Numérique et technologie, meilleures armes contre le réchauffement climatique?

 

AdS DPC thumb up positif S 183628565Et si le numérique et la technologie étaient les meilleures armes pour lutter contre le réchauffement climatique ?

C'est par ce thème essentiel que je termine ma série de quatre billets sur le numérique, ses dangers et ses potentiels.

Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté le danger numérique le plus immédiat, les cyberattaques sur les infrastructures physiques de transport. Début février 2022, des attaques sur des ports européens ont, hélas, confirmé mon pronostic.

Dans la deuxième partie, j’ai analysé quels pourraient être les impacts d’une guerre dans le détroit de Taiwan sur l’industrie des microprocesseurs.

Dans la troisième partie, j’ai abordé le thème des risques liés à la croissance exponentielle des potentiels des technologies numériques.

Cette quatrième partie analyse le grand défi mondial de la maîtrise du réchauffement climatique et des rôles, positifs, que peuvent y jouer le numérique et la technologie.

Il est impossible de parler du réchauffement climatique en se focalisant uniquement sur le numérique et la technologie.

J’ai organisé ce billet en quatre parties :

● Quels défis à l’horizon 2030.

● Quels acteurs pour lutter contre le réchauffement climatique.

● Un acteur clef : les organismes financiers.

● Un acteur clef : numérique et technologies.

J'ai écrit un texte très long, avec beaucoup de références, de graphiques et de liens, pour vous donner la possibilité d'étudier en profondeur ce sujet majeur, qui nous concerne tous. J'espère que ce gros effort vous sera utile et vous aidera dans vos réflexions sur ce thème.

N'hésitez pas à partager largement autour de vous ce billet, si vous pensez qu'il peut aider d'autres personnes à avoir une vision complète et positive des actions a mener pour sauver la planète avant 2030.

 

1 - Horizon 2030+ : réchauffement climatique hors de contrôle

Dans la lutte contre le réchauffement climatique, le numérique n’est pas l’alpha et l'oméga des réponses, loin de là.

Commençons par les mauvaises nouvelles : le World Economic Forum a publié en janvier 2022 son rapport sur les risques globaux pour 2022.

À la question : quelle est votre position sur l’avenir du monde, 16% seulement des répondants ont une vision positive ou optimiste.

XWEF - Outlook for the world

Je fais partie des personnes qui sont convaincues que le réchauffement climatique est un danger mortel pour la planète. Cette conviction s'est construite petit à petit, par l’étude de nombreux documents, une analyse scientifique et rationnelle des chiffres qui montrent les évolutions de ces dernières décennies.

Le club de ceux qui nient les impacts de l’homme sur le climat, des personnes qui croient que la terre est plate, des antivax, des chantres de la décroissance… je n’en fais pas partie.

J’ai écrit en 2021 deux billets sur les différents scénarios possibles pour affronter cette crise :

Quel avenir pour la planète : “More from Less” ou “Less is More”.

L’Europe, leader mondial dans les usages numériques au service de la planète.

Si une rupture forte dans les actions menées pour réduire le réchauffement climatique ne se produit pas rapidement, si les mesurettes actuelles sont maintenues, le monde sera dans une situation catastrophique en 2030.

Ce n’est pas pour cela qu’il faut céder au catastrophisme (Doomism en anglais), au contraire. Dans la suite de ce texte, j’analyse ce que différents “acteurs” peuvent faire pour rendre cette catastrophe évitable.

 

2 - Quels acteurs pour lutter contre le réchauffement climatique

J’ai identifié six familles d’acteurs qui peuvent avoir un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique :

● Les organisations internationales : ONU, COP…

● Les pays.

● Les entreprises.

● Les particuliers.

● Les organismes financiers.

● Les innovations technologiques et numériques.

Chacune de ces familles d’acteurs peut agir sur les deux dimensions :

● Offre : réduire l’offre d’énergies carbonées et d’émissions de gaz à effet de serre.

● Demande : réduire la demande en énergie, carbonée ou non.

XClimat - Potentiels Acteurs - Offre et demande + Numérique + org InternDans ce premier tableau, je vous présente mon évaluation personnelle des impacts positifs potentiels que chacun de ces six acteurs pourrait avoir sur l’offre et la demande d’énergies carbonées. Cinq étoiles correspondent au plus haut impact possible, une étoile au plus faible.

Je vais aller vite sur les quatre premiers acteurs.

Je traiterai plus à fond le cinquième, les organismes financiers ; c’est un domaine où des décisions rapides peuvent avoir des impacts positifs immédiats.

L’essentiel de ce billet sera consacré au sixième, numérique et technologies, qui est celui sur lequel j’ai une raisonnable compétence.

Organismes internationaux et états

La dernière COP, 26e du nom, a pris fin à la mi-novembre 2021, après 15 jours de négociations à Glasgow.

XCop 26 temperature pledgeLe rapport final dit, de manière “diplomatique”, que l’objectif de limiter à 1,5° le réchauffement climatique est toujours atteignable (Reach) mais il faudra pour cela en faire plus (further actions needed).

Traduit en langage “normal” : les décisions annoncées après la COP 26 ne permettent pas d’atteindre cet objectif.

Ces organismes internationaux pourraient avoir un impact majeur s’ils avaient le courage de prendre des décisions fortes et contraignantes. La réalité est, hélas, tout autre.

Peut-on faire confiance aux organismes internationaux et aux responsables politiques des grands pays du monde pour agir en profondeur, et très vite ?

La réponse actuelle est claire : non !

XDon't look up posterSorti sur Netflix en décembre 2021, nominé aux Oscars, le film “Don’t look up” est une remarquable illustration de cette capacité des politiques à regarder “ailleurs”, à chercher en permanence des excuses pour ne pas agir.

Pris individuellement, les états sont encore plus désarmés que les organismes internationaux pour prendre des décisions qui auront des impacts globaux sur le climat. Les états ont heureusement des capacités pour agir localement, qu’il ne faut pas négliger.

J’en prendrai un seul exemple, celui de la Norvège. La Norvège a pris dès 2016 la décision d’interdire la vente de véhicules thermiques à partir de 2025. Les Norvégiens ont vite compris qu’acheter un véhicule thermique était un très mauvais investissement et qu’ils ne pourraient pas le revendre. Comme le démontre ce graphique, les impacts ont été immédiats : les ventes de véhicules thermiques seront proches de zéro… dès 2022 !

C’est un bon exemple de l’impact de décisions sur l’anticipation des acteurs économiques. L’objectif fixé à 2025 sera atteint avec trois ans d’avance, en 2022.

XVentes voitures thermiques Norvège

XPlan Economie Française Shift projectEn France, le Shift Project vient de publier son “plan de transformation de l’économie française”. Je ne peux pas le commenter ; l’ouvrage était indisponible quand j’ai écrit ce texte. Je suis par contre inquiet quand je lis dans la préface, écrite par Jean-Marc Jancovici, les mots suivants : “Nous devons être capables de naviguer dans un monde sans nouveautés techniques décisives”. C’est une démarche inverse que je pousse dans ce texte.

 

Les entreprises

Il faut séparer les entreprises, acteurs de l’offre d’énergie carbonée et toutes les autres qui consomment de l’énergie, carbonée ou pas.

Entreprises, acteurs de l’offre d’énergie carbonée.

Peut-on leur faire confiance pour mettre fin à leurs activités sans pressions extérieures fortes ? La réponse est évidente : non.

XThe new climate war coverUn livre remarquable, “The New Climate War”, écrit par Michael Mann, démonte les démarches machiavéliques utilisées par les entreprises pour se défausser de leurs responsabilités sur… les particuliers.

Ces démarches sont très anciennes et touchent beaucoup d’industries. Les producteurs de tabac, de pesticides, d’amiante, de peinture au plomb ont été des précurseurs dans ce domaine.

Un autre exemple, moins connu, est révélateur de ces démarches de l’offre qui culpabilise l’usage. Il est possible d’ajouter à une cigarette des produits qui font qu’elle s'éteint toute seule si on la pose sur une table. Ceci permettrait d’éviter les morts par incendie qui se produisent trop souvent, mais représenterait un coût additionnel pour les producteurs. La réponse des fabricants de tabac a été simple : il faut empêcher les draps de s’enflammer quand un mégot allumé tombe dessus. Des milliards ont été dépensés pour ajouter des produits toxiques aux tissus domestiques et les rendre ininflammables quand il aurait suffi de prendre le problème à la source.

Dans son livre, Michael Mann estime qu’une centaine de très grandes entreprises mondiales sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre.

Je reviendrai sur ce sujet majeur quand j’aborderai le rôle des organismes financiers.

 

Les entreprises, consommatrices d’énergie

XSecteurs clefs émetteurs Greenhouse gas - Bill Gates copieToutes les entreprises consomment de l’énergie pour fonctionner, certaines plus que d’autres. Dans son analyse des secteurs les plus consommateurs d’énergie, Bill Gates place en tête l’industrie et en particulier les secteurs de l’acier et du ciment. L’industrie produit 31% des 51 milliards de tonnes de CO2 émises en un an, 15,81 milliards de tonnes.

Numérique et technologies sont des forces puissantes pour améliorer tous ces processus de fabrication et leur permettre de réduire leur consommation d’énergie à production constante.

 

Les particuliers

Est-ce que nous pouvons, individuellement, réduire notre consommation d’énergie et nos impacts négatifs sur le climat ? La réponse est oui.

Il faut par contre être attentif aux pièges posés par les entreprises productrices d’énergie carbonée, qui essaient par tous les moyens de nous culpabiliser, comme je l’ai expliqué plus haut.

XAdS DPC Waste reduce reuse S 277729989Les exemples sont innombrables :

● Il faut trier les déchets : et si l’industrie ne produisait pas de produits jetables?

● Il faut se déplacer moins : et si l’on produisait plus de voitures électriques?

● Nous sommes tous coupables, individuellement : merveilleuse méthode pour dédouaner les producteurs.

Vous êtes un mauvais citoyen pour la planète si vous n’êtes pas végan, si vous voyagez, si vous regardez Netflix… Faire reposer l’essentiel des efforts sur les actions individuelles est l’une des illusions les plus dangereuses de ce combat pour la planète.

 

3 - Acteur clef : les organismes financiers

Je partage l’opinion de Michael Mann sur ce sujet essentiel : agir sur la finance est probablement la méthode la plus rapide et la plus efficace pour réduire l’usage d’énergies carbonées.

Tarir les flux financiers qui financent les projets liés aux énergies carbonées, c’est les rendre impossibles.

XLargest banks invest in fossil fuelsLa situation actuelle est catastrophique : comme le démontre cet article, les investissements dans les énergies fossiles par les banques restent très élevés. Depuis les accords de Paris en 2016, les 60 plus grandes banques mondiales ont financé 3,8 T$ de nouveaux projets dans les énergies fossiles. (1 Trillion US = mille milliards européens).

3 800 milliards de dollars ! Si ces sommes n’avaient pas été disponibles, il est évident que ces projets financés n’auraient pas été lancés.

Ce document très complet de 80 pages, ”Banking on Climate Chaos”, fait le point sur les financements bancaires, analysés par grandes familles de projets et par banque.

Dans ce classement de la honte, le “champion” français est dixième. Il s'agit de BNP Paribas; sur la période 2016-2020, les sommes investies, de 121 milliards de dollars, sont… en croissance !

Sur ce schéma, j’ai visualisé les principales pistes qui permettraient d’agir pour tarir ces financements des énergies fossiles.

XActeurs sur climat -Finance

XAdS DPC Risks > Reward  SS 170136001

Organisations financières : il faut  les convaincre qu’investir dans les énergies carbonées, c’est un placement à très haut risque et dont la rentabilité ne sera jamais au rendez-vous. Financer un pipeline pétrolier, l’exploitation d’un gisement de gaz fossile ou la construction d’une nouvelle raffinerie, ce sont des projets dont la durée de vie s’étale sur des dizaines d’années. C’est un message que tous les investisseurs comprennent très bien.

Organisations internationales : elles ont réussi dans certains domaines à imposer des règles très fortes, comme dans le cas des gaz CFC qui détruisent la couche d’ozone. Faire peser la menace d’une interdiction des financements d’énergies fossiles à partir de 2025 ou 2030 suffirait à bloquer, immédiatement, tous ces financements. C’est ce qui c’est produit avec les véhicules thermiques en Norvège.

Pays : il suffirait qu’un petit nombre de pays importants, en Europe par exemple, interdisent aux organismes financiers présents sur leur territoire tout nouveau financement de projets liés aux énergies carbonées. Tous les organismes financiers présents dans le pays seraient concernés, quelle que soit leur nationalité d’origine. Je pronostique un effet domino rapide. La peur que ces décisions soient contagieuses et se répandent dans d’autres pays aura un effet majeur sur les dirigeants financiers qui ont horreur des risques politiques.

XOil industry terrified of college kidsParticuliers : l’un des mouvements les plus efficaces est celui des étudiants américains qui ont réussi, difficilement, à obliger de grandes universités à ne plus investir dans les énergies fossiles. Ils obtiennent de plus en plus un engagement de désinvestir. Comme l’explique très bien cet article, l'industrie pétrolière américaine est paniquée par ces actions qui donnent des résultats dans les plus grandes universités comme Harvard ou Yale. Harvard gère un portefeuille d’investissements de 53 milliards de dollars ! Les lobbyistes de l’industrie pétrolière financent des projets de loi qui tentent de rendre illégales ces actions.

XDivestissement fossil fuel 41 T$ in 2021Ce document très complet, de 39 pages, fait le point sur les désinvestissements réalisés ou annoncés à la fin de l’année 2021.

J’en ai extrait ce graphique qui montre que les fonds qui ont pris la décision de désinvestir dans les énergies fossiles gèrent un total de 41 T$ !

Les quelques chiffres que j’ai présentés montrent à quel point la dimension financière est essentielle dans la lutte contre les énergies fossiles.

Bloquer les financements d’énergies fossiles, c’est :

● Possible.

● Rapide.

● Très efficace.

● Obtenir des résultats immédiats.

 

4 - Un acteur clef : numérique et technologies

C’est le thème prioritaire de ce billet : quels peuvent être les impacts positifs du numérique et plus généralement de l’innovation technologique sur les émissions de gaz à effet de serre?

Il est de plus en plus difficile de dissocier numérique et innovation technologique : le numérique est le moteur principal de toute innovation technologique, quel qu’en soit le secteur.

XModerna 42 jours Re-InventJe prendrai un exemple récent dans le domaine de la santé, que j’ai déjà cité dans mon blog. Le vaccin contre la COVID-19 de Moderna a été mis au point en 42 jours en utilisant toute la puissance du Cloud AWS. Le CEO de Moderna estime qu’il lui aurait fallu 20 mois (novembre 2021) si les solutions Cloud Public n’avaient pas existé. Combien de millions de vies ont été sauvées par le Cloud Public ?

Ce schéma servira de base à la suite de ce billet.

XActeurs sur climat - Numérique

Il met en évidence les différents impacts possibles du numérique sur les entreprises, les particuliers, l’offre d’énergie et la demande d’énergie. Je ferai référence aux numéros de ce schéma pour aborder ces sept interactions.

Je n’aborde pas les impacts potentiels du numérique sur les organisations internationales, les pays ou les organismes financiers ; pour moi, ils sont mineurs.

 

Frugalité Numérique : flux 1, 2, 3 et 4

XFrugalité Numérique processeurLa frugalité numérique, que d’autres préfèrent appeler sobriété numérique, a pour objectif de réduire au maximum les impacts des usages numériques sur le réchauffement climatique, et en priorité la consommation d’énergie.

En 2020, j’ai publié sur ce blog quatre textes sur la frugalité numérique :

Présentation générale.

Les centres de calcul

Les objets d’accès

Les réseaux

Chacun de ses textes représente un gros travail de recherche de données fiables. Dans le domaine de la frugalité numérique, un grand nombre de données publiées sont fausses et peuvent amener les particuliers et les entreprises à prendre des décisions contre-productives.

Je fais le choix de présenter ici un tout petit nombre d’exemples concrets de solutions numériques qui peuvent améliorer notre sobriété numérique immédiatement. Il serait aussi possible de parler des usages qui sont nocifs pour la planète.

Ma position générale est très claire : utilisés avec un minimum d’intelligence et de pragmatisme, les outils numériques sont d’excellents moyens de réduire nos consommations d’énergie et nos impacts négatifs sur la planète.

Je suis un farouche opposant du “Numérique Bashing” et j’ai les données pour argumenter ma position.

Les quatre textes référencés contiennent des informations plus détaillées sur tous ces sujets. J’ai fait le choix de ne présenter que les impacts positifs du numérique et de la technologie.

 

Flux 1 et 4 : numérique et entreprises

XOld Desktop Mac● Les ordinateurs portables consomment beaucoup moins d’énergie que les anciens PC fixes à écrans cathodiques.

● Fermer ses centres de calculs privés et basculer sur des clouds publics réduit d’un ordre de grandeur sa consommation d'énergie électrique.

XEmail vs Cloud Collaboration● Travailler en mode collaboratif pour créer à plusieurs un document ou une présentation réduit dans un rapport 20+ les échanges de données par rapport aux démarches archaïques qui consistaient à s’envoyer des documents par mail en pièces jointes, ce que résume remarquablement bien ce schéma. Il montre les échanges entre 4 personnes essayant de créer un document en commun, à gauche avec Word de Microsoft, à droite en mode collaboratif avec Google Workspace.

● Dématérialiser ses échanges numériques avec les clients, les partenaires et les fournisseurs transmet des bits qui consomment beaucoup moins d’énergie que des documents papier.

 

Flux 2 et 3 : numérique et particuliers

● Le smartphone est le meilleur ami de la planète. Un smartphone remplace des dizaines d’objets qui consommaient beaucoup d’énergie et de matières premières : caméscope, appareil photo, réveil, lecteur de CD/DVD, montre…

● Les usages d’un smartphone permettent de réduire fortement sa consommation de documents papier : encyclopédie, cartes, guides touristiques, dictionnaires, albums photos, documents de voyages…

● Visionner un film Netflix est beaucoup moins consommateur d’énergie que d’acheter un DVD que l’on ne regardera qu’un tout petit nombre de fois.

 

Flux 4 : Réduire la consommation d’énergie et les émissions des entreprises

Je m’intéresse ici aux activités “métiers” des entreprises industrielles qui produisent de l’acier, du béton, de l’aluminium ou des machines. Le texte de Bill Gates que j’ai cité plus haut montre que l’industrie est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre. Toute action dans ces métiers est prioritaire et aura des impacts majeurs.

XHybrit Fossil Free SteelCet article explique comment les fournisseurs d’acier s’attaquent au problème.

Le premier exemple cité : en août 2021, une aciérie de la société Hybrit en Suède a produit de l’acier sans utiliser du charbon, remplacé par de l’hydrogène. La production industrielle est prévue pour 2026.

Autre exemple récent en Europe : ArcelorMittal lance un grand programme de décarbonisation de ses activités avec un investissement de 1,7 milliard d’euros, soutenu par le gouvernement français. Objectif annoncé : réduire de 40% les émissions de CO2 sur le territoire français d’ici à 2030.

XArcelorMittal 1 7B€ investment

L’industrie du ciment produit 8% des émissions de CO2 dans le monde. C’est aussi l’une des industries les plus difficiles à décarboner.

Ce long article fait le point sur des dizaines de projets et réalisations en Europe pour s’attaquer au problème. Des réductions de 30% à 60% des émissions de CO2 sont envisagées.

Toutes ces industries travaillent aussi sur des démarches de capture des gaz émis, technologies regroupées sous le sigle CCUS : Carbon Capture Utilisation and Storage.

XCCUSCCUS regroupe deux réponses différentes :

● Utilisation : transformer le CO2 capturé en d’autres produits utiles.

● Stockage : injecter le CO2 dans le sol.

Ce site de l’IEA, International Energy, fait le point sur les très nombreuses démarches CCUS proposées.

Le Global CCS Institute est une autre source intéressante sur ce sujet. Ce document présente sur des centaines de réalisations ou projets dans le monde.

Les exemples que j’ai cités pourraient produire de premiers résultats significatifs dans la deuxième moitié de cette décennie, à partir de 2025 ou 2026.

Beaucoup de ces projets, de ces innovations technologiques, des solutions numériques proposées seront des échecs industriels, oui. Mon hypothèse de travail est que d’autres seront des succès, capables de se déployer à grande échelle dans les entreprises industrielles émettrices de grandes quantités de gaz à effet de serre.

Si l’on ferme le robinet d’investissements dans les énergies fossiles pour les organismes financiers, ils seront obligés de trouver d’autres terrains d’investissements.

Ils auront l’embarras du choix avec toutes ces entreprises innovantes qui développent des solutions à impacts positifs sur la planète.

Verdox, spin-off du MIT, qui a mis au point un dispositif de capture du CO2 plus efficace, vient de lever 80 M$, dont une partie vient de Bill Gates, investisseur très actif dans ces combats pour la planète.

 

Flux 6 : Numérique et demande d’énergie

C’est à mon avis le domaine où le numérique aura le moins d’impacts directs.

Comme on l’a vu plus haut, la demande d’énergie est en priorité liée aux demandes des particuliers et des entreprises.

XNormes ISO 50001 & 14000Une démarche pragmatique consiste à développer des indicateurs simples (KPI) pour aider les particuliers et les décideurs dans les entreprises à mesurer et suivre les impacts de leurs usages.

De premières normes, telles qu’ISO 50001 et ISO 14000, peuvent servir de base à ces mesures.

XSweep DashboardsPour les entreprises, de premières offres SaaS performantes, comme celle de la startup française SWEEP, permettent de piloter efficacement ses impacts carbone.

Ce sera plus difficile pour les particuliers : leurs consommations d’énergie sont réparties sur de nombreux lieux tels que domicile ou moyens de transport.

J’espère que des solutions simples permettront bientôt aux particuliers d’avoir un tableau de bord raisonnablement fiable et complet de toutes leurs consommations d’énergie.

 

Flux 5 et 7 : numérique et offre d’énergie

C’est dans ce domaine que je mets le plus d’espoir pour que des solutions de rupture permettent de disposer de suffisamment d’énergies non carbonées performantes avant 2030.

La croissance exponentielle des performances des solutions numériques, que j’ai présentée dans la troisième partie de cette série, s’appliquera aussi aux innovations dans le domaine de la production d’énergie.

J’ai choisi de ne parler que de trois domaines de progrès, parmi tous ceux qui sont possibles. Ce sont ceux qui ont, à mon avis, la meilleure probabilité d’apporter rapidement des réponses concrètes :

● Panneaux solaires.

● Stockage d’énergie électrique.

● Énergie nucléaire.

J’aurais pu aussi parler des éoliennes et de l’informatique quantique : cet article du JdN, “L’informatique quantique va-t-elle sauver la planète” présente les efforts de Microsoft dans ce domaine.

 

Panneaux solaires

L’énergie du soleil est la plus prévisible et la plus répandue sur la terre. Une étude du MIT donne les chiffres suivants :

● Énergie solaire arrivant sur terre en permanence : 173 000 térawatts.

● Ceci correspond à 10 000 fois l’énergie totale consommée sur terre.

● Avec des panneaux solaires ayant une efficacité de 20% et utilisés ⅓ du temps, cette énergie solaire couvre 300 fois les besoins de l’humanité.

Ce premier graphique montre le caractère exponentiel de la baisse du coût de l’énergie produite par des panneaux solaires : réduction dans un rapport 5 en 10 ans.

XSolar costs 2010 vs 2020

Ce deuxième graphique est encourageant : il montre que les experts ont sous-estimé la vitesse de cette réduction du coût. Ceux qui pensent que cette baisse va s’arrêter pourraient, à leur tour, être contredits par les faits.

XSolar costs reduction vs predictions

Ce troisième graphique (source Wikipédia) compare les coûts de l’énergie des différentes sources, en utilisant une mesure le “Levelized cost of energy”, qui calcule le prix de revient complet de production, selon des règles précises.

XLevelized cost of energy by source

En 2020, le solaire est devenu l’énergie la moins chère du monde, et personne ne va s’en plaindre.

 

Stockage d’énergie électrique

L’énergie électrique a beaucoup d’avantages, mais un grand problème, aujourd’hui; à l’inverse d’autres énergies comme le pétrole, le gaz ou le charbon elle est difficile à stocker.

Si l’on couple cette caractéristique avec le fait que les principales énergies renouvelables, solaires et éoliennes sont par nature intermittentes, on se trouve face au grand défi actuel de ces énergies renouvelables : comment stocker l’énergie électrique quand elle est abondante pour la restituer quand la production se réduit ?

Quel est le meilleur moteur de l’innovation ? Un problème difficile à résoudre !

Ceci explique pourquoi l’offre de solutions de stockage d’énergie est en forte croissance, avec des démarches très différentes, comme celles référencées dans cet article.

J’en ai sélectionné quatre, très différentes :

● L’énergie cinétique.

● La gravitation.

● L’hydrogène.

● Les batteries

L’énergie cinétique.

Cette technologie existe depuis très longtemps : les tours des potiers l’utilisaient dans l’antiquité. Elle consiste à transformer l’énergie électrique excédentaire en énergie cinétique stockée dans un volant d’inertie en mouvement.

XAmber Kinetics FlywheelsDes startups ont repris l’idée en améliorant les performances et les rendements qui peuvent atteindre 90%. Principaux avantages : durée de vie très longue et performances constantes dans le temps.

Amberkinetics (image jointe) et Revterra sont deux sociétés qui proposent des solutions opérationnelles à coupler avec des énergies renouvelables intermittentes.

La gravitation ou pesanteur

XEnergyVault gravity storageCette autre solution mécanique utilise l’énergie liée à la gravitation. EnergyVault, une des startup dans ce domaine, utilise des blocs de 35 tonnes qui sont soulevés par des grues automatiques quand l’énergie est disponible, énergie récupérée quand on les laisse redescendre vers le sol.

L’hydrogène

L’Europe et la France mettent beaucoup d’espoir sur cette technologie pour stocker dans de l’hydrogène à haute pression de l’énergie. C’est bien expliqué dans ce document de Teréga qui dispose dans le Sud Ouest de la France des plus grandes capacités de stockage de gaz en France dans des réservoirs naturels souterrains.

XCB Insights Europe lead in HydrogenCB insights est une source d’information d’une exceptionnelle richesse et qualité sur de nombreux domaines. Ils ont publié en février 2022 ce rapport de 150 pages qui fait le point sur les investissements dans le secteur de l’énergie en 2021. J’en ai extrait ce graphique qui montre que l’Europe investit plus sur l’hydrogène que les États-Unis ou l’Asie. C’est le seul domaine dans lequel l’Europe est en tête !

Autre bonne nouvelle : le congrès annuel des ingénieurs de France, en mars 2022, sera consacré à l’hydrogène.

 

Les batteries

C’est la technologie qui vient immédiatement à l’esprit quand on pense stockage d’énergie, et c’est de loin la plus utilisée aujourd’hui. Je ne vais pas analyser le marché des véhicules électriques, mais me concentrer sur les usages industriels des batteries pour stocker l’énergie sur de longues périodes.

La baisse du coût du kilowatt des batteries les plus répandues, Lithium-Ion, est, elle aussi, exponentielle, comme le montre ce graphique.

XPrice batteries Lithium Ion over time

XTesla Battery park AustraliaTesla est un acteur majeur de ce marché. L’une des plus grandes installations a été construite en Australie, avec une capacité de 1 274 MWh. Elle est opérationnelle depuis décembre 2021.

Des dizaines d’entreprises travaillent sur des alternatives à la filière Lithium-Ion, et il est difficile de les citer toutes. Sodium-ion, Zinc-ion et Dual Carbon sont trois des pistes les plus prometteuses.

J’ai construit ce tableau comparatif de ces trois solutions à partir d’un article très complet, publié en février 2022.

