A14 d’Apple donne le vertige ! Sur 100 mm2, il y a presque 12 milliards de transistors.

TSMC prévoit de passer au 3 nm en 2021 et Apple a déjà réservé pour ses prochains iPhone toute la production de TSMC en 3 nm.

 

Microprocesseurs : qui fait quoi dans cette industrie

Nous utilisons tous des centaines de microprocesseurs dans notre vie quotidienne. On pense en priorité aux ordinateurs et smartphones. Ces microprocesseurs sont aussi présents dans des milliers d’objets de notre quotidien : voitures, télévisions, équipements électroménagers…

Ce sont les bases de tous les usages numériques et il est important de comprendre “qui fait quoi” dans cette industrie vitale pour toutes les activités économiques de la planète.

J’ai représenté sur ce schéma cinq niveaux d’acteurs qui interviennent dans cette industrie.

De bas en haut :

● Fournisseurs d’équipements industriels.

● Fondeurs : usines de fabrication.

● Concepteurs de processeurs : développent les architectures de microprocesseurs

● Objets d’accès : incorporent des microprocesseurs dans nos PC, tablettes ou smartphones.

● Serveurs Clouds publics : les grands acteurs du Cloud Public sont aussi des concepteurs de microprocesseurs.

Couches basses infrastructures numériques

Pour chacun de ces niveaux, j’ai sélectionné quelques acteurs économiques importants, présentés dans les prochains paragraphes.

Ce schéma sert de référence pour la suite de ce billet.

 

Fournisseurs d’équipements industriels

Les machines-outils utilisées par les fondeurs sont très spécialisées et complexes. Deux des leaders mondiaux dans ce domaine sont ASML et Applied Materials

ASML, Advanced Semiconductor Materials Lithography

ASML Dutch roots  30 yearsASML est encore moins connue que TSMC ! C’est pourtant le leader mondial de la lithographie, qui permet de dessiner les circuits électroniques en nm. ASML est une société… européenne, basée à Eindhoven aux Pays-Bas, ancienne filiale du groupe Philips. C’est l’un des très rares domaines du numérique où l’Europe a un leader mondial.

Si ASML arrêtait sa production de machines, toute l’industrie mondiale des composants électroniques serait rapidement à l’arrêt.

Cet article récent, publié le 15 avril 2021, montre que l’on commence à prendre conscience de l’importance d’ASML dans toute l’économie mondiale.

ASML indispensable à l'économie

Coïncidence ? Comme TSMC, ASML est née il y a 35 ans.

ASML Litho 2Grâce à des investissements massifs en R&D, ASML s'est construit un quasi-monopole dans les équipements lithographiques haut de gamme dont les fondeurs ont besoin pour fabriquer leurs circuits électroniques.

Cette image montre l’une de ces machines en train de graver une “galette” qui contient des centaines de microprocesseurs. N’oubliez pas qu’il y a sur une seule galette de l’ordre de 3000 à 6000 milliards de transistors !

Applied Materials

Avant de graver les galettes de silicium, il faut les fabriquer. C’est l’un des métiers d’Applied Materials.

Applied material deposition technologyApplied Materials est née en Californie ; ils aiment dire qu’ils sont le “Silicon de la Silicon Valley”.

Comme ASML, les investissements en R&D d’Applied Materials permettent les améliorations spectaculaires que l’on connaît dans le monde des microprocesseurs.

Il existe beaucoup d’autres entreprises dans ce secteur des équipements industriels, mais ASML et Applied Materials sont représentatives d’une industrie dont dépend toute l’économie mondiale et qui reste inconnue du grand public et d’un grand nombre de professionnels du numérique.

 

Fondeurs

C’est dans cette catégorie que se trouve TSMC.

Ce tableau donne la liste, en 2020, des principaux acteurs du marché.

La taille des “wafers”, les galettes, est un paramètre clef : plus ils sont grands, plus on peut fabriquer de circuits électroniques à partir d’une seule galette. Aujourd’hui, les galettes de 300 mm et 200 mm sont utilisées pour les microprocesseurs.

Wafers leaders by size  2020

Les trois fondeurs que j’ai sélectionnés sont :

● TSMC

● Samsung

● Intel

Intel n’est plus dans les cinq premiers dans la catégorie reine, des 300 mm ; il est sixième. C’est pourtant encore celui auquel on pense en priorité quand on parle de microprocesseurs !

Samsung est le numéro un dans la catégorie des 300 mm.

TSMC est le numéro un mondial si l’on additionne les 300 mm et les 200 mm.

TSMC Intel Samsung investissements Le métier de fondeur est très consommateur de capitaux : les usines ont des coûts unitaires qui se chiffrent en milliards de dollars.

Ce tableau donne les montants des investissements annoncés par les trois acteurs cités. Il faut le regarder avec attention ; les périodes d'investissements ne sont pas les mêmes.

TSMC parle de 3 ans, Samsung de 10 ans et Intel… ne dit rien sur la période  couverte.

Intel

Intel n’est plus le leader que l’on a connu dans le siècle dernier. Il fait face à de nombreuses difficultés. J’en ai sélectionné trois :

Intel annonce un investissement de 20 milliards de dollars. Très bien, mais nul ne sait sur quelle période, alors que TSMC annonce 100 milliards, 5 fois plus, et sur 3 ans.

Intel invest 20 B$

Intel will use TSMC for top of the line products● En même temps, Intel annonce que ses usines fabriqueront des circuits en 7 nm, alors que TSMC produira dès 2021 des circuits en 3 nm. Conséquence : Intel annonce qu’il va sous-traiter à… TSMC la fabrication de ses processeurs haut de gamme en 2023, car il n’a pas la capacité en interne pour le faire.

● Intel annonce aussi qu’il mettra ses usines au service d’autres concepteurs de processeurs. Je ne suis pas convaincu qu’il y aura beaucoup de clients pour travailler avec un concurrent potentiel, qui en plus n’est pas capable de proposer les technologies les plus modernes.

TSMC

TSMC va investir 100 B$, et en trois ans, pour répondre à une demande croissante du marché.

TSMC va investir 100 B$

Comme on l’a vu, TSMC a pour ses clients deux avantages majeurs sur Intel :

● Accès aux technologies les plus modernes, 3 nm dès 2021.

● Pas de risques de concurrence : TSMC ne fabrique pas de processeurs sous sa marque.

TSMC market share by sizy of nmLa domination de TSMC est encore plus évidente si on regarde les parts de marché par familles de produits. Dans les solutions haut de gamme, 10 nm ou moins, TSMC avec 90% et Samsung avec les 10% restants trustent le marché.

Ce graphique montre l’évolution sur les 5 dernières années des cours de bourse d’Intel et de TSMC. On comprend mieux pourquoi TSMC a vu son cours grimper de 374% alors qu’Intel s'est contenté de 111%.

Share price Intel vs TSMC

 

Concepteurs de processeurs

Cette famille regroupe des dizaines de sociétés qui conçoivent des processeurs. J’ai choisi de parler de quatre d’entre elles, qui sont représentatives des différentes stratégies possibles.

Apple

Apple a une très forte équipe interne pour concevoir des circuits électroniques propriétaires et en tirer un avantage compétitif. Le premier MacBook Air avec un processeur non Intel, le M1, sur base ARM, en est le dernier exemple.

Apple est un “fabless” : il fait fabriquer ces processeurs par les trois fondeurs cités, Intel, Samsung et TSMC.

Nvidia

Nvidia ampere AI processorNvidia est l’une des vedettes montantes du secteur. Après les cartes graphiques, Nvidia est devenu très présent dans les processeurs pour l’Intelligence Artificielle. Nvidia est, comme Apple, une entreprise “Fabless”.

À la différence d’Intel, Nvidia a su innover et diversifier ses marchés ; c’est un acteur clef dans de nouveaux secteurs comme les jeux vidéo. Ses performances spectaculaires en bourse, avec un cours multiplié par 14 en 5 ans, confirment ce succès.

Share price Nvidia 5 years

Nvidia a annoncé son intention de racheter ARM pour 40 milliards de dollars. Cette opération n'est pas encore confirmée et de nombreux acteurs tels que Qualcomm et des autorités de la concurrence sont contre.

Qualcomm object deal ARM - Nvidia

L’histoire d’ARM est exemplaire des échecs de l’Europe. ARM est le leader mondial des processeurs présents dans tous les smartphones du monde. ARM est née en Angleterre, a été financée par le gouvernement britannique avant d’être rachetée par le japonais Softbank.

Si le rachat par Nvidia est bloqué, ce serait une excellente opportunité pour l’Europe de mettre la main sur un acteur clef du marché. 40 milliards de dollars, ce n’est pas un investissement déraisonnable pour revenir sur ce marché essentiel!

Intel

Intel est de loin la marque la plus connue dans l’industrie des microprocesseurs. Comme on l’a vu précédemment, sa place réelle dans l’industrie est aujourd’hui en dessous de sa notoriété, et continue à chuter rapidement.

Intel avait une place clef dans les ordinateurs personnels, concurrencé seulement par AMD. Il vient de perdre un client important, Apple, qui bascule sur des processeurs de la famille ARM conçus en interne. Intel est totalement absent du marché des smartphones, dominant en volume.

Intel avait aussi une place dominante dans les centres de calculs. Cette domination est elle aussi remise en cause par l’arrivée des géants du cloud public. J’y reviens plus loin.

● Les entreprises ferment leurs centres de calculs privés, ce qui réduit la taille du marché.

Nvidia in data centers● AWS, GCP et Azure construisent de plus en plus leurs propres serveurs, et ils ne sont plus seulement construits avec Intel. ARM, Nvidia et beaucoup d’autres prennent chaque jour une place plus importante dans leurs infrastructures.

Quel avenir pour Intel ? Dépassé dans son rôle de fondeur, attaqué dans les marchés où il était dominant, est-ce qu’Intel sera encore un acteur majeur du numérique en 2025 ?

Je vous laisse choisir votre réponse à cette question.

Samsung

Samsung exynos 2Samsung est la seule entreprise présente dans trois des cinq niveaux du tableau des fournisseurs. Samsung conçoit, fabrique et utilise ses propres circuits électroniques dans ses smartphones et autres objets numériques, sous la marque Exynos.

Cette intégration verticale permet à Samsung de contrôler toute la chaîne de valeur des processeurs. Comme Apple, il peut ajouter des fonctionnalités spéciales, propriétaires dans ses processeurs, pour différencier ses objets d’accès.

 

Objets d’accès

PC portables, tablettes, smartphones, consoles de jeux… On rentre là dans des domaines où les fournisseurs sont très connus des entreprises et du grand public.

Main smartphones vendors 2020 CanalysLa majorité des constructeurs, Dell, Lenovo, Xiaomi ou Oppo, achètent leurs processeurs à des fournisseurs tels que Qualcomm, spécialistes des architectures ARM.

Le troisième grand fournisseur de smartphones, Huawei, conçoit ses propres processeurs sous la marque Kirin. Huawei est encore un “fabless”, mais les blocages américains vont l’amener à construire lui aussi ses propres usines de microprocesseurs, comme Samsung.

Est-ce une coïncidence si les trois leaders mondiaux du marché, Samsung, Huawei et Apple, sont ceux qui conçoivent aussi leurs processeurs ?

 

Serveurs

La situation évolue très vite dans le monde des serveurs : la domination d’Intel est attaquée sur tous les fronts, par les fournisseurs concurrents et par les géants du cloud public.
Tous préparent des processeurs pour remplacer ou compléter les “historiques” x86 d’Intel et AMD.

Quelques exemples :

ARM GRACE ARM CPU● Nvidia annonce la disponibilité en 2023 de Grace, un processeur très haut de gamme pour centre de calcul, orienté Intelligence Artificielle.

● AWS proposera avant la fin de l’année 2021 Graviton2, un processeur construit par Nvidia, en exclusivité pour AWS.

● Google propose depuis plusieurs années des TPU, TensorFlow Processor Unit, des processeurs maison pour optimiser l’usage de son outil de Machine Learning Tensorflow.

● Microsoft a annoncé en 2020 un accord avec... TSMC pour créer un laboratoire commun pour développer des processeurs dédiés pour Azure.

Confirmant le thème général de ce billet, comme dans le Cloud, la démarche Best of Breed s’impose rapidement dans le monde des processeurs. Les solutions universelles, supposées tout faire pour tout le monde comme l’Intel x86, se font tailler des croupières par des dizaines de solutions très spécialisées qui sont 10 à 100 fois plus performantes dans leurs domaines respectifs.

 

Impacts climatiques forts de l’industrie des circuits électroniques

Dans un billet récent, j’analyse différents scénarios possibles pour répondre aux défis climatiques de la planète.

TSMC emission of carbonJ’y parle du dernier livre de Bill Gates, “How to avoid a climate disaster”, dans lequel il explique que la production de biens matériels est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre.

L’industrie des composants électroniques en est un bon exemple, comme l’explique cet article de Bloomberg qui parle de... TSMC.

TSMC émet plus de gaz à effet de serre que le constructeur automobile General Motors.

Les fabricants de processeurs sont aussi de gros consommateurs de matières premières et d’eau, comme le montre ce graphique.

TSMC water consumption

Dans un billet sur la Frugalité Numérique des objets d’accès, je montre que le processus de fabrication des smartphones ou les PC portables, dont font partie les processeurs, est plus consommateur d’énergie que leur usage.

 

Dimensions stratégiques internationales

Taiwan, berceau de TSMC, est une île de 24 millions d’habitants et 36 000 km2, 15 fois plus petite que la France, à 160 km de la Chine continentale.

La République Populaire de Chine n’a jamais abandonné son objectif d'annexer Taiwan et la tension entre ces deux territoires est redevenue très forte, comme le confirme cet article.

China War over Taiwan sooner

La reprise en main de Hong Kong est un autre exemple de la volonté chinoise d’augmenter son contrôle politique dans la région.

Map taiwan Corée TSMC SamsungTSMC à Taiwan, Samsung en Corée du Sud, la domination de l’Asie “non chinoise” dans l’industrie des composants électroniques est une réalité.

2034 a Novel of the Next World War” vient d’être publié aux États-Unis. Il situe le début d’une nouvelle guerre mondiale, en 2034, dans la mer de Chine qui sépare Taiwan du continent chinois.

Un extrait de ce livre a été publié dans la revue Wired. Cela vous évitera de lire tout le livre, qui est très “moyennement” intéressant.

Il existe une double dépendance dangereuse, technologique et politique, du monde entier dans le domaine des composants électroniques.

Où en est-on, en Europe ?

STM sales 2020 par catégories produitsL’Europe n’est pas totalement absente de ce marché des composants électroniques. STMicroelectronics est le principal concepteur et constructeur européen de composants électroniques. Par contre, STMicroelectronics n’a pas une présence significative sur le secteur des microprocesseurs ; ils sont actifs sur des marchés différents comme le montre la répartition de leur chiffre d’affaires pour l’année 2020.

