Le moment iPhone de l’intelligence artificielle - Première partie

XIPhone moment of IA NvidiaJ’ai emprunté le titre de ce billet à Jensen Huang, fondateur et CEO de NVIDIA. Il a utilisé plusieurs fois cette expression lors de sa conférence introductive pendant les journées GTC, GPU Technology Conference, organisées en mars 2023 par NVIDIA.

Cette intervention résume bien le tournant majeur que prend l’Intelligence Artificielle (IA) en ce moment, et j’aurai l’occasion de revenir sur les annonces faites pendant cette conférence.

L’irruption de ChatGPT à la fin de l’année 2022 a été un coup de tonnerre dans le monde de l’IA. Elle a propulsé ce domaine sur le devant de la scène comme jamais auparavant. C’est une excellente nouvelle.

 

L’essentiel sur l’Intelligence Artificielle

En 2017, il y a plus de cinq ans, j’avais écrit deux billets, ici et , pour présenter les potentiels de l’IA. Pour l’essentiel, ils restent d’actualité.

XLogo ChatGPTChatGPT a fait découvrir au monde entier une famille de l’IA que l’on nomme l’IA Générative (IAG).

L’IA Générative est une IA capable de générer, de créer des contenus nouveaux à partir de contenus existants, qui ont été utilisés pour son apprentissage. 

L’IAG permet aujourd’hui de créer des contenus dans de nombreux domaines, tels que les textes, les photos, les vidéos, les modèles 3D, les sons ou les programmes informatiques. Cette liste n’est pas limitative.

Devant la croissance exponentielle de l’offre de solutions IAG et de leur puissance, il est de plus en plus difficile d’anticiper les évolutions de cette industrie. C’est pourtant ce que je vais essayer de faire dans ce billet. 

C’est un exercice à haut risque, mais nous avons tous besoin d’une boussole qui nous permette d’anticiper ce qu’il sera possible de faire avec l’IAG dans les 12 à 24 mois qui viennent.

Je vais le faire en traitant successivement les thèmes suivants:

  • Les infrastructures Clouds Publics, fondations de l'IAG.
  • Les acteurs clés de l’industrie de l’IAG.
  • Une explosion de startups dans l’IAG.
  • Les grandes familles d’usages de l’IAG.
  • Les métiers les plus impactés par l’IAG.

Je m’adresse en priorité à des responsables qui souhaitent comprendre où nous en sommes en matière d’IAG et quels peuvent en être les impacts majeurs dans les prochaines années. Les professionnels de l’IA m’excuseront si je simplifie parfois un peu trop mes propos pour les rendre compréhensibles par le plus grand nombre.

 

Les infrastructures Clouds Publics, fondations de l'IAG

En 2021, dans une série de trois billets sur les dangers numériques qui menacent notre planète, j’ai parlé du Cloud, de l’IA et de l’informatique quantique.

XInnovations Cloud - IA Le Cloud Computing est né en 2006 avec l’arrivée d’AWS, bientôt suivi par GCP de Google et Azure de Microsoft. Cette technologie est maintenant mature et a cessé de faire partie des innovations numériques depuis 2020.

Basculer dans les clouds publics en 2023, ce n’est plus innover, c’est rattraper un retard catastrophique.

L’intelligence Artificielle et en particulier l’IAG ne peut pas se développer sans s’appuyer sur la puissance de calcul et les capacités de stockage des Clouds Publics.

Les premiers déploiements de l’IA dans les entreprises se sont multipliés à partir de 2020. En 2028, l’IA et l’IAG auront à leur tour abandonné leur statut de technologies innovantes et seront utilisés dans la majorité des entreprises performantes.

               L’IA sans le Cloud Public, cela n’existe pas!

XAI - Moteur cloud - énergie dataSi vous ratez le virage du Cloud Public, vous êtes condamné à rester en rade dans l’aventure de l’IA et de l’IAG.

Je reprends ici un graphique que j’avais déjà utilisé dans le billet de blog cité plus haut, en prenant l’analogie avec une voiture électrique:

  • Le Cloud Public, c’est le moteur de l’IA: il fournit puissance de calcul et capacité de stockage
  • Les données, c’est l’énergie dont a besoin l’IA pour fonctionner.

 

Les acteurs clés de l’industrie de l’IAG: un oligopole

XDon't build an AI companyCe tweet de Anshu Sharma, une personne que je ne connais pas, résume très bien la situation: “Ne construisez pas une entreprise d’IA.”

Comme pour les Clouds Publics, l’IA sera dominée par un oligopole d’acteurs qui sont aussi leaders dans les Clouds Publics, qui, comme on vient de le voir, sont les fondations numériques de l’IA.

Deux de ces leaders sont déjà clairement identifiés, Google et Microsoft.

XAchats AI par Google et MicrosoftDès 2014, Google-Alphabet avait compris les potentiels de l’IA en achetant pour seulement 500 M$ la société britannique DeepMind, créée en 2010 par l’un des cerveaux les plus brillants de cette industrie, Demis Hassabis.

Cinq ans plus tard, en 2019, Microsoft investit 1 B$ dans OpenAI, organisation à but non lucratif créée en 2015 par Elon Musk et Sam Altman. Elon Musk a depuis quitté l’association, transformée en entreprise. Sam Altman a abandonné son siège au Conseil d’Administration en mars 2023.

OpenAI utilise le Cloud Azure de Microsoft qui a investi 10 B$ supplémentaires dans OpenAI en 2023.

OpenAI est le créateur de deux des logiciels d’IAG dont on parle le plus en ce moment, ChatGPT, générateur de textes et Dall-E, générateur d’images.

Leader du Cloud Public, AWS propose déjà plusieurs outils d’IA, mais n’a pas encore d’offres fortes dans l’IAG. Ceci explique pourquoi AWS lance, en mars 2023, un appel à projets pour l’IAG.

Parmi les nouveaux poids lourds de l’IAG, il faut ajouter NVIDIA, le constructeur américain de cartes graphiques, dont la percée depuis quelques années dans le monde de l’IA est spectaculaire.

Toute personne qui s’intéresse sérieusement à l’IAG doit regarder cette vidéo de 80 minutes que je cite au début de ce billet et dont je redonne ici le lien:

 

NVIDIA y annonce de nouvelles offres, matérielles et logicielles, qui seront disponibles dans les Clouds Publics GCP et Azure, tels que le supercalculateur DGX Cloud dédié à l’IA.

XNVIDIA - Partnering with GCP  Azure  Oracle

Connaissez-vous d’autres entreprises dans le monde capables de proposer en 2023 des services d’IAG aussi performants que NVIDIA? Moi, non.