XBatteries comparaison

Une quatrième technologie, Metal-ion, attire aussi les investisseurs : Bill Gates et ArcelorMittal ont investi 360 M$ dans Form Energy, qui utilise l’acier, ce qui explique la présence d’ArcelorMittal au capital.

XCB Insights Global Energy FundingCette très longue liste de solutions de stockage d’énergie montre à quel point l’innovation est forte dans ce domaine clef. Ce graphique, extrait du même document CB Insight, montre que les investissements dans les startups de l’énergie ont atteint 36 milliards de dollars en 2021, en croissance de 260% par rapport à 2020 !

Il faudrait vraiment être un irréductible pessimiste pour penser que toutes ces innovations seront des échecs.

 

Énergie nucléaire

Le nucléaire est une énergie qui déclenche des passions, pas toujours rationnelles.

Mon objectif, ici, est d’en parler de la manière la plus rationnelle possible. Les spécialistes du nucléaire me pardonneront les simplifications que je suis amené à faire.

XMortality rate:EnergyLes faits :

● Le nucléaire est une énergie non carbonée.

● Le nucléaire est la source d’énergie la plus sûre au monde : charbon, gaz, pétrole ont tué beaucoup plus de personnes que le nucléaire.

Il y a deux grandes familles de solutions pour produire de l’énergie nucléaire :

● Fission = casser de gros noyaux pour en faire de moins gros.

● Fusion = assembler des petits noyaux pour en faire des plus gros.

Cet article l’explique en quelques lignes. Pour en savoir plus, je vous renvoie aux textes de Wikipedia sur la fission et la fusion.

Aujourd’hui, l’électricité est produite dans le monde par des réacteurs de fission nucléaire, et de grande taille.

D’ici à 2030, je vois venir des mutations majeures dans les solutions permettant de produire de l’énergie électrique nucléaire.

Familles de centrales nucléaires 1J’ai construit ce tableau pour présenter les quatre familles principales de solutions qui pourraient être opérationnelles en 2030.

D’ici à 2030, trois nouvelles familles de réacteurs nucléaires pourraient voir le jour:

● Fission : réacteurs de petite taille.

● Fusion : réacteurs de grande taille.

● Fusion : réacteurs de petite taille.

 

Petits réacteurs industriels de fission

À Belfort, dans son discours de février 2022 sur l’avenir du nucléaire en France, le Président Emmanuel Macron a parlé d’EPR, mais aussi annoncé le lancement de la fabrication de “SMR”, Small Modular Reactors.

Dans ce domaine des petits réacteurs, la France est en retard : Russes, Chinois et Américains ont lancé des projets et des réalisations depuis plusieurs années.

XPetite centrale nucléaire Rolls RoyceL’un des projets européens à haut potentiel est celui proposé par Rolls-Royce, qui s’appuie sur son expérience dans les sous-marins à propulsion nucléaire. Rolls-Royce propose de construire une usine qui fabriquera, de manière industrielle, ces petits réacteurs nucléaires. Ils seront ensuite transportés sur les sites où ils seront installés, dans le monde entier.

Cette approche me fait penser à la démarche industrielle d’Elon Musk avec SpaceX qui a révolutionné le monde des lanceurs.

 

Fusion : réacteurs de grande taille

Le projet emblématique de réacteur nucléaire de grande taille pour la fusion est le réacteur Tokamak ITER.

XITER Agreement MeetingLes chiffres relatifs à ITER sont impressionnants, et confirment le gigantisme de ce projet :

● Lancé officiellement en 1985, quand Jacques Chirac était président de la République en France.

● Membres : Communauté Européenne, Russie, Chine, États-Unis, Inde, Japon, Corée…

● 20 ans après : accord sur lieu de construction, près d’Aix-en-Provence en France.

● Surface du site : 180 hectares, dont 42 pour le réacteur.

● Poids du réacteur : 23 000 tonnes.

● Production d’énergie prévue : 500 MW, 10 fois les 50 MW nécessaires pour le faire fonctionner.

● La première production de plasma était prévue fin 2025, 40 ans après le lancement du projet. Les dernières estimations, fin 2021, parlent maintenant de 2035.

● Le budget initial, de 6 milliards d’euros, est aujourd’hui de 18 à 22 milliards d’euros. Les opposants parlent d’un budget de 45 à 65 milliards d’euros.

● ITER, expérimental, ne sera jamais connecté au réseau. Il faudra attendre le successeur, DEMO, pour avoir une version industrielle en 2050.

● L’industrialisation éventuelle n’est pas prévue avant 2070.

XITER construction Octobre 2021

Les critiques d’ITER se font de plus en plus nombreuses :

● En juillet 2021, l’ASN, Autorité de Sureté Nucléaire, a publié un rapport montrant que des composants importants n’avaient pas passé les tests nécessaires.

● La revue Energy Times tire le signal d’alarme en octobre 2021.

Vous l’avez compris : je ne suis pas convaincu qu’ITER sera l’un des sauveurs de la planète.

 

Fusion : réacteurs de petite taille

De toutes les options présentées, je pronostique que ce sont ces réacteurs de fusion de petite taille qui seront la réponse la plus performante aux besoins du monde en énergies non carbonées et non intermittentes.

Les progrès spectaculaires de ces dernières années dans la fusion nucléaire sont attribués au numérique, comme le confirme Chris Hansen, chercheur à l’Université de Washington dans cet article : “Our ability to model and move forward on some of these scientific and technological developments because of increased computing power has really been a difference maker.” (Notre capacité à modéliser et à faire avancer certains de ces développements scientifiques et technologiques grâce à une puissance de calcul accrue a vraiment fait la différence.)

Un rapport très complet, publié par la Fusion Industry Association au Royaume-Uni, fait le point sur l’extraordinaire dynamique de ce secteur. J’en ai extrait quelques graphiques.

23 startups privées ont été créées entre 1992 et 2020. La moitié sont nées entre 2016 et 2020. Ce rapport contient aussi des fiches détaillées sur chacune de ces 23 sociétés.

XNumber of private fusion companies

XWorld Map fusion startupCette carte montre que la majorité de ces startups de la fusion sont aux États-Unis, mais l’Europe avec six sociétés reste dans la course. La société française est Renaissance Fusion, basée à Grenoble.

Les financements sont au rendez-vous, mais à l’échelle des startups :

XFunding for fusion companies● Le total est proche de 2 milliards de dollars, à comparer aux 20 milliards déjà dépensés pour ITER.

● 95% de ces financements sont privés, les États n’apportant que 5%.

● Pour les startups financées, la moyenne des fonds levés est de 100 M$.

● TAE Technologies, en Californie, est la plus financée, avec 880 M$.

XDifferent technical fusion solutions by startupsCe qui m’a le plus frappé dans ce rapport, c’est la grande variété des technologies utilisées par ces startups, comme on le voit dans ce tableau. (Ne me demandez pas de vous expliquer les différences entre ces approches.)

La question à laquelle il est le plus difficile de répondre est : “quand ces petits réacteurs seront-ils opérationnels et connectés au réseau de distribution électrique ?

XWhen Will fusion be connected to the gridCe graphique regroupe les prévisions de ces startups. La majorité des réponses indiquent les années 2030.

Familles de centrales nucléaires 2050Pour terminer ce long chapitre sur l’énergie nucléaire, je vous livre mon pronostic sur la situation telle que je la vois en 2050. (Rappel, je ne suis pas un spécialiste du nucléaire).

 

Les grandes centrales de fission pourraient faire jeu égal avec les petites centrales de fusion, chacune fournissant environ 40% de l’énergie électrique venant du nucléaire.

 

Synthèse

XClimat - Réalité - Acteurs - Offre et demande + Numérique + org InternAu début du premier de ce billet consacré aux défis climatiques, j’avais construit un tableau évaluant quels pourraient être les impacts potentiels des six familles d’acteurs identifiés.

Dans ce nouveau tableau, j’ai ajouté deux colonnes qui présentent la réalité de ces impacts, tels que je les pronostique.

Je fais le pari suivant : numérique et technologies seront les moyens les plus puissants, les plus efficaces pour lutter contre ce réchauffement climatique.
Les cinq autres familles d’acteurs auront aussi des rôles importants à jouer sur l’offre et la demande ; je les mets à égalité, avec trois étoiles chacune.

Pour vous aider à établir de manière plus précise votre propre évaluation des rôles potentiels de ces six acteurs, j’ai aussi construit ce nouveau tableau chiffré :

Climat - Acteurs - Offre et demande + Numérique + Org Intern. - Mon pronostic

● Les deux premières colonnes proposent une fourchette large des rôles possibles, sur l’offre et la demande, des six acteurs.

● Les deux autres colonnes sont utilisées pour que chacun fasse son pronostic. Je l’ai rempli avec les miens pour que vous en ayez un exemple.

● Le total dans chaque colonne doit être égal à 100%.

Nous aurons probablement des visions différentes, et c’est normal.

L’important, c’est que chacun comprenne qu’il y a de nombreux moyens d’action pour attaquer ce défi majeur du réchauffement climatique.

Oui, je souhaite rester optimiste et anticiper un monde qui aura su, en 2030, maîtriser les quatre défis que j’ai identifiés.

Serons-nous capables, au niveau mondial, de nous mobiliser, immédiatement, sans laisser des personnes, des entreprises, des États et des organisations internationales bloquer les décisions urgentes qu’il convient de prendre ?

Je laisse à chaque lecteur le soin de répondre à cette question.


Après un ordinateur pour chaque col blanc, un smartphone pour chaque FLW, Front Line Worker

 

XOld IBM PCMicrosoft, entreprise créée en 1975, n’était pas à l'origine du premier ordinateur personnel. Mais, avec l’aide d’IBM pour les premiers PC MS/Dos, puis avec la création de Windows, Microsoft s'est imposé comme le fournisseur du Système d’Exploitation dominant sur le marché mondial des ordinateurs personnels.

Cet email, envoyé par Bill Gates à l’occasion du 40e anniversaire de la naissance de Microsoft, fait référence à l’objectif ambitieux de Microsoft à ses débuts :

              Bill Gates : “Un ordinateur personnel pour chaque bureau, pour chaque maison”.

Cette prévision a mis des dizaines d’années à devenir une réalité !

XMail One PC on every Desk

Je me souviens d’avoir évoqué cet objectif avec un dirigeant en lui disant : “demain, il y aura dans vos bureaux autant d’ordinateurs individuels que de téléphones.” Sa réponse fut immédiate : “OK, je vais supprimer des téléphones !”

Aujourd’hui, tous les cols blancs sont équipés d’ordinateurs personnels, portables dans plus de 90% des cas.

Par contre, les FLW, Front Line Workers, équipes en première ligne, restent les grands oubliés de la Transformation Numérique.

En ce début d’année 2022, je vous propose à mon tour un objectif ambitieux :

     Louis Naugès : un smartphone pour chaque FLW avant la fin de l’année 2025.

Les entreprises innovantes, soucieuses de leur compétitivité et de la nécessité de faire rentrer les FLW dans l’ère du numérique, auront atteint cet objectif avant 2025.

Dans ce billet, j’ai l’ambition de vous proposer un mode d’emploi clair, complet, opérationnel, concret pour vous permettre d’équiper immédiatement tous les FLW de votre entreprise avec des outils numériques qu’ils plébiscitent, qui les rendent plus efficaces et plus productifs.

Personne ne peut être contre cet objectif…

Si votre entreprise emploie des FLW, vous devez impérativement lire ce billet pour préparer le futur de leur équipement numérique.

 

Rappel : Les FLW, Front Line Workers, équipes en première ligne

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le concept de FLW, Front Line Workers, j’ai écrit récemment deux billets consacrés à ce thème :

Travailleurs en première ligne, nouvelle priorité de toute Transformation Numérique.

Numérique, après les cols blancs, priorité aux FLW, Front Line Workers.

J’en résume ici les idées clefs.

Les FLW sont les travailleurs en première ligne, les “deskless”, les sans bureaux, par opposition aux cols blancs. Quelques chiffres essentiels :

● Cols blancs = 20% de la population mondiale des actifs.

● FLW = 80% de la population mondiale des actifs.

● Principaux secteurs d’activités avec majorité de FLW : industrie, transport, logistique, agriculture, hôpitaux, hôtels…

● Dans les économies avancées, Etats-Unis, Europe… le pourcentage de FLW est plus faible, comme le montre cette étude réalisée par OMDIA en 2020. Il est compris entre 65 et 70%, encore largement majoritaire.

XOmdia 70% FLW

 

Situation actuelle : bienvenue dans le Numérique Fantôme des FLW

Un smartphone pour chaque FLW : c’est déjà une réalité en 2022 !

Problème, ce sont dans la majorité des cas des smartphones personnels, utilisés en priorité pour des usages personnels et, parfois, aussi pour des usages professionnels.

C’est l’un des exemples les plus frappants du décalage qui existe entre les vitesses d’introduction des solutions numériques dans le grand public et dans les entreprises.

Dans un grand groupe français de la distribution avec qui j’échangeais récemment, on m’a cité un cas “de Numérique Fantôme” typique. Dans les magasins, les FLW ont créé des groupes WhatsApp avec 250 personnes, le maximum autorisé par cette application, pour échanger des photos liées à leurs activités professionnelles. J’expliquerai, à la fin de ce billet, comment transformer ce numérique fantôme FLW en une application officielle, beaucoup plus performante, en utilisant la solution Frontspace de WizyVision.

XNetskope Iceberg 10 xLe numérique fantôme (Shadow IT en anglais) : il a toujours existé et a explosé avec l’arrivée des solutions SaaS, Software as a Service, depuis le début des années 2000.

Une enquête menée par l’éditeur de solutions de sécurité Netskope a montré que le nombre de solutions SaaS utilisées est dix fois supérieur à celui estimé par les équipes informatiques.

En refusant de fournir aux FLW des outils numériques d’entreprise, les entreprises prennent le risque de répéter les mêmes erreurs commises avec les cols blancs et de voir se multiplier des cas d’usages de numérique fantôme FLW.

 

Cols blancs et FLW : des outils numériques différents

Le premier réflexe, logique, des entreprises qui décident d’équiper leurs FLW avec des outils numériques est de leur proposer les mêmes solutions qui ont fait leurs preuves avec les cols blancs. J’ai personnellement commis cette erreur au début des années 2010 quand je militais pour donner une adresse courriel à tous les FLW.

Il est clair, aujourd’hui, que c’était une mauvaise idée : les FLW ont besoin d’outils numériques différents :

● Le texte, le formulaire, ce n’est pas ma tasse de thé.

● Le courrier électronique, non merci.

● Un ordinateur portable : vous plaisantez ?

Fidèle à une démarche que je préconise depuis des dizaines d’années, je vais clairement séparer :

● Les solutions d’infrastructures, en l'occurrence, les objets d’accès et les réseaux.

● Les usages, les applications, qui apportent de la valeur aux FLW et qui s’appuient sur ces infrastructures.

Pour les réseaux au service des FLW, encore plus que pour les cols blancs, les seules réponses possibles sont des réseaux sans fil, WiFi, 4G et 5G. Dans la suite de ce billet, je fais l’hypothèse, raisonnable, que des réseaux sans fil sont disponibles pour les FLW.

Sur les objets d’accès, les études que nous avons menées avec WizyVision ont confirmé des différences majeures, résumées dans ce tableau.

XOffice Workers & FLW Interfaces - Outils accès● Les cols blancs maîtrisent depuis des dizaines d’années les ordinateurs personnels. Ils sont aussi très à l’aise avec l’interface clavier-texte-souris, qui leur permet de créer des tableaux, des présentations et des documents.

● Pour les FLW, ordinateur de bureau et clavier ne seront jamais leurs outils favoris. Ils sont par contre tous capables :

    ○ D’utiliser un smartphone.

    ○ De prendre des photos.

    ○ D’ajouter un commentaire vocal qui sera automatiquement traduit en texte et rattaché à une photo.

Ceci confirme l’hypothèse formulée au début de ce billet, proposer :

             Un smartphone pour chaque FLW avant la fin de l’année 2025.

Comment choisir un smartphone pour les FLW ? C’est l’objet du prochain paragraphe.

 

Equiper les FLW avec un smartphone : principales options

Je vais centrer mon analyse sur les smartphones Android, qui équipent ou équiperont l’immense majorité des FLW. On rencontre peu de smartphones Apple dans les usines, chez les transporteurs ou les compagnons sur un chantier de construction.

Les entreprises doivent répondre à deux questions :

● Quel smartphone Android choisir ?

● Quelles sont les options de possession du smartphone, entre l’entreprise et le FLW ?

Je vais parler en priorité des smartphones ; dans certains cas, une tablette Android sera plus efficace, mais ce qui suit est valable pour les smartphones et les tablettes.

Choix du smartphone Android

Il faut rentrer, un peu, dans la technique pour comprendre les options proposées pour le Système d’exploitation Android.

1 - AOSP : Android Open Source Project

Il s’agit de la version native, “Open Source” d’Android. C’est celle que doit maintenant utiliser Huawei après l’interdiction par le gouvernement américain d’accéder aux “Services” de Google.

Cette version de base ne permet pas de donner accès aux services essentiels de Google, tels que le Google Play Store et la géolocalisation avec Google Maps. Elle ne doit pas être choisie par les entreprises européennes pour équiper les FLW.

2 - GMS : Google Mobile Services

GMS est la version d’Android installée sur la quasi-totalité des smartphones commercialisés en dehors de la Chine. Ce document explique en détail les fonctionnalités et les avantages de GMS.

XVersions Android - AOSP  ManagedPour être certifié GMS, un smartphone doit passer un grand nombre de tests. C’est un peu la réponse de Google à Apple. GMS lui permet de mieux contrôler les nombreux fournisseurs et les centaines de modèles Android disponibles, en garantissant aux acheteurs qu’ils disposent tous des mêmes fonctionnalités de base.

Ce tableau dresse une liste très complète des principales fonctionnalités disponibles sur un smartphone GMS.

Les points essentiels à mémoriser, sur les avantages de GMS :

● Met à disposition les fonctionnalités et applications de Google.

● Donne accès aux API de Google.

● Permet d’utiliser le Google Play Store.

Pour équiper les FLW la version GMS d’Android s’impose clairement.

XLogo Android Enterprise recommendedParmi tous les smartphones GMS, les équipes Android ont établi une sélection de modèles adaptés aux attentes des entreprises, les offres “Android Enterprise”.

Option Zero Touch. Je recommande fortement aux entreprises de choisir des smartphones qui disposent de l’option Zero Touch. Elle permet de gérer plus facilement des flottes de terminaux en autorisant l’enrôlement automatique des smartphones OTA (Over the Air) dans l’EMM choisi pour gérer les utilisateurs et les applications sans avoir besoin d’accéder physiquement aux terminaux.

La deuxième question qui se pose est : smartphone standard ou version durcie.

XRugged Zebra device1 - Les smartphones durcis (Rugged en anglais) sont adaptés à des conditions d'utilisation qui demandent des smartphones plus résistants.

Les principales fonctionnalités recherchées par les entreprises :

● Batteries que l’on peut remplacer. C’est de loin la demande la plus importante.

● Résistance aux chutes, à l’eau.

● Lecteurs rapides de codes barres ou de QR codes.

● ATEX, pour les environnements où les risques d’explosion sont importants.

Les prix de ces smartphones durcis sont dans la fourchette de 500 € à 2 000 €. Les entreprises demandent de plus en plus de smartphones durcis à des prix raisonnables, inférieurs à 1 000 €.

Les principaux fournisseurs de smartphones Android durcis ont pour noms : Zebra, Honeywell, Samsung…

J’ai fait une recherche sur le site d’Android Entreprise pour les smartphones durcis disponibles en Europe, et j’ai trouvé 83 modèles différents. Chaque entreprise y trouvera ceux qui conviennent aux différents profils de FLW.

XAndroid Devices Europe rugged

2 - Les smartphones standards, qui sont aussi utilisables par les cols blancs (Knowledge Workers).

Tous les FLW n’ont pas besoin d’un smartphone Android durci. Il existe d’excellents smartphones GMS non durcis qui répondent aux attentes de nombreux FLW.

Ces smartphones standards ont deux avantages :

● Des prix plus bas, qui commencent à environ 300 €.

● L’offre est plus abondante, avec 241 modèles Android Entreprise disponibles en Europe.

XAndroid Devices Europe all

 

Options de possession d’un smartphone professionnel par un FLW

Il y a trois démarches possibles pour équiper un FLW d’un smartphone :

● Utiliser deux smartphones séparés, un professionnel et un personnel.

● COPE : Company Owned, Personally Enabled. L’entreprise fournit un smartphone au FLW et l’autorise à l’utiliser à titre personnel.

● BYOD : Bring Your Own Device. Le FLW est propriétaire du smartphone et s’en sert aussi officiellement pour ses usages professionnels.

Chacune de ces trois démarches est possible. Ce sont avant tout des considérations organisationnelles, culturelles et humaines qui vont orienter les choix d’une entreprise.

Cet article présente clairement ces options.

Deux smartphones séparés

Cette démarche est la plus simple à mettre en œuvre.

XDeux smartphones indépendantsIl y a de nombreuses situations pour lesquelles c’est la seule option raisonnable.

On peut citer quelques exemples :

● Environnement sécurisé : le smartphone ne doit pas quitter la zone de travail.

● Smartphones durcis : ils ne sont pas adaptés à un usage personnel.

● Smartphones professionnels non nominatifs, en libre-service, partagés par plusieurs FLW.

● Équipement de FLW pendant de courtes périodes : saisonniers, intérimaires, sous-traitants…

Un seul smartphone, pour usages professionnels et personnels.

XUn seul téléphone perso & proAvant de présenter ces deux options, il est important de comprendre ce que permet aujourd’hui de faire un smartphone Android moderne.

Création de “containers” indépendants : il est possible de créer deux espaces totalement indépendants sur un même smartphone :

● Un container professionnel, “Work profile”.

● Un container personnel, “Personal profile”.

● Chacun de ses deux containers est indépendant, en matière d’applications et de données. Si un FLW utilise Google Maps pour son travail et ses usages personnels, il y aura deux versions de Google Maps installées.

● Le FLW peut être autorisé à mettre “off” le container professionnel, par exemple pendant le Week-End, pour ne pas recevoir de communications de son entreprise.

Démarche COPE. C’est l’entreprise qui prend la main et choisit les smartphones qui seront proposés aux FLW. Elle peut aussi contrôler les règles d’usages et quels opérateurs télécoms seront sélectionnés.

Démarche BYOD. C’est le collaborateur FLW qui fait le choix du smartphone Android qu’il va accepter de partager avec son entreprise. Rien ne garantit qu’ils seront tous “Android Enterprise”, donc faciles à gérer. C’est pour cela qu’il y a un point d'interrogation face à EMM. Seuls les téléphones Android Entreprise le permettent.

Je constate que la démarche COPE est choisie en priorité par les entreprises innovantes qui ont équipé des FLW avec un seul smartphone, professionnel et personnel. On en verra deux exemples plus loin dans ce billet.

 

Indispensable : un EMM, Enterprise Mobile Management

Quelle que soit la démarche choisie, Il n’est pas raisonnable d’équiper un FLW avec un smartphone pour des usages professionnels sans y installer un logiciel EMM, Enterprise Mobile Management, qui a deux grandes familles de fonctions :

● Sécuriser le smartphone. Parmi les fonctions essentielles, on trouve :

    ○ Utilisation obligatoire d’un blocage d’écran.

    ○ Effacement à distance en cas de vol ou de perte.

    ○ Contrôle des réseaux WiFi auxquels le smartphone peut se connecter.

    ○ Chiffrement natif des données.

    ○ Limites d’utilisation : définir la zone géographique dans laquelle le smartphone est autorisé à fonctionner.

    ○ Rendre impossible un “factory reset”.

● Gérer le smartphone et les applications :

    ○ Garantir que les seules applications autorisées professionnellement sont installées dans le work profile.

    ○ Interdire toute installation d’applications qui ne viennent pas du Google Play Store.

    ○ Gérer de manière centralisée la flotte des smartphones des FLW.

Dans le domaine des EMM aussi, l’offre est abondante. Une recherche sur le site Android Entreprise, en sélectionnant les fonctionnalités les plus importantes, propose 31 solutions.

XAndroid EMM main features 31

On y trouve des solutions qui existent depuis de nombreuses années, telles que SOTI, VMWare Workspace ou Mobileiron. Parmi les plus récentes, je peux citer l’une des plus modernes et des plus compétitives, WizyEMM, proposée par la société Wizy.io. (Dont je suis l’un des fondateurs !)

 

Cas d’usages 1 : La Poste en France

Le Groupe La Poste est un pionnier dans l’équipement de ses collaborateurs du terrain avec un smartphone. Le projet Facteo a démarré il y a presque 10 ans, en 2012.

Aujourd’hui plus de 70 000 facteurs sont équipés d’un smartphone Android standard.

La priorité a été donnée à des applications métiers, telles que l’aide aux personnes âgées, pour pallier la baisse continue du courrier papier, qui était initialement le principal métier des facteurs.

La démarche COPE a été choisie : le facteur dispose d’un environnement personnel étanche sur le smartphone fourni par l’entreprise. Le fait que La Poste soit aussi un opérateur téléphonique mobile a facilité la mise à disposition d’accès à un réseau mobile.

XPhoto par facteur d'un françaisCela fait aussi plaisir de voir que La Poste était présente au CES de Las Vegas en 2020 pour faire la promotion de ses solutions numériques innovantes. Elle en profite pour accompagner plusieurs startups sur ce salon.

La dimension humaine du métier de facteur, en particulier en milieu rural, sera mise en lumière lors d’une exposition des meilleures photos prises par les facteurs. Cette exposition sera visible en 2022 à la grande poste du Louvre à Paris. C’est une très belle initiative, bravo !

 

Cas d’usages 2 : Walmart aux Etats-Unis

Walmart, peu connu en Europe, est un distributeur dont 70% des revenus se font aux Etats-Unis. C’est aussi le plus important employeur privé du monde avec 2,2 millions de collaborateurs.

En 2021, Walmart a lancé un grand programme d’équipement en smartphones de ses  “Associates”, les FLW payées à l’heure chez Walmart. Ce sont en priorité les personnes présentes dans les supermarchés et hypermarchés.

La première vague d’investissements en 2021 ne concerne que 50% de cette population. Cela représente quand même… 740 000 smartphones Samsung Android !

Xarticle Walmart 740 000 smartphones

Dans ce webinaire, d’une durée de 20 minutes, organisé par Android Entreprise à la fin de l’année 2021, deux collaboratrices de Walmart présentent ce projet, les principaux objectifs et les premiers résultats obtenus. Me@Walmart, c’est le nom de l’application mobile qui regroupe toutes les fonctionnalités auxquelles ont accès les Associates.

XWalmart employee image 740 000 & freeComme pour le Groupe La Poste, une démarche COPE a été choisie. Les collaborateurs de Walmart peuvent utiliser librement leur smartphone professionnel pour des usages personnels. Même aux Etats-Unis, la fracture numérique existe et l’un des objectifs de Walmart est de réduire, un peu, cette fracture.

 

Equipement d’un FLW avec un smartphone : éléments budgétaires

Il n’est pas raisonnable de proposer à des dirigeants d’investir pour les FLW sans leur donner des éléments budgétaires. Comme toutes les infrastructures numériques, un smartphone pour FLW coûte et… ne rapporte rien. Les bénéfices viennent des usages.

XSmartphone FLW - BudgetCe tableau résume les coûts estimatifs de deux solutions :

● Une hypothèse basse, avec un smartphone normal.

● Une hypothèse haute, avec un smartphone durci haut de gamme.

● Dans les deux cas, la durée de vie estimée du smartphone est de 4 années.

Le coût complet mensuel de mise à disposition d’un smartphone pour FLW, incluant le smartphone, l’EMM et un abonnement à un réseau sans fil est dans une fourchette de 17,5€ à 46,5€.

Chaque entreprise fera ses propres calculs, mais je pense qu’elle sera dans la majorité des cas dans cette fourchette de coût.