Les États-Unis ont eux aussi pris conscience de cette dépendance. Pat Gelsinger, le nouveau patron d’Intel, vient de demander au Président Joe Biden de passer à l’action en investissant 50 milliards de dollars dans cette filière.

● En 1990, les États-Unis produisaient 37% des semi-conducteurs.

● En 2021, ce pourcentage est tombé à 12%.

● L’Asie représente 70% du marché mondial.

Cette dépendance de l’Europe et du reste du monde dans le domaine des composants est un vrai problème, oui. Elle est, à mon avis, plus importante que celle dont on parle beaucoup trop en ce moment, dans le domaine des infrastructures Clouds Publics.

Lemaire dépendance InacceptablePeut-on la réduire ? Ce n’est certainement pas en tenant des discours aussi creux que celui de notre ministre des Finances qu’on va avancer !

La dépendance de l’Europe est “inacceptable”...

Je vais en parler avec l’Allemagne…

Ces discours m’exaspèrent : je les entends depuis des années dans le monde du numérique, alors que nous avons besoin d’agir, pas de palabrer.

J’ai écrit ce billet pour que les lecteurs prennent conscience de l’importance du sujet, et de notre totale dépendance en matière de composants électroniques pour le monde du numérique.

L’Europe peut-elle rattraper ce retard “inacceptable” ?

Poser la question, c’est y répondre.

Bien plus que les milliards d’investissements annuels nécessaires, il faudrait créer de toutes pièces une industrie qui demande des compétences techniques très fortes, des savoir-faire qui se sont construits au cours des 35 années chez TSMC et Samsung.

L’option la plus radicale serait de racheter TSMC en Bourse ! Le prix, 550 B$, est hélas dissuasif.

Si je devais recommander une seule action de l’Europe pour reprendre, un peu, une place dans ce marché des composants, ce serait de tout faire pour que le rachat d’ARM par Nvidia échoue, en arguant du risque de position dominante. Il faudra ensuite dépenser, et vite, les 40 B$ nécessaires pour qu’ARM redevienne une société européenne.

Europe Map STM ARMUne fusion entre STMicroelectronics et ARM serait, à mon avis, la dernière opportunité qui reste à l’Europe pour continuer à exister dans ce secteur stratégique. La valeur boursière actuelle de STMicroelectronics est de 35 milliards €, équivalente à celle d’ARM.

ARM est une société qui n’a pas d’usines, mais elle est à la base de la majorité des processeurs qui équipent les smartphones mondiaux et, progressivement, les PC comme Apple puis les centres de calcul.

Cette démarche est cohérente avec celle que j’ai proposée dans mon billet :

L’Europe, leader mondial dans les usages numériques au service de la planète

Il faudrait que l’Europe adopte une stratégie similaire dans le domaine des composants électroniques : se concentrer sur la dimension usages, type ARM, et accepter le fait que l’on ne peut plus lutter dans la dimension infrastructures de production contre des TSMC ou Samsung.

C’est en étant pragmatique, en choisissant ses combats, en concentrant ses énergies sur un tout petit nombre de projets que l’Europe du numérique peut espérer continuer à jouer un rôle significatif dans toutes les industries du numérique.

C’est aussi vrai dans le domaine des composants, comme l'explique ce billet.


L’Europe, leader mondial dans les usages numériques au service de la planète ?

 

(Remarque : billet très long, mais le sujet est tellement important…)

AdS DPC Laptop wih European flag  SS 195322339Dans un billet précédent, j’ai étudié trois scénarios économiques possibles qui permettraient à l’humanité de ne pas transformer la planète en un espace “inhabitable”.

Quel sera le scénario retenu au niveau mondial ? Je n’en sais rien et je n’ai pas la prétention de pouvoir peser très lourd dans ce choix.

Par contre, tous les auteurs cités dans ce billet sont d’accord sur un point : les innovations technologiques, et en particulier numériques, auront un rôle essentiel dans la réussite de leurs plans d’action.

Pourquoi parler de l’Europe et pas de la France ? Réussir à jouer un rôle significatif dans le monde numérique de demain sera très difficile pour l’Europe. La France, seule ? Poser la question, c’est y répondre...

Dans ce texte, je propose que l’Europe prenne le leadership mondial dans la mise en œuvre du numérique au service de la planète.

Je suis persuadé que :

● C’est possible.

● L’Europe dispose des moyens financiers pour y arriver.

● L’Europe a les compétences humaines nécessaires.

● Les professionnels européens du numérique sont prêts à s’impliquer fortement pour ce combat.

 

Ne pas regarder dans le rétroviseur

AdS DPC Forward Backward S 73105080Nous sommes en 2021, pas en 2000. Il est impératif que l’Europe regarde devant elle, sur ce qu’elle peut faire pendant les 10 à 20 années qui viennent.

Se lamenter sur les batailles numériques perdues au cours des 10 à 15 dernières années, c’est contre-productif et dangereux.

Hélas ! C’est ce qui se passe trop souvent en ce moment.

Oui, l’Europe a fait de graves erreurs avec son incapacité à anticiper les grandes innovations de ces 15 dernières années.

J’en donnerai deux exemples, sur des technologies essentielles :

Les infrastructures Clouds Publics

Les Infrastructures IaaS, Infrastructures as a Service, sont arrivées en 2006 avec AWS, Amazon Web Services. Depuis, Microsoft avec Azure, Google avec GCP, Alibaba en Chine ont eux aussi investi massivement dans des infrastructures Clouds Publics.

Gartner MQ IaaS 8:2020Ces entreprises proposent aujourd’hui des solutions disponibles dans le monde entier, fiables, sécurisées, à des coûts raisonnables. Elles continuent à investir et à innover en ajoutant tous les ans des centaines de nouveaux services. Dès 2015, j’ai publié un billet sur ce thème pour expliquer que ces grands acteurs industriels du Cloud Public avaient gagné cette guerre.

Le  “Quadrant Magique” du Gartner Group publié en août 2020 sur l’IaaS est sans appel : les quatre entreprises que j’ai citées dominent le marché ; les deux anciens combattants, IBM et Oracle, sont relégués dans la catégorie des “acteurs de niche”.

Les solutions européennes ? Elles brillent par leur absence.

Les technologies de base de l’Intelligence Artificielle

Il y a deux ans, en janvier 2019, j’écrivais un billet au ton alarmiste sur les risques de retards irréversibles que prenait l’Europe dans le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA).

AdS DPC AI China USA S 290881288Face au combat entre les deux géants du secteur, les États-Unis et la Chine, le nain européen restait inactif et se contentait de publier de “beaux rapports” sur le sujet. Je donnais 5 ans à l’Europe pour redresser la barre, si elle s’attaquait immédiatement à ce grand chantier.

Deux ans se sont écoulés depuis ce billet. Rien de sérieux n’a été fait pour mettre l’Europe en situation d’avoir un poids raisonnable dans les technologies de l’Intelligence Artificielle.

Conséquence : l’Intelligence Artificielle a rejoint le Cloud Public dans les combats perdus, de manière irréversible.

Une étude récente publiée par Oliver Wyman enfonce encore plus le clou.

Ce tableau compare les forces relatives des États-Unis, de la Chine et de l’Europe.

Digital scorecard - US vs China vs Europe

Les résultats sont édifiants : l’Europe est dernière dans tous les domaines sauf un, celui des talents humains. J’y reviendrai à la fin de ce billet ; c’est notre atout principal et le seul domaine où aucune de ces trois forces économiques n’a pris une avance irréversible.

AdS DPC regret vs change S 385947449On peut regretter ces erreurs majeures, oui. Ce n’est pas une raison pour ressasser ses échecs, regarder dans le rétroviseur, se déchaîner contre les grands méchants GAFAM, coupables d’avoir réussi là où l'Europe a échoué.

Quelle est la meilleure manière pour l’Europe de rater les opportunités numériques de demain ? Dépenser bêtement son énergie, ses ressources humaines et financières pour des causes perdues d’avance.

Je préfère regarder devant moi, imaginer ce qu’il est possible de faire d’innovant et d’utile pour la compétitivité de l’Europe au service du sauvetage de la planète.

Il y a deux axes d’actions possibles pour mettre le numérique au service de la planète :

● Promouvoir la Frugalité Numérique : faire en sorte que les infrastructures et les usages numériques aient le moins d’impacts négatifs possible sur la planète.

● Utiliser les innovations numériques pour rendre toutes les activités humaines plus économes en ressources matérielles et énergétiques.

Un double défi, auquel l’Europe peut donner des réponses positives, rapidement.

 

Frugalité numérique des entreprises, un sous ensemble des défis écologiques

Et si les entreprises européennes devenaient les meilleures élèves du monde dans leurs usages numériques respectueux de la planète ?

La Frugalité Numérique, que d’autres préfèrent nommer la Sobriété Numérique, est une démarche qui consiste à optimiser tous les composants du numérique pour qu’ils aient le minimum d’impacts sur la planète.

J’ai publié au début de l’année 2020 plusieurs billets sur le thème de la Frugalité Numérique.

Dans le premier de ces billets, j’avais identifié six domaines d’actions possibles.

J’ai depuis ajouté un septième domaine, celui de l’Informatique Industrielle des Objets (IIoT).

Frugalité Numérique - sept composants

Sans réécrire ces billets, je vais en rappeler les idées essentielles.

Les six premiers composants font partie des infrastructures numériques ; ce sont eux qui consomment des matières premières et de l’énergie.

● Centres de calculs

● Objets d’accès

● Informatique Industrielle des objets

● Réseaux

● Stockage de données

● Impression

Le septième composant, les usages numériques ne consomment pas directement des ressources ; ils mettent en œuvre des composants d’infrastructures qui eux consomment des ressources. Sans usages numériques, on n’aurait pas besoin d’infrastructures numériques !

Remarque importante : mes analyses sont centrées sur les infrastructures et les usages professionnels du numérique, domaine que je maîtrise raisonnablement bien.

Une grande partie des recommandations valables pour le monde professionnel sont transposables dans le grand public, mais pas toutes.

Quels sont les messages essentiels à retenir sur le thème de la Frugalité Numérique des entreprises ?

● Mener une Transformation Numérique forte peut aussi être très bon pour la Frugalité Numérique. Les solutions innovantes telles que le Cloud Public, les usages SaaS sont beaucoup plus économes en énergie que les solutions historiques.

● Trop d'idées dangereuses et fausses sont véhiculées par les médias et beaucoup de soi-disant spécialistes. Quelques exemples de ces fake news :

○ Envoyer un courriel consomme beaucoup d’énergie.

○ Il faut effacer la majorité de ces courriels.

○ La vidéoconférence en haute définition consomme beaucoup plus qu’en basse définition.

○ Les centres de calculs géants des grands acteurs du Cloud Public sont mauvais pour la planète.

Fake News frugatlité numérique

● Il est fondamental d’avoir un message positif, moderne sur le numérique. Les risques liés à un rejet des innovations numériques et à une tentation d’un retour en arrière restent élevés. Il faut prendre le temps d’expliquer, de démontrer, de rassurer pour que les collaborateurs de l’entreprise comprennent les apports positifs des solutions numériques innovantes sur la planète.

● Il reste encore beaucoup de travail à réaliser pour mieux comprendre toutes les dimensions de ces consommations et développer des indicateurs performants qui permettent aux entreprises de mesurer leurs usages et leurs progrès dans leur démarche de Frugalité Numérique.

● Sensibiliser toutes les personnes concernées reste une priorité :

○ Dirigeants.

○ Spécialistes du Numérique.

○ Collaborateurs.

● J’ai pu observer dans les entreprises où j’ai travaillé sur ces sujets une remarquable appétence pour le thème de la Frugalité Numérique. C’est une excellente nouvelle ; tous les collaborateurs comprennent rapidement les enjeux et sont prêts à faire évoluer leurs usages numériques pour réduire leurs impacts négatifs sur la planète.

En Europe, les entreprises et les citoyens sont très sensibilisés aux enjeux climatiques et prêts à agir pour réduire rapidement leurs impacts. Il devrait donc être raisonnablement facile de mettre en œuvre des politiques de Frugalité Numérique efficaces, rapidement.

Les plus grands dangers, je le répète, c’est de jouer sur des peurs ancestrales et de transmettre des informations fausses mais spectaculaires.

Expliquer, rationnellement, factuellement, quelles sont les actions à entreprendre pour réussir à devenir frugal, numériquement, c’est hélas plus compliqué que je ne le pensais au départ.

 

Le numérique, présent dans la majorité des activités humaines

Les usages numériques, professionnels ou personnels, n’existent que parce qu’ils participent à nos activités.

Quels secteurs prioritaires pour la planète ? Trois approches différentes

J’ai choisi de présenter trois analyses différentes des secteurs prioritaires d’action pour que notre planète reste habitable le plus longtemps possible :

● La vision des Nations Unies.

● La démarche de la Commission Européenne.

● Les recommandations de Bill Gates.

Il en existe sûrement d’autres, mais ces trois-là donnent suffisamment de pistes d’action, peut-être même un peu trop, si l’on souhaite être pragmatique et aller vite.

La vision des Nations Unies

Dans ce document, les Nations Unies définissent 17 objectifs pour garantir un développement durable de la planète

UN Sustainable 17 goals

Pauvreté, faim, éducation, santé… je ne vais pas analyser chacun de ces 17 objectifs. Ils sont tous importants et personne ne peut être contre ces améliorations universelles.

Comment éviter qu’ils ne restent des vœux pieux ? Comment gérer les priorités et les incompatibilités potentielles ? Pour prendre un exemple : croissance économique et consommation responsable, en même temps, c’est tout sauf simple.

La démarche de la Commission Européenne

Cover Mission Economy Mariana MazzucatoCette démarche a été très influencée par Mariana Mazzucato, économiste italo-américaine qui enseigne en Grande-Bretagne. Elle a écrit’un livre passionnant, “Mission Economy”, qui plaide pour un rôle beaucoup plus actif des États dans le monde de l’économie. Je vous encourage à lire cet ouvrage, qui nous oblige à nous poser beaucoup de questions. Que, en dernière de couverture, le Pape François fasse l’éloge d’une économiste de gauche, c’est un signal fort.

Je ne sais pas si les équipes du Président Macron ont lu ce livre, mais l’expression “Quoi qu’il en coûte” (Page 181) est l’une des idées clefs qu’elle défend pour répondre aux grands défis de l’humanité !

Elle a participé activement à la définition des missions retenues par la Commission Européenne.

L’exemple phare utilisé par Mariana Mazzucato pour promouvoir sa démarche est celui de la mission Apollo aux États-Unis, pour amener des équipages humains sur la Lune. Il a fallu moins de 10 années au gouvernement américain pour réussir cet exploit, entre les années 1963 et 1972.

Elle explique très bien, dans un long chapitre, comment le gouvernement américain a pris le leadership de ce projet, a mis de côté ses méthodes traditionnelles de gestion pour aller beaucoup plus vite et assumer l’essentiel des risques de cette mission.