Pour terminer sur NVIDIA, je souhaite citer NVIDIA AI Foundation, une plateforme logicielle qui permet aux grandes entreprises de travailler sur leurs propres modèles, avec leurs données spécifiques. 

Les trois premiers outils disponibles sont:

  • NEMO, pour des LLM, Large Language Models comme ChatGPT.
  • PICASSO, pour les images, comme DALL-E.
  • BIONEMO, pour des modèles dans le domaine de la santé.

XNVIDIA AI Foundation for Text  Images and biology

Il n’est pas difficile de prévoir l’arrivée de nouveaux composants, pour de nouveaux domaines d’IAG, dans les mois qui viennent.

AWS, Azure, GCP, NVIDIA, ces quatre acteurs sont bien placés pour dominer les technologies d’IAG dans le monde occidental.

 

Quelle place pour la Chine, dans l’IAG

La grande inconnue, pour le moment, concerne la Chine.

XCompanies avec le + de brevets AIComme le montre ce graphique, parmi les entreprises qui ont déposé le plus grand nombre de brevets dans le monde de l’IA, il y a:

  • Trois américaines.
  • Trois chinoises.
  • Une Coréenne du Sud.

Est-ce que les entreprises chinoises seront capables de transformer ces brevets en produits?

Je pense que c’est difficile, aujourd’hui. La Chine n’a pas accès aux technologies lithographiques de pointe dont ASML, société européenne, est le seul acteur mondial.

L'embargo mis par les Etats-Unis et l’Europe sur l’exportation des machines ASML vers la Chine est un frein majeur à la création d’une industrie numérique de l’IAG en Chine.

Il est “peu probable” que le gouvernement américain laisse NVIDIA, société américaine, exporter ses nouveaux supercalculateurs DGX d’IAG vers la Chine.

XNVIDIA  ASML  TSMCCe n’est pas un hasard si NVIDIA collabore activement avec ASML et TSMC, le plus grand fondeur de composants au monde basé à Taiwan. NVIDIA a annoncé cuLitho, une plateforme qui accélère la création de masques lithographiques dans un rapport 40x, pour aller au-delà du nanomètre, dont l’industrie de l’IAG aura besoin.

Cette collaboration internationale autour de cuLitho est spectaculaire; elle s’appuie sur des compétences venant de trois continents différents:

  • NVIDIA, aux Etats-Unis.
  • ASML, en Europe.
  • TSMC, en Asie.

Voir l’Europe en position de force, dans un domaine clé du numérique, l’IAG, cela fait chaud au cœur. 

C’est quand même plus porteur d’espoir que ces minables combats d’arrière-garde dans des domaines où l’Europe est définitivement larguée comme celui des Clouds Publics ou des outils bureautiques universels. (J’aborderai l’impact de l’IAG sur les solutions bureautiques dans la deuxième partie de ce texte).

 

Une explosion de startups dans l’IAG

Vous souhaitez lancer une startup du numérique en 2023? Si l’IAG ne fait pas partie de votre argumentaire, vous aurez du mal à lever des fonds. C’est le message que j’entends de plus en plus souvent quand je parle aux investisseurs.

XGlobal investments in AI 2010 - 2021Ce graphique montre l’accroissement spectaculaire des investissements dans l’IA entre 2010 et 2021. Trois messages forts s’imposent:

  • Doublement des investissements entre 2020 et 2021.
  • Domination des Etats-Unis.
  • Faible part de la Chine, ce qui renforce ce que j’explique plus haut.

OpenAI, ChatGPT, DALL-E, Stable Diffusion… Si vous suivez l’industrie de l’IAG, ces noms vous sont probablement familiers. Dans le grand public, ChatGPT est la seule solution qui c’est imposée, et en quelques mois.

Inconnues de plus de 99% des personnes, des dizaines de startups se sont lancées dans le monde de l’IAG.

Sequoia est l’un des VC les plus importants. Dans cet article, il fait le point sur l’évolution du marché de l’IAG.

J’en ai extrait le graphique qui a l’avantage de mettre en lumière les nombreux domaines dans lesquels l’IAG se développe: texte, code, image, voix, vidéo, 3D, autres.

Sequoia Main families of generative AI tools

Dans sa partie basse, ce graphique donne le nom d’une vingtaine de solutions disponibles. Vous en connaissez combien?

Et ce n’est qu’un début! En mars 2023, CB Insights, une société qui fait un travail d’une extraordinaire qualité pour suivre le marché des startups dans tous les domaines, a publié sa “Market Map” de l’IAG avec… 250 sociétés!

XCB Insights 250 startups IAG

Oui, vous avez bien lu: 250, et CB Insights précise dans son document d’analyse qu’il ne prétend pas à l’exhaustivité.

Combien peuvent survivre? Combien seront encore là en 2025? Il faudra avoir les reins solides pour s’imposer dans ce marché à très haut potentiel et où la concurrence sera sans pitié.

XTypeface IAG startup Google + MicrosoftUne de ces entreprises qui me semble bien partie est Typeface qui a levé 65 M$ fin février 2023. L’une des raisons pour laquelle j’en parle, c’est qu’elle a réussi l’exploit d'avoir comme investisseurs Microsoft et… Google, les deux géants qui se livrent un combat féroce pour s’imposer sur le marché de l'IAG.

Nous avons connu le même phénomène dans les applications SaaS, construites sur les Clouds Publics. J’estime qu’il y a aujourd’hui plus de 60 000 éditeurs SaaS sur le marché mondial, dont 5 000 pour le seul secteur commercial et marketing.

Dans la deuxième partie de cette analyse, je reviendrai sur les solutions SaaS existantes. Elles sont déjà nombreuses à ajouter des fonctionnalités d’IAG à leurs produits.

Vous souhaitez utiliser un logiciel d’IAG en 2023? Vous devrez choisir entre des startups qui se proclament IAG natives et des solutions SaaS plus anciennes qui vous annoncent qu’elles ont ajouté les fonctionnalités IAG dont vous avez besoin. 

Bon courage pour vous y retrouver!

 

Synthèse sur les potentiels des technologies d’IAG

Dans cette première partie, j’ai mis l’accent sur l’offre technologique dans le domaine de l’IAG, depuis les grandes plateformes d’infrastructures jusqu’aux centaines de startups qui sont nées au cours de ces dernières années.

XNVIDIA - IA Models  1Mx more powerful in 10 yearsPour conclure cette première partie, je redonne la parole à Jensen Huang, le fondateur et CEO  de NVIDIA:

“ Je prévois que dans 10 ans les outils d’IAG seront un million de fois plus puissants que ceux d’aujourd’hui.”

Pour mettre cette prédiction en perspective, je cite les prédictions d’Andrew Moore, fondateur d’Intel, qui vient de nous quitter.

“Le nombre de transistors, donc la puissance des processeurs, doublera tous les 18 mois”.