 

Un smartphone, pour quoi faire ? Quels usages “Frontiques” pour les FLW

Ads DPC FLW with smartphone reading meter S 208354616Depuis longtemps, les entreprises ont équipé en priorité les FLW de smartphones dans des métiers pour lesquels c'était un outil indispensable, utilisé plusieurs heures par jour, tels que :

● Logistique dans les entrepôts.

● Relevés de compteurs.

● Maintenance d’équipements chez les clients.

● Transporteurs comme Chronopost ou DHL.

On restait dans des cas d’usages très spécialisés, et la grande majorité des FLW n’était pas concernée par ces outils, ce qui explique le déficit actuel d’équipement numérique des FLW dans les entreprises.

Dans le monde des cols blancs, ce sont les usages bureautiques qui ont été à l’origine de la banalisation des ordinateurs personnels et des outils Web tels que la messagerie ou la visioconférence.

Pour les usages universels des FLW, je propose d’utiliser le mot “Frontique”, en espérant qu’il aura le même succès que le mot Bureautique que j’avais créé… Il y a fort longtemps.

Le nombre d’outils bureautiques universels est très réduit. Je fais l’hypothèse qu’il en sera de même pour le nombre d’outils frontiques.

J’ai choisi d’illustrer le concept de solutions frontiques par deux outils SaaS :

● we advocacy

● WizyVision

Ce sont deux exemples de solutions françaises !

 

Premier exemple de solution “Frontique” : we advocacy

XLogo weadvocacywe advocacy est une jeune société française qui propose une solution innovante, et pour le moment, unique : la capacité pour une entreprise de communiquer “Top Down” vers des collaborateurs n’ayant pas d’adresse email. we advocacy a d’autres fonctionnalités, mais je m’intéresse ici uniquement à son apport pour les FLW.

L’application mobile we advocacy est proposée à tous les FLW pour leur smartphone personnel ou professionnel ; ils ont le droit de refuser de l’installer ou de l’activer.

Si le FLW accepte de l’utiliser, cette application fonctionne exactement comme un SMS classique.

we advocacy permet aux entreprises :

De communiquer les mêmes informations vers les FLW et les cols blancs :

    ○ Sous forme de textes, d’images ou de vidéos.

    ○ Événements importants (formations).

    ○ Messages de la direction.

    ○ Lancement de nouveaux produits.

    ○ Newsletter d'entreprise.

    ○ ...

Elle peut être utilisée par plusieurs services et notamment la DSI (alertes autour d'incidents, maintenances programmées) et les RH (offres d'emplois, invitation autour de démarches RH).

Elle permet également d’organiser des sondages simples, réguliers, qui permettent de mieux suivre le ressenti des FLW au cours du temps.

De donner à un chef de chantier la possibilité de communiquer directement avec toute son équipe, en temps réel.

L’entreprise Colas Rail utilise l’application we advocacy ; ces deux exemples sont liés à la vie des chantiers et aux informations relatives à la pandémie COVID-19.

XWeadvocacy Colas Rail

Lors de mes échanges avec les fondateurs de we advocacy, ils m’ont indiqué quels étaient les bénéfices les plus importants remontés par les entreprises clientes :

Augmente le sentiment d’appartenance des FLW à l’entreprise.

Améliore la marque employeur, thème important pour des FLW qui sont des personnes qui changent souvent d’entreprise.

Très simple à déployer et à utiliser : aucun retour négatif, pas de nécessité de formation.

Parmi les difficultés qu’il faut surmonter, l’une des principales reste souvent la “défiance” vis-à-vis de l’employeur, d’où l’importance de laisser le choix au FLW de l’utiliser ou pas.

 

Deuxième exemple de solution “Frontique” : Frontspace de WizyVision

WizyVision a été construit sur l’une des hypothèses présentées au début de ce billet : l’image deviendra l’interface dominante pour les FLW.

XComposants WizyVisionInvisible pour le FLW, mais essentielle, il y a au cœur de l’offre de WizyVision une base de données professionnelles d'images, DAC, Digital Asset Center.

Sur le smartphone du FLW, l’application mobile est Frontspace, qui existe avec plusieurs niveaux de puissance :

● Une version de base, pour prendre des photos, les partager et les sauvegarder dans la base de données DAC. C’est l’option “Klik&Share”.

● Une version plus puissante, qui permet de développer, en “No Code”, des processus légers construits autour de l’image. Il est possible d’utiliser des fonctions d’IA standards telles que l'OCR ou la reconnaissance d’objets.

● Le FLW peut aussi activer la fonction “voix vers texte” et ajouter un commentaire vocal aux photos qu’il prend.

● Avec ML Studio, on peut construire, en “No Code”, des modèles de reconnaissance d’objets métiers spécifiques.

Frontspace est une solution 100%  “frontique”, universelle : les cas d’usages potentiels sont très variés, dans tous les secteurs d’activités qui emploient des FLW.

XInformatique fantome FLW Avantages inconvénientsPour illustrer les avantages de la solution Frontspace, je reviens sur l’exemple du numérique fantôme dans la distribution, présenté au début de ce billet.

1 - Dans la colonne “Numérique Fantôme :

● Le smartphone utilisé est celui du collaborateur FLW, non sécurisé et non géré.

● L’application utilisée pour partager des photos est WhatsApp :

    ○ C’est une image “pauvre”. Toutes les métadonnées, comme la géolocalisation et l’horodatage, sont perdues.

    ○ Le partage de l’image au sein de l’entreprise est impossible, en dehors du groupe WhatsApp.

    ○ Une photo, liée à une activité professionnelle, peut être partagée librement par tous les collaborateurs du groupe WhatsApp, à l’extérieur de l’entreprise, sans aucun contrôle possible.

2 - Dans la colonne Numérique Gérée par l’entreprise :

● Le smartphone est sécurisé et géré, que ce soit un smartphone dédié à l’entreprise ou partagé en mode COPE. Dans les deux cas, un EMM est installé pour garantir cette sécurité et cette gestion.

● Avec l’application Frontspace :

    ○ Toute la richesse informationnelle de la photo est conservée, toutes les metadata sont disponibles, telles que :

        ■ Géolocalisation.

        ■ Horodatage.

        ■ Lecture de tous les textes contenus dans la photo.

        ■ Lecture des éventuels codes barres ou QR codes.

        ■ Reconnaissance d’objets.

        ■ …

    ○ L’intégralité des photos est stockée dans le DAC, sécurisée et accessible à toutes les personnes de l’entreprise en fonction des droits d’accès qui leur sont attribués.

Cet exemple simple illustre bien les potentiels majeurs d’une solution professionnelle frontique comme Frontspace pour… tous les collaborateurs FLW pour qui l’image et la photo ont une valeur importante dans leurs activités.

 

Petite synthèse sur les usages frontiques pour les FLW

Les premiers outils bureautiques pour les cols blancs étaient réservés à des profils spécialisés : les matériels et logiciels de traitement de texte étaient utilisés par les dactylos et secrétaires.

L’arrivée du tableur sur les ordinateurs personnels et de la messagerie électronique ont ouvert la bureautique à tous les cols blancs, cadres compris.

Je pronostique que le même phénomène va se répéter pour les FLW. Après les premières applications métiers réservées à des professionnels comme les chauffeurs de Chronopost, l’arrivée de solutions frontiques comme We advocacy ou WizyVision va permettre, progressivement, à 100% des FLW d’accéder à des usages numériques universels, quels que soient leurs métiers.
Cela fait quand même 2 700 millions de FLW dans le monde à équiper !

XOutils universels FLW EuropeDans mon billet récent sur l’avenir du numérique en Europe, j’ai identifié l’équipement des FLW comme l’un des sept “DC2E” (Digital Commando of Excellence in Europe), domaines dans lesquels l’Europe pouvait encore jouer un rôle important dans l’industrie numérique mondiale.

we advocacy, WizyVision et WizyEMM sont des solutions SaaS françaises, pouvant être utilisées par des FLW dans le monde entier. C’est déjà le cas pour WizyEMM et WizyVision, avec des clients sur les 5 continents.

Oui, l’Europe du numérique a un avenir radieux, si l’on choisit bien ses combats !

 

Concilier équipement des FLW et  frugalité numérique

XAdS DPC Man with two smartphones S 412828136Deux smartphones par personne, c’est très mauvais pour la planète !

J’ai écrit plusieurs billets sur la frugalité numérique, dont un sur les objets d’accès.

XSmartphones numbers - FrugalitéL’information pertinente pour la planète sur le sujet de l’équipement des FLW avec un smartphone est liée à la consommation d’énergie pendant les phases de construction et d’utilisation.

Les chiffres sont sans appel : si je garde un smartphone pendant 3 années :

● Les ¾ de l’énergie sont liées à sa fabrication initiale.

● ¼ seulement est lié à son usage.

Si l’on revient sur les différentes options d’équipement d’un FLW, la solution deux smartphones est la plus mauvaise pour la planète, car elle rajoute ¾ de consommation d’énergie pour le deuxième smartphone, les usages restant identiques. On passe d’une consommation d’énergie de “1” à 1,75”, presque un doublement.

Pour les entreprises et les collaborateurs soucieux de l’avenir de la planète, les deux options raisonnables sont :

● Deux smartphones dans les seuls cas où c’est indispensable, comme on l’a vu précédemment.

● Dans toutes les autres situations, la démarche COPE est à privilégier. Il faut pour cela vaincre les réticences d’un FLW à porter ses usages personnels sur un smartphone appartenant à l’entreprise. Je suis persuadé qu’une explication claire des avantages pour la planète d’une solution COPE fera tomber beaucoup des résistances des FLW.

 

Synthèse

Un smartphone par FLW deviendra la norme dans toutes les entreprises, plus ou moins rapidement.

XAdS DPC FLW in field with smartphone S 257294217C’est un chantier enthousiasmant, que je vous encourage à démarrer, immédiatement :

● Forte valeur ajoutée humaine, pour les FLW.

● Forte valeur ajoutée efficience, pour les entreprises.

● Forte rentabilité pour les entreprises.

● Des dizaines de cas d’usages possibles, immédiatement, en 2022.

Un jour, tous les FLW de votre entreprise seront équipés d’un smartphone pour des usages professionnels, c’est une évidence. Pourquoi attendre ?


J’ai mal à mon Europe du Numérique

 

XAdS DPC European commission & Flag S 70568070Depuis plusieurs décennies, je suis un acteur du monde de l’informatique et du numérique. J’ai aussi essayé d’anticiper les grandes tendances et d’identifier les solutions numériques qui pouvaient apporter des ruptures fortes sur ces marchés.

Il m’est arrivé de me tromper : à la fin des années 1990, j'annonçais la mort des mainframes… et ils sont toujours là !

Dans l’ensemble, je n’ai pas trop à rougir de la qualité de mes prévisions.

Je suis aussi un Européen convaincu, comme je l’explique en préambule à ce billet d’avril 2021 où je proposais déjà des pistes d’action pour que l’Europe reste compétitive dans la compétition mondiale du numérique.

J’ai aussi vu avec inquiétude l’Europe du Numérique perdre progressivement des parts de marché dans de nombreux secteurs d’activité.

Depuis 5 ans, la croissance exponentielle des performances des technologies et du chiffre d’affaires des entreprises leaders a profondément changé le panorama concurrentiel dans les industries du numérique.

L’Europe numérique est en danger !

XEurope du Numérique car crashL’Europe peut, d’ici à 2030, devenir un acteur marginalisé dans les industries du numérique.

Je n’ai pas envie que cela se produise !

Les actions et décisions récentes m’inquiètent beaucoup et mènent l’Europe du Numérique tout droit dans le mur.

XEurope numérique slow vs fastIl faut agir, vite, autrement !

C’est le thème de ce billet, de cet appel à une prise de conscience de la gravité de la situation actuelle de l’Europe du numérique.

Ce sont aussi, et surtout, des propositions d’actions rapides, concrètes, qui pourraient permettre à l’Europe de garder une place raisonnable dans l’industrie mondiale du numérique.

Je considère que ce billet est l’un des plus importants que j’ai jamais écrits.

Il est long, mais ce thème est essentiel et je suis certain que vous le lirez dans son intégralité avec beaucoup d’intérêt.

 

Situation de l’industrie du numérique dans le monde, fin 2021

XAdS DPC China dragon vs eagle USA S 282450384Je ne vais pas faire un panorama complet de l’industrie mondiale du numérique, mais choisir quelques secteurs clefs pour mettre en lumière des tendances de fond.

Depuis une dizaine d’années, la montée en puissance de la Chine dans l’industrie du numérique a été spectaculaire. La Chine se pose de plus en plus en challenger des États-Unis. Les infrastructures cloud et surtout l’Intelligence Artificielle (IA) en sont deux exemples majeurs.

 

XMQ Gartner IaaS 2021Cloud : IaaS, Infrastructures as a Service, AWS, GCP de Google et Azure de Microsoft. Les Chinois Alibaba et Tencent montent en puissance pendant que les anciennes gloires de l’informatique historique, IBM et Oracle, sont reléguées dans la case “Niche Players”.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans l’IaaS ? Non !

 

Plateformes pour l’Intelligence Artificielle (IA)

En 2017, j’ai écrit deux billets qui présentaient les potentiels et les défis de l’IA, ici et .

Les besoins en puissance de calcul et capacité de stockage de données sont tels en IA que les solutions IaaS Cloud Public sont indispensables pour utiliser les modèles d’IA, en particulier en Machine Learning et Deep Learning.

Le Cloud Public est un préalable à l’IA.

XForrester Wave AIAlternative au cadran magique du Gartner, ce graphique “Forrester Wave” analyse les infrastructures pour l’IA. Il donne comme leaders les trois géants du Cloud Public cités plus haut. Nvidia, dont les processeurs sont massivement utilisés par AWS, GCP et Azure complète la liste dans la zone des leaders.

Les acteurs chinois ne sont pas présents sur ce graphique : leurs solutions sont utilisées en grande majorité en Chine, mais les spécialistes s’accordent pour dire que la Chine devrait passer devant les États-Unis en 2025 dans le domaine de l’IA.

Dès 2019, j’avais alerté l’Europe sur l’urgence absolue d’investir massivement dans l’IA face à la montée en puissance de la Chine.

Cet autre graphique confirme que le duopole États-Unis et Chine en IA va s'accélérer. Il montre la forte croissance des investissements des VC (Venture Capitalists) dans les startups de l’IA entre 2012 et 2020. La Chine et les États-Unis représentent 80% des investissements et l’Europe est très loin, derrière.

XInvestissements startup dans AI USA et Chine

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les plateformes pour l’IA ? Non !

 

À côté de cette montée en puissance de la Chine face aux États-Unis, il existe de nombreux autres domaines de l’industrie du numérique dans lesquels des positions dominantes sont établies et où l’Europe est absente. Je vais en citer quatre:

● Les Systèmes d’Exploitation pour smartphones.

● Les navigateurs Web.

● Les solutions bureautiques cloud de communication et de collaboration.

● Les fondeurs de semiconducteurs.

 

Systèmes d’Exploitation (OS) pour smartphones

XSmartphone DuopolyAujourd’hui, le duopole d’Apple avec iOS et de Google avec Android est absolu, comme le montre ce graphique qui compare 2010 et 2019.

Cela n’a pas toujours été le cas. Avec SymbianOS, l’Européen Nokia avait environ 40 % du marché des téléphones mobiles en 2010.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les OS pour smartphones ? Non !

 

Navigateurs Web

Ce graphique montre l’évolution des parts de marché des navigateurs Web entre 2009 et décembre 2021. La marginalisation d’Internet Explorer, la diminution de la présence de Firefox et la montée en puissance de Chrome sont claires.

Le seul européen, Opera, est à moins de 3% de part de marché.

XBrowser market share Worldwide 12:2021

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les navigateurs Web ? Non !

 

Solutions bureautiques cloud de communication et de collaboration

XMarket share US Office 365 vs Google WorkspaceDans ce domaine aussi, il existe un duopole entre Microsoft Office 365 et Google Workspace. Il est difficile d’avoir des statistiques fiables au niveau mondial, mais ce graphique, pour les USA, confirme l’essentiel : ces deux outils sont archidominants.

Les chiffres sont différents en Europe, où Microsoft est devant Google, mais cela ne change pas le fait que les concurrents y sont aussi marginalisés, comme dans le reste du monde.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les solutions bureautiques cloud de communication et de collaboration ? Non !

 

Les fondeurs de semiconducteurs.

Les fondeurs sont les entreprises qui ont les usines qui fabriquent les circuits électroniques pour la quasi-totalité des constructeurs informatiques comme Apple, Dell, HP, GCP ou AWS.

XSemiconductors share by countriesDans ce domaine aussi, il y a un duopole, mais ce sont deux pays d’Asie qui dominent le marché, Taiwan et la Corée du Sud.

Dans un billet de blog récent, j’ai mis en évidence le danger majeur de cette situation face à une probable invasion de Taiwan par la Chine Continentale dans les 5 années qui viennent.

Je reprends ce graphique qui montre que 80% des semiconducteurs sont fabriqués par Taiwan et la Corée du Sud. Les États-Unis sont à moins de 10% et l’Europe quasi absente.

 

Est-ce que l’Europe peut encore prendre part à ce combat dans les fondeurs de semiconducteurs ? Non !

 

J’imagine qu' à ce stade de la lecture, vous êtes désespéré et pensez que l’Europe a définitivement perdu la bataille de l’industrie mondiale du numérique.

Rassurez-vous, dans la suite de ce billet :

● Je vais d’abord vous expliquer pourquoi les démarches récentes en Europe sont dangereuses et pourraient lui interdire de conserver un rôle significatif dans cette industrie du numérique.

● Je propose ensuite des pistes qui montrent qu’il n’est pas trop tard pour réagir, mais qu’il faut le faire très vite.

 

Europe : les très mauvaises réponses actuelles

Je ne mets en doute ni l’intelligence des décideurs européens qui travaillent dans les domaines du numérique ni le fait qu’ils ont compris que c’était un sujet essentiel pour l’avenir de l’Europe.

Ce que je critique, et fortement, ce sont les démarches utilisées pour essayer de répondre à ces défis urgents, et qui justifient le titre de ce billet.

XLogos CloudWatt NumergyLes mauvaises réponses ont commencé tôt, en France, dès 2011, avec le lancement des clouds souverains français, CloudWatt et Numergy.

Dès 2012, j’avais émis des doutes sérieux sur leurs probabilités de succès.

L’avenir m’a hélas donné raison : en 2015, après avoir “cramé” plusieurs centaines de millions d’euros financés en grande partie par la Caisse des Dépôts, en clair nos impôts, Numergy et CloudWatt ont cessé leurs activités sans avoir produit un seul euro sérieux de valeur ajoutée.

En juin 2020, l’Europe, mais en pratique représentée seulement par la France et l’Allemagne, a lancé en grande pompe le projet GAIA-X, pour lutter contre la domination des clouds américains.

J’ai immédiatement pris la plume pour annoncer que ce projet n’avait aucune chance de réussir.

Consciencieusement, j’ai assisté par vidéoconférence à toutes les réunions organisées par GAIA-X. À chaque fois, j’en ressortais catastrophé, ayant entendu des discours théoriques, généraux, très loin des préoccupations réelles des entreprises.

Plus le projet avançait, plus le nombre de membres augmentait. Il est passé de 22 au départ à plus de 300 organisations aujourd’hui. De grands “européens” comme Microsoft, Huawei, Salesforce, Amazon ou Palantir ont rejoint GAIA-X.

XMembres GAIA-X

Vous savez gérer efficacement une organisation de 300 membres, aux intérêts souvent opposés ? Moi, non !

Cette structure lourde, devenue bureaucratique, est incapable d’avancer à un rythme compatible avec la vitesse d’évolution des solutions numériques.

Le départ de membres fondateurs comme Scaleway est un signal clair : GAIA-X est entré en unité de soins palliatifs. La meilleure issue que je peux souhaiter à GAIA-X, c’est une mort douce et rapide, avec le moins de souffrances possible pour ses membres.

Jamais deux, sans trois !

XLogo European Alliance for IndustrialLe 14 décembre 2021, l’Europe vient de pondre une nouvelle association au nom ronflant :

European Alliance for Industrial Data, Edge and Cloud.

J’ai consulté la liste des membres fondateurs : il y a un grand “progrès” par rapport à GAIA-X : ils sont déjà 39 au lieu des 22 pour GAIA-X !

Cela ne surprendra personne : plus de 60% des membres de cette nouvelle association sont… aussi membres de GAIA-X.

J’ai aussi analysé le formulaire permettant de demander à en faire partie. J’y ai trouvé cette liste, me demandant quels étaient mes centres d’intérêt.

XEuropean Industrial Cloud objective with Industrial Asso

Quelques remarques sur cette liste :

● Celui que j’ai mis en évidence par la flèche rouge est l’objectif de base de GAIA-X. Bis repetita.

● On y retrouve les thèmes récurrents, répétitifs, lassants, de souveraineté, de défense…

● Ahurissant ! Le mot “Industriel” ne figure pas dans cette liste alors que c’est censé être l’objectif principal de cette nouvelle association.

Avant même de se mettre en ordre de marche, cette alliance ouvre les portes à l’entrée de nouveaux membres, avec des critères de sélection très souples, y compris sur la possibilité d’organisations non européennes, mais ayant une activité en Europe de s’y inscrire.

Il n’est pas difficile de prévoir qu’il y aura plus de 100 membres avant la fin du premier trimestre de 2022.

Des organisations bureaucratiques, obèses, à la vitesse d’évolution logarithmique dans un monde exponentiel, c’est la meilleure recette pour que l’Europe du numérique aille dans le mur, et vite.

 

Quelles réponses positives possibles pour l’Europe du Numérique

Comme je l’ai expliqué dans le paragraphe précédent, l’Europe est mal partie pour arriver à se maintenir à une place honorable dans l’industrie mondiale du numérique.

XAdS DPC three plants growing S 204070496Il y a cinq préalables pour que l’Europe puisse garder espoir en changeant immédiatement de stratégie :

● Abandonner toute idée grandiose et universelle de “Souveraineté Numérique” dans tous les secteurs du numérique. En voulant tout faire, l’échec est garanti.

● Reconnaître qu’il y a de nombreux domaines où l’Europe n’a plus son mot à dire. J’en ai identifié six dans la première partie de ce billet et il y en a d’autres.

● Basculer sur une logique de composants et être très sélective dans le choix des domaines du numérique où il est encore possible pour l’Europe de mener le combat avec une probabilité raisonnable de réussite.

● Comprendre que le seul marché du numérique, c’est le monde entier. Toute vision étriquée, nationale ou européenne est suicidaire. Il vaut mieux être un acteur mondial important sur un créneau qu’être marginalisé en voulant attaquer un secteur “prestigieux”, mais où la probabilité de succès est très faible.

● Passer à l’action, et très vite, dans les seuls domaines numériques sélectionnés.

L’État d'Israël, avec moins de 10 millions d’habitants, a montré qu’il est possible d’avoir une présence forte et mondiale dans le numérique en choisissant un domaine d’excellence précis, en l'occurrence la sécurité informatique et en particulier la cybersécurité.

XCybersecurity investments in IsraelCet article de la revue Forbes montre comment l’État, les militaires et les investisseurs ont agi pour créer en Israël des compétences de très haut niveau qui le mettent au deuxième niveau mondial, derrière les États-Unis, mais devant la Chine et tous les pays européens.

C’est aussi le premier pays au monde à avoir ouvert un programme universitaire de doctorat en cybersécurité.

L’exemple d’Israël me permet de répondre par avance à des critiques que ce billet va générer sur la perte de “souveraineté nationale” de l’Europe.

 

Souveraineté numérique : un peu de pragmatisme, s’il vous plaît

Peu de personnes contestent le fait que l’État d’Israël est très sensible à la sécurité, dans toutes ses dimensions.

Cela n’a pas empêché Israël, en avril 2021, de rendre public un contrat pour la construction de Nimbus, un cloud gouvernemental qui sera construit par… AWS et GCP. Ces deux solutions seront utilisées pour des domaines “non critiques”, l’administration et l’armée !

XIsrael GCP AWS

En 2011, Thales avait participé à l’aventure catastrophique CloudWatt.

XThales Google cloud de confianceEn 2021, Thales revient sur le marché du Cloud Public, mais cette fois bien décidé à y réussir.

J’applaudis à l’annonce récente faite par Thales : proposer, en association avec Google GCP, un cloud de confiance en France qui sera disponible avant la fin de l’année 2022.

Au lendemain de cette annonce, on a évidemment eu droit à une levée de boucliers des partisans d’un Cloud souverain indépendant. Oui, il en reste encore…

XRemous après accord Cloud Thales Google

Cette solution est une excellente nouvelle pour un grand nombre d’entreprises françaises. Avant la fin de l’année 2022, elles auront à leur disposition :

● Une des meilleures solutions au monde de Cloud Public, avec tous ses services.

● Une garantie maximale de sécurité et de confidentialité, deux domaines dans lesquels l’expertise de Thales est mondialement reconnue.

Oui, la sécurité et la confidentialité des clouds publics sont une double préoccupation logique de toutes les entreprises. Pour y répondre, elles ont deux options :

● Attendre, attendre des solutions européennes qui seront à un niveau de services proche de ceux proposés par AWS, GCP ou Azure. En 2030, elles seront encore en train… d’attendre.

● Utiliser immédiatement, nativement, les services exceptionnels proposés par ces trois industriels et compléter par l’usage de plateformes communes telles que Thales-Google, pour des cas d’usages très spécifiques qui demandent des niveaux de sécurité et de confidentialité qu’elles jugent mieux adaptés à ces plateformes.

 

Création de DC2E : Digital Commando of Excellence in Europe

XAdS DPC Commando S 361029191J’ai donné le nom de DC2E (Digital Commando of Excellence in Europe) à la démarche que je propose pour l’Europe.

Le mot “commando” est essentiel dans cette démarche : il faut agir très vite, en petits groupes, avec des objectifs clairs.

Cette démarche s’inspire aussi de la célèbre méthode “two pizza team” imaginée par AWS. Les équipes d’AWS doivent pouvoir déjeuner avec deux pizzas, ce qui veut dire en pratique que le nombre de participants est inférieur à 8 ou 10.

Chaque équipe DC2E :

XTwo Pizza Teams AWS● A un leader désigné, responsable de la vie du DC2E.

● Le nombre de participants dans un DC2E est strictement limité à 10. L’acceptation éventuelle d’un nouveau membre est laissée à l’initiative du groupe, comme dans un grand nombre de clubs.

● Travaille sur ses seuls objectifs, indépendamment des autres équipes.

● Déploie sa solution, dès que l’équipe juge qu’elle est opérationnelle, sans se poser de questions sur l’état d’avancement des autres équipes.

(Il faudrait 75 pizzas pour une réunion plénière de GAIA-X !)

Trois remarques avant de vous présenter les pistes que je propose :

● L’idée qu’un pays européen seul, la France, l’Allemagne ou tout autre puisse réussir à tirer son épingle du jeu numérique est absurde.

● Des DC2E sont créés dans les seuls domaines où l’Europe a encore des probabilités raisonnables de réussite.

● L’ordre dans lequel je présente les sept DC2E que j’ai sélectionnés n’est pas lié à leurs importances relatives.

 

Proposition de sept DC2E pour 2022

Les deux premiers domaines correspondent à des secteurs d’activités numériques où des positions fortes existent déjà, mais qui laissent encore de la place pour que des entreprises européennes puissent y prospérer.

 

Microprocesseurs

La pénurie mondiale de microprocesseurs a mis en évidence l’importance majeure de cette industrie dans de nombreux métiers, tels que l’automobile.

Pour mieux en comprendre les enjeux, vous pouvez lire ce billet de mon blog où j’analyse en détail l’industrie des microprocesseurs.