En décembre 2019, lors de la présentation de son plan d’action, la Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a clairement référencé le projet Apollo en disant :

“This is Europe's man in the moon moment”.

Man in the moon for Europe

Ce “Green Deal” a pour objectif de rendre l’Europe totalement neutre carbone en 2050, dans moins de 30 années.

EU five Key missions for climate controlCe plan d’action européen a choisi cinq secteurs prioritaires d’action, ce qui me paraît un nombre raisonnable :

● Lutter contre les changements climatiques.

● L’eau, dans toutes ses dimensions, océans, mers, terrestres…

● Des villes neutres climatiques et intelligentes.

● La lutte contre le cancer.

● La santé des sols et les aliments.

EU Challenges OceanChacun de ces grands projets a été décomposé en missions principales, qui sont à leur tour découpées en plans d’action. À titre d’illustration, ce schéma illustre ce que propose l’Union Européenne pour le grand projet “Océan propre” et la mission "Océan sans plastiques”.

Cette démarche, raisonnablement pragmatique, pourrait permettre de mettre en œuvre rapidement des actions concrètes.

C’est à ce niveau que l’on peut déterminer, cas par cas, comment le numérique peut apporter sa contribution à chaque projet.

Je n’ai pas regardé en détail tous ces projets, mais je suis persuadé qu’il y a plusieurs centaines de solutions numériques innovantes qui peuvent s’y rattacher.

Les recommandations de Bill Gates

Bill Gates + cover How to avoid a climate disasterLe récent livre de Bill Gates, “How to Avoid a Climate Disaster” propose des pistes d’action très pertinentes et j’encourage tout le monde à le lire. Il est bien écrit, facile à lire et très factuel, ce qui est important en ce moment.

Dans le sous-titre de ce livre, on peut lire : “ The solutions we have and the breakthroughs we need”. En clair, les solutions dont nous disposons aujourd’hui ne sont pas suffisantes pour répondre aux défis climatiques que doit affronter l’humanité. Ceci représente une excellente opportunité pour l’Europe : trouver les réponses de rupture que Bill Gates appelle de ses vœux.

Bill Gates part d’une hypothèse simple : il est indispensable de réduire les excès actuels d’émissions de gaz à effet de serre de 51 milliards de tonnes par an à zéro.

Ses analyses l'ont conduit à segmenter ces 51 milliards de tonnes en cinq grandes activités:

● Fabriquer (ciment, acier, plastique...).

● Se connecter (électricité).

● Agriculture (plantes, animaux).

● Se déplacer (avions, camions, navires marchands...).

● Rester au chaud ou au frais (chauffage, rafraîchir, climatisation...).

Dans le tableau ci-dessous, j’ai repris ses chiffres en ajoutant aux pourcentages les valeurs absolues.

Secteurs clefs émetteurs Greenhouse gas - Bill Gates

Je trouve cette classification très efficace ; elle permet de comprendre immédiatement où sont les grands gisements de progrès.

Green Premium

Bill Gates propose aussi de mesurer, pour toutes les activités, ce qu’il nomme le “Green Premium”, le surcoût qu’il faut payer pour remplacer une ressource carbonée par une qui ne l’est pas. C’est à mon avis un excellent outil de mesure, même s’il n’est pas toujours facile de le calculer.

Je vais prendre, à titre d’exemple les calculs de “Green Premium” pour les trois produits essentiels analysés dans le chapitre “fabriquer” :

● Plastique (Éthylène) : Green Premium compris entre 9% et 15%.

● Acier : Green Premium compris entre 16% et 29%.

● Ciment : Green Premium compris entre 75% et 140%. Par sa nature même, le ciment est l'un des matériaux les plus difficiles à fabriquer sans émettre beaucoup de CO2.

Les innovations, et les innovations numériques en priorité seront indispensables pour réduire ou éliminer les Green Premium. Plus ils sont élevés, plus les innovations seront nécessaires et rentables. Innover pour les activités avec des Green Premium élevés, c’est un bon critère pour établir des priorités d’action en Europe.

Un autre exemple est celui des viandes élaborées à partir de végétaux. Le Green Premium actuel de ces produits est de l’ordre de 80 à 90%. Il a beaucoup baissé au cours des 5 dernières années. De très nombreuses start-up travaillent sur ce thème. Remplacer tous les bovins par des végétaux pour produire de la “viande” est une piste très sérieuse.

L’autre option, encore expérimentale, est de créer directement de la viande à partir de cellules souches de viande. Le Green Premium de ces technologies est très élevé pour le moment, mais c’est aussi un domaine où de nombreuses innovations de rupture sont à l’étude.

Électricité décarbonée

C’est pour Bill Gates l’une des pistes les plus importantes et les plus urgentes.

En simplifiant à l'extrême son raisonnement :

● Pour les clients finaux, entreprises ou particuliers, la seule énergie à consommer est l’électricité.

● On peut d’ici à 2050 réussir à produire de l’électricité 100% décarbonée.

Sur ce dernier point, je vous conseille de consulter l’étude publiée en décembre 2020 par l’Université de Princeton, et ses… 345 pages. Cela fait beaucoup de bien de lire une véritable étude scientifique sur un sujet complexe, avec des tonnes de données et de graphiques, loin des discours extrémistes et non argumentés de trop de responsables politiques.

Princeton Net-Zero America 2050

Cette étude ne concerne que les États-Unis, mais les mêmes démarches peuvent être appliquées dans tous les continents, et en particulier en Europe.

Princeton Net Zero change in the mix of electricity sourcesJ’en ai extrait ce graphique qui montre comment les sources d’énergie pour créer de l’électricité doivent évoluer aux États-Unis pour, en même temps :

● Doubler leur consommation d’électricité d’ici à 2050.

● Obtenir que cette production d'électricité soit décarbonée à 100%.

L’Europe est beaucoup plus avancée que les États-Unis sur ce sujet de l’électricité propre, et la France en particulier avec le nucléaire, seule énergie décarbonée disponible en permanence, qu’il vente ou pas, qu’il y ait du soleil ou pas.

Une approche croisée : Commission Européenne + Bill Gates

Les propositions de la Commission Européenne sont intéressantes, la vision de Bill Gates aussi.

Il m’est venu l’idée de combiner les deux pour obtenir le tableau ci-dessous.

Vision Bill Gates vs Europe Climat

On obtient ainsi 25 cases correspondant à des actions possibles.

J’ai mis quelques étoiles où les correspondances sont évidentes. Il doit être possible d’imaginer des usages numériques innovants pour les 25 cases.

En résumé

Ce ne sont pas les domaines d’actions qui manquent pour lesquels il faut trouver des innovations fortes si l’on souhaite réduire les gaz à effet de serre avant l’année 2050. Il faudra choisir ses priorités avec soin.

Une fois de plus, Bill Gates fait une proposition pragmatique que je trouve pertinente : un projet qui n’a pas le potentiel de réduire d’au moins 1 milliard de tonnes les émissions de CO2 ne doit pas être prioritaire.

À nous de passer à l’action, en Europe, pour prendre la tête de ce mouvement.

 

S’appuyer sur les compétences numériques en Europe

AdS DPC woman with European flag S 263715196Dans la première partie de ce billet, j’ai fait référence à l’étude Oliver Wyman qui montre que le seul domaine dans lequel l’Europe n’est pas totalement dépassée par les États-Unis ou la Chine est celui des talents humains.

Il ne faut pas gaspiller la dernière cartouche qui nous reste !

Les atouts de l’Europe dans le domaine humain :

● Les volontés fortes des Européens de se mettre au service de la planète.

● Des formations scientifiques de haut niveau.

● Des compétences remarquables dans les sciences du numérique, et du logiciel en priorité.

● De nombreuses start-up numériques du logiciel qui sont nées au cours des 20 dernières années.

J’ai publié en 2020 un billet optimiste sur la qualité des solutions numériques disponibles en Europe.

En Europe, nous pouvons agir dans les deux dimensions que j’ai présentées dans ce billet :

● Frugalité Numérique.

● Innovations numériques au service de la planète.

Comment agir au mieux, rapidement, dans ces deux dimensions ?

 

Frugalité Numérique européenne

Je propose un plan d’action simple, concret, en deux étapes.

1 - Créer un référentiel permettant aux entreprises de mesurer leur Frugalité Numérique

C’est une première étape indispensable : fournir un référentiel sérieux, scientifique, permettant de mesurer la Frugalité Numérique dans les sept dimensions que j’ai proposées.

Il faudra faire un tri sévère dans l’arsenal des informations disponibles et des méthodes de mesure existantes pour arriver à un consensus fort sur ce sujet. Comme je l’ai indiqué au début de ce billet, le nombre d’informations fausses qui circulent sur ce sujet est très élevé, et l’Europe a besoin d’un référentiel basé sur des données fiables.

En étant réaliste, j’estime qu’il faudra environ 18 mois pour publier une première version de ce document de référence. L’objectif est de le diffuser avant la fin de l’année 2022.

2 - Utiliser ce référentiel pour récompenser les meilleures entreprises

AdS DPC Top 100 S 113263215On pourra ensuite organiser à partir de 2023 un concours annuel récompensant les 100 meilleures organisations européennes en matière de Frugalité Numérique.

J’imagine plusieurs catégories : grandes entreprises, secteur public, PME…

On peut récompenser celles qui ont obtenu les meilleures performances, mais aussi celles qui ont réalisé les progrès les plus rapides.

Si cette double action est un succès, on peut envisager de rendre obligatoire, à partir de 2025, un bilan Frugalité Numérique pour toutes les grandes organisations européennes, publiques et privées.

 

Innovations numériques européennes au service de la planète

Risques états bénéfices entreprisesDans son livre que j’ai cité, Mariana Mazzucato considère que l’un des dysfonctionnements actuels les plus graves de l’économie vient du fait que les États ne profitent pas des investissements qu’ils font dans les secteurs de pointe : “Les risques pour les États, les bénéfices pour les entreprises privées”. L’un des exemples emblématiques cité est celui de Tesla aux États-Unis : Le DoE, Département de l’Énergie a fourni un prêt garanti de 465 M$ mais ne gardait ses 3 millions d’actions que si le prêt n’était pas remboursé. Quand on sait que le cours de l’action de Tesla a depuis été multiplié par 10, on ne peut pas dire que l'État ait fait une excellente affaire ! Au cours actuel, ces 3 M d’actions valent plus de 2 milliards de dollars.

Je trouve donc très pertinente la proposition faite fin mars 2021 par 35 licornes européennes.

AdS DPC smartphone with plant SS 200026499Elles demandent à la  Commission Européenne la création d’un fonds d’investissement souverain européen doté de 100 milliards d’euros de capital pour éviter que les entreprises innovantes qui naissent en Europe ne soient rapidement rachetées par des acteurs venant des États-Unis ou de Chine. On parle bien d’investissements dans les entreprises innovantes, pas de prêt. La dimension “économie verte” est très présente dans cette proposition.

Dans quels secteurs du numérique investir en Europe

C’est la question essentielle : l’Europe a les talents numériques ; comment les utiliser au mieux.

Ma position sur ce thème est très claire, depuis plusieurs années. Il faut privilégier les usages numériques innovants. Oui, cela veut dire abandonner des secteurs clefs comme les infrastructures IaaS ou les outils de base de l’Intelligence Artificielle pour lesquels les retards pris sont tels qu’il n’est plus possible pour l’Europe de revenir dans la compétition mondiale.

C’est en conjuguant les talents européens et les infrastructures américaines que l’Europe pourra construire des usages numériques compétitifs au niveau mondial.

Ce schéma simple, simpliste diront certains, résume ma position.

Develop Europe + Infra US = Usages monde

Cette position, positive, pragmatique, tournée vers l’avenir est, sera fortement contestée par une grande partie de la classe politique et des professionnels du numérique en Europe et en France.

Un article, publié le 3 avril 2021 dans le journal “Le Parisien” illustre très bien cet obscurantisme numérique nationaliste. Une professeure d’université en sciences de gestion, Johanna Habib, s’en prend à Doctolib, éditeur d’une solution SaaS bien connue qui facilite la prise de rendez-vous médicaux. Elle a un double défaut, je cite :

“C’est un outil qui a su devenir incontournable, pour les patients comme pour les professionnels de santé.”  Quel scandale ! Une application numérique qui a réussi à s’imposer toute seule, grâce à ses qualités et son ergonomie.

Avec Doctolib, on a un vrai problème de souveraineté…”. Faux ! Comme le montre ce graphique, l’immense majorité des investisseurs dans Doctolib sont français.

Investisseurs Doctolib

● Autre scandale : L’application Doctolib est hébergée par AWS, Amazon Web Services, dans ses serveurs… européens. L’héberger chez OVH à Strasbourg, cela aurait été une bien meilleure idée...

Ce dont l’Europe a besoin, et très vite, c’est de dizaines et de dizaines d’éditeurs SaaS à succès comme Doctolib, pas de discours négatifs de personnes dont les compétences en numérique sont proches du zéro absolu.

Se pose alors une deuxième question : dans quels domaines d’usages numériques l’Europe doit-elle investir en priorité ?

Je propose de repartir du tableau que j’ai construit, qui croise les visions de la Commission Européenne et de Bill Gates, avec ces 25 cases.

Europe investissement 100 B €Avec le fonds d’investissement souverain de 100 milliards d’euros, l’Europe peut investir dans 3 à 10 projets numériques innovants dans chaque case. On parle bien d’investissement, pas de financement.

Je suis persuadé que nous avons suffisamment de talents numériques et d’entrepreneurs pour qu’une centaine de projets numériques ambitieux correspondant à ces 25 cases soit proposée au fonds d’investissement souverain dans les 2 à 3 années qui viennent.

La démarche que je propose a de nombreux avantages :

● Elle mobilisera beaucoup de talents numériques européens prêts à s’investir pour la planète.

● Sur les 100 projets financés, une petite moitié pourrait donner naissance à des licornes européennes.

● Ces solutions numériques européennes au service de la planète pourront être déployées dans le monde entier.

● L’Europe devrait rentabiliser son investissement de 100 milliards d’euros. C’est tout sauf un crime que d’être capable de gagner de l’argent pour une bonne cause.

 

Résumé

AdS DPC Enthousiam - Success S 316495497L’Europe n’a pas perdu toutes les batailles du numérique. Il lui reste quelques cartes importantes à jouer, dans le domaine des usages.

Le temps est compté. Il faut agir vite, très vite en faisant preuve d’agilité, en prenant des décisions rapides et en assumant des risques d’échecs importants.

Mettre les talents européens au travail pour construire des solutions numériques qui aideront le monde entier à répondre aux défis du changement climatique qui nous menace, difficile d’imaginer un projet plus enthousiasmant pour motiver la majorité des citoyens européens.