Cette célébrissime loi de Moore correspond à une multiplication de la puissance par 100 sur 10 ans, ce qui nous paraissait déjà exceptionnel.

          La “Loi de Huang”, c’est la loi de Moore, mais 10 000 fois plus rapide!

Sommes-nous prêts à absorber cette nouvelle accélération?

Dans la deuxième partie de cette analyse, je réponds à deux questions encore plus importantes que celles relatives aux technologies:

  • L’IAG, pour quels usages dans les entreprises.
  • Quels impacts sur les entreprises et les emplois.

 


Quel terminal pour vos équipes terrain - Deuxième partie

 

AdS DPC FLW with gloves in street S 366931258Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté les principales familles de terminaux disponibles pour répondre aux attentes des équipes terrain.

Dans cette deuxième partie, j’aborde des sujets plus complexes, organisationnels et culturels:

  • Quels sont les modes d’acquisition possibles.
  • Comment prendre en compte la dimension Frugalité Numérique.
  • Quels outils pour gérer et sécuriser les terminaux des équipes terrain.

 

Modes d’acquisition et d’usages

Il existe différentes familles de terminaux pour répondre aux attentes des équipes terrain. Les entreprises ont aussi à leur disposition plusieurs options pour gérer l’acquisition et les usages de ces terminaux. 

Les quatre principales démarches sont:

  • Le mode kiosque.
  • Le terminal managé.
  • COPE : Corporate Owned, Personally Enabled.
  • BYOD : Bring Your Own Device.

Le mode Kiosque

Mode Kiosque SLe mode Kiosque est utilisé quand un terminal est dédié aux seuls usages professionnels. Ne sont installées sur le terminal que la ou les applications nécessaires pour l’activité des collaborateurs. Ceci permet d’avoir un écran simplifié au maximum pour favoriser l’efficacité des usages.

C’est une bonne approche pour des activités très structurées, comme la lecture de codes barres dans un entrepôt ou la livraison de colis.

Dans le mode Kiosque, l’entreprise fournit et gère le terminal mis à disposition du collaborateur terrain.

Terminal managé

Cette démarche est une version plus souple et étendue du mode Kiosque. Même si le terminal n’est utilisé que pour des activités professionnelles, le collaborateur terrain accède à plus d’applications. Il peut s’agir d’applications privées d’entreprises, par exemple pour la collaboration, et d’applications publiques externes comme WhatsApp. L’entreprise peut décider d’interdire certaines applications ou certaines fonctionnalités du terminal. On peut par exemple bloquer l’usage d’une carte SIM si le terminal est utilisé uniquement dans un espace clos comme une usine ou un entrepôt quand le WiFi est disponible partout.

Comme dans le mode Kiosque, c’est l’entreprise qui fournit et gère le terminal mis à disposition du collaborateur terrain.

Démarche COPE: Corporate Owned, Personally Enabled.

On rentre maintenant dans une démarche où le même terminal est utilisé pour des usages professionnels et personnels.

Le terminal est fourni et géré par l’entreprise, mais il est aussi utilisable par le collaborateur pour ses usages personnels, y compris en dehors des lieux professionnels et pendant le week-end ou les vacances.

La démarche COPE peut être utilisée par des entreprises de toute taille.

Deux cas d’usages emblématiques de cette démarche COPE sont ceux de la Poste en France et de Walmart aux Etats-Unis.

FacteoLe projet Facteo de la Poste a été lancé en 2011. Plus de 70 000 postiers sont équipés du terminal “Facteo”, un smartphone Android standard du marché, correspondant à la catégorie “Terminaux grand public durcis” présentée dans la première partie de cette analyse.

On trouve sur Facteo:

  • Des applications professionnelles à l’usage des facteurs: demandes de congés…
  • Des applications professionnelles tournées vers les clients.
  • Des applications personnelles, clairement séparées des usages professionnels.

Walmart employee image 740 000 & freePlus récemment, en 2021, le distributeur américain Walmart a décidé d’équiper ses “associates”, en clair tous les collaborateurs terrain, avec un smartphone en mode COPE et une “Super App”, [email protected], qui regroupe tous les usages possibles dans une seule application.

En 2021, ce sont plus de 740 000 collaborateurs qui ont été équipés d’un smartphone Samsung, qu’ils peuvent utiliser en remplacement de leur smartphone personnel s’ils le souhaitent.

Tous les coûts sont pris en charge par Walmart.

Démarche BYOD: Bring Your Own Device

Le BYOD est l’inverse de COPE: le terminal appartient au collaborateur, qui l’utilise aussi pour ses activités professionnelles.

L’entreprise participe au coût du terminal en remboursant tous les mois au collaborateur une somme liée au terminal et aux coûts réseau. La démarche du forfait mensuel, indépendant du prix du terminal, est celle qui est la plus fréquemment utilisée.

Couverture livre BYODDès 2011, j’avais abordé le thème du BYOD, qui semblait promis à un bel avenir.

En 2014, j’avais écrit la préface du premier livre publié en France sur le thème du BYOD.

Si la démarche BYOD est souvent utilisée dans les startups et les entreprises du numérique, elle est très peu répandue dans les entreprises moyennes et grandes et plus souvent en France que dans d’autres pays.

Il y a plusieurs freins à la diffusion d’une démarche BYOD:

  • Difficulté pour l’entreprise de gérer des terminaux qui ne lui appartiennent pas.
  • Réticence des équipes informatiques et en particulier des responsables de la sécurité à voir des terminaux non gérés accéder aux réseaux et applications de l’entreprise.
  • Complexité administrative et fiscale sur la manière de traiter le remboursement fait au collaborateur.

Les entreprises qui acceptent le principe d’un terminal unique pour les usages professionnels et personnels choisissent en priorité une démarche COPE plutôt que BYOD.

La gestion d’un parc de terminaux mobiles pour les équipes terrain pose des questions que l’on rencontre moins souvent avec les équipes bureaux car les modes d’usages sont très différents. L’immense majorité des terminaux mobiles des collaborateurs bureaux leurs sont affectés de manière permanente.

Les principales questions qui se posent:

  • Peut-on avoir un parc de terminaux mobiles banalisés, non liés à une personne? Réponse, oui. C’est souvent le cas pour les usages en mode Kiosque. Le secteur de la logistique où les chauffeurs-livreurs sont des personnes externes en est un bon exemple.
  • Est-il possible d’avoir des terminaux mobiles en libre-service ? Réponse, oui. Cette approche est par exemple utilisée quand le travail se fait en continu, avec des personnes différentes qui occupent un même poste de travail à différentes heures de la journée, dans l’industrie, le commerce ou la logistique.
  • Est-ce que les équipes terrain ont besoin d’une adresse email avant d’être équipées? Réponse, non. Un grand nombre de collaborateurs terrain n’utilisent pas le mail.
  • Simple SIM ou double SIM dans le cas d’un terminal COPE ou BYOD: il est possible de séparer sur un terminal mobile les usages professionnels et personnels même quand une seule carte SIM est utilisée. Le principal avantage d’une double SIM, c’est la capacité d’identifier sans ambiguïtés les coûts réseau professionnels et personnels. 