Comme on l’a vu plus haut, le métier de fondeur est dominé par TSMC à Taiwan et Samsung en Corée. Dans ce domaine, ce que j’ai proposé, c’est que l’Europe imite les États-Unis et invite ces deux géants à installer des usines en Europe, pour réduire les risques liés à une guerre contre Taiwan.

Mon vœu semble sur le point d’être exaucé : l’Allemagne annonce être en pourparlers avec TSMC. J’espère simplement que l’on ne mettra pas des bâtons dans les roues de ce projet sous le prétexte idiot que TSMC n’est pas européen.

Le DC2E dans le domaine des microprocesseurs se concentrerait sur les autres activités suivantes:

● Conforter le leadership mondial d’ASML aux Pays-Bas, dans la production de machines lithographiques.

● Renforcer les liens entre deux entreprises qui sont bien placées dans leurs secteurs d’activité respectifs, SOITEC et STMicroelectronics. D’autres acteurs européens pourraient se joindre à ce tandem pour créer un pôle européen pérenne.

● Profiter du blocage actuel de la tentative de rachat d’ARM par Nvidia pour surenchérir et faire revenir ARM en Europe. ARM est né au Royaume-Uni. ARM est le leader mondial du design des microprocesseurs utilisés dans plus de 90% des smartphones.

● Faciliter l’installation de TSMC et Samsung sur le sol européen.

Tout ceci peut se réaliser en 2022, au moins en ce qui concerne les décisions. L’Europe aura alors une position forte et pérenne dans ce secteur clef des microprocesseurs.

 

Solutions SaaS pour entreprises

XCloud revenues IaaS PaaS SaaS 2016:2020 $Les logiciels SaaS, Software as a Service, sont nés en 2000 avec Salesforce.

Comme le montre ce graphique, les ventes de solutions SaaS sont largement supérieures à celles des IaaS et du PaaS. Elles représentent les ⅔ du marché des solutions Cloud.

J’estime qu’il y a plus de 50 000 acteurs SaaS différents. C’est un marché très éclaté où même les plus grands comme Salesforce ont une faible part de marché. L’Europe est déjà présente sur le marché mondial SaaS avec plus d’une centaine de licornes, réparties dans plusieurs pays.

XNombre licornes par pays européensLe DC2E SaaS aura comme objectifs :

● D’aider d’autres startups SaaS à devenir des licornes.

● Permettre à ces licornes de grandir.

● Créer les conditions économiques et humaines qui leur permettent de rester en Europe sans être rachetées par des acteurs étrangers, américains le plus souvent.

Il faut surtout éviter les discours nationalistes ridicules que j’entends trop souvent: “C’est un scandale, Doctolib est construit sur AWS”. C’est justement parce que Doctolib utilise AWS que la société a pu grandir aussi vite et répondre de manière exceptionnelle aux pics de la demande liées à la COVID-19.

À l’inverse de ces deux premiers DC2E, ceux qui suivent concernent des domaines qui sont encore en émergence, sans grands leaders mondiaux.

Ils demandent en priorité des compétences humaines de haut niveau dans le numérique. C’est une excellente nouvelle, car c’est la ressource la plus répandue en Europe.

 

Migration des Mainframe dans le Cloud

Plus de 5 000 très grandes entreprises, en priorité dans le secteur financier, utilisent encore des Mainframe IBM pour leurs activités cœur métier.

XLzlabs survey human ressources challengeToutes savent qu’elles vont devoir trouver les moyens de sortir de ces solutions “legacy”, l’une des raisons principales étant qu’il y aura de moins en moins de compétences humaines maîtrisant ces matériels et logiciels Mainframe. C’est ce que confirme une enquête menée par LzLabs auprès de clients Mainframe : 88% des entreprises anticipent des déficits de compétences, en Europe comme aux États-Unis.

Ce grand marché aiguise les appétits des ESN mondiales et des géants du Cloud Public, AWS, GCP et Azure.

Tout reste à faire dans ce domaine et ces migrations ne seront pas terminées avant la fin des années 2030. Aucune solution technique ne s'est imposée pour le moment.

Lzlabs, société européenne basée à Zurich dispose de l’une des solutions les plus prometteuses ; j’en avais parlé dès 2016 dans mon blog.

Il y a beaucoup de grandes ESN en Europe, et en particulier en France.

Le DC2E que je propose pourrait créer en 2022 une filière d’excellence regroupant LzLabs, quelques grandes ESN et les acteurs du Cloud Public pour proposer des services de migration compétitifs, et en priorité pour des clients… aux États-Unis.

 

Jumeaux numériques

Voilà un sujet essentiel, où tout reste à faire, dans le monde entier.

Dans ce billet de blog, j’alerte sur les risques majeurs que font peser sur l’humanité les cyberattaques sur les réseaux industriels de transport d’énergie et de personnes.

Construire un jumeau numérique, c’est déployer dans un cloud public une image numérique des installations physiques à gérer. Ceci permet de couper 100% des liaisons entre les outils qui gèrent l’installation physique et Internet, pour réduire au maximum les risques de cyberattaques.

XTeréga io-baseTeréga, entreprise française qui, avec GRTGaz, gère le cœur du réseau français de transport de gaz, a développé une technologie numérique unique au monde, io-base.

Io-base permet de transférer des données industrielles vers le jumeau numérique en garantissant que ce lien vers le Cloud et Internet est 100% unidirectionnel.

L’Europe peut créer en 2022 un DC2E sur les jumeaux numériques industriels et développer un savoir-faire mixte numérique et industriel qui permettra :

● De sécuriser rapidement les infrastructures de transport en Europe.

● Améliorer la compétitivité de ces entreprises en matière de simulation et de prévisions.

● Exporter hors d’Europe ce nouveau savoir-faire numérique.

Il y a des dizaines de milliers de jumeaux numériques à créer dans le monde avant 2030.

 

FLW : Front Line Workers, équipes en première ligne

De tous les DC2E que je propose, c’est certainement celui qui peut avoir le plus d’impact au niveau mondial.

Les FLW, Front Line Workers, travailleurs en première ligne, sont les grands oubliés actuels de la Transformation Numérique.

J’ai présenté en détail les potentiels des outils numériques innovants au service des FLW dans ce billet de mon blog.

Les FLW, ils sont 2 700 millions dans le monde, dans des activités aussi diverses que le transport, la construction, l’agriculture, la distribution ou la santé.

X80% of FLW in the world

Le sous-investissement en outils numériques pour les FLW est scandaleux : la majorité d’entre eux n’a même pas droit à un smartphone d’entreprise. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : pour 1 € investi pour un FLW, les entreprises dépensent 16 € pour un col blanc !

XWizyVision HPL’offre de solutions logicielles pour les FLW est balbutiante en 2021. L’une des solutions SaaS les plus innovantes, WizyVision, est proposée par une startup… française. (Disclaimer, j’en suis l’un des fondateurs).

On l’a vu dans la première partie de ce texte, le marché bureautique des outils universels pour les cols blancs est verrouillé par deux acteurs américains, Microsoft et Google.

Dans ce que j’ai nommé les outils “frontiques”, solutions universelles pour les FLW, tout reste à faire !

Faire de la réduction de la fracture numérique des FLW une cause européenne prioritaire, quel beau DC2E ! C’est quand même plus passionnant que d’essayer sans succès de grappiller quelques % de part de marché des outils bureautiques pour cols blancs.

Dans ce domaine aussi la plus grande sensibilité des entreprises européennes au bien-être des travailleurs FLW sera un atout supplémentaire.

Ce serait une belle revanche si dans quelques années les entreprises américaines se plaignaient que les offres de solutions frontiques sont majoritairement européennes !

 

Frugalité Numérique

Voilà encore un thème essentiel où tout reste à faire et pour lequel l’Europe est très bien placée pour devenir un leader mondial dans les solutions numériques qui permettent de réduire les impacts sur le climat de nos outils numériques professionnels.

J’ai écrit plusieurs billets sur ce thème de la frugalité numérique.

Quand j’ai écrit ces textes, au début de l’année 2020, les solutions permettant aux entreprises de mieux gérer et réduire les impacts sur la planète de leurs outils numériques étaient très peu nombreuses, presque inexistantes.

Les premières solutions de qualité sont maintenant disponibles.

XFrugalité Numérique Sweep HPL’une d’entre elles se nomme Sweep, créée par la multientrepreneuse Rachel Delacour. Sweep vient d’annoncer une levée de fonds série A de 22 M$ ; bravo.

Je suis convaincu que Rachel Delacour serait prête à rejoindre un DC2E qui mettrait les compétences et solutions existantes dans le domaine de la Frugalité Numérique au service des entreprises européennes pour les aider à réduire, rapidement et efficacement, leurs impacts carbone.

Les premières solutions opérationnelles sont là, disponibles, en Europe. En accélérant avec ce DC2E, on permettra à des éditeurs logiciels européens de prendre le leadership mondial dans les outils numériques au service du climat.

 

Réseaux privés 5G sur fréquences libres

J’ai parlé de ce sujet, qui concerne des technologies numériques très innovantes, dans un billet publié en décembre 2021.

Il devient possible, pour les entreprises, privées et publiques, de déployer des réseaux privés 5G en utilisant des gammes de fréquences libres. En pratique, cela leur permet de le faire sans avoir à passer par un opérateur télécom.

L’Europe prend en ce moment un retard inquiétant dans la libération de ces gammes de fréquences libres. Il y a une exception en Allemagne et plus de 120 grandes entreprises, en priorité industrielles, ont décidé de déployer ces réseaux privés 5G.

XAGURRE Liste membresEn France, il existe une association peu connue, l’AGURRE, qui regroupe 14 grandes entreprises, surtout dans le secteur du transport et de l’énergie, qui collaborent dans le domaine des réseaux privés d’entreprises.

Un DC2E qui organiserait une collaboration immédiate entre les organismes européens de régulation des télécoms, l’AGURRE et ces entreprises allemandes donnerait à l’Europe une longueur d’avance sur les autres pays dans la mise en œuvre d’une technologie qui peut donner des avantages concurrentiels majeurs aux entreprises industrielles. Au moment où l’on parle beaucoup de la réindustrialisation de l’Europe, il serait criminel de ne pas favoriser ces réseaux privés 5G.

Ce n’est pas un hasard si, pour la quasi-totalité des sujets abordés dans ce billet, j’ai mis des liens vers d’autres textes de mon blog. Cela fait des années que je suis sensible aux défis de la Transformation Numérique des entreprises et que j’alerte les lecteurs sur les défis et les potentiels de toutes ces solutions numériques innovantes.

Cela met en évidence une “raisonnable” cohérence dans les textes que je publie.

Je suis prêt à rajouter à cette première liste de sept DC2E d’autres thèmes pour lesquels l’Europe pourrait apporter des réponses compétitives au niveau mondial.

N’hésitez pas à me faire part de vos propositions.

J’ai fait le choix de présenter plus de solutions porteuses d’espoir, sept DC2E, que de domaines où l’Europe à perdu définitivement la bataille, au nombre de six.

Je reste un incorrigible optimiste !

 

Synthèse

Fin 2021, l'Europe du numérique est dans une situation critique.

Pour 2022, plusieurs pistes s’ouvrent pour l’Europe du numérique :

XEurope Numérique - quatre pistes

● La fanfaronnade : L’Europe croit, ou fait semblant de croire qu’elle a les moyens de rattraper son retard dans tous les domaines du numérique.

● Une vision théorique, bureaucratique, qui essaie de mettre d’accord tous les pays, tous les acteurs potentiels du secteur, qui sont souvent concurrents, avant de passer à l’action. C’est une garantie d’immobilisme et de choix de solutions à minima.

● Le désespoir : il n’y a plus rien à faire, l’Europe a perdu la bataille mondiale du numérique et sera définitivement dépendante de pays tiers pour toutes ses solutions numériques.

● Une démarche pragmatique, positive, rapide, qui consiste à choisir un petit nombre de domaines numériques où l’Europe peut exceller et garder une place importante dans la compétition mondiale.

Je suis persuadé que la quatrième est la bonne, qu’il n’est pas trop tard, qu’elle peut mobiliser un maximum d’énergies chez les nombreux professionnels européens du numérique qui, comme moi :

              N’ont pas envie … d’avoir mal à leur Europe Numérique.

 


Réseaux privés 5G : tsunami en approche avec la "Cloudification" des télécoms d’entreprise

 

XAmazon AWS risky bet BusinessWeekIl y a 15 ans, en 2006, on assistait à la naissance du Cloud Public dans sa dimension infrastructures, IaaS Infrastructure as a Service, avec AWS, Amazon Web Services.

À l’époque, des personnes “sérieuses” mettaient en doute la pertinence de cette décision de Jeff Bezos, CEO d’Amazon, comme le montre cet article de la revue BusinessWeek.

Cette innovation de rupture a changé, définitivement, l’industrie mondiale informatique ; les solutions Clouds Publics, dont AWS reste le leader, sont devenues indispensables pour toutes les entreprises.

XLogo AWS re-InventFin novembre 2021, pendant la semaine de conférences re:Invent 2021, AWS a annoncé qu’il faisait son entrée dans le monde des réseaux d’entreprises.

Je pronostique que cette “cloudification” des télécommunications professionnelles aura un impact aussi fort sur l’industrie des télécoms que celle du IaaS en 2006 sur celle de l’informatique traditionnelle.

XGauss Curve innovationComme tout changement “exponentiel”, les impacts seront faibles pendant les premières années, jusqu’en 2025. Seules quelques entreprises “Early Adopters”, au sens “courbe de Gauss” du terme, feront le saut.

En 2030, cette cloudification deviendra la norme, et sera mise en œuvre par les entreprises “Majority”.

(Un minimum de connaissances dans les technologies des réseaux est utile pour bien comprendre la portée des révolutions qui s’annoncent. Elles ne sont pas indispensables, mais en facilitent la lecture).

 

Réseaux : les annonces de rupture à la conférence AWS re:Invent 2021

Les temps forts de re:Invent sont les “Keynotes”, conférences plénières qui durent environ deux heures et pendant lesquelles les annonces majeures sont faites.

XAdam Selipsky keynote Re-invent 2021Cette année, pour la première fois, Adam Selipsky, le nouveau CEO d’AWS, a pris la place d’Andy Jassy, nommé CEO d’Amazon en remplacement de Jeff Bezos.

Deux de ces annonces importantes concernaient les télécommunications d’entreprises :

● La création de réseaux 5G privés. Le mot clef est “privé” : des réseaux 5G que les entreprises peuvent gérer elles-mêmes, sans faire appel à des opérateurs télécoms.

● La présentation des nouvelles annonces de Dish Network.

Important : les règles concernant la gestion des fréquences radio étant pour le moment très différentes entre les États-Unis et l’Europe, ces annonces concernent en priorité les États-Unis.

Je reviendrais longuement sur ces différences entre l’Europe et les États-Unis dans la suite de ce billet ; c’est un sujet essentiel.

Réseau privé 5G, par AWS

(Dans la vidéo de cette Keynote, l’annonce est faite pendant la période minutes 40 à 43)

Un rappel sur les avantages des réseaux 5G, valables aussi bien pour les réseaux grand public que pour ces nouveaux réseaux privés :

● Vitesse pouvant atteindre 10 Gb/s en descente.

● Très faible latence, entre 1 et 10 ms.

● Plus grande capacité pour connecter des millions d’objets.

AWS a annoncé qu’il devient… fournisseur de solutions de réseaux privés 5G, clef en main.

XAWS Reinvent 2021 - Keynote Adam Selipsky - AWS private 5G

AWS propose aux entreprises d’installer dans leurs immeubles de bureaux, leurs usines ou leurs entrepôts tout ce qui est nécessaire pour disposer d’un réseau privé 5G.

Il est important de comprendre pourquoi cette annonce est une rupture majeure :

1 - AWS est capable de fournir l’ensemble des composants nécessaires à la construction de ce réseau privé 5G :

● Les matériels.

● Les logiciels.

● Les cartes SIM.

● Les logiciels permettant la configuration automatique du réseau.

2 - Cette solution utilise des bandes de fréquences libres : comme pour le WiFi, l’entreprise peut déployer son réseau privé 5G sans demander d’autorisations aux organismes régulateurs des télécoms.

Un minimum de connaissance sur les réglementations des fréquences est nécessaire pour en comprendre l’importance. Mes amis professionnels des télécoms m’excuseront si je simplifie trop pendant ma démonstration.

Qualcomm, dans un webinaire et les documents correspondants, dont j’ai extrait quelques graphiques, présente les techniques utilisées pour construire des réseaux 5G NR-U (Next Radio-Unlicensed)

Il y a trois modes possibles d’utilisation d’un réseau 5G par les entreprises :

X5G NR-U three types of usages

● Anchored NR-U : Les fréquences sont utilisées en même temps par les opérateurs télécoms et par les entreprises.

● Standalone NR-U : l’entreprise construit un réseau 5G totalement autonome, pour son seul usage.

● 6 GHz spectrum greenfield : la gamme de fréquences 6 GHz a été rendue disponible pour des usages libres, à la fois pour la 5G et le WiFi 6E, nouvelle génération. Le chiffre 6, utilisé pour 6 GHz et le WiFi 6 est une coïncidence.

L’expression “Greenfield”, terrain vierge en français, utilisée pour cette gamme de fréquences veut dire que tout y est possible sans avoir à subir les contraintes des réseaux existants.

Comme le montre ce graphique, les 1 200 MHz libérés dans cette gamme de fréquence 6 GHz, représentent une capacité de transport gigantesque. À titre de comparaison, le WiFi 2,4 GHz dispose de 100 MHz.

X5G NR-U 6 Ghz potentials

3 - Le coût de la solution est indépendant du nombre d'objets connectés. C’est particulièrement important pour les objets IIoT (Industrial Internet of Things) connectés.

4 - AWS propose sa solution 5G privée en mode OPEX, “Pay as You Go”. On retrouve dans cette caractéristique l’une des ruptures majeures du Cloud Computing : le basculement de dépenses CAPEX, investissement, vers OPEX, fonctionnement.

En résumé : une entreprise peut demander à AWS d’installer un réseau privé sans fil 5G dans ses implantations sans avoir besoin d’appeler un opérateur télécom !

L’annonce est “preview available today”, en clair, cela signifie qu’elle devrait être opérationnelle durant l’année 2022.

Dish Network, avec AWS

Dish Network est un acteur américain des télécoms spécialisé dans la diffusion par satellite de contenus télévisuels et d’Internet. C’est une entreprise d’environ 15000 salariés, 10 millions de clients pour ses services télévisuels et 5 millions pour son réseau sans fil qu’ils ont racheté en 2019.

XMarc Rouanne Dish NetworkL’intervention de Dish Network est visible dans la vidéo de cette Keynote entre les minutes 43 et 52.

Cocorico ! La personne qui présente l’offre de Dish Network est Marc Rouanne, Chief Network Officer, Français et ingénieur CentraleSupélec.

On se retrouve une fois de plus dans une offre de rupture, rendue possible par l’arrivée d’une nouvelle technologie, les réseaux 5G dans des fréquences libres et en abondance.

L’ambition de Dish Network : devenir l’AWS des télécommunications sans fil.

Il est important de bien comprendre où se trouvent les ruptures : pour la première fois, il devient possible pour Dish Network de construire des réseaux sans fil sans être opérateur de télécommunications, sans acheter des licences, et dans le monde entier, car ce sont pour l’essentiel les mêmes fréquences libres qui sont utilisées dans tous les pays.

Quels sont les principaux avantages de cette nouvelle génération de réseaux sans fil :

● On peut construire un “réseau de réseaux” et non plus un réseau unique. Chaque entreprise pourra configurer son réseau selon ses besoins et le faire évoluer en permanence.

XAWS Reinvent 2021 - Keynote Adam Selipsky - Dish Networks of Networks

● Gestion optimisée des données pour les entreprises. Le réseau est nativement “data centric'', ce qui permet aux entreprises d’utiliser directement les données obtenues et stockées dans… le Cloud AWS.

● Il permet de déployer des solutions IIoT sans contraintes sur le nombre d’objets connectés.

XPrivate 5G for IIoT

● La couverture d’une région ou d’un pays peut se réaliser en quelques mois, avec une flexibilité maximale, dans le temps ou l’espace. On peut imaginer que certains de ces réseaux privés 5G pourront être déployés de manière temporaire, pour couvrir un événement sportif ou pendant la durée d’un grand chantier de travaux publics.

Cette annonce par Dish Network est une très bonne illustration de ce que je dis depuis longtemps : les infrastructures cloud seront de plus en plus les bases sur lesquelles des entreprises innovantes vont pouvoir créer des activités qui étaient impossibles avant.

Cette photo montre que Dish Network utilise pour démarrer une douzaine de services AWS.

XAWS Reinvent 2021 - Keynote Adam Selipsky - Dish AWS services used

J’ai présenté en détail les annonces faites à re:Invent 2021 dans le domaine des réseaux privés 5G. Dans les semaines et mois qui viennent, d’autres acteurs vont s'engouffrer sur ce marché gigantesque et proposer des offres similaires.

XAT&T private 5GL’opérateur historique AT&T annonce lui aussi qu’il veut fournir des réseaux 5G privés aux grandes entreprises. Quand on lui demande ce qu’il pense de l’arrivée d’AWS, on a droit à la réponse classique des acteurs installés : “ils ne sont pas concurrents, ils adressent un autre marché”. Ce déni de compétition est hélas classique ; on en a vu les résultats dans le secteur IaaS pour les IBM, Dell et autres HP.

Autre exemple, l’opérateur américain Verizon annonce le déploiement d’un réseau privé 5G en Grande-Bretagne, pour le port de Southampton, avec pour partenaires Nokia et Microsoft.

Rappel : ni Verizon, ni Nokia, ni Microsoft n’ont de licences opérateurs télécoms en Grande-Bretagne !

 

Une fois de plus, l’Europe prend du retard

Cette nouvelle génération de réseaux 5G privés crée une rupture majeure dans les potentiels d’usages des solutions numériques dans les entreprises, privées et publiques.

D’ici à 2030, des entreprises innovantes auront déployé des solutions permettant d’améliorer et leur compétitivité externe et leur efficience interne.

Pour cela, elles ont besoin, immédiatement, d’accéder à ces fréquences 5G libres.

Tout le monde le sait, mettre d’accord 28 pays est tout sauf facile, mais les délais que cela crée dans le monde du numérique ont des impacts catastrophiques.

XEurope struggling to share bandwithCe long article explique la différence entre les démarches européennes et américaines.

J’en ai extrait cette phrase :

The delay in finding a common, harmonized shared spectrum regime “will not necessarily delay the rollout of 5G networks, but some specifics — for instance, the wider deployment of private 5G networks — will unfortunately lag behind other regions”

“... Le déploiement extensif des réseaux 5G privés prendra hélas du retard sur d’autres régions”.

XEuropean decision on 6 GHz spectrumCe texte européen de juin 2021 présente les décisions prises pour la bande de fréquence des 6 GHz.

La bande de fréquence 5945 à 6425 MHz sera autorisée pour les déploiements de réseaux 5G privés. Cela représente 600 MHz, la moitié de ce qui est autorisé aux États-Unis.

L’Europe n’est pas totalement absente, heureusement. Les premières réalisations sont en cours ou en projet, comme le montre cet article, dont j’ai extrait les exemples français et allemands.

En Allemagne, 100 MHz ont été réservés pour les entreprises privées, entre 3700 et 3800 MHz. Résultat : 33 entreprises ont déjà réservé des licences privées, dont Bosch, BMW, BASF, Lufthansa, Siemens et VW. La priorité est clairement donnée aux entreprises industrielles, qui sont essentielles dans l’économie allemande.

La France a une démarche beaucoup plus prudente, en faisant du cas par cas, piloté par l’ARCEP. Deux exemples :

● 40 MHz, dans la bande des 2600 MHz, ont été alloués à Hub One, filiale d'ADP (Aéroports de Paris), pour un déploiement dans les aéroports d’Orly et de Charles de Gaulle.

XRéseau privé EDF 4G● EDF a aussi obtenu 20 MHz dans cette même bande des 2600 MHz pour la centrale nucléaire de Blaye.

J’ai relu plusieurs fois le titre de cet article en pensant qu’il y avait une erreur d’impression : on y parle d’un réseau privé… 4G ! On nous promet une évolution possible vers la 5G. Et nous sommes en 2021…

Ces atermoiements sur les autorisations pour créer des réseaux privés 5G auront un double impact très négatif en Europe :

● Les entreprises prendront du retard dans la mise en œuvre des usages innovants rendus possibles par ces réseaux privés 5G.

● Les nouveaux entrants sur ce marché de la 5G privée, comme AWS ou Dish Network auront le temps de consolider leurs nouvelles compétences aux États-Unis et dans d’autres pays. Quand l’Europe se réveillera, ils auront acquis une avance que les acteurs européens ne pourront pas rattraper. Je crains beaucoup que la répétition de ce qui c’est passé en Europe entre 2006 et 2011 dans le domaine des solutions IaaS.

 

Rapport du CIGREF sur la 5G

XCIGREF Titre rapport prospective 5GLe CIGREF, Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, a publié en juin 2021 un dossier sur la 5G en France et en Europe. Ce document de 65 pages analyse cinq scénarios possibles, d’ici à 2030.

XScénarios 5G vu par CIGREFComme le montre ce schéma, l’analyse se concentre sur l’offre de solutions 5G, en mettant l’accent sur les rôles possibles des trois grands acteurs économiques mondiaux, les États-Unis, la Chine et l’Europe. C’est un sujet récurrent dans tous les domaines du numérique, que j’ai souvent traité dans ce blog.

Par contre, le thème que je traite dans ce billet, les ruptures rendues possibles par l’arrivée des réseaux privés 5G, n’est pas abordé dans ce document.

J’espère que le CIGREF, qui regroupe les grandes entreprises françaises qui devraient être les plus intéressées par les réseaux privés 5G va produire une suite à ce rapport.

 

Entreprises, indépendance croissante vis-à-vis des opérateurs télécoms

Cela fait plusieurs dizaines d’années que les entreprises ont commencé à prendre en main leurs destinées réseaux en se libérant des offres des opérateurs télécoms.

Je prendrai trois exemples pour l’illustrer, le WiFi, les réseaux téléphoniques internes et les réseaux MPLS (Multi Protocol Label Switching).

 

Le précédent du WiFi

XWiFI speed increaseLe WiFi, version sans fil d’Ethernet, est né il y a 20 ans, en 2001.

En 2001, la version V1 offrait une vitesse maximale de 11 Mb/s.

Depuis 2019, la version V6 permet d’obtenir 10 Gb/s.

La vitesse de transmission des données du WiFi a été multipliée par 1000 en 20 ans, autre bel exemple de croissance exponentielle des outils numériques.

Dans les entreprises, le succès du WiFi a été rapide, malgré les réticences de quelques RSSI qui en refusaient l’usage sous des alibis fallacieux d’absence de sécurité.

La pression des collaborateurs et les avantages évidents du WiFi ont fait tomber ces barrières :

● Fréquences libres, 2,4 et 5 GHz : pas besoin de licences opérateurs télécoms.

● Coût indépendant du nombre d’objets connectés.

● Sous la responsabilité, le contrôle et la gestion directe des entreprises.

● Basculement rapide de la gestion des réseaux WiFi dans le Cloud.

 

La fin des réseaux téléphoniques filaires dans les entreprises

Le bon vieux réseau téléphonique filaire est en voie de disparition dans les entreprises.

XFin RTC OrangeJe constate que dans les nouveaux immeubles de bureaux, les entreprises font l’impasse sur l’installation d’autocommutateurs et de réseaux filaires.

Ils sont remplacés par les smartphones dont sont équipés la majorité des cols blancs.

La disparition en France, d’ici à 2023, du réseau RTC, Réseau Téléphonique Commuté, va encore accélérer ce mouvement.

XGCP & AWS Call centerQuand les entreprises ont encore besoin de solutions téléphoniques performantes, comme c’est le cas pour les centres d’appels, elles font maintenant appel à des solutions logicielles… dans le Cloud.