Et si notre monde était devenu incapable de s’adapter à l’innovation ? Deuxième partie

La première partie de cette analyse a présenté les trois époques principales de l’innovation et l’entrée du monde, depuis une dizaine d’années, dans une croissance exponentielle de ces innovations, en particulier dans le monde du numérique.

 

Les premiers signes de réactions négatives

AdS DPC Positive Negative S 313730832Mes lectures récentes montrent bien qu’il y a deux visions du monde futur.

Une première, optimiste, parie sur la capacité de l’humanité à s’adapter :

● “Exponential Organizations” de Salim Ismael, explique que les entreprises peuvent et doivent elles aussi adopter des démarches exponentielles d’évolution.

● “The future is faster than you think” de Peter Diamantis et Steven Kotler met l’accent sur la convergence de différentes technologies, toutes exponentielles et donne des pistes pour s’adapter pendant la décennie actuelle.

Une deuxième vision, pessimiste, met en doute notre capacité à nous adapter :

● “New Dark Age” de James Bridle, annonce la fin du futur de l’humanité.

● “How to fix the future” de Andrew Keen, prédit un futur effrayant et négatif.

● “The Uninhabitable Earth'', de David Wallace-Wells, est l’un des plus négatifs et  annonce tout simplement que notre planète terre deviendra rapidement invivable.

● “Human Compatible” de Stuart Russell, se concentre sur l’Intelligence Artificielle et questionne nos capacités à en contrôler les évolutions.

Le nombre de livres publiés ayant une position négative est supérieur à ceux qui sont optimistes. A mon avis, ce n'est pas seulement parce que le catastrophisme fait vendre.

 

Un début de basculement vers une allergie à l’innovation technologique ?

Le décalage entre la réalité des améliorations spectaculaires apportées par la science et la technologie au monde et la perception des personnes s’accélère, et ce n’est pas un bon signe.

Ces deux doubles pages sont extraites du livre de Hans Rosling, Factfulness, cité dans la première partie de ce billet.

La première présente 16 indicateurs de phénomènes négatifs qui se sont réduits fortement au cours des années : esclavage, maladies, accidents d’avion, ozone...

16 bad things decreasing

La deuxième présente 16 indicateurs de phénomènes positifs qui se sont améliorés fortement au cours des années : droits de vote, éducation des femmes, démocratie…

16 good things increasing

Nous devrions tous être contents ; et bien non ! On a l’impression que le monde perçoit exactement l’inverse : les phénomènes positifs se détériorent et les négatifs augmentent.

Factfullness Hans Rosling monde pireUne grande enquête a été réalisée en 2017 dans plusieurs pays. Les personnes devaient répondre à la question : est-ce que le monde devient meilleur, reste le même ou pire. Ce graphique donne les réponses "pires". Il n’y a pas un seul pays où le score est inférieur à 50%.

La France est dans le peloton de tête.

Les effets les plus visibles de cette intolérance à l’innovation numérique se concentrent en ce moment sur les infrastructures. Pourquoi ? Elles sont beaucoup plus visibles que les usages et les applications.

Vous connaissez beaucoup d’infrastructures qui n’ont aucun impact sur les paysages et la nature ? Moi, non :

● Lignes électriques haute tension.

● Autoroutes.

● Voies ferrées, TGV et autres.

● Centrales électriques, thermiques ou atomiques.

● Barrages hydrauliques, qui ont submergé des villages entiers.

● …

Comme toutes les infrastructures nécessaires pour déployer des innovations technologiques, les éoliennes, les satellites, les antennes radio, ne sont pas invisibles. Oui, les éoliennes terrestres se voient de loin, quelle surprise ! Sont-elles vraiment plus moches que les lignes haute tension ?

Fédération Non à l'éolien en France

Oui, on apercevra parfois depuis sa résidence secondaire à La Baule des éoliennes en mer quand le ciel est dégagé ; est-ce vraiment un crime visuel insupportable ?

Installer un parc d’éoliennes en France est devenu un parcours du combattant qui dure plusieurs années, tous les blocages juridiques possibles étant utilisés. Face à l’urgence du basculement vers des énergies renouvelables, est-ce une démarche raisonnable ?

Les nouveaux satellites basse altitude lancés par SpaceX d’Elon Musk fourniront dès 2021 des accès internet haut débit aux pays qui en manquent cruellement. C’est un scandale ! Ils perturbent un peu le travail des astronomes.

Autre exemple significatif de cette allergie croissante à l’innovation : le déploiement de la 5G en France. Nous sommes le dernier pays d’Europe à l’avoir autorisé. Des dizaines d’études scientifiques ont confirmé que la 5G ne présente aucun risque pour la santé.

5G no risks

Les antennes 5G, qui ne sont le plus souvent que des antennes déjà installées que l’on met à niveau, ont fait l’objet de plus de 100 attaques et destructions pendant la seule année 2020. L'incompétence technique des attaquants est telle qu’ils leurs arrivent de confondre antennes 5G et antennes de télévision.

Attaques anti 5G

Je connais déjà la réponse de ceux qui sont farouchement opposés à toute nouvelle infrastructure qui peut apporter de la valeur à l’humanité : “Oui, mais les infrastructures actuelles, on s’y est habitué.”

 

Un argument en croissance : l’innovation technologique est mauvaise pour la planète

Opposer innovation technologique, en particulier numérique, et écologie devient un autre d’axe fort de ces mouvements anti-innovations. Soit parce qu’ils sont mal informés, le plus souvent parce qu’ils sont de mauvaise foi, les “verts bien pensants” communiquent massivement sur les méfaits des innovations technologiques pour la planète.

Essayez de leur opposer des arguments scientifiques. Ils se transforment en une armée de petits Donald Trump, offensés, et crient à la manipulation, aux fausses nouvelles.

J’ai écris de nombreux billets sur mon blog qui s’appuient sur des éléments chiffrés, factuels, pour montrer que :

L’innovation technologique est l’une des meilleures armes pour sauver la planète. Elle permet en particulier une dématérialisation de l’économie.

Transformation Numérique et Frugalité Numérique sont de puissants alliés. Ce lien est vers le premier d’une série de quatre billets.

La santé est un autre sujet sensible ; de nombreux “marabouts” modernes ont découvert le filon et proposent à une clientèle fragile des protections en tout genre. Le danger des ondes radio est très en vogue en ce moment.

Baldaquin anti ondesDe nombreuses boutiques en ligne, auxquelles il faut bien sûr accéder en utilisant des réseaux numériques sans fil, proposent des protections personnelles ou d’habitation. Pour la modique somme de 1 880 € HT, vous pouvez vous protéger pendant votre sommeil des ondes radio avec un superbe baldaquin faisant office de cage de Faraday.

 

Un cas concret : les vaccins anti COVID-19

Tous les médias, et pas seulement les réseaux sociaux, sont concentrés sur le court ou le très court terme ; le temps consacré à des analyses posées, scientifiques, factuelles sur les évolutions à long terme est presque inexistant. L’exemple des vaccins anti COVID-19 l’illustre très bien.

C’est un succès scientifique vraiment extraordinaire : les premiers vaccins contre la COVID-19 étaient disponibles moins d’un an après l’arrivée du virus, et avec des taux d’efficacité supérieurs à 90%, ce qui n’avait jamais existé face aux virus précédents celui de la COVID-19.

D'où vient cette double performance, temps de développement et efficacité, que personne n’aurait imaginé en mars 2020 ? Des progrès exponentiels réalisés dans les sciences de la vie et du numérique.

Moderna on AWS  42 jours au lien de 20 moisLa société Moderna a utilisé les solutions IaaS, Infrastructure as a Service, d’AWS depuis 2017. Moderna estime que, pour développer son vaccin COVID-19, le temps nécessaire a été de 42 jours ; il lui aurait fallu 20 mois sans AWS. C’est une accélération de plus de 14 fois.

18 mois de gagnés, 18 mois pour vacciner plus vite : combien de vies cette accélération a sauvé ? Sur la base de 2 millions de morts en 12 mois, on arrive au chiffre extraordinaire de… 3 millions de vies potentiellement sauvées.

Je n’ai pas lu beaucoup d’articles sur ce “miracle technologique”. A l’inverse, des milliers de politiques et de commentateurs dénoncent un “drame absolu” quand un laboratoire annonce un retard de 1 à 3 semaines dans la mise à disposition des doses, dû à des problèmes de mise en production que toute personne ayant une expérience industrielle peut comprendre. Ce retard va ralentir de quelques semaines le rythme des vaccinations, car la fabrication reprendra avec des capacités plus élevées.

Une illustration, parmi des milliers de ces réactions : le Secrétaire d'État Christian Beaune menace les laboratoires de sanctions pour ces retards :

● Date de l’entretien : jeudi 21 janvier 2021.

● Date de reprise des livraisons, annoncée dans ce même entretien : lundi 25 janvier 2021.

Christian Beaune sur vaccins

Heureusement que d’autres responsables politiques, au niveau européen, avaient une véritable vision moyen terme en passant des commandes massives de vaccins dès juillet 2020, alors qu’aucun vaccin n’était encore disponible et n'avait été approuvé par les organismes de certification. La date de livraison de ces vaccins n’était évidemment pas inscrite dans ces contrats.

Autre polémique : l’Europe s’insurge car les Etats Unis et le Royaume Uni sont livrés plus vite que l’Europe. La raison ? Ils ont passé des commandes 3 mois avant, et il est logique qu’ils soient livrés avant.

Lançons aujourd’hui une enquête d’opinion en posant la question : “Que pensez-vous de la vitesse à laquelle les vaccins anti COVID-19 sont disponibles ?”

Quelles seraient les réponses les plus fréquentes, et de loin ? Je suis prêt à parier que ce seraient des critiques virulentes de ces retards de quelques semaines.

Ils seraient peu nombreux ceux qui diraient : “C’est génial, on dispose d’un vaccin en moins d’un an, ce qui n’était jamais arrivé auparavant !”

Les seuls qui feraient référence à cette accélération ? Des anti-vaccins pour dire qu’un vaccin développé aussi rapidement, c’est louche, c’est pas normal, on va être des cobayes, j’ai pas confiance… Ces deux réponses de politiques français illustrent très bien cette position de méfiance vis-à-vis des progrès rapides de la science moderne.

COVID-19 Le Pen Dupont Aignan

 

Synthèse : les dix prochaines années

Intelligence Artificielle, informatique quantique, micro-réacteurs à fusion nucléaire, nouveaux traitements médicaux efficaces contre des maladies incurables aujourd’hui…en 2030 les progrès exponentiels de la science et des technologies pourraient continuer et permettre au monde d’améliorer encore plus les nombreux indicateurs de progrès présentés dans ces deux billets.

Ces progrès sont possibles, sauf si l’humanité, désorientée par la vitesse croissante de ces innovations, son incapacité à les comprendre, succombe à la tentation du retour en arrière.

Aotodafé smallVerra-t-on le retour de gigantesques autodafés, numériques cette fois ? Les incendies d’antennes 5G en sont les signes avant-coureurs.

Inquisition espagnole en 1480, destructeurs d’antennes en 2020, même culture, même combat.

Est-ce que les États et leurs lois seront capables de ne pas bloquer des innovations de rupture, qui par définition n’auront jamais été mises en œuvre ? Est-ce que des vaccins ARN auraient été autorisés pour d’autres maladies que la COVID-19 s’il n’y avait pas eu cette urgence mondiale ? Rien n’est moins sûr.

Dans deux textes, publiés en 2018, j’avais déjà tiré le signal d’alarme sur les risques que font courir à la France des lois déraisonnables comme le principe de précaution inscrit dans la constitution.

La tentation sera forte, pour les états, de ralentir les progrès technologiques qu’ils ne comprennent pas en publiant des lois et règlements “technicides”.

A l’inverse, est-ce que les grands blocs qui dominent de plus en plus les innovations numériques, Chine et USA, ne seront pas tentés d’utiliser de nouvelles avancées qu’ils seraient les seuls à détenir pour soumettre le reste du monde à leurs exigences.

Gozilla vs Kong with flagsDe nombreux experts américains prédisent que la Chine deviendra la première puissance mondiale en Intelligence Artificielle dès 2025. Imaginons qu’il en soit de même en informatique quantique en 2030. Chine contre USA, un combat de titans numériques qui peut ébranler la planète dans cette décennie et dont l’Europe est absente.

Gozilla contre Kong, c’est le titre d’un film qui va sortir en 2021 ; l’analogie est tentante…

La tentation sera forte, pour les particuliers, de se rebeller contre des intelligences artificielles plus performantes qu’eux, des voitures autonomes qui feront que la conduite par des humains sera de plus en plus régulée, car trop dangereuse.

Et les fournisseurs leaders ? Auront-ils la sagesse de mettre leurs innovations au service de la société ou la tentation de devenir encore plus les véritables maîtres du monde. Les luttes telles que celles entre le gouvernement chinois et le patron d’Alibaba pourraient se multiplier dans les années qui viennent. On assiste déjà à des affrontements similaires entre les GAFAM et l’Union européenne.

Et les entreprises ? C’est dans ce domaine que le futur des prochaines années est le plus difficile à imaginer. Les profondes différences dans la vitesse d’adoption des technologies innovantes que j’ai pu observer pendant les années 2005 - 2020 vont probablement s’accentuer entre 2021 et 2030.

Est-ce que les entreprises qui sont déjà dramatiquement en retard dans leur Transformation Numérique en 2021 auront encore une possibilité de remonter à la surface avant 2030 ? Rien n’est moins sûr.

J’ai posé beaucoup de questions dans ces billets. Les réponses ne sont pas figées dans le marbre.

2030 Incertitude NumériqueElles dépendent des réactions de milliards de personnes, de millions d’entreprises, de tous les pays de la planète, d’une vingtaine de leaders technologiques mondiaux et de leur capacité à gérer ensemble cette croissance exponentielle de l’innovation technologique pour que nous soyons tous gagnants.

Quel est votre sentiment, en ce début d’année 2021 ?

● Optimiste pour 2030 ?

● Pessimiste pour 2030 ?


Transformation Numérique : l’après COVID-19, mode d’emploi pour 2020

 

(Long billet : l’importance du sujet l’impose et vous avez probablement un peu plus de temps que d’habitude pour le lire et... mettre en pratique les recommandations qu’il contient.)

Couverture livre DTN copie 2Depuis quelques semaines, dans le monde entier, le Coronavirus COVID-19 a obligé toutes les organisations, privées ou publiques, petites, moyennes ou grandes à apprendre à travailler autrement, très vite et sans préavis.

A la fin de l’année 2018, j’avais publié avec Dominique Mockly, PDG de Teréga, le livre :

Dirigeants, Acteurs de la Transformation Numérique

Ce livre, écrit avec Google Docs et publié sur Amazon pour s’appuyer sur les outils modernes du Cloud Computing, ne faisait pas référence au COVID-19. Il a aidé des organisations innovantes qui avaient bien avancé dans leur Transformation Numérique à s’adapter rapidement aux nouveaux modes de travail rendu indispensables par les règles de confinement.