 

Dimension Frugalité Numérique

Pendant longtemps, la question de la frugalité ou sobriété numérique n’était pas posée dans les entreprises. Elle devient aujourd’hui une priorité, et personne ne va s’en plaindre.

C’est un sujet que j’ai souvent abordé; ce billet de blog est consacré à la frugalité numérique des terminaux.

Concernant les terminaux, toutes les études récentes et sérieuses sur les thèmes de la frugalité numérique sont d’accord sur deux points essentiels:

  • Les postes de travail sont la principale source d’impact sur la planète.
  • La construction du terminal a plus d’impacts que son usage.

Ce graphique, tiré d’une étude publiée par le CIGREF (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises) confirme que:

CIGREF -ADEME terminaux réseaux Data centers

  • Les terminaux représentent plus de 75% des impacts du numérique, beaucoup plus que les réseaux ou les centres de calcul.
  • La phase de fabrication peut représenter jusqu’à 80% des impacts du numérique.

Aujourd’hui, l’équipement avec un terminal des collaborateurs terrain ne peut plus se faire sans prendre en compte cette dimension frugalité numérique.

Ceci pose deux questions:

  • Durée d’utilisation des terminaux.
  • Nombre de terminaux par personne.

Durée d’utilisation des terminaux

On l’a vu dans la première partie, le smartphone est le terminal dominant pour les équipes terrain.

En Europe, la durée d’utilisation moyenne d’un smartphone est de trois années, comme le montre cette étude. Dans les entreprises, ils sont utilisés en priorité par les collaborateurs bureaux.

Smartphones numbers - Frugalité

Dans cette hypothèse de trois années pour un smartphone:

  • Les ¾ de ses impacts sur la planète sont liés à sa fabrication.
  • ¼ seulement des impacts est créé par les usages.

Comparé au monde du bureau, le monde du terrain est un bien meilleur élève! Les terminaux utilisés aujourd’hui, spécialisés ou professionnels durcis, ont une durée de vie utile au moins égale à 5 années.

Lorsqu'un smartphone est utilisé pendant 5 ans ou plus:

  • Sa fabrication ne représente plus que 50% des impacts sur la planète.
  • Son usage a le même impact que sa fabrication, 50%. Ce sont des chiffres que l’on retrouve pour les PC portables dont la durée d’usage moyenne est de cinq ans.

Chaque année d’usage gagnée est une excellente nouvelle pour la planète.

L’utilisation de plus en plus fréquente de terminaux grand public durcis ne devrait pas trop impacter cette durée d’usage. Ils peuvent eux aussi être utilisés sans difficulté pendant cinq ans ou plus.

La frugalité numérique, c’est une raison de plus pour ne pas utiliser de terminaux grand public d’entrée de gamme ; leur fiabilité n’est pas suffisante pour un usage professionnel de cinq années ou plus.

Nombre de terminaux par personne

Deux smartphones par personne, c’est une très mauvaise idée!

Même si la durée de vie est portée à 5 ans, deux smartphones utilisés par la même personne représentent un impact sur la planète de 150, comparé aux 100 dans le cas de l’usage d’un seul smartphone:

  • 50% pour la fabrication de chaque smartphone = 100% pour deux.
  • 50% pour son utilisation. 

C’est 50% de plus!

Tous les collaborateurs terrain sont aujourd’hui équipés d’un smartphone personnel.

Comment éviter le doublement du parc de smartphones lors de l’équipement des collaborateurs terrain?

La démarche la plus logique serait de basculer en BYOD. Le collaborateur garde son smartphone personnel et l’utilise aussi pour ses usages professionnels. Comme on l’a vu plus haut, la démarche BYOD est difficile à mettre en œuvre, en particulier dans les grandes entreprises.

La deuxième approche raisonnable est de proposer un smartphone COPE aux collaborateurs terrain. Il faut en même temps les encourager à se séparer de leur smartphone personnel existant. Pour le faire, il y a plusieurs pistes:

  • Leur demander de le transmettre autour d’eux à une personne qui n’est pas encore équipée.
  • Le vendre sur une des nombreuses plateformes qui proposent des smartphones de seconde main.
  • Au minimum, s’il est en fin de vie, le rapporter à un organisme qui le détruira, mais en récupérant tous les composants encore utiles, et en particulier les métaux rares.

Cette démarche COPE ne peut pas être utilisée quand on déploie des terminaux spécialisés type ATEX ou terminaux durcis professionnels. Elle prend tout son sens chaque fois qu’un téléphone grand public durci peut être choisi.

Fairphone 4Bonne nouvelle: le smartphone européen Fairphone 4 fait partie des modèles qui sont “Android Enterprise Recommended”. Les smartphones Fairphone ont été les premiers au monde à être conçus dès l’origine pour être facilement réparables et évolutifs.

Les entreprises qui ont communiqué auprès de leurs collaborateurs, bureaux et terrain, pour expliquer les impacts des terminaux sur la planète ont toutes été entendues et comprises par ces collaborateurs. Ceci facilite beaucoup l’acceptabilité d’une démarche COPE. Il faut simplement que ces collaborateurs soient rassurés sur l'étanchéité absolue entre les deux espaces professionnels et personnels.

C’est le sujet du prochain paragraphe.

 

Gérer et sécuriser les terminaux

EMM (Enterprise Mobility Management), anciennement MDM (Mobile Device Management), des solutions pour la gestion d’un parc de terminaux existent depuis des dizaines d’années.

EMM leaders Multi OSLes leaders historiques de ce marché, que l’on retrouve sur ce quadrant magique du Gartner, sont Microsoft, IBM, Ivanti…

On peut regrouper les fonctionnalités des outils EMM en quelques grandes familles:

  • Gestion du terminal:
    • Déploiement sur le terrain.
    • Maintenance à distance.
    • Bloquer de manière définitive un terminal perdu ou volé.
    • Permettre ou non l’usage des caméras.
    • Réseaux autorisés: 4G ou 5G, WiFi, Bluetooth…
    • Géolocalisation.
    • Geofencing: limiter la zone géographique où il peut être utilisé.
  • Management des applications:
    • Choix et contrôle des applications autorisées.
    • Déploiement automatique des applications autorisées et leurs mises à jour.
  • Gestion des données:
    • Transfert automatique vers des fichiers centraux.
    • Horodatage des données.
    • Effacement à distance.
    • Utilisation d’outils de chiffrement.
  • Gestion des utilisateurs:
    • Inscription, suppression, modifications.
    • Identification: email, numéro de téléphone…
  • Tableaux de bord pour suivre les indicateurs essentiels.