 

La mort annoncée des réseaux MPLS

XSD WAN vs MPLSDès 2015, j’avais publié un billet sur mon blog qui annonçait la fin de l’âge d'or des réseaux MPLS utilisés par les entreprises pour leurs échanges intersites.

Depuis cette date, les progrès spectaculaires réalisés par les solutions SD-WAN (Software Defined Wide Area Networks) ont accéléré le mouvement. Ce sont de nouveaux acteurs comme Aryaka, pas les opérateurs télécoms, qui ont poussé ces nouvelles générations de réseaux intersites ou interentreprises.

Complexes, inflexibles, chères, les solutions MPLS représentaient pour les opérateurs télécoms une source importante de revenus et de bénéfices. Cette source se tarit.

 

Les réseaux privés 5G, un super WiFi ?

Pour visualiser ce que sera un réseau privé 5G, le plus simple, c’est d’imaginer un réseau WiFi qui a pris des stéroïdes.

J'utilise la nouvelle bande de fréquence 6 GHz qui peut être déployée simultanément pour le WiFi V6 et les réseaux privés 5G pour mettre en évidence les potentiels complémentaires de ces deux réseaux privés. Pour les puristes, on parle de WiFi 6E.

XWiFi6 & R 5G on same network 6 GHz

Les réseaux WiFi 6 et 5G privés sont complémentaires ; il est possible de les déployer indépendamment ou simultanément sur les mêmes sites. Pour la majorité des usages et des utilisateurs, ils offrent des performances proches et exceptionnelles :

● Très haut débit, supérieur en pratique à 1 Gb/s.

● Faible latence, inférieure à 10 ms.

De nombreux articles, comme celui publié par le Monde Informatique en mars 2021, présentent en détail les avantages et les inconvénients de ces deux technologies.

Avantages au WiFi :

XMQ Gartner Wireless LAN● Technologie bien maîtrisée, avec un grand nombre de fournisseurs comme le montre le quadrant magique du Gartner Group de septembre 2021.

● Lieux déjà équipés de WiFi.

● Environnements de bureaux.

● Installations de taille petite ou moyenne : quelques dizaines à quelques centaines de personnes ou d’objets connectés.

Avantages aux réseaux privés 5G :

● Usines de grande taille.

● Entrepôts, logistique.

● Installations industrielles réparties sur une grande surface, aéroports, ports maritimes, gares de triage, hôpitaux…

● Grand nombre d’objets à connecter, et en priorité pour IIoT.

L’inconvénient principal des réseaux privés 5G reste aujourd’hui la faible maturité des technologies utilisées et surtout les incertitudes qu’entretient l’Europe sur les conditions concrètes de leurs déploiements de manière industrielle et stable.

Il faut espérer que l’Europe n’attendra pas 2025 pour fixer un cadre juridique et technique solide permettant aux entreprises d’investir sur ces réseaux privés 5G en sachant que les solutions retenues seront pérennes.

Ce schéma simple résume ce que pourrait être l’architecture réseau d’une grande entreprise à partir de 2025 :

XNetworks in 2025

● La quasi-totalité des usages numériques est dans des clouds publics.

● Dans les lieux d’activités principaux, l’ensemble des communications est pris en charge par des réseaux privés 5G et WiFi. Ces réseaux sont gérés directement par l’entreprise et ne font pas appel à des opérateurs télécoms.

● Les échanges entre les lieux d’activités principaux et les clouds publics sont réalisés par des fibres optiques “privées”, fournies de plus en plus par des acteurs spécialisés, et à coût raisonnable. Tous les grands acteurs du Cloud Public ayant des centaines de PoP (Point of Présence), la distance entre les lieux d’activités et ces PoP est courte, donc économique. Ce sont plus des MAN (Metropolitan Area Networks) que des WAN (Wide Area Networks).

● Dans tous les autres lieux d’activités, petits bureaux, hôtels, chez soi (WFH, Working From Home), des réseaux WiFi 6 connectés à l’Internet public seront utilisés. Des outils “Zero Trust” garantiront une bonne sécurité des échanges.

J’ai beau chercher, je n’y trouve plus trace des solutions que les opérateurs télécoms traditionnels proposaient à leurs clients professionnels.

 

Quel avenir pour les offres professionnelles des opérateurs télécoms

Pendant des dizaines d’années, les offres pour les entreprises ont été la poule aux œufs d’or des opérateurs télécoms.

Ils pratiquaient des tarifs exorbitants, que j’avais déjà dénoncés dès 2010 :

XAdS DPC Tsunami S 103111638La décennie 2020 - 2030 verra plusieurs tsunamis s’abattre sur ces offres professionnelles qui vont toutes, une par une, être balayées par les nouvelles solutions que j’ai présentées dans ce billet.

Entre 2022 et 2025, un tout petit nombre d’entreprises, les “early adopters” vont faire le saut et cela aura peu d’impacts sur les revenus des opérateurs télécoms.

Les opérateurs télécoms les plus innovants ont compris que les ruptures qui arrivent sont irréversibles et profondes. Comme AT&T ou Verizon que j’ai cités au début, ils profiteront de leur avantage actuel, leur présence dans les entreprises, pour leur proposer très rapidement des solutions de réseaux privés 5G.

Cette démarche proactive ralentira la pénétration des nouveaux entrants comme AWS et Dish Network.

Les autres, ceux qui feront l’autruche, se réveilleront en 2030 en se demandant pourquoi ils n’ont plus de clients entreprises.

 

Résumé

XAdS DPC 2030 S 289684497Mes pronostics, avant la fin de cette décennie, en 2030 :

● La majorité des grandes organisations, privées et publiques, aura repris le contrôle de leurs communications et se sera libérée des opérateurs historiques.

● La “cloudification” des réseaux sera devenue une réalité. Les champions actuels du Cloud Public, AWS, GCP et Azure seront devenus les fournisseurs dominants de solutions réseaux pour les entreprises, et en priorité pour les grandes et les moyennes.

● Le plus important : les entreprises disposeront de solutions réseaux privés d’une qualité exceptionnelle, à des prix très compétitifs.


Quatre risques numériques majeurs pour notre planète : 2022 - 2030+ (Deuxième partie)

Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté le danger numérique le plus immédiat, les cyberattaques sur les infrastructures physiques de transport.

 

Horizon 2025 : guerre dans le détroit de Taiwan

Taiwan China missileMoins de 200 km séparent la Chine continentale de l'île de Taiwan.

Comme le montre cette carte publiée par la revue “The Economist”, Taiwan peut être atteint par tous les missiles chinois y compris ceux de courte portée et ceux envoyés depuis des navires de guerre.

Pour le peuple et le gouvernement chinois, et depuis toujours, Taiwan est partie intégrante de la Chine. Cette “réunification” est l’une des priorités du gouvernement actuel. Cela ne fait que 70 ans que Taiwan est politiquement séparé de la Chine continentale, une période très courte pour les Chinois qui ont une vision long terme du monde.

Dans un entretien récent avec CNN, fin octobre 2021, la Présidente de Taiwan confirme que les tensions sont au plus haut et que des troupes américaines sont sur place pour "entraîner" l’armée locale.

Taiwan Président on tensions with mainland China

Population China India US 2020Les différences de taille entre la Chine continentale et Taiwan sont énormes :

● Surface des pays : 9 600 000 km2 pour la Chine, 36 000 km2 pour Taiwan, un rapport de 1 à 267.

● Population : 1 400 M pour la Chine, 23 M pour Taiwan, un rapport de 1 à 61.

On retrouve ce même déséquilibre dans les forces militaires en présence, comme le montre ce tableau.

MIlitary imbalance Taiwan China

Ces chiffres sur la surface, la population et l’armement sont éloquents : l’issue d’un éventuel conflit militaire entre les deux pays ne ferait pas de doute.

La reprise en main de Hong Kong par le gouvernement central a montré que l’autonomie des territoires “déviants” se réduit très vite.

Une prise de contrôle de Taiwan par la Chine continentale se traduirait aussi par une perte quasi totale d’indépendance politique et économique pour Taiwan.

En quoi ce conflit représente-t-il un risque majeur pour l’industrie mondiale du numérique ?

TSMC Logo reliefJ’ai écrit l’année dernière un long billet sur mon blog pour parler de TSMC, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company.

Je ne vais pas reprendre ici une analyse complète de l’industrie mondiale des microprocesseurs. Disons simplement que TSMC est l’une des entreprises les plus importantes de ce secteur.

Quelles seraient les conséquences d’une mainmise de la Chine continentale sur les activités de TSMC ? Il est essentiel pour toute l’industrie mondiale du numérique d’anticiper cette situation, et en particulier en Europe.

Semiconductors share by countries & companiesCe graphique donne la répartition des microprocesseurs par pays et fournisseurs en 2020.

TSMC est une entreprise basée à Taiwan, mais qui a déjà quelques unités de production en dehors de son pays d’origine, en particulier aux États-Unis et au Canada. En 2021, l’essentiel de la production reste concentré sur l'île de Taiwan.

La pénurie mondiale de microprocesseurs a déjà des impacts majeurs dans de nombreuses industries telles que l’automobile alors que TSMC fait tourner ses usines au maximum de leurs capacités. Cette pénurie devrait durer au moins jusqu’à la fin de l’année 2022, malgré les investissements massifs de TSMC, de plus de 100 milliards de dollars sur 3 ans.

Une fermeture éventuelle du robinet “microprocesseurs” TSMC par la Chine continentale aurait plus d’impacts sur l’économie mondiale que la crise pétrolière de 1973.

Les États-Unis ont signé en 2020 un accord important avec TSMC pour la construction d’une usine moderne, en 5 nm, dans l’Arizona. Cela représente un investissement de 12 milliards de dollars et il faudra attendre 2024 pour que cette unité de production soit opérationnelle.

Cette usine sera de taille “moyenne”, capable de produire 20 000 galettes (wafers) par mois quand les plus grandes unités sont capables d’en sortir 100 000 par mois.

Quatre chiffres résument ce projet américain de TSMC :

● Production en 5 nm. À partir de 2022, TSMC aura des usines en 3 nm à Taiwan.

● Durée de construction : 4 années.

● Investissement : 12 milliards de dollars.

● Capacité : 20 000 wafers par mois.

Que peuvent faire l’Europe et la France pour anticiper la prise de contrôle de Taiwan par la Chine continentale ?

Dans le plan d’investissement de 30 milliards France 2030 annoncé par le Président Emmanuel Macron, il y a un paragraphe consacré aux composants électroniques dont j’ai extrait ces quelques lignes, et c’est déjà un point positif.

Macron France 2030 composants

Je suis convaincu qu’il est urgent de renforcer le plus vite possible les capacités de production de microprocesseurs sur le sol européen. Sur ce diagnostic, je n’aurai aucun mal à avoir un consensus de la grande majorité des décideurs économiques et politiques en Europe.

Par contre, sur les modalités pratiques que je vais proposer, j’anticipe beaucoup de réticences et d’opinions divergentes.

J’ai une réponse à cette question : l’Europe doit imiter la démarche de la Chine au début de son développement économique à la fin du siècle dernier :

● Je constate un très grand déficit de compétences.

● J’accepte cette réalité, désagréable, et je ne fais pas l’autruche pour nier ce retard.

● Je demande aux leaders étrangers de venir s’installer sur mon territoire.

● J’organise un transfert progressif de compétences.

● C’est au seul niveau de l’Europe que tout doit se faire. La France, l’Allemagne ou tout autre pays européen qui tenterait de mener seul ce combat a une probabilité d’échec facile à estimer : 100%.

Ce graphique, publié par la Banque Mondiale, montre l’évolution des investissements étrangers en Chine entre 1979 et 2020. L’accroissement est spectaculaire pendant les années 1990, jusqu’à atteindre 6% du PNB de la Chine.

Investissements étranger en Chine 1979 - 2020

 

Garantir la sécurité des approvisionnements en microprocesseurs en Europe, mode d’emploi.

On l’a vu plus haut, il y a deux leaders mondiaux dans la fabrication des microprocesseurs, TSMC à Taiwan et Samsung en Corée du Sud.

Le plan d’action et le calendrier que je propose prennent en compte l’urgence du problème et le fait que, même en allant le plus vite possible, l’Europe n’est pas certaine d’éviter une crise majeure dans les 5 années qui viennent.

1 Décision de collaborer avec TSMC et Samsung.

En janvier 2022, la décision est prise de collaborer immédiatement avec TSMC et Samsung.

Pourquoi les deux quand la Corée du Sud ne fait pas l’objet de menaces similaires à celles que fait peser sur Taiwan la Chine continentale ?

Il y a une double raison à cette proposition :

● La croissance de la demande de microprocesseurs va s’accélérer et le risque de surproduction est faible comparé à celui de la pénurie.

● Avoir deux acteurs puissants en Europe réduit, un peu, les risques de dépendance.

2 Définition claire des objectifs de cette collaboration

L’Europe demande officiellement à TSMC et Samsung d’installer chacun en Europe une unité de production de microprocesseurs avec les niveaux technologiques les plus élevés possibles.

TSMC factoryL’exemple de l’usine TSMC aux États-Unis peut servir de point de départ, mais l’Europe doit être encore plus ambitieuse.

Chacune des deux usines construites en Europe, l'une par TSMC, l’autre par Samsung aura les caractéristiques minimales suivantes :

● Production en 5 nm et 3 nm.

● Capacité minimale : 100 000 wafers par mois.

● Durée de construction : 5 années, avec une première tranche disponible en 3 années.

● Investissements : 50 milliards de dollars.

 

Probabilité de réussite de ce projet ambitieux et réaliste : inférieur à 5%

Je ne fais pas beaucoup d’illusions sur les chances de succès de ma proposition, mais comme le dit un proverbe espagnol : “El no, ya lo tengo” (la réponse non, je l’ai déjà).

Pourquoi mes propositions ont-elles aussi peu de probabilité de succès ?
● Décider vite, l’Europe a beaucoup de mal à le faire. Il suffit d’écouter Elon Musk se plaindre des lenteurs de l’administration allemande qui ont beaucoup ralenti la mise en route de sa “gigafactory” de batteries, proche de Berlin.

Tesla GigaFactory Berlin October 2021

● Où seront installées ces deux usines ? Prévoir au moins 3 ans de débats et de conflits entre tous les pays qui voudraient accueillir ces investissements de 100 milliards.

● Levées de boucliers nationalistes : on va ouvrir l’Europe à nos grands concurrents et abandonner notre souveraineté dans le domaine des microprocesseurs. Comme si cette indépendance existait aujourd’hui !

● Des politiques vont pousser l’idée que l’Europe doit faire naître en son sein des sociétés concurrentes de TSMC et Samsung. Nous n’en avons ni les compétences, ni le temps, ni les ressources financières. Il ne faut pas recommencer dans le domaine des microprocesseurs les erreurs qui ont été commises dans celui des infrastructures Cloud Public.

AdS DPC downward spiral S 467051230Dans le domaine des microprocesseurs, l'Europe peut encore enclencher une spirale infernale de l’échec en mettant en avant des idées théoriques d’indépendance et en oubliant les réalités économiques de ce secteur essentiel. Est-ce qu’il est plus intelligent d’importer des puces électroniques fabriquées en Asie ou de demander à des entreprises asiatiques de les fabriquer en Europe ? C’est la seule question pratique qu’il faudrait avoir le courage de se poser.

Mes propositions seraient une excellente nouvelle pour les quelques entreprises européennes existantes qui ont encore des compétences dans le domaine des microprocesseurs.

Je pense en particulier à :

● ASML, la société des Pays-Bas, leader mondial dans la gravure des circuits électroniques.

● STMicroelectronics et SOITEC, en France. Ces deux entreprises de la région de Grenoble ont des positions fortes de niveau mondial sur des créneaux précis.

 

Quel calendrier pour cette perte d’indépendance de Taiwan

Je ne suis pas un devin et n’ai pas une boule de cristal qui me donne des réponses claires à cette question.

Connaissant la volonté de la Chine continentale de récupérer Taiwan, la seule question qui reste posée est : quand ?

China Xi JinpingLe Président de la Chine continentale, Xi Jinping, va recevoir les pleins pouvoirs jusqu’en 2027 et pourrait même rester plus longtemps, avec en ligne de mire le centenaire de la naissance de la révolution, en 2049. Ceci lui permettra de mener une véritable politique à long terme comme les aiment les dirigeants chinois.

Que se passera-t-il si un processus d’annexion de Taiwan est lancé ?

● L’Europe resterait un spectateur sans pouvoir réel face à un éventuel conflit dans cette zone.

● Est-ce que les États-Unis seraient prêts à déclencher une troisième guerre mondiale pour sauver Taiwan ?

US election 2024Quel pourrait être le bon moment pour la Chine si elle souhaite mener une guerre éclair contre Taiwan ? Les prochaines élections présidentielles américaines sont prévues le 5 novembre 2024. Une invasion de Taiwan en septembre ou octobre 2024 poserait des problèmes “délicats” de décision au Président Biden, à quelques semaines de cette élection. Le déséquilibre des forces militaires en présence pourrait amener à une prise de contrôle rapide, avant la fin de l’année 2024 ou avant le 20 janvier 2025, date de prise de ses fonctions par le nouveau Président des États-Unis.

Je ne souhaite pas que Taiwan soit annexée, et la majorité des Européens partagent cette position. Ce n’est pas pour cela qu’il faut ignorer cette menace forte sur nos approvisionnements en circuits électroniques.

Il reste peu de temps à l’Europe pour passer à l’action et mettre en œuvre le plan que je propose, qui ne donnera pas de résultats avant 2025, au plus tôt.

En résumé : si l’Europe n’a pas pris, avant la fin de l’année 2022, la décision de construire sur son territoire des usines TSMC et Samsung, comme je le propose… il sera trop tard et nous aurons perdu une guerre numérique de plus.

Dans la troisième partie, je parle des défis liés à la croissance exponentielle des performances des outils numériques.

Mise à jour du 26 novembre 2021

L'histoire s'accélère et met en évidence l'urgence de ce problème:

1 - Les Etats-Unis signent un accord avec Samsung pour l'installation au Texas d'une nouvelle unité de production de microprocesseurs, pour un investissement de 17 milliards de dollars.

2 - Le Japon décide de financer 50% des investissements qui seront réalisés sur son territoire dans le domaine des usines de microprocesseurs.

Deux des plus grandes puissances économiques mondiales prennent des décisions pragmatiques : nous avons besoin des compétences de Taiwan et de la Corée du Sud pour réduire les risques de pénuries de microprocesseurs, on les invite sur nos territoires.

L'Europe ne peut pas être absente de ce mouvement mondial, se serait suicidaire.

 


Quatre risques numériques majeurs pour notre planète : 2022 - 2030+ (Première partie)

 

AdS DPC Optimism Pessimism S 295856884Les lecteurs de mon blog connaissent mon optimisme, ma vision positive du futur et en particulier des évolutions des solutions numériques.

Ce n’est pas pour autant que je ne suis pas sensible aux risques majeurs qui menacent notre planète et nos vies, au contraire.

Ces risques sont nombreux ; j’ai choisi d’en présenter quatre, par ordre chronologique prévisible d’arrivée. Ce sont les risques que je pense être les plus élevés, ceux qui ont une forte probabilité de déclencher des crises mondiales majeures.

Pour chacun de ces risques, la dimension “numérique” est centrale.

● Horizon 2022 - 2023 : cyberattaques sur les infrastructures physiques de transport.

● Horizon 2025 : guerre dans le détroit de Taiwan.

● Horizon 2030 : non-maîtrise de la croissance exponentielle des potentiels des outils numériques.

● Horizon 2030+ : réchauffement climatique hors de contrôle.

Il existe probablement pour vous d’autres risques majeurs, liés au numérique ; n'hésitez pas à les évoquer dans vos commentaires.

La complexité de ces sujets et la longueur de mes textes m’ont amené à couper ce blog en plusieurs parties.

 

Horizon 2022 - 2023 : cyberattaques sur infrastructures physiques de transport

Depuis des années, une des priorités des États et des entreprises a été de protéger leurs données et en particulier les données personnelles. Le RGPD européen est un bon exemple des réglementations établies dans ce domaine. L’accès non autorisé à des données est grave, mais rarement mortel.

À l’inverse, les cyberattaques sur les infrastructures physiques peuvent tuer des centaines, des milliers de personnes.

Il y a une urgence absolue à protéger les installations physiques de transport, dans tous les domaines :

● Eau

● Gaz

● Électricité

● Télécommunications

● Transports de personnes : métros, trains, avions…

La majorité de ces infrastructures physiques sont gérées par des solutions informatiques regroupées sous le nom de SCADA (Supervisory Control and Data Acquisition).

Le danger que j’évoque est celui de la prise de contrôle à distance d’un SCADA par des acteurs externes. Une fois qu’ils ont pénétré un SCADA, ils peuvent déclencher des opérations dans les infrastructures physiques pouvant entraîner des morts d’hommes : ouverture ou fermeture de réseaux, injection de produits dangereux dans l’eau…

Pour éviter ces attaques, la seule défense actuelle est la déconnexion à 100%, pas à 99,99% entre les réseaux SCADA et Internet. Nul ne peut garantir qu’une liaison entre un SCADA et Internet, aussi sécurisée soit-elle, ne sera pas utilisée pour infecter le SCADA.

Réseau SCADA indépendant Internet : Cloud

Ce n’est pas une sécurité parfaite, comme l’a démontré l’attaque Stuxnet contre une installation nucléaire iranienne en 2010. Ce virus aurait été introduit par une clef USB.

Ces attaques sont prises au sérieux, comme le montre cet article récent de l’OTAN sur les réseaux électriques.

Quelles sont les mesures urgentes que je propose pour la France et l’Europe ?

● Audit immédiat de TOUS les réseaux physiques français et européens, avant la fin de l’année 2022.

● Identification et suppression de 100% des liens Internet et cloud public de ces infrastructures.

● Création d’un RGPD des infrastructures, RGPDIST (Infrastructures Stratégiques de Transport).

Ces mesures de précaution et de sécurité mettront nos infrastructures physiques à l’abri des cyberattaques les plus dangereuses. Elles ont un inconvénient majeur ; elles réduisent la capacité des entreprises à gérer efficacement leurs infrastructures.

Heureusement, il existe une réponse moderne pour gérer en toute sécurité une infrastructure numérique : construire un jumeau numérique, “Digital Twin” en anglais.

 

Généralisation des jumeaux numériques

Un jumeau numérique, c’est une “image” numérique d’une installation physique, que l’on peut utiliser pour simuler son fonctionnement et prendre les décisions qui s’imposent.

Jumeau numérique

Les grandes plateformes de cloud public, AWS, Azure ou GCP proposent déjà des solutions performantes pour créer des jumeaux numériques. En 2021, AWS a probablement l’offre la plus riche et plus avancée du marché, mais les deux autres acteurs font des progrès rapides.

Les données liées à l’activité physique des infrastructures, pression, voltage, vitesse, volume… sont déjà saisies pour alimenter un SCADA. Il est nécessaire d’envoyer en même temps toutes ces données vers le jumeau numérique pour qu’il puisse simuler le fonctionnement de l’infrastructure source.

Dominique Mockly avec IO baseLorsque Teréga, l’entreprise qui gère le réseau de transport et stockage du gaz dans le sud de la France, a décidé de construire son jumeau numérique, elle s'est trouvée devant un problème universel pour tout jumeau numérique : comment transmettre les données vers le jumeau numérique sans risquer que ce canal de transmission soit utilisé dans l’autre sens ?

Devant un problème qui n’avait pas de solutions sur le marché, Teréga a pris la décision de proposer des réponses innovantes et d’inventer et breveter des produits qui répondent à cette attente universelle.

En juin 2021, les équipes de Teréga Solutions et Dominique Mockly, le P-DG de l’entreprise, ont présenté IO-Base, leurs offres innovantes, matérielles et logicielles.

IO-Base Composants

Cette solution, qui s’appuie sur AWS, permet de construire un jumeau numérique sécurisé.

Le composant matériel se nomme Indabox ; c’est une diode numérique qui interdit tout transfert de données dans le sens Cloud vers les infrastructures locales. C’est ce boîtier que tient Dominique Mockly dans sa main.

Comme le montre ce schéma d’un jumeau numérique avec Indabox, l’alimentation des données physiques vers le Cloud AWS est unidirectionnelle, cette diode physique interdisant tout retour d’information depuis le Cloud.

Jumeau numérique avec Indabox

Il y aura, hélas, des catastrophes dès 2022 ou 2023, dans de nombreux pays industrialisés.

Main SCADA risks SLes installations informatiques dans ces infrastructures sont souvent très anciennes, utilisant des solutions dont les mises à jour de sécurité n’ont pas été faites depuis des années. Il est possible de rencontrer des serveurs fonctionnant avec des versions Windows XP ou antérieures.

Les États-Unis sont en première ligne des risques industriels dans ces domaines.

Après les États-Unis, ce sont probablement les pays africains qui sont les moins bien préparés pour résister à ces cyberattaques.

Un exemple récent : le blocage des stations de distribution de carburant en Iran, le 26 octobre 2021.

Les impacts humains de ces cyberattaques peuvent être dramatiques, et se mesurer en centaines ou milliers de morts.

Cyberattack on infrastructuresIl est clair pour moi que des dizaines d’infrastructures critiques de transport sont déjà infectées, en état de veille, de "pré-attaque". Des cyberattaques mortelles peuvent se déclencher à tout instant.

Ce seront en priorité des attaques déclenchées par des états contre d’autres états.

Les suspects “classiques” sont bien connus : Chine, Corée du Nord, Russie, Iran…

Croyez-vous pour autant que les autres grands pays comme les États-Unis, la France ou l’Europe ne préparent pas eux aussi des cyberattaques de ce style ?

Moi, pas une seconde.

Dans la deuxième partie de cette analyse, j’aborde le thème de Taiwan.

Dans la troisième partie, je parle des défis liés à la croissance exponentielle des performances des outils numériques.

 


TSMC, l’AWS de la production de circuits électroniques

 

Logo TSMCTSMC ? Posez la question autour de vous : connaissez-vous TSMC, savez-vous ce qu’ils font?

Il est probable que la majorité des personnes vous répondront qu’elles n’en ont pas la moindre idée.

TSMC, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, est, comme son nom l’indique, une société basée à Taiwan qui fabrique pour le compte d’autres entreprises des semi-conducteurs, en priorité des microprocesseurs.

La pénurie mondiale de microprocesseurs fait la une des journaux depuis quelques semaines. Elle met en évidence le rôle clef des “fondeurs”, les entreprises comme TSMC.

Que les plus grands constructeurs automobiles du monde soient obligés de fermer leurs usines parce que quelques composants électroniques indispensables font défaut, c’est une autre illustration de la sensibilité de l’économie mondiale à un petit nombre d’industries de base.

Pénurie puces mondiale automobile

En 2021, des milliers d’éditeurs de logiciels sont “infrastructures less” et s’appuient sur les solutions des géants du cloud public, AWS, GCP ou Azure pour leurs infrastructures.

En 2021, des centaines de concepteurs de composants électroniques sont “fabless”, sans usine de production et s’appuient sur TSMC pour fabriquer les composants qu’ils conçoivent.

TSMC joue, pour ces concepteurs de composants, le même rôle qu’AWS, IaaS pour les éditeurs de logiciels SaaS. TSMC, c’est un CaaS, Chip as a Service !

Dans ce billet, je présente un panorama raisonnablement complet de l’écosystème des composants électroniques. Il y a un grand nombre d’enjeux stratégiques mondiaux dans cette industrie ; il est important de comprendre comment elle fonctionne.

 

TSMC en quelques chiffres

TSMC est le numéro un mondial des fondeurs indépendants, qui travaillent exclusivement pour d’autres entreprises et ne commercialisent pas directement leurs microprocesseurs.

TSMC est né en 1987, il y a 35 ans. Bien que l’entreprise soit basée à Taiwan, son capital est détenu à 80% par des investisseurs étrangers ; elle est cotée à Taiwan et à New York.