Mise à jour du 17 avril 2020 : ce livre est maintenant disponible en format numérique, Kindle.

A l’inverse, dans une majorité d’entreprises, cette pandémie COVID-19 a mis en évidence des défaillances de leur Système d’Information et la possibilité pour leurs collaborateurs de travailler efficacement, loin de leurs bureaux traditionnels.

Ce billet aborde les thèmes suivants :

  • Principaux dysfonctionnements mis en évidence.
  • Comment une Transformation Numérique réussie a permis de mieux résister.
  • Comment se préparer pour redémarrer, autrement.
  • Pourquoi, demain, on doit, on peut concilier Transformation Numérique et Frugalité Numérique.
  • Quelles sont les décisions prioritaires à prendre avant la fin de l’année 2020.

(Pour éviter de répéter ce que j’ai souvent écrit dans ce blog, je vais référencer de nombreux billets déjà publiés.)

 

Dysfonctionnements d’un Système d’Information mis en évidence par le COVID-19

AdS DPC Confinement COVID-19 S 332567052Les strictes mesures de confinement annoncées en mars 2020 dans de nombreux pays, et exécutoires en quelques heures, ont obligé les entreprises, leurs collaborateurs et leurs partenaires à bouleverser leurs modes de travail et d’organisation. Fin mars 2020, la moitié de la population mondiale était confinée à son domicile.

Tous les défauts des informatiques archaïques, que je dénonce depuis plus de dix ans, ont immédiatement resurgi. Pour ne pas accabler ces entreprises qui font l’autruche, je ne citerai que les plus évidents.

Centres de calcul privés (appelés à tort clouds privés) sous-dimensionnés

Le confinement est annoncé en France le 17 mars. Immédiatement, les sites des grands acteurs du commerce comme Monoprix ou Leclerc… ne répondent plus ! Surprise ? Non !

Sites marchands down coronavirus

Est-ce que vous pensez que la demande n’a pas augmenté au moins autant sur le site d’Amazon ? Avez-vous entendu parler d’une panne sur le site marchand Amazon ? Non !

OVH Panne 30 mars 2020Même les hébergeurs ne sont pas à l’abri de ces pannes : OVH en a fait la démonstration le 30 mars 2020. Il faudra bien qu'un jour les hébergeurs et leurs clients finissent par comprendre que leur métier n’a strictement rien à voir avec celui des fournisseurs industriels de Clouds Publics comme AWS, Azure ou GCP.

Croire encore en 2020 que la sécurité des accès se fait par des VPN (Virtual Private Networks)

Les défenseurs de VPN me font penser à… “la belle au bois dormant”. Ils se sont endormis en l’an 2000 et ont été réveillés sans ménagement en 2020 par des milliers d'utilisateurs désespérés qui essayaient vainement de travailler, confinés dans leur domicile.

En 2017, j’avais écrit un billet expliquant pourquoi le principe de la sécurité “périmétrique” était un mythe périmé et dangereux. Je ne suis pas le seul à le penser, heureusement.

Death of VPN with Coronavirus

Encore trop de collaborateurs équipés de PC fixes

Old Desktop PCDans le grand public, si l’on met de côté les “gamers”, les ventes de PC fixes ont disparu. Ce n’est hélas pas encore le cas dans toutes les entreprises. PC mobiles et Chromebooks sont les seuls objets d’accès professionnels qui permettent de travailler en tout lieu, à toute heure.

Ces déficiences techniques sont graves, mais ce n’est rien par rapport aux visions dépassées de dirigeants et à l’absence de préparation des salariés aux nouveaux modes de travail qu’il est nécessaire de maîtriser pour être efficace en mode “confinement”.

C’est le cas en France, comme le montre cet article de la revue Capital.

Ce n’est pas mieux aux USA ! Le CEO de Charter, grande entreprise du secteur des télécoms, ose écrire aux salariés que : “travailler au bureau est plus efficace pour tous, y compris ceux qui pourraient télétravailler”.

Watching you WFHLa paranoïa des dirigeants qui ont peur de perdre le contrôle sur les activités des salariés qu’ils ne “voient pas” peut prendre des formes extrêmes : une entreprise annonce que tout ce que font leurs salariés sur leur PC est enregistré : sites Web visités, une copie d’écran toutes les dix minutes...

Education Nationale & CoronavirusOn en a eu aussi un exemple éclatant dans le monde de l’éducation nationale, quand plus de 15 millions d’apprenants ont dû basculer en mode enseignement à distance en 48 heures. Je ne mets pas en cause le dévouement et les efforts de l’immense majorité des enseignants, mais l’absence d’innovation dans les outils numériques déployés dans les écoles, lycées et universités.

J’avais abordé, il y a juste un an, ce sujet majeur dans un billet.

Dès 2014, j’avais identifié les 10 “ex bonnes pratiques” qu’il fallait abandonner et les dix NBP, Nouvelles Bonnes Pratiques, à adopter pour la période 2014-2021.

Hélas, en 2020, ces “ex bonnes pratiques” sont encore trop incrustées dans les entreprises qui n’ont pas pris le chemin de leur Transformation Numérique.

Je terminais ce billet en donnant rendez-vous en 2021 pour établir les NBP pour la décennie qui commence en 2021. A mon grand désespoir, je suis encore, en 2020, obligé de me battre pour que les NBP de 2014 soient mises en œuvre.

Sept outils innovation - Traditionnels copieDur, dur, de changer les organisations et leur SI !

J’avais aussi écrit en 2017 un autre billet qui identifiait sept signaux forts d’innovation ; ils sont plus que jamais d’actualité.

Il y a, heureusement, des entreprises qui ont pu s’adapter immédiatement aux défis posés par le confinement COVID-19.

 

Transformation Numérique réussie : meilleure résistance aux crises telles que COVID-19

Depuis plus de dix ans, dans ce blog, par mes actions de sensibilisation et missions de conseil, je pousse les organisations à réinventer leurs usages et leurs infrastructures informatiques et numériques.

Beaucoup reste à faire : en reprenant la courbe de Gauss de l’innovation que j’ai souvent utilisée, j’estime que la France est encore entre la zone “innovateurs” et “majorité initiale”.

Moins de 20 % des entreprises françaises ont basculé dans un monde “numérique prioritaire”, “Digital First” en anglais.

Gauss innovation -Etat France 2:2020

Il faut énormément de courage de la part des dirigeants et des équipes de professionnels du numérique pour aller au-delà des mots et passer à l’action ; je l’ai expliqué en détail dans ce billet au titre clair : Transformation Numérique, le courage ou la trouille.

J’ai pu échanger ces derniers jours avec les rares entreprises que je connais et qui ont entrepris depuis plusieurs années une Transformation Numérique majeure. Cela fait chaud au cœur quand un dirigeant félicite publiquement son DSI après une conférence vidéo qui a réuni plusieurs centaines de personnes et qui a fonctionné sans hiatus, car les collaborateurs étaient bien équipés et… bien préparés.

Techniquement, il n’y a rien de magique : on connaît très bien les outils et solutions à mettre en œuvre pour qu’une entreprise soit prête à affronter une crise comme celle du COVID-19.

J’ai publié en 2017 plusieurs billets qui identifiaient les technologies clés des prochaines années ; les échanges “vidéos” en faisaient bien sûr partie.

La liste qui suit n’est pas exhaustive, mais va à l’essentiel.

Basculement des infrastructures sur des Clouds publics industriels

Ceci permet de répondre aux évolutions imprévisibles de la demande des entreprises :

● Variabilité de la charge.

● Résilience.

● Fiabilité.

Même les géants du Cloud n’ont pas toujours la puissance disponible pour faire face à de fortes augmentations des usages, comme ce fut le cas pour Microsoft 365.

Bravo quand même, Microsoft, qui a su faire face, sans trop réduire les services proposés, à une augmentation de sa charge très importante, proche de 800 %. Combien d’entreprises gérant elles-mêmes leurs infrastructures en auraient été capables ?

Généralisation des accès aux applications par navigateur

Chromebooks sold out Covid-19Ceci permet à tout collaborateur, quel que soit son objet d’accès, PC Windows, Mac, smartphones, tablettes ou Chromebook, d’accéder à l’ensemble des applications de son entreprise, où qu’il soit. Les avantages des Chromebooks sont encore plus évidents dans ces périodes de crise ; j’en ai longuement parlé dans ce billet.

Ce Tweet donne une liste de produits en rupture de stock aux USA : les Chromebooks en font partie, mais, hélas, après les armes à feu !

Des usages SaaS, Software as a Service, pour toutes les fonctions support

G Suite de Google n’a connu aucune panne significative au niveau mondial depuis le début de la crise.

Des dizaines d’autres fournisseurs de solutions SaaS, tels que Workday, Coupa ou Talentsoft, ont encaissé de fortes croissances de la demande tout en garantissant un haut niveau de service.

La nouvelle vedette du logiciel, Zoom, qui permet des vidéoconférences de haute qualité avec une facilité d’usage exceptionnelle a connu une forte croissance du nombre d’entreprises qui l’ont déployé, comme le montre ce graphique. N’oublions pas que Zoom existe depuis… plus de dix ans, et avait déjà démontré la qualité de ses services.

Number new users Zoom

Autre chiffre éloquent : le nombre de nouveaux utilisateurs pendant les 3 premiers mois de 2020 est supérieur à ceux de toute l’année 2019 !

Ceci ne doit pas occulter les sérieuses zones d’ombre de Zoom, en particulier sur la sécurité et la confidentialité des échanges. Des alternatives protégeant mieux la confidentialité des données existent : parmi les meilleures, Whereby, société norvégienne et 100% compatible avec le standard WebRTC, ce qui évite toute installation sur les postes de travail.

Sécurité, confiance, confidentialité des données

Cela fait longtemps que de remarquables outils existent, qui permettent aux collaborateurs des entreprises qui ont basculé sur les clouds publics de travailler en toute confiance ; je vous renvoie à ce long billet sur ce thème.

Quelques exemples :

Zscaler help for Coronavirus● Pour accéder de chez soi aux applications de l’entreprise sans souffrir les lenteurs d’un VPN, la solution Zscaler est une excellente réponse. Une entreprise de plus de 70 000 collaborateurs a remplacé au mois de mars 2020 ses VPN catastrophiques par Zscaler.

● Les solutions de SSO, Single Sign On, qui permettent de sélectionner les applications auxquelles on peut accéder à distance en toute sécurité.

En partageant avec tous ses clients ses connaissances, Zscaler protège efficacement, immédiatement, contre les attaques “innovantes” des hackers qui utilisent les craintes liées au COVID-19.

C’est parce qu’elles avaient pris en compte les dimensions humaines, culturelles et organisationnelles, en accompagnant tous les collaborateurs dans ce voyage passionnant qu’est une Transformation Numérique que des entreprises ont pu, immédiatement, basculer dans des modes de travail distribué.

Pour les autres, il est urgent de… s’y préparer, sérieusement.

 

Se préparer, pendant les semaines qui viennent

Who leads Digital TransformationCe Tweet résume remarquablement bien la situation : Le COVID-19 sera le catalyseur principal des nombreuses Transformations Numériques qui vont démarrer pendant la deuxième moitié de l’année 2020.

L’activité économique va rester faible pour la majorité des entreprises en avril et mai 2020.

Dirigeants et responsables informatiques des entreprises qui n’ont pas encore sérieusement “numérisé” votre entreprise, je vous propose de profiter de ces deux mois pour vous mettre en ordre de bataille avant de passer à l’action.

Information et sensibilisation

Commandez immédiatement (dès qu’Amazon livrera) un exemplaire de “Dirigeants, Acteurs de la Transformation Numérique” pour chacun de vos dirigeants, pour chaque collaborateur de votre DSI et demandez-leur de le lire avant la fin du mois de mai 2020.

Ils auront acquis les bases essentielles pour préparer les étapes suivantes.

En mai ou juin, si vous pouvez organiser un séminaire, en ligne ou en présentiel, d’une journée pour, ensemble, échanger sur ces thèmes, ce sera très utile.

Travail distribué, WFH en anglais (Working From Home)

Il ne suffit pas de donner un PC portable à un collaborateur, un accès internet aux applications de l’entreprise pour que, par un coup de baguette magique, il s’adapte immédiatement à ces nouveaux modes de travail.

Lisez, faites lire les trois livres publiés par les fondateurs de Basecamp, une remarquable solution SaaS de gestion d’activités. Ils ont été, depuis le premier jour, les pionniers du travail à distance.

Rework, publié en 2010, il y a dix ans, déjà !

Remote, publié en 2013.

It doesn't have to be crazy at work, publié en 2018.

Three books Basecamp

Ces trois livres sont courts, remarquablement écrits, faciles à lire, pragmatiques et remplis d’excellents conseils que l’on peut mettre en pratique immédiatement.

Des dizaines de personnes se sont proclamées expertes en télétravail ces dernières semaines. Rien ne remplacera jamais les dix ans d’expérience de Basecamp dans ces domaines.

Ces trois livres sont redevenus des “best-sellers” depuis quelques semaines, quelle surprise !

Pour compléter ces ouvrages, les règles de communications professionnelles efficaces utilisées en interne par Basecamp sont aussi une lecture indispensable.

Créez, dès que les activités de votre organisation auront repris un rythme presque normal, un groupe de combat qui aura deux missions :

● Mettre en pratique, avant la fin de l’année 2020, de premiers éléments d’une Transformation Numérique. Ce point est détaillé dans la suite du billet.

● Définir, avant la fin de l’année 2020, la nouvelle stratégie numérique qui sera déployée à partir de 2021.

 

COVID-19, Transformation Numérique et… Frugalité Numérique

La Frugalité Numérique a pour objectif de prendre en compte les dimensions énergétiques et climatiques de toute action dans le domaine du numérique. C’est un sujet que j’ai abordé dans plusieurs billets en ce début d’année 2020.

Excellente nouvelle : j’ai démontré que les meilleures décisions concernant une Transformation Numérique réussie sont aussi… les meilleures décisions en matière de Frugalité Numérique.

Je prendrai juste un chiffre extrait de l’un de mes billets sur le sujet :

Fermer ses centres de calcul privés et basculer sur des clouds publics divise au minimum par 6 la consommation d’énergie électrique nécessaire pour exécuter toutes les applications de l’entreprise.

Je vous propose donc de faire… d’une pierre deux coups.

Une pierre deux coups Transformation  Frugalité numérique

Votre entreprise peut, en démarrant dans la deuxième moitié de l’année 2020, se fixer deux objectifs simultanés :

● Accélérer sa Transformation Numérique.

● Lancer de premières actions pour améliorer sa Frugalité Numérique.

En regroupant ces deux objectifs, ils seront plus faciles à atteindre que de manière séparée. Vous pourrez plus facilement motiver tous vos collaborateurs en mettant en évidence les bénéfices de cette double transformation, pour eux, leur entreprise et la planète.