Quand les démarches COPE ou BYOD sont mises en œuvre, une autre fonction des EMM devient essentielle: garantir l’étanchéité absolue entre les deux espaces, personnel et professionnel.

COPE WOrk profile personal profile

Sur ce schéma, on visualise le même terminal en mode COPE, dans trois situations différentes:

  • 1 : Le container personnel avec les applications choisies par le collaborateur.
  • 2 : Le container professionnel avec les applications de l’entreprise.
  • 3 : Le container professionnel mis en veille pour le WE.

Le collaborateur terrain doit être convaincu que l’entreprise ne pourra pas “espionner” ses usages personnels. Les EMM le font très bien, mais… Il reste un problème de confiance, particulièrement aigu en France.

L’entreprise devra réaliser un gros travail pour:

  • Rassurer les collaborateurs.
  • Convaincre les organismes sociaux et les syndicats.
  • Garantir le droit à la déconnexion professionnelle, pour les personnes qui le souhaitent.

Combien de logiciels de gestion de parc de terminaux?

C’est une question qui est souvent posée: faut-il un seul outil EMM pour gérer toutes les familles de terminaux, tous les OS, des équipes bureaux et terrain, ou est-il plus efficace et plus économique de déployer plusieurs EMM adaptés à chaque famille?

Tous les grands leaders cités par le Gartner sont “multi OS”: Windows, macOS, Linux, Android et iOS.

Ceci n’a pas entravé le succès d’EMM spécialisés: un bon exemple est JAMF, spécialisé dans tous les terminaux proposés par Apple.

La question se repose, avec la prévision de croissance massive du nombre de terminaux pour les équipes terrain.

Les collaborateurs dans les bureaux utilisent des terminaux très différents:

  • PC Windows.
  • PC Apple.
  • Chromebooks.
  • Smartphones iOS ou Android.
  • Tablettes Windows, iOS ou Android.

Ils sont souvent équipés de deux, voire trois terminaux différents.

A l’inverse, les collaborateurs terrain sont équipés d’un seul terminal:

  • Smartphones ou tablettes Android dans plus de 80% des cas.
  • Smartphones ou tablettes iOS dans environ 15% des cas.

EMM - Best of Breed vs IntegratedLes informaticiens ont toujours eu une forte préférence pour l’unicité des solutions, le Master PC, les ERP intégrés…démarches qui sont censées leur faciliter la vie.

Le débat permanent, intégré versus “Best of Breed”, se pose aussi pour les EMM.

Dans le domaine des EMM pour les équipes terrain, qui est le sujet de ce billet,  j’encourage les entreprises à peser le pour et le contre d’un EMM dédié aux terminaux des équipes terrain. Quand il s’agit de parcs importants, les solutions spécialisées sont plus efficaces et surtout… beaucoup plus économiques.

 

Exemple d’un EMM terrain “best of breed”, WizyEMM

(Rappel: WizyEMM est une solution SaaS construite par Wizy.io, entreprise dont je suis l’un des cofondateurs.)

WizyEMM a été développé au départ pour répondre aux attentes de Chronopost et du groupe DPD, un grand transporteur européen. Ils cherchaient un EMM performant et économique lors du renouvellement de leur parc de terminaux pour les équipes terrain, qui basculait de Microsoft CE vers Android. WizyEMM est aujourd’hui déployé chez ce transporteur sur des dizaines de milliers de terminaux Android, dans plusieurs pays européens.

WizyEMM est parti d’une feuille blanche, au moment où Google avait décidé de reprendre la main sur le marché des terminaux Android en fixant des règles communes à minima, pour tous les EMM.

WizyEMM est donc un des premiers EMM de nouvelle génération, ce qui lui procure des avantages importants:

  • Nativement Cloud SaaS, multi tenant, sur GCP, le Cloud Public de Google.
  • Conforme aux recommandations les plus récentes d’Android.
  • Utilise l’agent natif de Google (AMAPI), ce qui permet d’être compatible, par défaut, avec tous les équipements recommandés par Android Entreprise.
  • S’adapte à des parcs de terminaux très variés, de constructeurs différents.
  • Permet de pousser automatiquement les mises à jour. Lorsqu’Android annonce une nouvelle version, elle est immédiatement déployable dans les parcs installés gérés par WizyEMM.
  • Tableau de bord WizyEMM exempleFacilite les mises à jour à distance de tous les logiciels d’un terminal, ce qui évite le retour physique des terminaux dans les bureaux centraux.
  • Capacité pour les clients d’exporter toutes les données d’utilisations des terminaux dans l’entrepôt de données BigQuery de Google et de créer des tableaux de bord sur mesure. Cette capture d'écran illustre cette possibilité. Les données ont été floutées car ce tableau correspond à un cas réel d'un client de WizyEMM.

Flexibilité dans les modes de facturation

L’autre domaine important dans lequel WizyEMM a innové est celui des modes de facturation disponibles, très flexibles:

  • Mensuel ou annuel, la démarche classique de tous les EMM du marché.
  • Pay as you Go: sans engagement préalable, au fur et à mesure que les terminaux sont mis en fonctionnement.
  • Lifetime : pour toute la durée de vie du terminal. Ceci permet de passer dans un mode de financement en CAPEX, pour les entreprises qui souhaitent réduire leurs dépenses en OPEX. Cette option intéresse beaucoup les directions financières.
  • Possibilité, pour les grands clients, de créer une instance Cloud dédiée, option choisie par le Groupe DPD dont fait partie Chronopost.

 

Résumé

L’équipement des équipes terrain d’un terminal mobile est un préalable à tout déploiement d’applications numériques adaptées à leurs attentes.

La bonne nouvelle: les options sont nombreuses et opérationnelles:

  • Familles de terminaux.
  • Modes d’acquisition et d’usages.
  • Solutions pour gérer et sécuriser les terminaux.
  • Possibilités de concilier efficacité et protection de la planète.

AdS DPC WIn WIn  Cube S 76918148Tout ceci ne doit pas vous faire oublier l’essentiel: s’ils ne le sont pas encore, l'équipement de tous vos collaborateurs terrain avec un terminal numérique doit faire partie de vos priorités.

Pour eux, pour votre entreprise, pour votre efficacité et votre rentabilité, c’est l’un des meilleurs investissements que vous pourrez faire, dès cette année.