TSMC a investi massivement dans l’innovation ; ils sont aujourd’hui les plus avancés dans les solutions de pointe. Dans cette industrie, l’un des indicateurs de performance est l’écart qui sépare deux connexions ; il se mesure en nanomètre, nm.

TSMC 5nm factoryTSMC est l’un des seuls, avec Samsung, à proposer depuis 2020 des microprocesseurs en 5 nm. Les investissements industriels nécessaires à la fabrication de ces microprocesseurs sont gigantesques, comme le montrent cette image d’une des usines TSMC en 5 nm et le montant des investissements réalisés par TSMC depuis 2009.

TSMC CAPEX 2009-2021

Les smartphones d’Apple avec les processeurs A14 sont construits en 5 nm par TSMC.

5 nm, c’est vraiment très petit, mais difficile à visualiser. Concrètement, cela signifie qu’il y a 134 millions de transistors par mm2.

Apple A14 chip componentsCe schéma des composants d’un processeur A14 d’Apple donne le vertige ! Sur 100 mm2, il y a presque 12 milliards de transistors.

TSMC prévoit de passer au 3 nm en 2021 et Apple a déjà réservé pour ses prochains iPhone toute la production de TSMC en 3 nm.

 

Microprocesseurs : qui fait quoi dans cette industrie

Nous utilisons tous des centaines de microprocesseurs dans notre vie quotidienne. On pense en priorité aux ordinateurs et smartphones. Ces microprocesseurs sont aussi présents dans des milliers d’objets de notre quotidien : voitures, télévisions, équipements électroménagers…

Ce sont les bases de tous les usages numériques et il est important de comprendre “qui fait quoi” dans cette industrie vitale pour toutes les activités économiques de la planète.

J’ai représenté sur ce schéma cinq niveaux d’acteurs qui interviennent dans cette industrie.

De bas en haut :

● Fournisseurs d’équipements industriels.

● Fondeurs : usines de fabrication.

● Concepteurs de processeurs : développent les architectures de microprocesseurs

● Objets d’accès : incorporent des microprocesseurs dans nos PC, tablettes ou smartphones.

● Serveurs Clouds publics : les grands acteurs du Cloud Public sont aussi des concepteurs de microprocesseurs.

Couches basses infrastructures numériques

Pour chacun de ces niveaux, j’ai sélectionné quelques acteurs économiques importants, présentés dans les prochains paragraphes.

Ce schéma sert de référence pour la suite de ce billet.

 

Fournisseurs d’équipements industriels

Les machines-outils utilisées par les fondeurs sont très spécialisées et complexes. Deux des leaders mondiaux dans ce domaine sont ASML et Applied Materials

ASML, Advanced Semiconductor Materials Lithography

ASML Dutch roots  30 yearsASML est encore moins connue que TSMC ! C’est pourtant le leader mondial de la lithographie, qui permet de dessiner les circuits électroniques en nm. ASML est une société… européenne, basée à Eindhoven aux Pays-Bas, ancienne filiale du groupe Philips. C’est l’un des très rares domaines du numérique où l’Europe a un leader mondial.

Si ASML arrêtait sa production de machines, toute l’industrie mondiale des composants électroniques serait rapidement à l’arrêt.

Cet article récent, publié le 15 avril 2021, montre que l’on commence à prendre conscience de l’importance d’ASML dans toute l’économie mondiale.

ASML indispensable à l'économie

Coïncidence ? Comme TSMC, ASML est née il y a 35 ans.

ASML Litho 2Grâce à des investissements massifs en R&D, ASML s'est construit un quasi-monopole dans les équipements lithographiques haut de gamme dont les fondeurs ont besoin pour fabriquer leurs circuits électroniques.

Cette image montre l’une de ces machines en train de graver une “galette” qui contient des centaines de microprocesseurs. N’oubliez pas qu’il y a sur une seule galette de l’ordre de 3000 à 6000 milliards de transistors !

Applied Materials

Avant de graver les galettes de silicium, il faut les fabriquer. C’est l’un des métiers d’Applied Materials.

Applied material deposition technologyApplied Materials est née en Californie ; ils aiment dire qu’ils sont le “Silicon de la Silicon Valley”.

Comme ASML, les investissements en R&D d’Applied Materials permettent les améliorations spectaculaires que l’on connaît dans le monde des microprocesseurs.

Il existe beaucoup d’autres entreprises dans ce secteur des équipements industriels, mais ASML et Applied Materials sont représentatives d’une industrie dont dépend toute l’économie mondiale et qui reste inconnue du grand public et d’un grand nombre de professionnels du numérique.

 

Fondeurs

C’est dans cette catégorie que se trouve TSMC.

Ce tableau donne la liste, en 2020, des principaux acteurs du marché.

La taille des “wafers”, les galettes, est un paramètre clef : plus ils sont grands, plus on peut fabriquer de circuits électroniques à partir d’une seule galette. Aujourd’hui, les galettes de 300 mm et 200 mm sont utilisées pour les microprocesseurs.

Wafers leaders by size  2020

Les trois fondeurs que j’ai sélectionnés sont :

● TSMC

● Samsung

● Intel

Intel n’est plus dans les cinq premiers dans la catégorie reine, des 300 mm ; il est sixième. C’est pourtant encore celui auquel on pense en priorité quand on parle de microprocesseurs !

Samsung est le numéro un dans la catégorie des 300 mm.

TSMC est le numéro un mondial si l’on additionne les 300 mm et les 200 mm.

TSMC Intel Samsung investissements Le métier de fondeur est très consommateur de capitaux : les usines ont des coûts unitaires qui se chiffrent en milliards de dollars.

Ce tableau donne les montants des investissements annoncés par les trois acteurs cités. Il faut le regarder avec attention ; les périodes d'investissements ne sont pas les mêmes.

TSMC parle de 3 ans, Samsung de 10 ans et Intel… ne dit rien sur la période  couverte.

Intel

Intel n’est plus le leader que l’on a connu dans le siècle dernier. Il fait face à de nombreuses difficultés. J’en ai sélectionné trois :

Intel annonce un investissement de 20 milliards de dollars. Très bien, mais nul ne sait sur quelle période, alors que TSMC annonce 100 milliards, 5 fois plus, et sur 3 ans.

Intel invest 20 B$

Intel will use TSMC for top of the line products● En même temps, Intel annonce que ses usines fabriqueront des circuits en 7 nm, alors que TSMC produira dès 2021 des circuits en 3 nm. Conséquence : Intel annonce qu’il va sous-traiter à… TSMC la fabrication de ses processeurs haut de gamme en 2023, car il n’a pas la capacité en interne pour le faire.

● Intel annonce aussi qu’il mettra ses usines au service d’autres concepteurs de processeurs. Je ne suis pas convaincu qu’il y aura beaucoup de clients pour travailler avec un concurrent potentiel, qui en plus n’est pas capable de proposer les technologies les plus modernes.

TSMC

TSMC va investir 100 B$, et en trois ans, pour répondre à une demande croissante du marché.

TSMC va investir 100 B$

Comme on l’a vu, TSMC a pour ses clients deux avantages majeurs sur Intel :

● Accès aux technologies les plus modernes, 3 nm dès 2021.

● Pas de risques de concurrence : TSMC ne fabrique pas de processeurs sous sa marque.

TSMC market share by sizy of nmLa domination de TSMC est encore plus évidente si on regarde les parts de marché par familles de produits. Dans les solutions haut de gamme, 10 nm ou moins, TSMC avec 90% et Samsung avec les 10% restants trustent le marché.

Ce graphique montre l’évolution sur les 5 dernières années des cours de bourse d’Intel et de TSMC. On comprend mieux pourquoi TSMC a vu son cours grimper de 374% alors qu’Intel s'est contenté de 111%.

Share price Intel vs TSMC

 

Concepteurs de processeurs

Cette famille regroupe des dizaines de sociétés qui conçoivent des processeurs. J’ai choisi de parler de quatre d’entre elles, qui sont représentatives des différentes stratégies possibles.

Apple

Apple a une très forte équipe interne pour concevoir des circuits électroniques propriétaires et en tirer un avantage compétitif. Le premier MacBook Air avec un processeur non Intel, le M1, sur base ARM, en est le dernier exemple.

Apple est un “fabless” : il fait fabriquer ces processeurs par les trois fondeurs cités, Intel, Samsung et TSMC.

Nvidia

Nvidia ampere AI processorNvidia est l’une des vedettes montantes du secteur. Après les cartes graphiques, Nvidia est devenu très présent dans les processeurs pour l’Intelligence Artificielle. Nvidia est, comme Apple, une entreprise “Fabless”.

À la différence d’Intel, Nvidia a su innover et diversifier ses marchés ; c’est un acteur clef dans de nouveaux secteurs comme les jeux vidéo. Ses performances spectaculaires en bourse, avec un cours multiplié par 14 en 5 ans, confirment ce succès.

Share price Nvidia 5 years

Nvidia a annoncé son intention de racheter ARM pour 40 milliards de dollars. Cette opération n'est pas encore confirmée et de nombreux acteurs tels que Qualcomm et des autorités de la concurrence sont contre.

Qualcomm object deal ARM - Nvidia

L’histoire d’ARM est exemplaire des échecs de l’Europe. ARM est le leader mondial des processeurs présents dans tous les smartphones du monde. ARM est née en Angleterre, a été financée par le gouvernement britannique avant d’être rachetée par le japonais Softbank.

Si le rachat par Nvidia est bloqué, ce serait une excellente opportunité pour l’Europe de mettre la main sur un acteur clef du marché. 40 milliards de dollars, ce n’est pas un investissement déraisonnable pour revenir sur ce marché essentiel!

Intel

Intel est de loin la marque la plus connue dans l’industrie des microprocesseurs. Comme on l’a vu précédemment, sa place réelle dans l’industrie est aujourd’hui en dessous de sa notoriété, et continue à chuter rapidement.

Intel avait une place clef dans les ordinateurs personnels, concurrencé seulement par AMD. Il vient de perdre un client important, Apple, qui bascule sur des processeurs de la famille ARM conçus en interne. Intel est totalement absent du marché des smartphones, dominant en volume.

Intel avait aussi une place dominante dans les centres de calculs. Cette domination est elle aussi remise en cause par l’arrivée des géants du cloud public. J’y reviens plus loin.

● Les entreprises ferment leurs centres de calculs privés, ce qui réduit la taille du marché.

Nvidia in data centers● AWS, GCP et Azure construisent de plus en plus leurs propres serveurs, et ils ne sont plus seulement construits avec Intel. ARM, Nvidia et beaucoup d’autres prennent chaque jour une place plus importante dans leurs infrastructures.

Quel avenir pour Intel ? Dépassé dans son rôle de fondeur, attaqué dans les marchés où il était dominant, est-ce qu’Intel sera encore un acteur majeur du numérique en 2025 ?

Je vous laisse choisir votre réponse à cette question.

Samsung

Samsung exynos 2Samsung est la seule entreprise présente dans trois des cinq niveaux du tableau des fournisseurs. Samsung conçoit, fabrique et utilise ses propres circuits électroniques dans ses smartphones et autres objets numériques, sous la marque Exynos.

Cette intégration verticale permet à Samsung de contrôler toute la chaîne de valeur des processeurs. Comme Apple, il peut ajouter des fonctionnalités spéciales, propriétaires dans ses processeurs, pour différencier ses objets d’accès.

 

Objets d’accès

PC portables, tablettes, smartphones, consoles de jeux… On rentre là dans des domaines où les fournisseurs sont très connus des entreprises et du grand public.

Main smartphones vendors 2020 CanalysLa majorité des constructeurs, Dell, Lenovo, Xiaomi ou Oppo, achètent leurs processeurs à des fournisseurs tels que Qualcomm, spécialistes des architectures ARM.

Le troisième grand fournisseur de smartphones, Huawei, conçoit ses propres processeurs sous la marque Kirin. Huawei est encore un “fabless”, mais les blocages américains vont l’amener à construire lui aussi ses propres usines de microprocesseurs, comme Samsung.

Est-ce une coïncidence si les trois leaders mondiaux du marché, Samsung, Huawei et Apple, sont ceux qui conçoivent aussi leurs processeurs ?

 

Serveurs

La situation évolue très vite dans le monde des serveurs : la domination d’Intel est attaquée sur tous les fronts, par les fournisseurs concurrents et par les géants du cloud public.
Tous préparent des processeurs pour remplacer ou compléter les “historiques” x86 d’Intel et AMD.

Quelques exemples :

ARM GRACE ARM CPU● Nvidia annonce la disponibilité en 2023 de Grace, un processeur très haut de gamme pour centre de calcul, orienté Intelligence Artificielle.

● AWS proposera avant la fin de l’année 2021 Graviton2, un processeur construit par Nvidia, en exclusivité pour AWS.

● Google propose depuis plusieurs années des TPU, TensorFlow Processor Unit, des processeurs maison pour optimiser l’usage de son outil de Machine Learning Tensorflow.

● Microsoft a annoncé en 2020 un accord avec... TSMC pour créer un laboratoire commun pour développer des processeurs dédiés pour Azure.

Confirmant le thème général de ce billet, comme dans le Cloud, la démarche Best of Breed s’impose rapidement dans le monde des processeurs. Les solutions universelles, supposées tout faire pour tout le monde comme l’Intel x86, se font tailler des croupières par des dizaines de solutions très spécialisées qui sont 10 à 100 fois plus performantes dans leurs domaines respectifs.

 

Impacts climatiques forts de l’industrie des circuits électroniques

Dans un billet récent, j’analyse différents scénarios possibles pour répondre aux défis climatiques de la planète.

TSMC emission of carbonJ’y parle du dernier livre de Bill Gates, “How to avoid a climate disaster”, dans lequel il explique que la production de biens matériels est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre.

L’industrie des composants électroniques en est un bon exemple, comme l’explique cet article de Bloomberg qui parle de... TSMC.

TSMC émet plus de gaz à effet de serre que le constructeur automobile General Motors.

Les fabricants de processeurs sont aussi de gros consommateurs de matières premières et d’eau, comme le montre ce graphique.

TSMC water consumption

Dans un billet sur la Frugalité Numérique des objets d’accès, je montre que le processus de fabrication des smartphones ou les PC portables, dont font partie les processeurs, est plus consommateur d’énergie que leur usage.

 

Dimensions stratégiques internationales

Taiwan, berceau de TSMC, est une île de 24 millions d’habitants et 36 000 km2, 15 fois plus petite que la France, à 160 km de la Chine continentale.

La République Populaire de Chine n’a jamais abandonné son objectif d'annexer Taiwan et la tension entre ces deux territoires est redevenue très forte, comme le confirme cet article.

China War over Taiwan sooner

La reprise en main de Hong Kong est un autre exemple de la volonté chinoise d’augmenter son contrôle politique dans la région.

Map taiwan Corée TSMC SamsungTSMC à Taiwan, Samsung en Corée du Sud, la domination de l’Asie “non chinoise” dans l’industrie des composants électroniques est une réalité.

2034 a Novel of the Next World War” vient d’être publié aux États-Unis. Il situe le début d’une nouvelle guerre mondiale, en 2034, dans la mer de Chine qui sépare Taiwan du continent chinois.

Un extrait de ce livre a été publié dans la revue Wired. Cela vous évitera de lire tout le livre, qui est très “moyennement” intéressant.

Il existe une double dépendance dangereuse, technologique et politique, du monde entier dans le domaine des composants électroniques.

Où en est-on, en Europe ?

STM sales 2020 par catégories produitsL’Europe n’est pas totalement absente de ce marché des composants électroniques. STMicroelectronics est le principal concepteur et constructeur européen de composants électroniques. Par contre, STMicroelectronics n’a pas une présence significative sur le secteur des microprocesseurs ; ils sont actifs sur des marchés différents comme le montre la répartition de leur chiffre d’affaires pour l’année 2020.

Les États-Unis ont eux aussi pris conscience de cette dépendance. Pat Gelsinger, le nouveau patron d’Intel, vient de demander au Président Joe Biden de passer à l’action en investissant 50 milliards de dollars dans cette filière.

● En 1990, les États-Unis produisaient 37% des semi-conducteurs.

● En 2021, ce pourcentage est tombé à 12%.

● L’Asie représente 70% du marché mondial.

Cette dépendance de l’Europe et du reste du monde dans le domaine des composants est un vrai problème, oui. Elle est, à mon avis, plus importante que celle dont on parle beaucoup trop en ce moment, dans le domaine des infrastructures Clouds Publics.

Lemaire dépendance InacceptablePeut-on la réduire ? Ce n’est certainement pas en tenant des discours aussi creux que celui de notre ministre des Finances qu’on va avancer !

La dépendance de l’Europe est “inacceptable”...

Je vais en parler avec l’Allemagne…

Ces discours m’exaspèrent : je les entends depuis des années dans le monde du numérique, alors que nous avons besoin d’agir, pas de palabrer.

J’ai écrit ce billet pour que les lecteurs prennent conscience de l’importance du sujet, et de notre totale dépendance en matière de composants électroniques pour le monde du numérique.

L’Europe peut-elle rattraper ce retard “inacceptable” ?

Poser la question, c’est y répondre.

Bien plus que les milliards d’investissements annuels nécessaires, il faudrait créer de toutes pièces une industrie qui demande des compétences techniques très fortes, des savoir-faire qui se sont construits au cours des 35 années chez TSMC et Samsung.

L’option la plus radicale serait de racheter TSMC en Bourse ! Le prix, 550 B$, est hélas dissuasif.

Si je devais recommander une seule action de l’Europe pour reprendre, un peu, une place dans ce marché des composants, ce serait de tout faire pour que le rachat d’ARM par Nvidia échoue, en arguant du risque de position dominante. Il faudra ensuite dépenser, et vite, les 40 B$ nécessaires pour qu’ARM redevienne une société européenne.

Europe Map STM ARMUne fusion entre STMicroelectronics et ARM serait, à mon avis, la dernière opportunité qui reste à l’Europe pour continuer à exister dans ce secteur stratégique. La valeur boursière actuelle de STMicroelectronics est de 35 milliards €, équivalente à celle d’ARM.

ARM est une société qui n’a pas d’usines, mais elle est à la base de la majorité des processeurs qui équipent les smartphones mondiaux et, progressivement, les PC comme Apple puis les centres de calcul.

Cette démarche est cohérente avec celle que j’ai proposée dans mon billet :

L’Europe, leader mondial dans les usages numériques au service de la planète

Il faudrait que l’Europe adopte une stratégie similaire dans le domaine des composants électroniques : se concentrer sur la dimension usages, type ARM, et accepter le fait que l’on ne peut plus lutter dans la dimension infrastructures de production contre des TSMC ou Samsung.

C’est en étant pragmatique, en choisissant ses combats, en concentrant ses énergies sur un tout petit nombre de projets que l’Europe du numérique peut espérer continuer à jouer un rôle significatif dans toutes les industries du numérique.

C’est aussi vrai dans le domaine des composants, comme l'explique ce billet.


L’Europe, leader mondial dans les usages numériques au service de la planète ?

 

(Remarque : billet très long, mais le sujet est tellement important…)

AdS DPC Laptop wih European flag  SS 195322339Dans un billet précédent, j’ai étudié trois scénarios économiques possibles qui permettraient à l’humanité de ne pas transformer la planète en un espace “inhabitable”.

Quel sera le scénario retenu au niveau mondial ? Je n’en sais rien et je n’ai pas la prétention de pouvoir peser très lourd dans ce choix.

Par contre, tous les auteurs cités dans ce billet sont d’accord sur un point : les innovations technologiques, et en particulier numériques, auront un rôle essentiel dans la réussite de leurs plans d’action.

Pourquoi parler de l’Europe et pas de la France ? Réussir à jouer un rôle significatif dans le monde numérique de demain sera très difficile pour l’Europe. La France, seule ? Poser la question, c’est y répondre...

Dans ce texte, je propose que l’Europe prenne le leadership mondial dans la mise en œuvre du numérique au service de la planète.

Je suis persuadé que :

● C’est possible.

● L’Europe dispose des moyens financiers pour y arriver.

● L’Europe a les compétences humaines nécessaires.

● Les professionnels européens du numérique sont prêts à s’impliquer fortement pour ce combat.

 

Ne pas regarder dans le rétroviseur

AdS DPC Forward Backward S 73105080Nous sommes en 2021, pas en 2000. Il est impératif que l’Europe regarde devant elle, sur ce qu’elle peut faire pendant les 10 à 20 années qui viennent.

Se lamenter sur les batailles numériques perdues au cours des 10 à 15 dernières années, c’est contre-productif et dangereux.

Hélas ! C’est ce qui se passe trop souvent en ce moment.

Oui, l’Europe a fait de graves erreurs avec son incapacité à anticiper les grandes innovations de ces 15 dernières années.

J’en donnerai deux exemples, sur des technologies essentielles :

Les infrastructures Clouds Publics

Les Infrastructures IaaS, Infrastructures as a Service, sont arrivées en 2006 avec AWS, Amazon Web Services. Depuis, Microsoft avec Azure, Google avec GCP, Alibaba en Chine ont eux aussi investi massivement dans des infrastructures Clouds Publics.

Gartner MQ IaaS 8:2020Ces entreprises proposent aujourd’hui des solutions disponibles dans le monde entier, fiables, sécurisées, à des coûts raisonnables. Elles continuent à investir et à innover en ajoutant tous les ans des centaines de nouveaux services. Dès 2015, j’ai publié un billet sur ce thème pour expliquer que ces grands acteurs industriels du Cloud Public avaient gagné cette guerre.

Le  “Quadrant Magique” du Gartner Group publié en août 2020 sur l’IaaS est sans appel : les quatre entreprises que j’ai citées dominent le marché ; les deux anciens combattants, IBM et Oracle, sont relégués dans la catégorie des “acteurs de niche”.

Les solutions européennes ? Elles brillent par leur absence.

Les technologies de base de l’Intelligence Artificielle

Il y a deux ans, en janvier 2019, j’écrivais un billet au ton alarmiste sur les risques de retards irréversibles que prenait l’Europe dans le domaine de l’Intelligence Artificielle (IA).

AdS DPC AI China USA S 290881288Face au combat entre les deux géants du secteur, les États-Unis et la Chine, le nain européen restait inactif et se contentait de publier de “beaux rapports” sur le sujet. Je donnais 5 ans à l’Europe pour redresser la barre, si elle s’attaquait immédiatement à ce grand chantier.

Deux ans se sont écoulés depuis ce billet. Rien de sérieux n’a été fait pour mettre l’Europe en situation d’avoir un poids raisonnable dans les technologies de l’Intelligence Artificielle.

Conséquence : l’Intelligence Artificielle a rejoint le Cloud Public dans les combats perdus, de manière irréversible.

Une étude récente publiée par Oliver Wyman enfonce encore plus le clou.

Ce tableau compare les forces relatives des États-Unis, de la Chine et de l’Europe.

Digital scorecard - US vs China vs Europe

Les résultats sont édifiants : l’Europe est dernière dans tous les domaines sauf un, celui des talents humains. J’y reviendrai à la fin de ce billet ; c’est notre atout principal et le seul domaine où aucune de ces trois forces économiques n’a pris une avance irréversible.

AdS DPC regret vs change S 385947449On peut regretter ces erreurs majeures, oui. Ce n’est pas une raison pour ressasser ses échecs, regarder dans le rétroviseur, se déchaîner contre les grands méchants GAFAM, coupables d’avoir réussi là où l'Europe a échoué.

Quelle est la meilleure manière pour l’Europe de rater les opportunités numériques de demain ? Dépenser bêtement son énergie, ses ressources humaines et financières pour des causes perdues d’avance.

Je préfère regarder devant moi, imaginer ce qu’il est possible de faire d’innovant et d’utile pour la compétitivité de l’Europe au service du sauvetage de la planète.

Il y a deux axes d’actions possibles pour mettre le numérique au service de la planète :

● Promouvoir la Frugalité Numérique : faire en sorte que les infrastructures et les usages numériques aient le moins d’impacts négatifs possible sur la planète.

● Utiliser les innovations numériques pour rendre toutes les activités humaines plus économes en ressources matérielles et énergétiques.

Un double défi, auquel l’Europe peut donner des réponses positives, rapidement.

 

Frugalité numérique des entreprises, un sous ensemble des défis écologiques

Et si les entreprises européennes devenaient les meilleures élèves du monde dans leurs usages numériques respectueux de la planète ?

La Frugalité Numérique, que d’autres préfèrent nommer la Sobriété Numérique, est une démarche qui consiste à optimiser tous les composants du numérique pour qu’ils aient le minimum d’impacts sur la planète.

J’ai publié au début de l’année 2020 plusieurs billets sur le thème de la Frugalité Numérique.

Dans le premier de ces billets, j’avais identifié six domaines d’actions possibles.

J’ai depuis ajouté un septième domaine, celui de l’Informatique Industrielle des Objets (IIoT).

Frugalité Numérique - sept composants

Sans réécrire ces billets, je vais en rappeler les idées essentielles.

Les six premiers composants font partie des infrastructures numériques ; ce sont eux qui consomment des matières premières et de l’énergie.

● Centres de calculs

● Objets d’accès

● Informatique Industrielle des objets

● Réseaux

● Stockage de données

● Impression

Le septième composant, les usages numériques ne consomment pas directement des ressources ; ils mettent en œuvre des composants d’infrastructures qui eux consomment des ressources. Sans usages numériques, on n’aurait pas besoin d’infrastructures numériques !

Remarque importante : mes analyses sont centrées sur les infrastructures et les usages professionnels du numérique, domaine que je maîtrise raisonnablement bien.

Une grande partie des recommandations valables pour le monde professionnel sont transposables dans le grand public, mais pas toutes.

Quels sont les messages essentiels à retenir sur le thème de la Frugalité Numérique des entreprises ?

● Mener une Transformation Numérique forte peut aussi être très bon pour la Frugalité Numérique. Les solutions innovantes telles que le Cloud Public, les usages SaaS sont beaucoup plus économes en énergie que les solutions historiques.

● Trop d'idées dangereuses et fausses sont véhiculées par les médias et beaucoup de soi-disant spécialistes. Quelques exemples de ces fake news :

○ Envoyer un courriel consomme beaucoup d’énergie.

○ Il faut effacer la majorité de ces courriels.

○ La vidéoconférence en haute définition consomme beaucoup plus qu’en basse définition.

○ Les centres de calculs géants des grands acteurs du Cloud Public sont mauvais pour la planète.

Fake News frugatlité numérique

● Il est fondamental d’avoir un message positif, moderne sur le numérique. Les risques liés à un rejet des innovations numériques et à une tentation d’un retour en arrière restent élevés. Il faut prendre le temps d’expliquer, de démontrer, de rassurer pour que les collaborateurs de l’entreprise comprennent les apports positifs des solutions numériques innovantes sur la planète.

● Il reste encore beaucoup de travail à réaliser pour mieux comprendre toutes les dimensions de ces consommations et développer des indicateurs performants qui permettent aux entreprises de mesurer leurs usages et leurs progrès dans leur démarche de Frugalité Numérique.

● Sensibiliser toutes les personnes concernées reste une priorité :

○ Dirigeants.

○ Spécialistes du Numérique.

○ Collaborateurs.

● J’ai pu observer dans les entreprises où j’ai travaillé sur ces sujets une remarquable appétence pour le thème de la Frugalité Numérique. C’est une excellente nouvelle ; tous les collaborateurs comprennent rapidement les enjeux et sont prêts à faire évoluer leurs usages numériques pour réduire leurs impacts négatifs sur la planète.

En Europe, les entreprises et les citoyens sont très sensibilisés aux enjeux climatiques et prêts à agir pour réduire rapidement leurs impacts. Il devrait donc être raisonnablement facile de mettre en œuvre des politiques de Frugalité Numérique efficaces, rapidement.

Les plus grands dangers, je le répète, c’est de jouer sur des peurs ancestrales et de transmettre des informations fausses mais spectaculaires.