 

Un avant, un après COVID-19, pour votre Transformation Numérique

En juin 2020, après 3 mois de confinement qui auront impacté les modes de fonctionnement de 100% des organisations, la vie économique va redémarrer, lentement.

Devant l’immensité des tâches qui attendent les entreprises après plusieurs mois d’activités réduites, face à des marchés dont on ne sait pas comment ils vont réagir, la tentation sera forte de revenir au statu quo.

Il y a deux démarches possibles, remarquablement résumées par ce double dessin :

1. Ce n’est pas le moment, c’est impossible.

2. Transformer ce défi en opportunité : rien n’est impossible.

Just do nothing  its impossible 2

Mon pronostic est clair : le monde « post COVID-19 » ne sera plus le même qu’avant la pandémie :

● Le grand public ne l’acceptera plus.

● Les collaborateurs auront de nouvelles exigences.

● Les états changeront leurs stratégies en matière d’approvisionnement, de relocalisation d’activités…

● Les clients grand public et professionnels  des entreprises seront plus exigeants et basculeront dans un monde “numérique prioritaire”.

Les entreprises n’auront pas le choix : une Transformation Numérique forte et rapide deviendra indispensable. Au lieu de subir cette mutation, dirigeants et responsables informatiques peuvent prendre les devants et transformer ce défi en opportunité.

Que c’est-il passé entre février et fin mars 2020 ?

Du jour au lendemain, les entreprises ont dû apprendre à travailler en réduisant fortement leurs modes de fonctionnement habituels :

● Disparition des réunions physiques.

● Des bureaux centraux vidés de la majorité de leurs collaborateurs.

● Sans aucune possibilité de se déplacer sur de longues distances, en avion, en train ou en voiture.

● En ne participant plus aux grands salons professionnels de leur secteur d’activité.

● Sans organiser ou participer à des formations en présentiel.

● En ne rencontrant plus physiquement leurs prospects pour présenter leurs offres.

● ….

Ce sont les activités en bleu sur le graphique ci-dessous. Le niveau de réduction de chacune de ces activités est différent : il est passé d’une base 100 en février 2020 à un taux réduit A1, probablement compris entre - 50% et - 100%.

COVID-19 : un avant  un après

Du jour au lendemain, les entreprises ont été obligées de pousser de nouveaux usages :

● Un nombre beaucoup plus élevé de salariés qui travaillent depuis chez eux.

● Une explosion du nombre d’audio et vidéo conférences.

● Travailler à plusieurs sur un même document.

● Organiser des formations “on line”. (C’est ce que m’a demandé de faire le Mastère Système d’Information de Grenoble Ecole de Management où j’interviens, pour un cours de deux journées.)

● Créer des Webinaires pour présenter leurs solutions à des prospects.

● ...

Ce sont les activités en rouge sur le graphique ci-dessus. Le niveau de croissance de chacune de ces activités est différent : il est passé d’une base 100 en février 2020 à un taux plus élevé N1, probablement compris entre + 50% et + 2 000%.

 

Transformation Numérique : actions concrètes prioritaires en 2020

Je vous propose de partir du schéma des activités qui ont baissé et monté entre février et avril 2020.

Pour chacune de ces activités, vous pouvez :

● Mesurer les niveaux de départ, base 100 à fin février 2020.

● Mesurer quel est le niveau, A1 ou N1, atteint par chaque activité, à fin mars ou fin avril.

Profitez des semaines qui viennent pour déterminer, en concertation entre toutes les parties prenantes, collaborateurs, informaticiens et dirigeants, les nouveaux niveaux, A2 ou N2, que vous souhaitez atteindre à la fin de l’année 2020 pour chacune des activités.

Fin mars 2020, le cabinet d’études 451 Research a publié les résultats d’une enquête auprès de dirigeants. J’en ai extrait le tableau suivant, qui montre quels sont les impacts permanents probables du COVID-19 sur les modes de travail. Il peut vous aider à formuler vos propres hypothèses.

451 research - COVID-19 impacts on ways of working

La démarche la plus mauvaise serait le “laissez faire” et d’attendre pour voir quel sera le nouveau point d’équilibre atteint quand l’entreprise aura retrouvé un niveau d’activité proche de la normale.

BAU, Business As Usual, n’est plus une option. Les entreprises doivent “profiter” des ruptures créées par le COVID-19 pour reprendre la main et faire des choix forts sur les nouveaux modes de travail, les nouveaux outils numériques qu’elles souhaitent mettre en œuvre avant la fin de l’année 2020.

C’est ce que j’ai appelé les “Objectifs Management” sur le schéma présenté plus haut.

J’ai construit ce tableau pour vous aider dans votre réflexion ; les chiffres qu’il contient sont donnés à titre d’exemple et ne sont pas des recommandations.

Après COVID-19 - priorités modes de travail

Chaque entreprise doit sélectionner les activités qu’elle a identifiées comme pertinentes et :

● Mesurer les valeurs en janvier 2020.

● Mesurer les valeurs en avril 2020.

● Déterminer des objectifs pour décembre 2020.

Une Transformation Numérique complète demande de repenser l’ensemble des usages numériques de l’entreprise ; elle demande plusieurs années d’efforts intenses.

L’urgence, la priorité d’ici la fin de l’année 2020 est de se concentrer sur les usages et les outils universels liés aux activités communes à la grande majorité des collaborateurs.

Cette priorité peut se résumer en une phrase simple :

Travailler, collaborer, partager et communiquer... autrement

 

Synthèse : optimisme et action

Il y aura un avant et un après COVID-19, et ils seront différents, dans toutes les entreprises.

AdS DPC Before After Sea view S 176408860

Pour préparer un “après” qui est “meilleur” pour les entreprises, leurs collaborateurs, sans oublier la planète, accélérer Transformation Numérique et Frugalité Numérique seront indispensables dès la deuxième moitié de l’année 2020.

Les outils numériques pour le faire sont tous opérationnels, fiables, économiques, prêts à être déployés immédiatement.

Vos prochaines étapes :

● Utiliser les deux mois qui viennent pour établir un plan d’action pour 2020.

● Le mettre en œuvre, dès le milieu de l’année.

Bon courage ! Faire d’un gigantesque défi mondial une opportunité, c’est encore possible !


Frugalité Numérique : Réseaux (Quatrième partie)

 

AdS DPC wireless symbol with key S 173234095Thème de ce quatrième billet sur la Frugalité Numérique : les réseaux.

Liens vers les trois billets précédents :

Premier billet : présentation générale de la thématique Frugalité Numérique.

Deuxième billet : les centres de calcul.

Troisième billet : les objets d’accès.

Trouver des informations claires et fiables sur les dimensions énergies pour les réseaux a été beaucoup plus complexe que je pouvais le penser en commençant cette étude.

Des chiffres alarmistes ont été publiés sur les consommations d’énergies liées aux usages des réseaux, et en particulier de la vidéo.

L’exemple des annonces de Greenpeace, résumé dans le graphique ci-dessous, est emblématique.

Greenpeace infographics on networks

De son côté, le « Shift project », qui réalise des études intéressantes sur les usages numériques, à publié en 2019 un rapport au titre alarmiste : “L’insoutenable usage de la vidéo en ligne”. J’y reviendrai à la fin de ce billet.

Attention : les résultats de mes analyses vont en surprendre plus d’un.

Je m’attends à des réactions fortes des “puristes” de l’écologie qui ne vont pas aimer du tout ce que j’écris et démontre dans ce billet.

 

Hypothèse : les réseaux numériques sont indispensables

Les réseaux de transport de données sont indispensables pour des usages numériques, pour les entreprises et le grand public. C’est la quatrième infrastructure clef, après l’eau, l’électricité et les réseaux de transport physique.

Comme pour toute technologie numérique, il faut clairement différencier les dimensions infrastructures et usages des réseaux. Ce billet n’analyse que la dimension infrastructures des réseaux, un billet entier sera consacré aux usages.

Les infrastructures réseaux, comme les voies ferrées pour la SNCF, représentent des investissements à long terme très élevés. Leur consommation d’énergie est peu impactée par les usages. Une fibre optique, une borne WiFi, qu’elles soient au repos ou qu’elles transportent des vidéos, consomment à peu près autant d’énergie.

Dans le domaine des réseaux haut débit sans fil 4G et 5G, tous les opérateurs travaillent sur des méthodes d’optimisation de ces réseaux pour que le coût énergétique du bit transmis soit le plus faible possible et optimisé en fonction de la charge.

De très nombreux articles scientifiques sont publiés en ce moment sur ces sujets et proposent des méthodes d’optimisation à fort potentiel.

GSMA network energy optimisationVoici quelques liens vers ces études, souvent très techniques et à fort contenu mathématique :

Les entreprises utilisatrices de ces réseaux n’ont pas vraiment leur mot à dire sur ces sujets ; elles peuvent simplement espérer que les opérateurs feront de leur mieux pour continuer à améliorer la performance énergétique des réseaux qu’ils proposent.

 

Réseaux : infrastructures

Pour la majorité de leurs composants, les infrastructures réseau ne sont pas déployées par les entreprises ou les particuliers, mais par des acteurs industriels, opérateurs télécoms en priorité.

Ce schéma de base présente les grands composants d’une architecture de réseaux numériques.

Frugalité Numérique - Schéma principe réseaux

Les réseaux vont chercher les données dans des centres de calcul d’entreprises et des clouds publics. J’ai traité ce sujet dans la deuxième partie de ces billets.

Le transport longue distance (WAN, Wide Area Network) et moyenne distance (MAN, Metropolitan Area Network) est réalisé par des fibres optiques, très peu consommatrices d’énergie. Les fibres modernes nécessitent un répéteur d’amplification du signal tous les 100 km. Le nouveau câble sous-marin entre les Etats-Unis et la France, Dunant, financé à 100% par Google, opérationnel en 2020 aura une capacité de 250 Terabit/s, permettant le transport simultané de plus de 100 millions de vidéos haute définition.

Pour la distribution de proximité (dernier km ou “last mile”) les deux principales options sont la fibre optique et les réseaux haut débit sans fil, 4G et bientôt 5G.

Dans ses locaux, l’entreprise est responsable de l’installation des réseaux numériques. En 2020, le sans-fil est dominant : WiFi, souvent complété par des petites antennes (FemtoCell ou PicoCell) qui sont des relais 4G et 5G pour assurer une meilleure couverture.

Les contenus numériques sont “consommés” par des objets d’accès, que j’ai étudié dans la troisième partie de ces billets.

 

Réseaux sans-fil dans les entreprises : quelle consommation d’énergie

Dans ce domaine des réseaux LAN (Local Area Network), les chiffres sont raisonnablement bien connus, pour le WiFi et les réseaux 4G et 5G.

Puissance maxi WiFi 2  4 et 5 MhzLes réseaux WiFi utilisent deux bandes de fréquences, 2,4 GHz et 5 GHz. En France la puissance maximale d’émission est limitée à :

  • 100 mW dans la bande 2,4 GHz, en intérieur et en extérieur.
  • 200 mW dans la bande 5 GHz, en intérieur. L’expression “PIRE” utilisée dans le tableau ci-dessous signifie : “Puissance Isotrope Rayonnée Equivalente”. Ils auraient pu choisir un acronyme plus sympathique !

Selon leur puissance et leurs performances, les bornes WiFi consomment entre 5 et 20 watts ; je vais utiliser comme valeur moyenne 10 watts, l’équivalent d’une ampoule basse consommation. En faisant l’hypothèse qu’une borne WiFi dans une entreprise permet à une dizaine de personnes de se connecter, on arrive à 1 Wh par personne de puissance électrique pour permettre des communications à très haut débit.

Les chiffres sont similaires pour les FemtoCell ou PicoCell : elles consomment entre 7 et 15 watts, 10 watts en moyenne.

En résumé : une entreprise peut fournir un double accès très haut débit, WiFi et 4G/5G par FemtoCell, à chaque collaborateur pour une consommation d’énergie de 2 watts par heure. Ceci représente la consommation fixe permanente, indépendamment du fait que le réseau soit utilisé ou pas.

 

Impacts positifs de l’amélioration des performances techniques : WiFi et 5G

Le WiFi est une technologie jeune, du début des années 2000. La première version, WiFi 1, avait une vitesse maximale de 11 Mb/s. En 2020, les bornes WiFi 6, disponibles depuis plus d’un an, permettent une vitesse maximale de 20 Gb/s.

Cette amélioration d’un rapport 2 000 dans la vitesse de transmission, donc dans la capacité de transporter plus de bits, c’est faite à… consommation énergétique stable, la puissance nécessaire pour alimenter une borne WiFi restant de l’ordre de 10 watts. La puissance d’émission est toujours limitée à 100 ou 200 mW.

Ceci à une conséquence majeure, positive, et trop souvent oubliée par les organisations et personnes qui se plaignent de l’augmentation de la demande de bande passante liée à une meilleure qualité des images, photos et vidéos.

En 20 ans, le coût énergétique de transmission en WiFi d’un bit

a été divisé par 2 000 !

Oui, le volume de données transmises augmente vite. Une étude de Cisco montre que le volume de données à transmettre sera multiplié par 3 entre 2017 et 2022. 70% de ces données seront transmises en sans fil, dont 51% en WiFi. C’est beaucoup, oui, mais c’est moins que l’amélioration des performances des réseaux WiFi !

Cisco VNI 2017 2022 Wifi 4G

On retrouve aussi cette croissance exponentielle des débits dans les réseaux mobiles. En 2020, la 5G a une vitesse théorique de 10 Gb/s en débit descendant, 10 000 fois plus que le débit théorique de 1 Mb/s de la 3G des années 2005.

Résumons :

  • Réseaux WiFi : débit multiplié par 2 000 en 20 ans.
  • Réseaux sans fil : débit multiplié par 10 000 en 15 ans.
  • Augmentation de la demande de bande passante : 3 fois plus en 5 ans.

Les performances des fibres optiques sont elles aussi en croissance exponentielle. La nouvelle fibre Equinao, qui relie le Portugal à l’Afrique du Sud, financée par Google, a une capacité… 20 fois supérieure à celle de toutes les fibres existantes sur ce même parcours ! Dans les réseaux WAN et MAN, les performances vont aussi augmenter plus vite que la demande.

Ces améliorations exponentielles des vitesses de tous les réseaux, LAN, MAN et WAN vont continuer pendant longtemps. C’est une très bonne nouvelle pour la planète :

La capacité des réseaux va augmenter plus vite que la demande

et le coût énergétique des réseaux va rester stable =

 plus de données transmises à énergie constante.

Pour compléter cette analyse avec d’autres bonnes nouvelles, j’ai choisi de comparer l’usage d’une borne WiFi et d’un four à micro-ondes, qui fonctionnent tous les deux sur la même fréquence de 2,4 GHz. Les résultats sont “intéressants”.