Quel terminal pour vos équipes terrain - Première partie

 XAdS DPC FLW take picture SS 397080572Depuis plusieurs années, je milite pour que les équipes terrain, les FLW, Front Line Workers en anglais, ne soient plus les oubliés de la Transformation Numérique des entreprises, privées ou publiques.

Pour cela, ils ont besoin d’applications spécifiques; les usages traditionnels des équipes bureaux ne répondent pas à leurs attentes et à leurs contraintes spécifiques. J’en ai longuement parlé dans ce billet de blog.

Des logiciels, des applications adaptées à leurs attentes, c’est bien, oui, mais pour y accéder il faut d’abord que les collaborateurs terrain soient équipés d’un terminal, d’un objet d’accès.

Dans ce billet je vous propose une analyse des principales options disponibles pour équiper vos collaborateurs terrain.

C'est un sujet très opérationnel, pragmatique, qui concerne des millions de personnes en France et des milliards dans le monde.

 

Quels objets numériques entre les mains des équipes terrain

En anglais, un autre nom des équipes terrain est “deskless”, les personnes sans bureaux. Ces personnes sont sur des chantiers, dans des champs, dans des camions ou camionnettes, dans les allées des supermarchés ou dans les chambres des malades dans les hôpitaux.

Ils ont besoin d’outils numériques mobiles, légers et robustes.

Quels sont les terminaux les plus utilisés par les équipes terrain? 

XPC Smartphone Tablet for FLWMes estimations sont les suivantes:

  • Les smartphones en priorité, dans plus de 80% des cas.
  • Des tablettes, pour environ 15% des personnes.
  • Une minorité, de l’ordre de 5%, dispose d'un ordinateur portable, alors que ces ordinateurs portables sont utilisés par l’immense majorité des collaborateurs dans les bureaux.

Il existe, hélas, une quatrième famille de terminaux mis à la disposition de la majorité des équipes terrain : elle a pour nom… RIEN !

Et oui, il y a encore des entreprises qui osent laisser leurs collaborateurs terrain sans aucun outil numérique, ce qui est proprement scandaleux.

Promenez-vous dans les allées de vos supermarchés, regardez les travailleurs qui réparent vos routes ou installent des panneaux solaires sur vos toits : beaucoup d’entre eux ne sont pas équipés d’un smartphone ou d’une tablette professionnelle. Par contre, pendant les pauses, ils sortent tous leurs… smartphones personnels.

 

Principales familles de terminaux pour les équipes terrain

L’offre de terminaux pour les équipes terrain est très large. Elle peut être classée en quatre familles principales:

  • Terminaux très spécialisés.
  • Terminaux durcis professionnels.
  • Terminaux grand public durcis.
  • Terminaux grand public universels.

 

Terminaux très spécialisés, tels que pour les activités en zones ATEX

Dans certains métiers, des contraintes de sécurité obligent les entreprises à utiliser des terminaux très spécialisés. L’exemple le plus connu est celui des environnements industriels ATEX, où les risques d’explosion sont forts. Cet article de Wikipédia présente en détail les différentes catégories de zones ATEX à protéger.

Pour être utilisé en zones ATEX, un terminal doit répondre à des contraintes très fortes de sécurité pour éviter le moindre risque d’étincelle qui pourrait provoquer une explosion.

XSmartphone ATEX ECOMCes terminaux ATEX sont, et c’est logique:

  • Plus lourds et encombrants.
  • Souvent équipés d’une version ancienne d’Android.
  • Chers: les prix démarrent à 1 500 € et peuvent atteindre 5 000 €.
  • Construits pour avoir des durées de vie longues, supérieures à 5 ans.
  • Absolument pas adaptés à des usages grand public.

Les collaborateurs qui doivent travailler en zones ATEX peuvent être:

  • Très souvent en zone ATEX: ils seront équipés d’un terminal ATEX de manière permanente.
  • Amenés à y entrer de manière occasionnelle. Dans ce cas, il est plus efficace et économique d’avoir quelques terminaux ATEX en libre-service. Avant de rentrer en zone ATEX, le collaborateur laisse son terminal classique et prend un ATEX.

En pratique, les entreprises qui ont besoin de terminaux ATEX ont déjà équipé les collaborateurs terrain de ces terminaux.

 

Terminaux durcis professionnels

Cette famille de terminaux est ancienne, antérieure aux smartphones. L’expression “PDA” est souvent utilisée pour parler des anciens modèles. Historiquement, ils fonctionnaient sous Windows CE, que Microsoft a décidé d’arrêter.
Aujourd’hui, la majorité des offres est constituée de smartphones Android. 

Le marché est dominé par des fournisseurs spécialisés, qui ont pour nom Zebra, Honeywell, Datalogic, Bluebird, Crosscall...

Professional durcis Three Devices

Ils sont utilisés en priorité dans des activités liées aux entrepôts, au transport et à la logistique ou au secteur de la distribution. C’est le plus souvent pour des usages très professionnels, très spécialisés pour lesquels la rapidité d’usage et la fiabilité sont des facteurs majeurs de choix.

Les caractéristiques communes de tous ces terminaux durcis spécialisés:

  • Utilisation de batteries interchangeables, pour permettre aux équipes terrain de disposer de plusieurs batteries si nécessaire et pour en améliorer la durée de vie.
  • Bonne résistance à l’eau et aux poussières: IP68 le plus souvent.
  • Protection contre les chocs et les chutes.
  • Construits pour durer 5 ans ou plus.
  • Services, maintenance, pièces de rechange disponibles pendant longtemps, 7 ans ou plus.

XAccessoires terminaux durcisUn grand nombre d’équipements annexes sont disponibles pour s’adapter à la variété des conditions d’utilisation : lecteurs de codes barres, poignée, support pour le bras…

Pendant longtemps, les prix de vente de ces terminaux durcis spécialisés étaient élevés, dans la fourchette de 1 000 € à 2 500 €.

Ce sont aussi des terminaux qui n’ont pas vocation à être utilisés à titre personnel. Les fonctionnalités qu’ils privilégient ne sont pas celles que demandent les personnes pour leurs smartphones personnels.

Zebra - TC26 - With WizyEMMPour contrer l’arrivée des terminaux grand public (voir plus loin), ces fabricants spécialisés proposent aussi des terminaux professionnels durcis d’entrée de gamme, à des prix inférieurs, compris entre 500 € et 1000 €.

On peut citer comme exemples le TC26 de Zebra ou le EDA 51 de Honeywell.

Ces terminaux répondent bien aux attentes des entreprises dès que les activités se déroulent dans des environnements moins contraignants en matière de fiabilité. 

 

Terminaux grand public durcis

Cette génération de terminaux d’origine grand public, avec quelques fonctionnalités additionnelles pour les rendre aptes à des usages dans les entreprises est récente.