Expliquer, rationnellement, factuellement, quelles sont les actions à entreprendre pour réussir à devenir frugal, numériquement, c’est hélas plus compliqué que je ne le pensais au départ.

 

Le numérique, présent dans la majorité des activités humaines

Les usages numériques, professionnels ou personnels, n’existent que parce qu’ils participent à nos activités.

Quels secteurs prioritaires pour la planète ? Trois approches différentes

J’ai choisi de présenter trois analyses différentes des secteurs prioritaires d’action pour que notre planète reste habitable le plus longtemps possible :

● La vision des Nations Unies.

● La démarche de la Commission Européenne.

● Les recommandations de Bill Gates.

Il en existe sûrement d’autres, mais ces trois-là donnent suffisamment de pistes d’action, peut-être même un peu trop, si l’on souhaite être pragmatique et aller vite.

La vision des Nations Unies

Dans ce document, les Nations Unies définissent 17 objectifs pour garantir un développement durable de la planète

UN Sustainable 17 goals

Pauvreté, faim, éducation, santé… je ne vais pas analyser chacun de ces 17 objectifs. Ils sont tous importants et personne ne peut être contre ces améliorations universelles.

Comment éviter qu’ils ne restent des vœux pieux ? Comment gérer les priorités et les incompatibilités potentielles ? Pour prendre un exemple : croissance économique et consommation responsable, en même temps, c’est tout sauf simple.

La démarche de la Commission Européenne

Cover Mission Economy Mariana MazzucatoCette démarche a été très influencée par Mariana Mazzucato, économiste italo-américaine qui enseigne en Grande-Bretagne. Elle a écrit’un livre passionnant, “Mission Economy”, qui plaide pour un rôle beaucoup plus actif des États dans le monde de l’économie. Je vous encourage à lire cet ouvrage, qui nous oblige à nous poser beaucoup de questions. Que, en dernière de couverture, le Pape François fasse l’éloge d’une économiste de gauche, c’est un signal fort.

Je ne sais pas si les équipes du Président Macron ont lu ce livre, mais l’expression “Quoi qu’il en coûte” (Page 181) est l’une des idées clefs qu’elle défend pour répondre aux grands défis de l’humanité !

Elle a participé activement à la définition des missions retenues par la Commission Européenne.

L’exemple phare utilisé par Mariana Mazzucato pour promouvoir sa démarche est celui de la mission Apollo aux États-Unis, pour amener des équipages humains sur la Lune. Il a fallu moins de 10 années au gouvernement américain pour réussir cet exploit, entre les années 1963 et 1972.

Elle explique très bien, dans un long chapitre, comment le gouvernement américain a pris le leadership de ce projet, a mis de côté ses méthodes traditionnelles de gestion pour aller beaucoup plus vite et assumer l’essentiel des risques de cette mission.

En décembre 2019, lors de la présentation de son plan d’action, la Présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen, a clairement référencé le projet Apollo en disant :

“This is Europe's man in the moon moment”.

Man in the moon for Europe

Ce “Green Deal” a pour objectif de rendre l’Europe totalement neutre carbone en 2050, dans moins de 30 années.

EU five Key missions for climate controlCe plan d’action européen a choisi cinq secteurs prioritaires d’action, ce qui me paraît un nombre raisonnable :

● Lutter contre les changements climatiques.

● L’eau, dans toutes ses dimensions, océans, mers, terrestres…

● Des villes neutres climatiques et intelligentes.

● La lutte contre le cancer.

● La santé des sols et les aliments.

EU Challenges OceanChacun de ces grands projets a été décomposé en missions principales, qui sont à leur tour découpées en plans d’action. À titre d’illustration, ce schéma illustre ce que propose l’Union Européenne pour le grand projet “Océan propre” et la mission "Océan sans plastiques”.

Cette démarche, raisonnablement pragmatique, pourrait permettre de mettre en œuvre rapidement des actions concrètes.

C’est à ce niveau que l’on peut déterminer, cas par cas, comment le numérique peut apporter sa contribution à chaque projet.

Je n’ai pas regardé en détail tous ces projets, mais je suis persuadé qu’il y a plusieurs centaines de solutions numériques innovantes qui peuvent s’y rattacher.

Les recommandations de Bill Gates

Bill Gates + cover How to avoid a climate disasterLe récent livre de Bill Gates, “How to Avoid a Climate Disaster” propose des pistes d’action très pertinentes et j’encourage tout le monde à le lire. Il est bien écrit, facile à lire et très factuel, ce qui est important en ce moment.

Dans le sous-titre de ce livre, on peut lire : “ The solutions we have and the breakthroughs we need”. En clair, les solutions dont nous disposons aujourd’hui ne sont pas suffisantes pour répondre aux défis climatiques que doit affronter l’humanité. Ceci représente une excellente opportunité pour l’Europe : trouver les réponses de rupture que Bill Gates appelle de ses vœux.

Bill Gates part d’une hypothèse simple : il est indispensable de réduire les excès actuels d’émissions de gaz à effet de serre de 51 milliards de tonnes par an à zéro.

Ses analyses l'ont conduit à segmenter ces 51 milliards de tonnes en cinq grandes activités:

● Fabriquer (ciment, acier, plastique...).

● Se connecter (électricité).

● Agriculture (plantes, animaux).

● Se déplacer (avions, camions, navires marchands...).

● Rester au chaud ou au frais (chauffage, rafraîchir, climatisation...).

Dans le tableau ci-dessous, j’ai repris ses chiffres en ajoutant aux pourcentages les valeurs absolues.

Secteurs clefs émetteurs Greenhouse gas - Bill Gates

Je trouve cette classification très efficace ; elle permet de comprendre immédiatement où sont les grands gisements de progrès.

Green Premium

Bill Gates propose aussi de mesurer, pour toutes les activités, ce qu’il nomme le “Green Premium”, le surcoût qu’il faut payer pour remplacer une ressource carbonée par une qui ne l’est pas. C’est à mon avis un excellent outil de mesure, même s’il n’est pas toujours facile de le calculer.

Je vais prendre, à titre d’exemple les calculs de “Green Premium” pour les trois produits essentiels analysés dans le chapitre “fabriquer” :

● Plastique (Éthylène) : Green Premium compris entre 9% et 15%.

● Acier : Green Premium compris entre 16% et 29%.

● Ciment : Green Premium compris entre 75% et 140%. Par sa nature même, le ciment est l'un des matériaux les plus difficiles à fabriquer sans émettre beaucoup de CO2.

Les innovations, et les innovations numériques en priorité seront indispensables pour réduire ou éliminer les Green Premium. Plus ils sont élevés, plus les innovations seront nécessaires et rentables. Innover pour les activités avec des Green Premium élevés, c’est un bon critère pour établir des priorités d’action en Europe.

Un autre exemple est celui des viandes élaborées à partir de végétaux. Le Green Premium actuel de ces produits est de l’ordre de 80 à 90%. Il a beaucoup baissé au cours des 5 dernières années. De très nombreuses start-up travaillent sur ce thème. Remplacer tous les bovins par des végétaux pour produire de la “viande” est une piste très sérieuse.

L’autre option, encore expérimentale, est de créer directement de la viande à partir de cellules souches de viande. Le Green Premium de ces technologies est très élevé pour le moment, mais c’est aussi un domaine où de nombreuses innovations de rupture sont à l’étude.

Électricité décarbonée

C’est pour Bill Gates l’une des pistes les plus importantes et les plus urgentes.

En simplifiant à l'extrême son raisonnement :

● Pour les clients finaux, entreprises ou particuliers, la seule énergie à consommer est l’électricité.

● On peut d’ici à 2050 réussir à produire de l’électricité 100% décarbonée.

Sur ce dernier point, je vous conseille de consulter l’étude publiée en décembre 2020 par l’Université de Princeton, et ses… 345 pages. Cela fait beaucoup de bien de lire une véritable étude scientifique sur un sujet complexe, avec des tonnes de données et de graphiques, loin des discours extrémistes et non argumentés de trop de responsables politiques.

Princeton Net-Zero America 2050

Cette étude ne concerne que les États-Unis, mais les mêmes démarches peuvent être appliquées dans tous les continents, et en particulier en Europe.

Princeton Net Zero change in the mix of electricity sourcesJ’en ai extrait ce graphique qui montre comment les sources d’énergie pour créer de l’électricité doivent évoluer aux États-Unis pour, en même temps :

● Doubler leur consommation d’électricité d’ici à 2050.

● Obtenir que cette production d'électricité soit décarbonée à 100%.

L’Europe est beaucoup plus avancée que les États-Unis sur ce sujet de l’électricité propre, et la France en particulier avec le nucléaire, seule énergie décarbonée disponible en permanence, qu’il vente ou pas, qu’il y ait du soleil ou pas.

Une approche croisée : Commission Européenne + Bill Gates

Les propositions de la Commission Européenne sont intéressantes, la vision de Bill Gates aussi.

Il m’est venu l’idée de combiner les deux pour obtenir le tableau ci-dessous.

Vision Bill Gates vs Europe Climat

On obtient ainsi 25 cases correspondant à des actions possibles.

J’ai mis quelques étoiles où les correspondances sont évidentes. Il doit être possible d’imaginer des usages numériques innovants pour les 25 cases.

En résumé

Ce ne sont pas les domaines d’actions qui manquent pour lesquels il faut trouver des innovations fortes si l’on souhaite réduire les gaz à effet de serre avant l’année 2050. Il faudra choisir ses priorités avec soin.

Une fois de plus, Bill Gates fait une proposition pragmatique que je trouve pertinente : un projet qui n’a pas le potentiel de réduire d’au moins 1 milliard de tonnes les émissions de CO2 ne doit pas être prioritaire.

À nous de passer à l’action, en Europe, pour prendre la tête de ce mouvement.

 

S’appuyer sur les compétences numériques en Europe

AdS DPC woman with European flag S 263715196Dans la première partie de ce billet, j’ai fait référence à l’étude Oliver Wyman qui montre que le seul domaine dans lequel l’Europe n’est pas totalement dépassée par les États-Unis ou la Chine est celui des talents humains.

Il ne faut pas gaspiller la dernière cartouche qui nous reste !

Les atouts de l’Europe dans le domaine humain :

● Les volontés fortes des Européens de se mettre au service de la planète.

● Des formations scientifiques de haut niveau.

● Des compétences remarquables dans les sciences du numérique, et du logiciel en priorité.

● De nombreuses start-up numériques du logiciel qui sont nées au cours des 20 dernières années.

J’ai publié en 2020 un billet optimiste sur la qualité des solutions numériques disponibles en Europe.

En Europe, nous pouvons agir dans les deux dimensions que j’ai présentées dans ce billet :

● Frugalité Numérique.

● Innovations numériques au service de la planète.

Comment agir au mieux, rapidement, dans ces deux dimensions ?

 

Frugalité Numérique européenne

Je propose un plan d’action simple, concret, en deux étapes.

1 - Créer un référentiel permettant aux entreprises de mesurer leur Frugalité Numérique

C’est une première étape indispensable : fournir un référentiel sérieux, scientifique, permettant de mesurer la Frugalité Numérique dans les sept dimensions que j’ai proposées.

Il faudra faire un tri sévère dans l’arsenal des informations disponibles et des méthodes de mesure existantes pour arriver à un consensus fort sur ce sujet. Comme je l’ai indiqué au début de ce billet, le nombre d’informations fausses qui circulent sur ce sujet est très élevé, et l’Europe a besoin d’un référentiel basé sur des données fiables.

En étant réaliste, j’estime qu’il faudra environ 18 mois pour publier une première version de ce document de référence. L’objectif est de le diffuser avant la fin de l’année 2022.

2 - Utiliser ce référentiel pour récompenser les meilleures entreprises

AdS DPC Top 100 S 113263215On pourra ensuite organiser à partir de 2023 un concours annuel récompensant les 100 meilleures organisations européennes en matière de Frugalité Numérique.

J’imagine plusieurs catégories : grandes entreprises, secteur public, PME…

On peut récompenser celles qui ont obtenu les meilleures performances, mais aussi celles qui ont réalisé les progrès les plus rapides.

Si cette double action est un succès, on peut envisager de rendre obligatoire, à partir de 2025, un bilan Frugalité Numérique pour toutes les grandes organisations européennes, publiques et privées.

 

Innovations numériques européennes au service de la planète

Risques états bénéfices entreprisesDans son livre que j’ai cité, Mariana Mazzucato considère que l’un des dysfonctionnements actuels les plus graves de l’économie vient du fait que les États ne profitent pas des investissements qu’ils font dans les secteurs de pointe : “Les risques pour les États, les bénéfices pour les entreprises privées”. L’un des exemples emblématiques cité est celui de Tesla aux États-Unis : Le DoE, Département de l’Énergie a fourni un prêt garanti de 465 M$ mais ne gardait ses 3 millions d’actions que si le prêt n’était pas remboursé. Quand on sait que le cours de l’action de Tesla a depuis été multiplié par 10, on ne peut pas dire que l'État ait fait une excellente affaire ! Au cours actuel, ces 3 M d’actions valent plus de 2 milliards de dollars.

Je trouve donc très pertinente la proposition faite fin mars 2021 par 35 licornes européennes.

AdS DPC smartphone with plant SS 200026499Elles demandent à la  Commission Européenne la création d’un fonds d’investissement souverain européen doté de 100 milliards d’euros de capital pour éviter que les entreprises innovantes qui naissent en Europe ne soient rapidement rachetées par des acteurs venant des États-Unis ou de Chine. On parle bien d’investissements dans les entreprises innovantes, pas de prêt. La dimension “économie verte” est très présente dans cette proposition.

Dans quels secteurs du numérique investir en Europe

C’est la question essentielle : l’Europe a les talents numériques ; comment les utiliser au mieux.

Ma position sur ce thème est très claire, depuis plusieurs années. Il faut privilégier les usages numériques innovants. Oui, cela veut dire abandonner des secteurs clefs comme les infrastructures IaaS ou les outils de base de l’Intelligence Artificielle pour lesquels les retards pris sont tels qu’il n’est plus possible pour l’Europe de revenir dans la compétition mondiale.

C’est en conjuguant les talents européens et les infrastructures américaines que l’Europe pourra construire des usages numériques compétitifs au niveau mondial.

Ce schéma simple, simpliste diront certains, résume ma position.

Develop Europe + Infra US = Usages monde

Cette position, positive, pragmatique, tournée vers l’avenir est, sera fortement contestée par une grande partie de la classe politique et des professionnels du numérique en Europe et en France.

Un article, publié le 3 avril 2021 dans le journal “Le Parisien” illustre très bien cet obscurantisme numérique nationaliste. Une professeure d’université en sciences de gestion, Johanna Habib, s’en prend à Doctolib, éditeur d’une solution SaaS bien connue qui facilite la prise de rendez-vous médicaux. Elle a un double défaut, je cite :

“C’est un outil qui a su devenir incontournable, pour les patients comme pour les professionnels de santé.”  Quel scandale ! Une application numérique qui a réussi à s’imposer toute seule, grâce à ses qualités et son ergonomie.

Avec Doctolib, on a un vrai problème de souveraineté…”. Faux ! Comme le montre ce graphique, l’immense majorité des investisseurs dans Doctolib sont français.

Investisseurs Doctolib

● Autre scandale : L’application Doctolib est hébergée par AWS, Amazon Web Services, dans ses serveurs… européens. L’héberger chez OVH à Strasbourg, cela aurait été une bien meilleure idée...

Ce dont l’Europe a besoin, et très vite, c’est de dizaines et de dizaines d’éditeurs SaaS à succès comme Doctolib, pas de discours négatifs de personnes dont les compétences en numérique sont proches du zéro absolu.

Se pose alors une deuxième question : dans quels domaines d’usages numériques l’Europe doit-elle investir en priorité ?

Je propose de repartir du tableau que j’ai construit, qui croise les visions de la Commission Européenne et de Bill Gates, avec ces 25 cases.

Europe investissement 100 B €Avec le fonds d’investissement souverain de 100 milliards d’euros, l’Europe peut investir dans 3 à 10 projets numériques innovants dans chaque case. On parle bien d’investissement, pas de financement.

Je suis persuadé que nous avons suffisamment de talents numériques et d’entrepreneurs pour qu’une centaine de projets numériques ambitieux correspondant à ces 25 cases soit proposée au fonds d’investissement souverain dans les 2 à 3 années qui viennent.

La démarche que je propose a de nombreux avantages :

● Elle mobilisera beaucoup de talents numériques européens prêts à s’investir pour la planète.

● Sur les 100 projets financés, une petite moitié pourrait donner naissance à des licornes européennes.

● Ces solutions numériques européennes au service de la planète pourront être déployées dans le monde entier.

● L’Europe devrait rentabiliser son investissement de 100 milliards d’euros. C’est tout sauf un crime que d’être capable de gagner de l’argent pour une bonne cause.

 

Résumé

AdS DPC Enthousiam - Success S 316495497L’Europe n’a pas perdu toutes les batailles du numérique. Il lui reste quelques cartes importantes à jouer, dans le domaine des usages.

Le temps est compté. Il faut agir vite, très vite en faisant preuve d’agilité, en prenant des décisions rapides et en assumant des risques d’échecs importants.

Mettre les talents européens au travail pour construire des solutions numériques qui aideront le monde entier à répondre aux défis du changement climatique qui nous menace, difficile d’imaginer un projet plus enthousiasmant pour motiver la majorité des citoyens européens.


Cybersécurité : ne pas se tromper de combat

 

AdS DPC 1 milliard billion S 240309178Les cyberattaques font la une depuis quelques jours ; la cybersécurité devient une priorité nationale, une de plus...

Deux hôpitaux, quelques mairies découvrent les joies des rançongiciels et, COVID-19 oblige, la classe politique française unanime décide qu’il faut faire cesser ces attaques inacceptables.

Comme s’il existait des attaques de diligences, de banques ou d’hôpitaux acceptables…

La méthode française pour s’attaquer à un problème est bien connue. Elle comporte deux volets :

● Un plan.

● L’annonce d’un gros chiffre. On précise en annexe ou en tout petit que ce chiffre correspond à des dépenses ou investissements étalés sur un grand nombre d'années.

Le Président Emmanuel Macron a mis en pratique cette démarche le 18 février 2021, en annonçant, quelle surprise :

● Un plan cybersécurité.

● Un budget de 1 milliard d’euros. Un chiffre rond, cela fait sérieux. Ce budget sera réparti sur la période 2021 - 2025, soit environ 200 millions d’euros par an.

Macron Cybersécurité 1 B€

Personne n’a la moindre idée de la manière dont ce milliard a été calculé, ni de comment cette somme sera dépensée.

Devant l’urgence de la situation, j’ai décidé de plancher cette nuit sur le sujet pour apporter, modestement, mais rapidement quelques éléments de réponse.

C’est le sujet de ce billet.

 

L’offre de solutions de cybersécurité : très en avance sur les usages

J’ai une excellente nouvelle pour le gouvernement français : la part de ce budget à consacrer à développer de nouvelles offres de solutions est facile à mesurer : Zéro Euro.

Depuis des dizaines d’années, des centaines de sociétés innovantes, dans le monde entier, ont développé des produits logiciels exceptionnels qui couvrent toutes les dimensions techniques pour se protéger efficacement des cyberattaques.

À titre d’illustration, le tableau ci-dessous dresse une carte de plus de 80 produits de nouvelle génération qui s’appuient sur l’Intelligence Artificielle (IA) pour combattre le cybercrime.

Map Cybersecurity with AI solutions

Des centaines d’autres solutions, elles aussi très performantes, travaillent de manière plus traditionnelle, car elles sont nées avant l’arrivée de l’IA.

En résumé

L’offre de solutions pour se protéger des cyberattaques n’est plus le problème en 2021.

Il y a même une surabondance de solutions et la principale difficulté des experts sérieux dans le domaine est de faire son choix parmi autant de produits exceptionnels.

Ceci m'amène à faire une première recommandation pratique au gouvernement français, après avoir vu la répartion prévisionnelle de ce budget de 1 milliard d'euros.

Toutes les sommes présentes dans la première colonne de ce tableau peuvent être ramenées à... zéro euro :

  • Rajouter encore plus de solutions à une offre déjà surdimensionnée, quelle absurdité.
  • Il faudra en plus des années pour produire ces "nouvelles solutions", et sans aucune garantie qu'elles soient perfomantes.
  • Il y a vraiment beaucoup plus intelligent, plus efficace à faire pour s'attaquer à la cybercriminalité.

Répartition plan cyber

Ceci représente 515 millions de moins dans les dépenses et autant dans les financements. Dans la suite de ce billet, j'indiquerai comment on peut réallouer ces sommes.

 

Protéger les infrastructures et les usages

Cybersécurité - Infrastructures usages sans réponsesLes lecteurs de mon blog connaissent bien cette distinction :

● Les infrastructures, serveurs, réseaux, objets d’accès sont les fondations d’un Système d’Information.

● Les usages ou les applications s’appuient sur ces infrastructures pour créer de la valeur pour les clients, internes et externes de chaque entreprise.

● Ceci est valable pour toutes les entreprises, TPE, PME, ETI ou grandes, privées ou publiques, dans tous les pays du monde.

Dans ce court billet, je vais aller à l’essentiel.

 

Cybersécurité : quelles réponses opérationnelles en 2021

Cette distinction entre infrastructures et usages sert de référence pour proposer des réponses opérationnelles, immédiatement.

Infrastructures

Dans les infrastructures, la protection des centres de calcul où fonctionnent serveurs et outils de stockage des données est essentielle.

Il existe deux grandes familles de centres de calcul :

● Les centres de calculs privés : chaque entreprise gère un ou plusieurs bâtiments où se trouvent ces serveurs.

Cloud security● Les Clouds Publics : ce sont des serveurs gérés par de grands industriels mondiaux qui mettent leurs ressources au service des entreprises. C’est la démarche IaaS, Infrastructure as a Service. Trois grands fournisseurs dominent le marché : AWS d’Amazon, Azure de Microsoft et GCP de Google.

En 2021, face aux cyberattaques, il n’y a plus qu’une seule décision de bon sens :

Fermer le plus vite possible tous les centres de calcul privés et obliger 99,99% des entreprises à basculer sur des clouds publics.

Aucune entreprise, même parmi les plus grandes, celles qui sont membres du CIGREF, Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises, n’a les ressources techniques, humaines et financières suffisantes pour offrir un niveau de sécurité équivalent à ceux proposés par les industriels IaaS.

Sécurité des infrastructures serveurs : problème réglé.

Usages

Pour se protéger efficacement des cyberattaques, la profession des professionnels de ces outils utilise une expression très parlante : Zero Trust.

Zero Trust : cela veut dire que l’on fait l’hypothèse que rien n’est sécurisé et qu’il faut tout protéger.

Les principaux composants d’une démarche Zero Trust sont résumés sur ce schéma.

Démarche zero trust

Je reprends ici quelques lignes d’un blog récent où je présentais Zero Trust.

● Vérifier l’identité de la personne qui se connecte. On complète les mots de passe par d’autres techniques regroupées dans la famille MFA, Multi Factor Authentication.

● S’assurer que l’on peut faire confiance à l’objet d’accès, quel qu’il soit.

● Chiffrer les données, en transit et dans les objets d’accès.

● Autoriser les accès aux applications, une par une, selon les personnes, selon les lieux d’accès.

● Fournir des outils d’audit pour des contrôles a posteriori quand c’est nécessaire.

Zero Trust, c’est le remplacement des technologies archaïques que certains d’entre vous ont connu dans une vie antérieure : VPN sur les postes de travail et Pare Feu périmétrique autour des centres de calcul privés.

Comme je l’ai écrit au début de ce billet, l’offre de solutions est pléthorique. Ce tableau présente quelques-unes des solutions qui participent à cette démarche Zero Trust, parmi les plus connues du marché

Outils solutions zero Trust

 

Cybersécurité - Infrastructures usages avec réponsesEn reprenant la même image que j’avais utilisée pour séparer infrastructures et usages, on peut résumer les deux démarches qui permettent de bien se protéger contre des cyberattaques :

● Utiliser les clouds publics pour les infrastructures.

● S’appuyer sur des outils qui permettent une approche Zero Trust pour les usages.

 

Reste l’essentiel : les comportements humains

Je ne connais pas les deux hôpitaux qui ont déclenché cette réaction rapide du gouvernement français après avoir subi une cyberattaque. Ce que je sais, c’est qu’ils avaient tout faux : centres de calculs privés et pas de démarche Zero Trust.

J’ai envie de proposer au gouvernement français un objectif ambitieux et réaliste pour son plan cybersécurité :

Faire de la France l’un des pays les moins rentables et les plus coûteux pour réussir des cyberattaques contre ses entreprises.

Les cyberattaques vont continuer, vont devenir de plus en plus sophistiquées, c’est une évidence.

Penser une seule seconde que l’on peut garantir une sécurité parfaite contre les cyberattaques est une idée absurde.

La seule arme raisonnable, c’est donc la dissuasion. C’est le principe des portes blindées dans les appartements. Une porte blindée de qualité n’est jamais inviolable, mais ralentit beaucoup les cambrioleurs ; ils préféreront souvent s’attaquer à un autre appartement moins bien protégé.

Je propose donc que 100 % de ce budget de 1 milliard d’euros soit consacré à des actions vers les dirigeants et les responsables informatiques des entreprises, en étant très, mais très directif.

Il y a deux décisions prioritaires et “simples” à énoncer.

Décision 1 : toute entreprise présente sur le territoire français doit fermer rapidement ses centres de calcul privés.

Comment accélérer cette décision ? Attaquer les dirigeants au porte-monnaie.

● Pour les entreprises ayant des petits centres de calcul privés, de moins de 100 serveurs, une taxe sera établie sur la valeur comptable de ce centre de calcul :

○ 10% de cette valeur en 2022.

○ 20% en 2023.

○ 30% en 2024 et années suivantes.

● Pour les entreprises ayant des centres de calcul privés avec plus de 100 serveurs, elles sont peu nombreuses, cette taxe sera :

○ 0% en 2022, car il leur faut quand même plus de temps pour se préparer.

○ 20% en 2023.

○ 30% en 2024 et années suivantes.

Je prévois que le montant de ces taxes devrait rapidement rembourser le budget de 1 milliard d’euros prévu.

On taxe bien les produits dangereux pour la santé tels que le tabac ou l'alcool. Il est donc logique de taxer aussi les produits dangereux pour la santé de l'informatique, les centres de calcul privés.

Seringue Zero Trust SécuritéDécision 2 : vacciner rapidement au Zero Trust tous les responsables informatiques et les RSSI, Responsables de la Sécurité des Systèmes d’information. Cette vaccination devra être terminée avant juillet 2022. Un certificat de vaccination sera remis à toutes les personnes qui auront suivi avec succès cette formation. Il sera exigé pour pouvoir exercer ces professions à partir de janvier 2023.

L’essentiel du budget de 1 milliard d’euros sera consacré à la mise en œuvre de ces deux décisions. Cela représente beaucoup de travail et d’investissements en accompagnement et formation, mais ce seront vraiment des “investissements d’avenir”.

Comme je l'ai proposé plus haut, on peut récupérer la moitié du budget initialement prévu pour créer de nouveaux produits, soit 515 millions d'investissements et autant de financements

 

Résumé

Se protéger des cyberattaques est une priorité pour la France, comme pour tous les autres pays.

L’objectif ne sera jamais d’arriver à une protection parfaite. On le voit bien aujourd’hui avec les vaccins contre la COVID-19 : les meilleurs ont des niveaux de protection exceptionnels, supérieurs à 90 %.

Cet encadré propose un bel objectif aux décideurs qui vont relever le défi posé par ces cyberattaques : en réduire de 99% les dangers.

Infr Cloud + Usages ZT = 99% moins

Est-ce que je serai entendu ?

Est-ce que mes recommandations seront acceptées ?