Energie usages : WiFi vs Microonde

  • En fonctionnement, un micro-ondes consomme environ 1 000 W, une borne WiFi, 100 mW, soit 10 000 fois moins : 1 minute de micro-ondes = 166 heures de WiFi.
  • En organisant 2 heures de vidéoconférences par jour, 200 jours par an, l’énergie utilisée est équivalente à 2,5 minutes de micro-onde… par an !
  • En mode veille, un micro-ondes consomme 26 kW par an, une borne WiFi 88 kW.

Ces chiffres montrent que les coûts énergétiques des réseaux sans fil pour des usages numériques dans les entreprises sont très bas, comparés à toutes les autres consommations d’énergie liées à l’éclairage, au chauffage ou à la climatisation.

In Memoriam : réseaux filaires en entreprise

Je n’ai pas évoqué les réseaux filaires historiques, téléphoniques ou Ethernet, qui ont été très longtemps dominants dans les entreprises. De plus en plus d’entreprises, telles que Veolia ou Sanofi, profitent d’un déménagement pour les supprimer. C’est une excellente démarche pour réduire les consommations d’énergie qui étaient liées aux téléphones IP et aux centraux téléphoniques.

 

Coûts énergétiques des réseaux de transport CDN, MAN et WAN

Quel est le coût de transport des données entre les centres de calcul où elles sont stockées et les bornes WiFi des entreprises, la partie “CDN” du schéma présenté au début de ce billet ?

Les données générales sur ce sujet sont difficiles à obtenir et c’est compréhensible, au vu de la variété et du nombre d’acteurs.

J’ai choisi d’utiliser le cas de l’un des plus grands transporteurs de contenus numériques au monde, Netflix. Pourquoi ? Les données publiées par Netflix permettent de faire des calculs précis et sérieux.

 

Exemple chiffré : Netflix

Netflix logoNetflix publie tous les ans des chiffres détaillés sur ses abonnés et sur ses consommations d’énergie électrique.
N’oublions pas que Netflix est considéré par beaucoup d’organisations militantes pour le climat comme un “grand méchant” pollueur, à l’origine d’usages immodérés des réseaux.

Le document de référence que je vais utiliser pour ces calculs est leur “Environmental Social Governance Report” pour 2019.

Netflix, un bon élève pour la Frugalité Numérique !

Netflix utilise des algorithmes propriétaires de compression des flux vidéos qui réduisent dans un rapport trois les volumes de données transmis. Quand on sait que Netflix représente environ 15% des flux vidéos mondiaux, c’est une économie majeure. Bravo, Netflix.

Netflix a été l’une des premières grandes entreprises d’Internet à basculer sur le cloud d’Amazon, AWS : en 2012, 95% de ses usages étaient déjà sur AWS. Aujourd’hui, Netflix utilise AWS et GCP de Google pour 100% de ses usages numériques. Dans mon billet qui analyse les centres de calcul, j’ai montré que Google et Amazon étaient les meilleurs élèves de la classe et géraient mieux que quiconque leurs centres de calcul. En 2019, Google était à 100% en énergies renouvelables et AWS à environ 50%.

AdS DPC Solar and wind energy S 44797039Netflix évalue à 357 000 MWh sa consommation d’énergie pour ses infrastructures externalisées et la compense à 100% avec des certificats régionaux d’énergies renouvelables. Si je comprends bien, Netflix compense à 100% des énergies qui sont déjà 100% renouvelables. Concrètement, plus on utilise Netflix qui compense à près de 200%, meilleur c’est pour le climat !

Bravo, Netflix pour ces choix d’infrastructures, bons pour la planète.

Netflix utilise ses propres infrastructures pour le transport des flux, dans la partie CDN, Content Distribution Network. La consommation d’énergie de Netflix pour ses usages internes et pour ses CDN a été de 94 000 MWh en 2019. Netflix compense aussi à 100% en crédits d’énergies renouvelables ses dépenses énergétiques CDN. Bravo, Netflix.

Dans mes calculs, je fait l’hypothèse que 100% de cette consommation d’énergie est liée à ses activités CDN, et donc la majorer, ne connaissant pas la part relative à leurs usages internes tels que gestion de leurs bureaux.

Les chiffres pour 2018 sont de 194 000 MWh pour les centres de calcul et de 51 000 MWh pour la partie CDN.

Une étude, réalisée pour l’année 2018 par un organisme d’analyse des consommations de vidéos par les personnes, donne les chiffres suivants, pour Netflix :

  • Nombre d’abonnés dans le monde : 140 millions.
  • Temps moyen d’utilisation de Netflix : 71 minutes par jour.
  • Nombre d’heures Netflix visionnées par jour : 165 millions.

Tous ces chiffres me permettent de calculer le coût énergétique CDN d’une heure de vidéo Netflix, résumé dans le tableau ci-dessous, en utilisant les chiffres de 2018.

Netflix Energie CDN et Data Center

J’ai refait plusieurs fois les calculs, tant les résultats m’ont surpris : 1 heure de vidéo transportée par Netflix consomme 0,84 Wh. Pour simplifier, je vais arrondir à 1 Wh.

1 heure de vidéo Netflix transportée par Internet = 1 Wh

Permettez-moi maintenant de revenir sur les chiffres de Greenpeace que j’avais cités au début de ce billet. On y trouve la phrase suivante :

“Il faut plus d’énergie pour diffuser une vidéo HD en streaming depuis le Cloud que pour fabriquer et expédier un DVD”

J’ai cherché, sans succès, leurs sources ; je vous ai donné les miennes. Mes calculs correspondent exactement à ce qu’ils nomment le “streaming depuis le Cloud”.

Qui croire ?

Je ne connais pas le coût énergétique complet de fabrication d’un DVD, de l’extraction des matériaux nécessaires à sa fabrication, des matériaux nécessaires à son emballage, de son transport depuis un pays asiatique, de sa mise à disposition dans un point de vente en France, de son transport chez le client final et de l’énergie consommée par le lecteur de DVD pour transmettre les données sur une télévision, un PC ou un smartphone. Je suis par contre certain que c’est… sensiblement plus élevé que le 1 Wh de son streaming depuis le Cloud !

En prenant comme hypothèse très basse que toutes ces actions consomment au minimum 1 kWh, on arrive à la conclusion “intéressante” suivante :

Visualiser une heure de vidéo depuis Internet est

1 000 fois moins consommateur d’énergie que d’acheter un DVD !

 

Retour sur le document vidéo en ligne du Shift Project

Dans l’introduction de ce billet, j’ai cité le document du Shift project de 2019 qui alertait sur les risques que faisait peser sur la planète la croissance des flux vidéos.


Shift Project répartition vidéosCe long document de 38 pages contient beaucoup d’informations intéressantes :

  • Oui, la vidéo représente près de 80% des flux de données.
  • Oui, sa répartition par familles d’usages pose des questions de société, par exemple le volume important des flux pornographiques.
  • Oui, il insiste sur les usages et leurs dimensions sociales, humaines et politiques.

Par contre, certaines recommandations de ce rapport me semblent peu pertinentes, car elles mélangent les dimensions usages, dominantes, et infrastructures, pas assez étudiées à mon avis.

Ce document ne prend pas en compte la croissance exponentielle des performances des réseaux, plus rapide que les volumes des données à transmettre.

Exemple de recommandation peu pertinente : demander aux utilisateurs de visualiser une vidéo avec une définition minimale n’a aucun impact sur la consommation d’énergie, comme je l’ai montré dans mon analyse. Sur une borne WiFi qui n’est pratiquement jamais saturée, diffuser en basse définition ou en 4K n’a aucun impact sur la consommation d’énergie de cette borne.

Tenir des discours alarmistes, faire du “numérique bashing”, ce sont de très mauvaises idées qui rendent un mauvais service à la planète. Si l’on souhaite que les dirigeants, les DSI et les collaborateurs des entreprises prennent des décisions efficaces pour améliorer la Frugalité Numérique de leur entreprise, il est essentiel de tenir un discours rationnel et factuel, pour leur permettre de déclencher des actions qui auront des impacts concrets et rapides.

 

Synthèse sur les consommations énergétiques des infrastructures réseau

J’ai passé beaucoup de temps à chercher des données fiables, à faire des calculs clairs correspondant à l’ensemble des étapes du transport de données par des réseaux numériques, depuis les centres de calcul jusqu’à leur arrivée sur les objets d’accès.

  • Les dépenses énergétiques LAN et MAN/WAN sont identiques, 1Wh.
  • Sur le réseau LAN, on utilise l’une des deux technologies, WiFi et 4G/5G.

En résumé :

1 heure de vidéo transmise d’un centre de calcul

à un objet d’accès consomme 2 Wh.

J’ai été surpris par ces résultats ! L’important est qu’ils sont très encourageants pour l’avenir du numérique dans les entreprises.

Ils sont résumés en enrichissant l’un des premiers schémas de ce billet.

Frugalité Numérique - réseaux - 1 heure vidéo

Je vous propose de terminer ce billet par un message fort et positif :

Un usage numérique qui apporte de la valeur à une entreprise

ne doit jamais être freiné par l’idée que la consommation de réseaux

qu’il induit est mauvaise pour la planète.

 


Frugalité Numérique : objets d’accès. (Troisième partie)

 

AdS DPC Objets d'accès PC  tablette smartphone S 106566518Ce troisième billet sur le thème de la Frugalité Numérique traite des objets d’accès, PC, smartphones, tablettes ou chromebooks utilisés par les collaborateurs d’une entreprise pour accéder à leurs usages numériques.

Premier billet : présentation générale de la thématique Frugalité Numérique.

Deuxième billet : les centres de calcul.

Dans le tableau de répartition des responsabilités entre les six domaines d’actions et les différents acteurs présenté à la fin du premier billet, j’ai indiqué que les deux populations clefs pour les objets d’accès étaient les collaborateurs et la DSI. L’objet d’accès est en effet le seul composant d’infrastructure qu’un collaborateur “touche” ; réseaux sans fil et serveurs sont des composants virtuels pour lui. Ces deux populations seront au centre des décisions concernant les objets d’accès.

 

Objets d’accès : dimensions énergétiques et matérielles

Un smartphone, une tablette, un PC portable Windows ou un Chromebook demandent de l’énergie pour être fabriqués et consomment de l’énergie pendant leur utilisation. Posez autour de vous la question suivante :

Si vous utilisez votre smartphone pendant 3 ans, quel est le pourcentage d’énergie utilisée pour sa fabrication par rapport à son usage ?

Vous constaterez que peu de personnes se sont spontanément posées la question et leurs réponses seront très variées.

Plusieurs études fournissent des réponses, différentes, à cette question. J’ai choisi de vous présenter les résultats de celle réalisée par l’European Environmental Bureau (EEB) ; elle est complète, sérieuse et donne des chiffres pour les smartphones et les PC portables dans l’Union Européenne.

PC portables

Les résultats de l’étude EEB sont résumés dans le tableau ci-dessous.

EBB Notebook energy numbers

Les chiffres clefs :

  • Avec comme hypothèse que la durée de vie utile d’un PC portable est de 4,5 années, il consomme autant d’énergie pour sa fabrication, 50%, que pour son utilisation.
  • Le parc installé en Europe, de l’ordre de 150 millions, génère environ 13 millions de tonnes de CO2 par an.

Smartphones

Cette même étude donne les chiffres suivants pour les smartphones :

EBB smartphones energy numbers

  • Dans ce cas, l’hypothèse de la durée de vie est de 3 ans : la fabrication d’un smartphone consomme 3 fois plus d’énergie que son usage !
  • Le parc installé en Europe, de 630 millions de smartphones, émet 14 millions de tonnes de CO2 par an, à peu près autant que les PC portables. Comme il y a 4 fois plus de smartphones que de PC, ceci signifie qu’un smartphone est 4 fois moins polluant, en CO2, qu’un PC portable.

Un axe d’action recommandé par EBB est d’augmenter la durée de vie d’un smartphone. Si l’on passe de 3 ans à 4 ans, ce qui n’est pas déraisonnable, leurs calculs montrent que l’impact est significatif : La réduction de l’émission de CO2 correspond à celle d’un million de voitures.

EEB Frugalité - augmenter durée vie smartphones

Individuellement, PCs et smartphones émettent peu de CO2 ; collectivement, ils sont des producteurs importants de CO2.

Augmenter la durée de vie utile de ces objets d’accès est un moyen efficace de réduire leurs impacts sur la planète : ceci pose la double question de leur réparabilité et de leur obsolescence.

 

Objets d’accès : réparabilité et Frugalité Numérique

L’immense majorité des anciens téléphones portables, non-smartphones, Nokia, Motorola… permettaient l’échange immédiat des batteries. C’est devenu rare sur les smartphones actuels.

Le cas des batteries est un exemple parmi d’autres de la difficulté croissante de réparation des smartphones et PC modernes.

En 2019, j’ai eu deux expériences “inacceptables” dans ce domaine :

  • Batterie remplacement MacBook airLa batterie de mon ordinateur de secours, un Apple Macbook Air de 6 ans, a rendu l’âme. Le point de vente Apple où je suis allé pour la remplacer m’a dit : « votre ordinateur a plus de 5 ans, nous n’avons donc pas de batteries de rechange ». Leur proposition “frugale” était de le reprendre pour 50 € si j’achetais un nouvel ordinateur. Changer d’ordinateur parce que la batterie est morte, c’est comme changer de voiture parce que les pneus sont usés ! Une recherche rapide sur Amazon m’a permis de trouver une batterie compatible, à moins de 50 €, livrée avec les tournevis permettant de démonter les vis “propriétaires” d’Apple. Il faudra un jour qu’Apple m’explique quelle est la valeur ajoutée pour les clients d’avoir inventé des vis différentes du reste du monde !
  • La même mésaventure m’est arrivée avec une montre Motorola. Après seulement 3 ans de vie, la batterie est morte et Motorola m’a écrit : “nous avons arrêté de fabriquer des montres et donc de les réparer” ! Les fournisseurs automobiles sont obligés de proposer des pièces de rechange pendant un minimum de 10 années après l’arrêt de fabrication d’un modèle. Il est urgent qu’une loi du même type soit promulguée en Europe. La batterie de rechange pour cette montre existe sur Amazon, à moins de 20 € !

Motorola montre 360 batterie

Honte à ces deux entreprises, Apple et Motorola, filiale du chinois Lenovo, pour leur absence totale de considération pour la réparabilité de leurs produits. Avant de leur acheter un nouvel objet d’accès, demandez une réponse écrite à la question : pendant combien d’années garantissez-vous la réparabilité de vos produits ?

Une entreprise peut exiger que les objets d’accès qu’elle achète, smartphones, PC portables ou tablettes soient facilement réparables ; c’est essentiel quand elle a comme objectif d’en augmenter la durée de vie utile.

La société américaine Ifixit est spécialisée dans l’analyse de la réparabilité des objets numériques. A chaque sortie d’un nouvel appareil, elle en achète un exemplaire, le démonte et lui donne une note de réparabilité comprise entre 0, impossible à réparer et 10 si c’est très facile.