XSamsung XCover proIls proposent:

  • Des protections contre l’eau de niveau IP67 ou 68.
  • Une meilleure résistance aux chocs.
  • Des durées de garantie minimales de 3 ans ou plus.
  • Des prix de vente inférieurs à 600 €.

Samsung est le leader actuel de ce marché avec ses modèles XCover pro 5 et 6.

Pour des équipes terrain qui travaillent dans des environnements moins contraignants, par exemple à l’intérieur d’un supermarché, l’option d’un terminal grand public durci est souvent une bonne réponse.

Ce sont aussi des terminaux que l’on peut utiliser à titre personnel, car ils sont construits à partir de terminaux grand public que l’on a “durci”.

J’y reviens dans la deuxième partie de cette analyse où j’aborde le thème des modes d’acquisition et d’usages.

 

Terminaux grand public entrée de gamme

Il peut être tentant, pour les entreprises qui souhaitent équiper à moindre coût leurs équipes terrain de rechercher les terminaux  Android grand public d’entrée de gamme, que l’on trouve à des prix inférieurs à 250 €.

Je déconseille totalement cette option: ces terminaux ne sont pas adaptés à des usages professionnels : durée de vie faible, sensibilité aux chocs et à l’eau, plus difficile à gérer de manière industrielle…

Je vous propose une règle simple: choisir uniquement des terminaux qui sont sur le site “Android Enterprise recommended”. Ce sont tous les terminaux que l’on peut gérer de manière professionnelle.

 

Comment choisir les terminaux adaptés aux attentes des équipes terrain

Dans les entreprises grandes et moyennes, il est peu probable qu’une seule famille de terminaux réponde à toutes les attentes des collaborateurs terrain, même si la tentation est forte d’uniformiser les parcs.

La démarche la plus efficace est d’accepter le principe d’une variété raisonnable du parc de terminaux.

XCritères choix terminaux équipes terrain

  • Ne pas investir dans des terminaux grand public d’entrée de gamme.
  • Priorité aux terminaux grand public durcis pour tous les collaborateurs pour lesquels cette solution est adaptée. Principaux avantages:
    • Les coûts les plus bas possibles.
    • Des terminaux proches de ceux qu’utilisent les collaborateurs pour leurs usages personnels.
    • La possibilité d’avoir un terminal à usages mixtes, professionnels et grand public, sujet qui sera abordé dans la deuxième partie de cette analyse.
  • Pour les seuls collaborateurs terrain pour lesquels les terminaux grand public durcis ne sont pas suffisants, utilisation de terminaux durcis professionnels. Le choix de cette famille a deux conséquences:
    • Des budgets d’achat en hausse.
    • L’impossibilité d’utiliser le même terminal pour des usages professionnels et personnels.
  • Par exception, et uniquement quand c’est indispensable, achat de terminaux très spécialisés, tels que les ATEX.

Dans cette première partie, j’ai répondu à la question la plus simple: quelles sont les options matérielles disponibles pour équiper les collaborateurs terrain.

Dans la deuxième partie, je vais aborder des sujets plus complexes, car moins techniques et plus organisationnels et culturels:

  • Quels sont les modes d’acquisition possibles.
  • Comment prendre en compte la dimension Frugalité Numérique.
  • Quels outils pour gérer et sécuriser ces terminaux pour les équipes terrain.

 


Chip War : la guerre des composants électroniques - Deuxième partie. Dimensions géopolitiques

 

XAdS DPC Geopolitics flags US China ...S 35720911Dans la première partie de cette analyse, j’ai présenté les dimensions techniques et industrielles de cette guerre des composants électroniques.

Cette deuxième partie se concentre sur les dimensions géopolitiques de cette guerre des composants.

 

Les forces en présence

Dans le domaine des composants électroniques, il y a cinq grandes zones géographiques importantes:

XChine Russie RTW Map

  • La Russie.
  • La Chine.
  • L’Europe.
  • Les Etats-Unis.
  • L’Asie du Sud-Est, hors Chine:
    • La Corée du Sud
    • Taiwan
    • Le Japon

Sur cette carte, j’ai clairement séparé la Chine et la Russie du reste du monde. Les raisons sont claires: 

  • La Russie, avec l’invasion de l’Ukraine, c’est mise en conflit ouvert avec l’Europe, les Etats-Unis et une grande partie des autres pays du monde.
  • Les spécialistes du domaine des composants électroniques, et bien sûr Chris Miller dont le livre CHIP WAR a servi de base à mon analyse, sont d’accord sur le fait que la Chine fera tout son possible pour essayer de retrouver une “souveraineté nationale” dans ce domaine.

 

Quelle place pour la Russie 

La réponse à cette question est claire: 

XRussia Failure ChipLa Russie n’a jamais été, n’est pas, ne sera jamais un acteur significatif de l’industrie des composants électroniques.

Comme l’explique Chris Miller, les difficultés ont commencé à l’époque de l’URSS, quand les Russes ont pensé qu’il suffisait d’envoyer des espions aux Etats-Unis et de copier les composants existants, à l’identique, pour rester dans la course.

Ils n’avaient pas compris que dans une industrie qui avançait aussi vite, c’était tout l'écosystème industriel qu’il fallait recréer.

Cette grande faiblesse de la Russie dans le domaine des composants est mise en lumière par la guerre avec l’Ukraine. L’embargo des livraisons à la Russie de composants électroniques par la majorité des fournisseurs mondiaux impacte fortement sa capacité militaire à fabriquer des armes modernes qui ont toutes besoin de nombreux composants électroniques pour être efficaces.

XList of 25 Chips Russian most neededCet article donne la liste des 25 composants les plus demandés par l’armée russe.

Cette pénurie est partiellement réduite par des canaux clandestins d’achat, à des prix très élevés, mais c’est insuffisant pour répondre à la demande.

De nombreuses analyses, comme celle de Bloomberg, montrent que les exportations vers la Russie d’équipements civils comme frigidaires ou machines à laver ont explosé ces derniers mois. La raison? Récupérer les composants électroniques qu’ils contiennent et… jeter ensuite les équipements!

Toutes les armées du monde dépendent aujourd’hui totalement de la disponibilité des composants électroniques les plus avancés pour construire les armements modernes.
C’est l’un des domaines clés de la “Souveraineté Numérique” d’un pays, comme le démontrent les grandes difficultés actuelles de l’armée russe.

 

Chine: un enjeu en interne, et pour le reste du monde

En Chine, il est important de bien séparer deux activités différentes:

  • L’assemblage de composants électroniques pour fabriquer des produits finis.
  • La production des composants électroniques

Chine, usine numérique du monde

XIPhone factory FoxconnLa Chine est un leader mondial de la fabrication, de l'assemblage des outils numériques tels que les ordinateurs ou les smartphones. Ces usines d’assemblage emploient des centaines de milliers de personnes. Ce sont des activités à faible valeur ajoutée, dont l’élément concurrentiel principal est la disponibilité et le faible coût de la main-d’œuvre.