Et si notre monde était devenu incapable de s’adapter à l’innovation ? Deuxième partie

La première partie de cette analyse a présenté les trois époques principales de l’innovation et l’entrée du monde, depuis une dizaine d’années, dans une croissance exponentielle de ces innovations, en particulier dans le monde du numérique.

 

Les premiers signes de réactions négatives

AdS DPC Positive Negative S 313730832Mes lectures récentes montrent bien qu’il y a deux visions du monde futur.

Une première, optimiste, parie sur la capacité de l’humanité à s’adapter :

● “Exponential Organizations” de Salim Ismael, explique que les entreprises peuvent et doivent elles aussi adopter des démarches exponentielles d’évolution.

● “The future is faster than you think” de Peter Diamantis et Steven Kotler met l’accent sur la convergence de différentes technologies, toutes exponentielles et donne des pistes pour s’adapter pendant la décennie actuelle.

Une deuxième vision, pessimiste, met en doute notre capacité à nous adapter :

● “New Dark Age” de James Bridle, annonce la fin du futur de l’humanité.

● “How to fix the future” de Andrew Keen, prédit un futur effrayant et négatif.

● “The Uninhabitable Earth'', de David Wallace-Wells, est l’un des plus négatifs et  annonce tout simplement que notre planète terre deviendra rapidement invivable.

● “Human Compatible” de Stuart Russell, se concentre sur l’Intelligence Artificielle et questionne nos capacités à en contrôler les évolutions.

Le nombre de livres publiés ayant une position négative est supérieur à ceux qui sont optimistes. A mon avis, ce n'est pas seulement parce que le catastrophisme fait vendre.

 

Un début de basculement vers une allergie à l’innovation technologique ?

Le décalage entre la réalité des améliorations spectaculaires apportées par la science et la technologie au monde et la perception des personnes s’accélère, et ce n’est pas un bon signe.

Ces deux doubles pages sont extraites du livre de Hans Rosling, Factfulness, cité dans la première partie de ce billet.

La première présente 16 indicateurs de phénomènes négatifs qui se sont réduits fortement au cours des années : esclavage, maladies, accidents d’avion, ozone...

16 bad things decreasing

La deuxième présente 16 indicateurs de phénomènes positifs qui se sont améliorés fortement au cours des années : droits de vote, éducation des femmes, démocratie…

16 good things increasing

Nous devrions tous être contents ; et bien non ! On a l’impression que le monde perçoit exactement l’inverse : les phénomènes positifs se détériorent et les négatifs augmentent.

Factfullness Hans Rosling monde pireUne grande enquête a été réalisée en 2017 dans plusieurs pays. Les personnes devaient répondre à la question : est-ce que le monde devient meilleur, reste le même ou pire. Ce graphique donne les réponses "pires". Il n’y a pas un seul pays où le score est inférieur à 50%.

La France est dans le peloton de tête.

Les effets les plus visibles de cette intolérance à l’innovation numérique se concentrent en ce moment sur les infrastructures. Pourquoi ? Elles sont beaucoup plus visibles que les usages et les applications.

Vous connaissez beaucoup d’infrastructures qui n’ont aucun impact sur les paysages et la nature ? Moi, non :

● Lignes électriques haute tension.

● Autoroutes.

● Voies ferrées, TGV et autres.

● Centrales électriques, thermiques ou atomiques.

● Barrages hydrauliques, qui ont submergé des villages entiers.

● …

Comme toutes les infrastructures nécessaires pour déployer des innovations technologiques, les éoliennes, les satellites, les antennes radio, ne sont pas invisibles. Oui, les éoliennes terrestres se voient de loin, quelle surprise ! Sont-elles vraiment plus moches que les lignes haute tension ?

Fédération Non à l'éolien en France

Oui, on apercevra parfois depuis sa résidence secondaire à La Baule des éoliennes en mer quand le ciel est dégagé ; est-ce vraiment un crime visuel insupportable ?

Installer un parc d’éoliennes en France est devenu un parcours du combattant qui dure plusieurs années, tous les blocages juridiques possibles étant utilisés. Face à l’urgence du basculement vers des énergies renouvelables, est-ce une démarche raisonnable ?

Les nouveaux satellites basse altitude lancés par SpaceX d’Elon Musk fourniront dès 2021 des accès internet haut débit aux pays qui en manquent cruellement. C’est un scandale ! Ils perturbent un peu le travail des astronomes.

Autre exemple significatif de cette allergie croissante à l’innovation : le déploiement de la 5G en France. Nous sommes le dernier pays d’Europe à l’avoir autorisé. Des dizaines d’études scientifiques ont confirmé que la 5G ne présente aucun risque pour la santé.

5G no risks

Les antennes 5G, qui ne sont le plus souvent que des antennes déjà installées que l’on met à niveau, ont fait l’objet de plus de 100 attaques et destructions pendant la seule année 2020. L'incompétence technique des attaquants est telle qu’ils leurs arrivent de confondre antennes 5G et antennes de télévision.

Attaques anti 5G

Je connais déjà la réponse de ceux qui sont farouchement opposés à toute nouvelle infrastructure qui peut apporter de la valeur à l’humanité : “Oui, mais les infrastructures actuelles, on s’y est habitué.”

 

Un argument en croissance : l’innovation technologique est mauvaise pour la planète

Opposer innovation technologique, en particulier numérique, et écologie devient un autre d’axe fort de ces mouvements anti-innovations. Soit parce qu’ils sont mal informés, le plus souvent parce qu’ils sont de mauvaise foi, les “verts bien pensants” communiquent massivement sur les méfaits des innovations technologiques pour la planète.

Essayez de leur opposer des arguments scientifiques. Ils se transforment en une armée de petits Donald Trump, offensés, et crient à la manipulation, aux fausses nouvelles.

J’ai écris de nombreux billets sur mon blog qui s’appuient sur des éléments chiffrés, factuels, pour montrer que :

L’innovation technologique est l’une des meilleures armes pour sauver la planète. Elle permet en particulier une dématérialisation de l’économie.

Transformation Numérique et Frugalité Numérique sont de puissants alliés. Ce lien est vers le premier d’une série de quatre billets.

La santé est un autre sujet sensible ; de nombreux “marabouts” modernes ont découvert le filon et proposent à une clientèle fragile des protections en tout genre. Le danger des ondes radio est très en vogue en ce moment.

Baldaquin anti ondesDe nombreuses boutiques en ligne, auxquelles il faut bien sûr accéder en utilisant des réseaux numériques sans fil, proposent des protections personnelles ou d’habitation. Pour la modique somme de 1 880 € HT, vous pouvez vous protéger pendant votre sommeil des ondes radio avec un superbe baldaquin faisant office de cage de Faraday.

 

Un cas concret : les vaccins anti COVID-19

Tous les médias, et pas seulement les réseaux sociaux, sont concentrés sur le court ou le très court terme ; le temps consacré à des analyses posées, scientifiques, factuelles sur les évolutions à long terme est presque inexistant. L’exemple des vaccins anti COVID-19 l’illustre très bien.

C’est un succès scientifique vraiment extraordinaire : les premiers vaccins contre la COVID-19 étaient disponibles moins d’un an après l’arrivée du virus, et avec des taux d’efficacité supérieurs à 90%, ce qui n’avait jamais existé face aux virus précédents celui de la COVID-19.

D'où vient cette double performance, temps de développement et efficacité, que personne n’aurait imaginé en mars 2020 ? Des progrès exponentiels réalisés dans les sciences de la vie et du numérique.

Moderna on AWS  42 jours au lien de 20 moisLa société Moderna a utilisé les solutions IaaS, Infrastructure as a Service, d’AWS depuis 2017. Moderna estime que, pour développer son vaccin COVID-19, le temps nécessaire a été de 42 jours ; il lui aurait fallu 20 mois sans AWS. C’est une accélération de plus de 14 fois.

18 mois de gagnés, 18 mois pour vacciner plus vite : combien de vies cette accélération a sauvé ? Sur la base de 2 millions de morts en 12 mois, on arrive au chiffre extraordinaire de… 3 millions de vies potentiellement sauvées.

Je n’ai pas lu beaucoup d’articles sur ce “miracle technologique”. A l’inverse, des milliers de politiques et de commentateurs dénoncent un “drame absolu” quand un laboratoire annonce un retard de 1 à 3 semaines dans la mise à disposition des doses, dû à des problèmes de mise en production que toute personne ayant une expérience industrielle peut comprendre. Ce retard va ralentir de quelques semaines le rythme des vaccinations, car la fabrication reprendra avec des capacités plus élevées.

Une illustration, parmi des milliers de ces réactions : le Secrétaire d'État Christian Beaune menace les laboratoires de sanctions pour ces retards :

● Date de l’entretien : jeudi 21 janvier 2021.

● Date de reprise des livraisons, annoncée dans ce même entretien : lundi 25 janvier 2021.

Christian Beaune sur vaccins

Heureusement que d’autres responsables politiques, au niveau européen, avaient une véritable vision moyen terme en passant des commandes massives de vaccins dès juillet 2020, alors qu’aucun vaccin n’était encore disponible et n'avait été approuvé par les organismes de certification. La date de livraison de ces vaccins n’était évidemment pas inscrite dans ces contrats.

Autre polémique : l’Europe s’insurge car les Etats Unis et le Royaume Uni sont livrés plus vite que l’Europe. La raison ? Ils ont passé des commandes 3 mois avant, et il est logique qu’ils soient livrés avant.

Lançons aujourd’hui une enquête d’opinion en posant la question : “Que pensez-vous de la vitesse à laquelle les vaccins anti COVID-19 sont disponibles ?”

Quelles seraient les réponses les plus fréquentes, et de loin ? Je suis prêt à parier que ce seraient des critiques virulentes de ces retards de quelques semaines.

Ils seraient peu nombreux ceux qui diraient : “C’est génial, on dispose d’un vaccin en moins d’un an, ce qui n’était jamais arrivé auparavant !”

Les seuls qui feraient référence à cette accélération ? Des anti-vaccins pour dire qu’un vaccin développé aussi rapidement, c’est louche, c’est pas normal, on va être des cobayes, j’ai pas confiance… Ces deux réponses de politiques français illustrent très bien cette position de méfiance vis-à-vis des progrès rapides de la science moderne.

COVID-19 Le Pen Dupont Aignan

 

Synthèse : les dix prochaines années

Intelligence Artificielle, informatique quantique, micro-réacteurs à fusion nucléaire, nouveaux traitements médicaux efficaces contre des maladies incurables aujourd’hui…en 2030 les progrès exponentiels de la science et des technologies pourraient continuer et permettre au monde d’améliorer encore plus les nombreux indicateurs de progrès présentés dans ces deux billets.

Ces progrès sont possibles, sauf si l’humanité, désorientée par la vitesse croissante de ces innovations, son incapacité à les comprendre, succombe à la tentation du retour en arrière.

Aotodafé smallVerra-t-on le retour de gigantesques autodafés, numériques cette fois ? Les incendies d’antennes 5G en sont les signes avant-coureurs.

Inquisition espagnole en 1480, destructeurs d’antennes en 2020, même culture, même combat.

Est-ce que les États et leurs lois seront capables de ne pas bloquer des innovations de rupture, qui par définition n’auront jamais été mises en œuvre ? Est-ce que des vaccins ARN auraient été autorisés pour d’autres maladies que la COVID-19 s’il n’y avait pas eu cette urgence mondiale ? Rien n’est moins sûr.

Dans deux textes, publiés en 2018, j’avais déjà tiré le signal d’alarme sur les risques que font courir à la France des lois déraisonnables comme le principe de précaution inscrit dans la constitution.

La tentation sera forte, pour les états, de ralentir les progrès technologiques qu’ils ne comprennent pas en publiant des lois et règlements “technicides”.

A l’inverse, est-ce que les grands blocs qui dominent de plus en plus les innovations numériques, Chine et USA, ne seront pas tentés d’utiliser de nouvelles avancées qu’ils seraient les seuls à détenir pour soumettre le reste du monde à leurs exigences.

Gozilla vs Kong with flagsDe nombreux experts américains prédisent que la Chine deviendra la première puissance mondiale en Intelligence Artificielle dès 2025. Imaginons qu’il en soit de même en informatique quantique en 2030. Chine contre USA, un combat de titans numériques qui peut ébranler la planète dans cette décennie et dont l’Europe est absente.

Gozilla contre Kong, c’est le titre d’un film qui va sortir en 2021 ; l’analogie est tentante…

La tentation sera forte, pour les particuliers, de se rebeller contre des intelligences artificielles plus performantes qu’eux, des voitures autonomes qui feront que la conduite par des humains sera de plus en plus régulée, car trop dangereuse.

Et les fournisseurs leaders ? Auront-ils la sagesse de mettre leurs innovations au service de la société ou la tentation de devenir encore plus les véritables maîtres du monde. Les luttes telles que celles entre le gouvernement chinois et le patron d’Alibaba pourraient se multiplier dans les années qui viennent. On assiste déjà à des affrontements similaires entre les GAFAM et l’Union européenne.

Et les entreprises ? C’est dans ce domaine que le futur des prochaines années est le plus difficile à imaginer. Les profondes différences dans la vitesse d’adoption des technologies innovantes que j’ai pu observer pendant les années 2005 - 2020 vont probablement s’accentuer entre 2021 et 2030.

Est-ce que les entreprises qui sont déjà dramatiquement en retard dans leur Transformation Numérique en 2021 auront encore une possibilité de remonter à la surface avant 2030 ? Rien n’est moins sûr.

J’ai posé beaucoup de questions dans ces billets. Les réponses ne sont pas figées dans le marbre.

2030 Incertitude NumériqueElles dépendent des réactions de milliards de personnes, de millions d’entreprises, de tous les pays de la planète, d’une vingtaine de leaders technologiques mondiaux et de leur capacité à gérer ensemble cette croissance exponentielle de l’innovation technologique pour que nous soyons tous gagnants.

Quel est votre sentiment, en ce début d’année 2021 ?

● Optimiste pour 2030 ?

● Pessimiste pour 2030 ?


Et si notre monde était devenu incapable de s’adapter à l’innovation ? Première partie

 

AdS DPC Ball Optimism Pessimism S 321005567Poser cette question, en 2021, pourquoi ?

Non, ce n’est pas lié à la pandémie COVID-19. C’est une réflexion beaucoup plus large sur les impacts de l’accroissement vertigineux de la vitesse d’évolution des innovations, le monde du numérique étant le plus en pointe.

Depuis des années, dans ce blog, je fais preuve d’un grand optimisme sur les apports positifs des nouvelles technologies numériques.

Aujourd’hui, le doute pointe le bout de son nez : et si notre monde, dépassé par la vitesse de ces évolutions, se rebellait, avec le sentiment que tout va trop vite, et décidait qu’il n’est plus capable de suivre ?

(La longueur exceptionnelle de ce billet m’a amené à le couper en deux parties, qui sont publiées simultanément.)

 

Les trois âges de croissance de l'innovation

Je prends le risque d’une simplification très forte de l’histoire de l’innovation, mais elle me semble nécessaire pour comprendre ce qui se peut se passer dans notre monde au cours des dix prochaines années. Les dates choisies sont indicatives de moments d’inflexion, pas des dates précises.

Trois ages innovation plat linéaire exponentiel

Comme le montre ce schéma, j’ai identifié trois périodes dans l’histoire des innovations :

● Une très longue période pendant laquelle les innovations ont été peu nombreuses, très lentes, jusqu’en 1850.

● Une période d’un peu plus de 150 années, théâtre d’une évolution rapide, mais linéaire, de ces innovations.

● Depuis une dizaine d’années, un basculement vers une évolution exponentielle de ces évolutions.

Steven Pinker Enlightenment nowLa lecture d’un livre passionnant, "Enlightenment Now”, écrit par Steven Pinker, m’a beaucoup aidé dans mes réflexions. Je suis en bonne compagnie pour vous le recommander : c’est le nouveau livre favori de tous les temps de.. Bill Gates.

Il existe aussi en français sous le titre : Le triomphe des lumières.

Je vais m’appuyer sur cet ouvrage pour illustrer en priorité la période 1850 - 2010, correspondant à ce que je nomme la croissance linéaire de l’innovation.

 

L’ancien monde, avant le milieu du XIX siècle

C’était mieux, avant ! Qui n’a pas entendu cette phrase des nostalgiques du passé, de plus en plus nombreux, et on y reviendra.

Réponse : non, non et non !

Vous auriez aimé vivre dans un monde où :

● L'espérance de vie à la naissance était de 31 ans.

● 35% des enfants mourraient avant 5 ans.

● La famine tuait entre 200 M et 1 200 M de personnes par an dans le monde.

● 90% des personnes vivaient en état d'extrême pauvreté.

● …

Steven Pinker life expectancy

Moi ? Non merci !

Ces indicateurs sont restés très stables pendant des millénaires. Il y avait aussi des périodes de grandes catastrophes, épidémies, bouleversements climatiques et famines, qui faisaient baisser brutalement ces chiffres.

Quelques exemples de ces grandes catastrophes :

● Années 974 - 975 : grands froids et famines en France : ⅓ de la population disparaît.

● Années 1648 + : en Pologne, ⅓ de la population meurt à la suite d'inondations, de famine et de peste.

● Années 1769+ : au Bengale, la famine tue 15 millions de personnes, soit encore une fois ⅓ de la population.

Cet article de Wikipedia liste plus de 100 grandes famines avant l’année 1850. D’autres se sont produites ensuite, mais avec des nombres de morts de plus en plus faibles.

Autre exemple : en 1347, la grande peste a déferlé sur l’Europe ; sa population est passée de 85 millions de personnes à 60 millions, une baisse d’environ 25%.

Population Europe Peste 1347

Le monde d’avant 1850, un monde idyllique ? A vous de juger...

 

Croissance linéaire de l’innovation : des résultats remarquables

Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, l’homme a acquis la maîtrise des énergies, principalement fossiles, charbon puis pétrole et gaz. Ces énergies ont été la base de la première révolution industrielle.

En un peu plus de 150 ans, une durée ridiculement courte à l'échelle de l’histoire de l’humanité, le monde est devenu plus riche, plus sain, plus libre, plus éduqué.

Des dizaines d’indicateurs confirment ces évolutions très rapides ; pour ne pas surcharger ce billet déjà long, j’en ai choisi un tout petit nombre :

● Le pourcentage d’enfants qui meurent avant 5 ans a baissé dans toutes les régions du monde, à des rythmes différents. Il est aujourd’hui proche de zéro dans la grande majorité des pays.

Steven Pinker Children death

● En 1900, les femmes pouvaient voter dans 1 seul pays, l’Australie. Aujourd’hui, il reste un seul pays où elles ne peuvent pas voter ! Non, ce n’est pas l’Arabie Saoudite qui a accordé un droit de vote, réduit, aux femmes en 2015. Il s’agit du...Vatican !

● Au début du XIXème siècle, 12% des personnes savaient lire et écrire. Ce chiffre est monté à 83% en 2010. Oui, il reste quand même plus d’un milliard d’analphabétes dans le monde, mais c’est un sacré progrès !

Le site “ourworldindata” est une remarquable source de données fiables sur des milliers de sujets. Vous pouvez construire vous-même des graphiques comme celui que j’ai réalisé sur les équipements des foyers américains sur un siècle, entre 1860 et 1955. L’eau courante, les toilettes ou l'électricité étaient encore des raretés en 1900.

Equipement foyers américains 1860-1955

Monument Jacquard ChomageCette première révolution industrielle n’a pas été acceptée facilement par tout le monde. Le français Joseph Marie Charles dit Jacquard invente le métier à tisser piloté par une carte perforée avec 80 colonnes. Il a failli être jeté dans le Rhône par des ouvriers inquiets pour leur avenir. Tous les pays, tous les secteurs économiques qui s’industrialisaient ont connu des révoltes de ce type. Elles n’ont jamais atteint des proportions majeures ni remis en cause ces industrialisations.

L’informatique a décollé dans les entreprises vers les années 1960, avec l’arrivée des premiers ordinateurs universels, dont l’IBM 360 a été un exemple important.

L’informatique domestique a pris son envol vers les années 1990, avec l’arrivée des premiers PCs et du Web.

Pendant 30 années, les entreprises étaient en avance sur le grand public dans les usages des solutions numériques. Depuis 2000, les courbes se sont croisées et l’innovation numérique se déploie plus vite chez les particuliers. Je reviendrai sur ce basculement ultérieurement.

A la fin de l’année 2020, il y avait environ 5 milliards d’internautes dans le monde

Nombre d'internautes 12:2020 Internetworldstats

Ce deuxième graphique montre la croissance du nombre d’internautes entre 1990 et 2015.

Nombre internautes 1990 - 2015

On constate que cette croissance est forte, mais reste… linéaire ! Nous sommes en face d’un nombre fini d’utilisateurs potentiels, et il reste encore, trente ans après les débuts du Web, un gros tiers de la population mondiale qui n’a pas accès à Internet.

Pendant ces 50 premières années de croissance linéaire des innovations informatiques, il y a eu très peu de “révoltes” contre ces technologies. Au contraire, l’acceptabilité des PC, des réseaux rapides, d’Internet, du e-commerce a été forte, dans tous les pays, dans toutes les tranches d’âge, avec des vitesses différentes.

Les réactions anti informatiques sont restées très limitées. Cela fera sourire les plus jeunes, mais on a sérieusement discuté en France d’une “prime clavier” pour les personnes qui, pour la première fois, devaient utiliser un terminal ou un ordinateur.

Les reproches, et il y en avait, venaient en priorité des pays et des personnes qui pour des raisons techniques ou financières n’avaient pas accès à ces outils numériques. On se plaignait des déserts numériques, des zones blanches ou du manque d’équipements numériques dans le monde éducatif.

 

La croissance exponentielle de l’innovation s’installe

Depuis une dizaine d’années, la croissance exponentielle de l’innovation s'est imposée dans tous les domaines et en particulier dans le numérique. Cette croissance exponentielle existait déjà dans quelques catégories : la célèbre prévision de Gordon Moore d’Intel sur le doublement du nombre de transistors dans les circuits électroniques date de 1970.

J’ai fait le choix pour illustrer cette “exponentialisation” des performances de choisir quelques secteurs différents. J’aurai pu ajouter des dizaines d’autres exemples.

Puissance de calcul dans l’Intelligence artificielle. Ce graphique est un peu la “loi de Moore” dans l’IA, mais beaucoup plus rapide. La puissance de calcul a été multipliée par 300 000 entre 2012 et 2018.

Exponential growth IA

Réduction du coût par Watt des panneaux solaires. Il n’y a pas que le numérique qui fait des progrès exponentiels. Le coût par Watt a été divisé par 400 entre 1975 et 2019.

Réduction exponentielle coût panneau solaire

Croissance des flux de données sur réseaux mobiles. On retrouve aussi ces croissances exponentielles dans les usages numériques. Le taux de croissance des flux numériques mobiles est de l’ordre de 60% par an.

Croissance flux données mobiles

L’exponentiel, c’est démodé, vive le double exponentiel. Dans le monde du calcul quantique, le responsable des travaux quantiques chez Google, Hartmut Neven, a proposé une nouvelle loi qui porte son nom et qui prévoit que la puissance des ordinateurs quantiques va suivre une loi “double exponentielle”. Le tableau ci-dessous compare une croissance exponentielle et double exponentielle. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Sur une puissance de 5 :

● Exponentielle = 32.

● Double exponentielle = 4 milliards ( 4 294 967 296 pour être plus précis).

Double exponentielle

Il serait fastidieux d’afficher d’autres courbes exponentielles dans d’autres domaines.

Le message est clair : nous sommes vraiment entrés dans une période de croissance exponentielle des innovations et rien ne permet de dire qu’elle va s’arrêter, au contraire, comme le montre l’arrivée de croissances double exponentielles.

 

Le monde peut-il s’adapter à cette croissance exponentielle ?

Avant de continuer la lecture de ce billet, prenez quelques minutes pour répondre aux sept questions sur votre perception de l’avenir du monde que vous trouverez sur le site Gapminder.

GapMinder Website quiz

Pour que ce test soit utile, soyez “honnête”, avec les réponses que vous feriez à un ami vous posant ces questions pendant des échanges sur l’état actuel du monde.

Vous serez probablement surpris de votre faible pourcentage de bonnes réponses et de voir dans quel sens vous vous êtes trompé.

Couverture livre FactfulnessCe site GapMinder est une autre source remarquable de données sur les évolutions du monde. Il est géré par la famille Rosling, Ola et Anna, enfants du fondateur Hans, décédé récemment.

Les Rosling ont écrit un livre exceptionnel, Factfulness, disponible en français et en anglais, qui vous fera un bien fou. Je vous laisse découvrir pourquoi.

Cela fait longtemps que je me pose des questions sur les liens entre les technologies numériques et le monde. J’ai pris le temps de lire de nombreux livres qui abordent ces thèmes. Ils ne sont pas tous intéressants ; je vais citer quelques-uns de ceux qui m’ont le plus aidé.

Dans “Thank You for being late”, Thomas Friedman est l’un des premiers à se poser la question de la capacité de l’humanité à s’adapter à la croissance exponentielle de la performance des technologies.

J’en ai extrait ce graphique. Il n’y a pas de date sur le point de croisement entre la courbe exponentielle de la technologie et la capacité d’adaptation de l’humanité, qui est beaucoup plus linéaire.

Thomas Friedman : thanks for being late

J’y ai rajouté quatre composants essentiels, car ils ont des vitesses d'adaptation très différentes.

Les particuliers. Depuis les années 2000, c'est au niveau des personnes que les capacités d’adaptation sont les plus rapides. On le constate tous les jours depuis une vingtaine d’années. Smartphones, réseaux sociaux, photos numériques… Ces innovations sont adoptées très vite, en particulier par les plus jeunes. TikTok, l’outil chinois de création et partage de courtes vidéos sur smartphones en est l’exemple le plus récent. Ce graphique montre que la croissance TikTok aux USA est plus rapide que celle des solutions de Facebook.

Tik tok growth compared to Facebook solutions

Les entreprises. Elles arrivent en deuxième position dans leur capacité à adopter les nouvelles technologies numériques. Il y a de très grands écarts de vitesses selon les entreprises, et l’un de mes métiers de base reste l’accélération de cette adaptation. Les solutions clouds publics et SaaS existent depuis plus de 15 ans. Elles restent encore interdites dans de trop nombreuses entreprises, avec des alibis bien connus tels que la sécurité et la confidentialité.

AdS DPC Digital Servives Act S 396764206Les lois. Là, cela devient grave ! Le retard entre la banalisation des usages numériques dans le grand public et les entreprises et les lois censées les réguler s'accroît tous les jours. Les jeunes leaders du numérique comme Google et Facebook ont pris des positions dominantes dans le monde entier et on parle beaucoup de les contrôler, de les réguler. Dans la pratique, les lois historiques sont inopérantes et les nouvelles lois sont à inventer. En Europe, en décembre 2020, deux séries de recommandations ont été annoncées : DSA, Digital Service Act et DMA, Digital Market Act. Leurs contenus, leurs dates de mise en opération ? Personne ne les connaît encore avec précision.

Les états. Que ce soit au niveau d’un état ou d’une association comme l’Union Européenne, les temps de réponse sont incompatibles avec la croissance exponentielle des performances. Ils sont presque tous en retard d’une, deux ou trois générations vis-à-vis des solutions numériques. La dimension mondiale native des solutions proposées par Google, Facebook, Amazon et autres Alibaba est en totale opposition avec les approches territoriales des États. Sera-t-il possible, un jour, de réconcilier les deux ? Rien n’est moins certain.

Comme l’a montré Thomas Friedman, ces décalages sont restés acceptables tant que l’humanité avait le sentiment qu’elle pouvait les dominer.

Que va-t'il se passer maintenant que la croissance exponentielle de l’innovation technologique dépasse la capacité des personnes, des entreprises, des lois et des états à s’adapter ?

La deuxième partie de cette analyse sera consacrée aux réactions possibles face à ces croissances exponentielles des innovations.