Dans le tableau ci-dessous, j’ai choisi six exemples emblématiques d’objets d’accès sortis en 2019, représentant les deux extrêmes de la notation : PC portables, tablettes et smartphones.

IFIXIT Score 2019 best worst smartphone tablet PC

  • PCs portables : note 1/10 pour Macbook pro, 10/10 pour HP Elite book.
  • Tablettes : note 2/10 pour iPad 7, 9/10 pour HP Elite.
  • Smartphones : note 2/10 pour Samsung Fold (à la fiabilité “faible”) et 10/10 pour Fairphone 3.

 

Un bon exemple de réparabilité : le smartphone Fairphone 3

Fairphone 3 components + IFIXIT noteUne jeune société des Pays-Bas, Fairphone, propose des smartphones Android qui ont été pensés, dès le premier jour, pour être le plus faciles possible à réparer. Ce sont les seuls smartphones au monde à avoir obtenu la note de 10/10 chez Ifixit.

Leur modèle le plus récent, Fairphone 3, est un smartphone aux performances raisonnables, vendu 450 €. Sur leur site, le prix des principaux composants est affiché :

Fairphone spare parts prices

  • Batterie : 29,95 €
  • Ecran : 89,95 €
  • Caméras : 49,95 €

Tout est prévu pour que le remplacement soit réalisable par les équipes internes d’une entreprise sans avoir besoin de renvoyer le Fairphone 3 au fournisseur.

Des entreprises avec qui je collabore ont acheté quelques exemplaires de Fairphone 3 pour les tester avant de les recommander ; c’est une démarche pragmatique que je propose de généraliser dans toutes les entreprises.

Si, comme je l’espère, le nombre d’entreprises qui s’équipent de Fairphone 3 augmente, je suis persuadé que d’autres fournisseurs entendront le message et feront les efforts nécessaires pour proposer de nouveaux modèles plus faciles à réparer.

Vous souhaitez augmenter au maximum raisonnable la durée de vie utile de tous vos objets d’accès : si la réponse est oui, je vous propose de prendre une décision simple et radicale :

Interdiction totale d’acheter un objet d’accès

qui a un score Ifixit inférieur à 6

Ceci va faciliter vos processus d’achat et de sélection, en réduisant fortement le nombre d’objets d’accès qui répondent à ce critère éliminatoire.

Aurez-vous le… courage de prendre cette décision ?

 

Objets d’accès : obsolescence et Frugalité Numérique


Le marché mondial des objets d’accès est stabilisé depuis quelques années. Pour la période 2020 - 2022, le Gartner Group confirme cette tendance, comme le montre ce tableau. Chaque année, plus de 2 100 millions d’objets numériques d’accès seront vendus, un chiffre élevé, rapporté à la population mondiale d’un peu plus de 7 700 millions de personnes.

Worldwide devices shipments Gartner 2020 - 2022

Dans une logique de Frugalité Numérique, c’est une bonne nouvelle ; les entreprises peuvent espérer une raisonnable stabilité de l’offre et de la demande d’objets d’accès.

Anticiper les évolutions technologiques pour réduire l’obsolescence

Une voiture bien entretenue avait une durée de vie utile supérieure à 10 ans. C’est de moins en moins vrai au vu des ruptures technologiques majeures qui secouent l’industrie automobile, électricité et conduite autonome. Il faut aujourd’hui se poser la question de la pertinence d’un achat d’un véhicule 100% thermique et anticiper les évolutions des offres et de la demande.

Les mêmes questions se posent aux responsables des choix et des achats d’objets d’accès dans les entreprises.

AdS DPC Anticipate S 180296971Si je souhaite que l’objet d’accès acheté aujourd’hui ait une durée de vie maximale, il est indispensable d’anticiper les évolutions techniques qui pourraient le rendre obsolète alors qu’il continuerait à bien fonctionner.

Voici, à titre d’exemples, quelques questions qu’il faut se poser :

  • Les réseaux 5G sont annoncés : à quelle date, en 2020, 2021 ou 2022, faudra-t-il exiger qu’un modem 5G soit disponible sur un smartphone.
  • La version 6 du WiFi est disponible : quand les nouvelles bornes déployées dans les bureaux devront-elles être en version 6 ? Quand mettre dans les appels d’offres de PC portables que la compatibilité WiFi 6 est obligatoire ?
  • Les Chromebooks deviennent des alternatives crédibles aux PC portables Windows. Ils sont maintenant capables d’exécuter toutes les applications Android. Conséquence : acheter un Chromebook qui n’a pas d’écran tactile est une erreur.
  • Installer des cartes SIM 4G et 5G sur des PC portables et des tablettes devient possible. Faut-il en faire une priorité ou est-ce que l’utilisation d’un smartphone comme routeur est suffisante ?
  • Faut-il fixer des capacités minimales pour les mémoires, les processeurs, les capacités des capteurs photographiques, la taille des écrans... ? Si oui, lesquelles ?
  • ...

Pour aider dans ces décisions, une entreprise peut se fixer une durée de vie minimale pour chaque famille d’objets d’accès.

Je vous propose d’utiliser comme minima les chiffres suivants :

  • Smartphones : 4 années.
  • PC portables : 6 années. Google garantit maintenant qu’un Chromebook pourra être mis à jour pendant un minimum de 8 années.
  • Tablettes : 5 années.

 

Objets d’accès : une nouvelle collaboration entre DSI et collaborateurs

En privilégiant la réparabilité et une durée de vie technique allongée, les entreprises peuvent augmenter la durée de vie utile de tous les objets d’accès. C’est en agissant sur ces deux dimensions que l’entreprise peut améliorer sa Frugalité Numérique pour les objets d’accès.

Les dimensions techniques réglées, reste le plus difficile : mettre en œuvre les changements humains et organisationnels qui permettent d’en tirer parti.

Une nouvelle démarche est nécessaire : je l’ai nommée :

OAaaS : Objet d’Accès as a Service

Le schéma ci-dessous résume les principes de la démarche OAaaS.

OAaaS - Frugalité Numérique

Les principes en sont simples, la mise en œuvre, beaucoup moins !

L’idée forte est la suivante : il faut réduire la dimension “personnelle” des objets d’accès et les banaliser.

Pour assurer le succès de cette démarche, la DSI et les collaborateurs devront travailler avec de nouvelles responsabilités mutuelles.

 

Objets d’accès : responsabilités des collaborateurs

Pour accéder à mes applications professionnelles, j’ai besoin d’objets d’accès. La démarche proposée permet à chaque collaborateur de choisir le ou les objets dont il a besoin, à un instant donné, pour des activités qui peuvent changer selon les lieux ou les conditions de travail.

En prenant comme exemple les voitures de services, je peux demander un 4x4 pour mener une inspection dans une région de montagne et une petite voiture facile à garer si je dois rencontrer un client dans une grande ville.

Google Fi pricingAvec beaucoup de pragmatisme, je vais demander aux équipes de la DSI de m’équiper en fonction de mes besoins spécifiques, et changeants :

  • Pour mes usages permanents “normaux”, je considère qu’un Chromebook tactile de 13 pouces est l’objet d’accès le mieux adapté, complété par un smartphone Android milieu de gamme.
  • Je pars pour une tournée internationale dans quatre pays différents pendant 10 jours : je vais souhaiter partir avec deux ordinateurs portables pour éviter des problèmes en cas de vol ou de casse. Je demanderai aussi un téléphone “Google Fi”, acheté aux USA, qui permet un roaming international à coût raisonnable dans 200 pays.
  • Je vais travailler pendant 48 heures dans une zone avec des risques d’explosion, comme une raffinerie de pétrole : je vais demander une tablette “ATEX”, anti-explosion.

Ces règles d’attribution d’objets d’accès aux collaborateurs ont pour objectif principal d’optimiser, et les usages et le parc installé. Il ne s’agit pas de changer pour changer, mais il faut casser le principe actuel de l’attribution “définitive” d’un objet d’accès à un collaborateur.

Pour fonctionner, la démarche OAaaS s’appuie sur des principes simples et peu nombreux :

  • Le nombre, la nature et la puissance des objets d’accès utilisés par un collaborateur ne sont pas liés à son niveau hiérarchique ou à la direction où il travaille. Les dirigeants sont rarement les personnes qui ont le plus besoin d’outils puissants !
  • Les objets d’accès sont affectés aux collaborateurs selon leurs besoins professionnels à un moment donné.
  • Un collaborateur dont le métier ou les besoins numériques évoluent se verra proposer des objets d’accès différents, si nécessaire.
  • Quand un collaborateur a besoin d’un objet d’accès spécialisé pour une mission de quelques jours, il fait une demande à la DSI, qui lui remettra ceux qui correspondent le mieux à sa demande.

Pour répondre à ces nouveaux modes de “consommation” d’objets d’accès, les équipes de la DSI doivent, elles aussi, changer leurs modes de fonctionnement.

 

Objets d’accès : responsabilités de la DSI

La DSI devient gestionnaire d’un parc d’objets d’accès, mis au service de tous les collaborateurs de l’entreprise. Toutes les “bonnes pratiques” d’une gestion de parcs, automobile par exemple, peuvent être reprises pour cette gestion d’objets d’accès.

  • La priorité reste bien sûr d’offrir le meilleur service possible aux collaborateur:
    • Une variété suffisante : tailles d’écrans, puissance.
    • La capacité de répondre à des demandes ponctuelles, pour des objets d’accès spécialisés.
    • La mise à disposition d’objets d’accès performants, modernes et durables.
  • La DSI propose une variété raisonnable d’objets d’accès à son catalogue, pour couvrir l’essentiel des attentes des collaborateurs de l’entreprise :
    • Caractéristiques techniques : puissance, poids, taille, mémoire...
    • PCs, Smartphones, Tablettes et Chromebooks.
    •  …

Parc Objets accès - smartphones PC Tablettes

  • La DSI optimise le parc d’objets d’accès en privilégiant la réparabilité et la durée de vie utile, comme on l’a vu plus haut. Lorsque les parcs sont importants, il peut être envisagé de disposer d’un atelier interne pour les réparations de base et accélérer les remises en service.
  • La rotation des objets d’accès devient une pratique courante : tout objet d’accès qui est retourné à la DSI peut être réalloué à une autre personne.
  • Pour les objets d’accès en fin de vie utile, le recyclage fait partie des priorités.

 

Objets d’accès : usages professionnels et personnels

Pour améliorer leur Frugalité Numérique, les entreprises doivent se poser la question des usages professionnels et personnels des objets d’accès.

Comme on l’a vu plus haut, la part de l’énergie nécessaire pour fabriquer un smartphone ou un PC portable est importante.

C’est encore plus vrai pour la consommation des matériaux, souvent rares, utilisés pour leur fabrication.

La majorité des PC portables, chromebooks, tablettes ou smartphones peuvent être utilisés pour des usages professionnels et personnels.

Il est aujourd’hui possible de séparer efficacement, sur un même objet d’accès, les usages personnels et professionnels en déployant des solutions EMM (Enterprise Mobile Management) dont c’est l’une des fonctions essentielles.

Ceci permet de répondre aux inquiétudes sur la confidentialité des données et des usages, la sécurité des contenus professionnels, les risques de “surveillance” des collaborateurs et autres “alibis” utilisés pour maintenir le statu quo.

Si les collaborateurs et la DSI acceptent d’utiliser les mêmes objets d’accès pour tous les usages, les impacts énergétiques sont faciles à mesurer :

  • Sur 4 années, utiliser un seul smartphone au lieu de deux réduit de 37% la consommation d’énergie électrique. Le calcul est simple :
    • 2 smartphones : 75% x 2 pour production et 25% x 2 pour usages = 200.
    • 1 seul smartphone : 75% x 1 et 25% x 2 = 125.
  • Sur 5 années, utiliser un seul PC portable au lieu de deux réduit de 25% la consommation d’énergie électrique, selon un calcul similaire :
    • 2 PC portables : 50% x 2 pour production et 50% x 2 pour usages = 200.
    • 1 seul PC portable : 50% x 1 et 50% x 2 = 150.

Partage Laptop Smartphone perso - professionnel

Les impacts sur la consommation de matières premières rares sont évidents ! Utiliser un seul smartphone, un seul PC portable divise par deux cette consommation.

Deux démarches différentes permettent de partager un seul objet d’accès pour ses usages personnels et professionnels :

  • BYOD : Bring Your Own Device : un collaborateur utilise un objet d’accès personnel pour ses usages professionnels.
  • COPE : Company Owned, Personally Enabled : un collaborateur utilise un objet d’accès fourni par entreprise pour ses usages personnels.

BYOD et COPE peuvent s’appliquer à des PC portables, des tablettes ou des smartphones.

Ces démarches BYOD et COPE sont beaucoup moins fréquentes que je pouvais l’espérer il y a quelques années : des réticences fortes sont venues des deux côtés, utilisateurs et DSI.

Expliquer aux collaborateurs et aux DSI que ces démarches ont des impacts forts et immédiats sur la consommation d’énergie et l’usage de ressources rares peut leur redonner un fort regain d’intérêt. Ce serait une bonne nouvelle de plus pour la planète !

 

Indicateurs de performance (KPI) Frugalité Numérique pour parc d’objets d’accès

Pour suivre les progrès réalisés dans une démarche Frugalité Numérique, la DSI peut choisir un petit nombre d’indicateurs de performances (KPI) dédiés. Il est important de ne pas mélanger ces KPIs avec ceux, plus traditionnels, utilisés pour le suivi financier des objets d’accès.

Je vous propose une première liste de KPIs pertinents pour suivre les progrès de la Frugalité Numérique dans sa dimension Objets d’Accès :

  • Age moyen du parc.
  • Age moyen des objets retirés.
  • Pourcentage des objets réparés et remis en circulation.
  • Pourcentage d’objets en BYOD.
  • Pourcentage d’objets en COPE.

KPI gestion Parc Objets accès

Ces KPIs, suivis mensuellement, sont calculés pour chaque famille d’objets d’accès, PC, Smartphones, Chromebooks et Tablettes.

 

Synthèse

Win Win Frugalité Entreprise planèteLes objets d’accès sont l’une des composantes les plus efficaces des outils numériques pour sensibiliser rapidement une entreprise aux potentiels de la Frugalité Numérique.

Chaque collaborateur est concerné, chaque collaborateur peut mesurer l’impact de ses décisions individuelles, telles que BYOD ou COPE, prises en accord avec celles de l’entreprise.

C’est aussi un moyen efficace pour donner plus de visibilité à la DSI qui, en soutien des collaborateurs, va montrer qu’elle participe activement à l’amélioration de la Frugalité Numérique, au service de la planète.

Obtenir rapidement des résultats significatifs, mesurables, et qui parlent à tout le monde en privilégiant une démarche innovante de gestion des objets d’accès, c’est un bon exemple d’un projet “gagnant - gagnant “.

 

Quatrième partie : les réseaux