Déplacer ces usines est possible à tout moment. C’est ce qui se passe en ce moment.

L’augmentation des coûts salariaux en Chine et les tensions internationales font que de nombreux donneurs d’ordre commencent à déplacer une partie de leurs fabrications dans d’autres pays comme l’Inde ou le Vietnam.

Un exemple: Apple prévoit de migrer 25% de sa production en Inde, pour moins dépendre de la Chine.

Remplacer la Chine comme “usine numérique” du monde prendra beaucoup de temps, mais c’est une hypothèse qui devient plausible.

Chine, producteur de composants électroniques

Dans ce domaine, il faut revenir à la segmentation du marché que j’ai présentée dans la première partie de cette analyse:

  • Les composants simples.
  • Les composants haut de gamme.

Dans les composants simples, ceux qui ne demandent pas des outils de lithographie avancés, la Chine est un fournisseur important. Le pays est capable de répondre à ses besoins internes et en même temps d’exporter.

En revanche, dans les composants haut de gamme, ceux pour lesquels des outils de lithographie fabriqués par ASML sont indispensables, la Chine est pour le moment absente du marché.

XLImits to ASML sales in ChinaLes tensions internationales entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe font que des embargos très stricts ont été mis en place sur les exportations de ces outils de lithographie vers la Chine. De nouvelles restrictions viennent d’être décidées, en particulier pour l’exportation des machines ASML d’occasion, les générations précédentes. 96% des machines ASML produites depuis la création de la société sont encore en exploitation.

En clair, même les machines capables de graver en 13 nm ou 10 nm, quand les dernières générations sont capables de le faire en 3 nm et 2 nm, sont interdites à la vente en Chine.

La Chine peut encore importer, sous réserves, certains composants électroniques haut de gamme fabriqués à Taiwan et en Corée du Sud par TSMC ou Samsung.

Cette incapacité à fabriquer sur son territoire, avec ses usines, des composants haut de gamme est perçue par les dirigeants chinois comme une menace majeure pour leur pays

Fin janvier 2023, le Japon a rejoint les Pays-Bas et les Etats-Unis pour participer à l’embargo des exportations de ces machines vers la Chine.

La Chine est dans l’impossibilité de produire localement les composants dont son armée a besoin pour fabriquer les armes les plus modernes, compétitives avec celles des Etats-Unis et de l’Europe.

Pour le moment, rien ne permet de penser que la Chine sera capable, dans les 10 ans qui viennent, de rattraper ce retard technologique essentiel.

Est-ce que l’annexion de Taiwan permettrait de résoudre ce problème? 

Ma réponse est non. Je suis certain que Taiwan et TSMC ont envisagé cette hypothèse et pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que les machines ASML tombent entre les mains de la Chine continentale. De plus, ces machines sont inutilisables sans la présence sur place, à temps plein, de dizaines ou centaines de salariés d’ASML, les seuls à en maîtriser le fonctionnement.

Il y a très peu de domaines où la “souveraineté numérique” de la Chine n’est pas garantie. L’impossibilité de disposer d’usines capables de fabriquer localement les générations les plus avancées de composants électroniques est aujourd’hui la plus pénalisante pour des dirigeants du pays.

 

Quelle place pour l’Europe

Les trois zones géographiques restantes ont toutes une présence dans l’industrie des composants électroniques.

XMap USA Europe Asie

Cette carte illustre le poids respectif des trois zones:

  • L’Europe, la plus petite.
  • Les Etats-Unis, qui ont perdu leur position dominante.
  • Les trois leaders en Asie: Taiwan, Corée du Sud et Japon.

Faut-il le rappeler? La France, seule, ne peut pas espérer devenir un acteur majeur de cette industrie, même si elle dispose déjà d’entreprises de qualité comme SOITEC.

Comme je l’ai expliqué dans la première partie, l’Europe occupe une place essentielle dans cette industrie, avec le monopole d’ASML dans les outils de lithographie permettant de graver en moins de 10 nm.

L’Europe dispose sur son sol de quelques capacités de production dans les composants d’entrée de gamme. En 2023, il n’y a pas en Europe d’usines capables de fabriquer les composants électroniques haut de gamme.

La fabrication de composants haut de gamme, c’est une industrie lourde, gourmande en capitaux et qui demande des compétences impossibles à acquérir rapidement.

XEuropean & USA chip actsLa bonne nouvelle, c’est que les dirigeants européens, comme leurs équivalents américains, ont pris conscience de l’importance de ce sujet. Des “Chip Acts” ont été annoncés avec la volonté d’investir chacun 50 milliards pour favoriser l’implantation sur leurs sols d’usines de composants haut de gamme.

Pour le faire, l’Europe négocie avec les deux grandes entreprises ayant des compétences dans ce domaine, Samsung et TSMC. C’est une démarche pragmatique que j’applaudis. En 2023, l'Europe n’a ni le temps, ni les moyens, ni les compétences pour développer des entreprises qui maîtrisent la fabrication de ces composants haut de gamme.

Les négociations sont très avancées avec TSMC qui devrait annoncer sa décision de construire une usine en Allemagne dans les semaines qui viennent. 

Mais… cette première installation se ferait sur des solutions “moyenne gamme”, avec des processeurs construits dans la gamme des 20 nm, et pas dans les plus avancées qui sont aujourd’hui entre 2 et 5 nm.

Est-ce que l’Europe disposera sur son sol, avant la fin de l’année 2030, d’usines capables de produire les composants électroniques de dernière génération? 

J’aimerais pouvoir répondre oui à cette question…

 

L’industrie des composants aux Etats-Unis

C’est aux Etats-Unis que tout a commencé, dans les années 1950, avec des entreprises comme Intel ou Texas Instruments.

La position dominante des Etats-Unis c’est progressivement réduite, avec l’arrivée du Japon puis des autres pays asiatiques.

Où en est-on, en 2023?

Ces deux graphiques donnent une image très différente de la situation, selon que l’on analyse la conception des composants ou leur fabrication.

XSIA Chip Design market share

Sur ce premier graphique, tiré d’une étude publiée fin 2022 par SIA, Semiconductor Industry Association, on constate que les Etats-Unis:

  • Avaient encore la majorité du marché, 51%, en 2015.
  • Que cette part de marché baisse depuis;  elle pourrait descendre à 36% en 2030.

Malgré cette baisse, les Etats-Unis resteront leaders pendant toute la décennie 2020.

La situation est très différente quand on parle de fabrication.

Ce deuxième graphique est tiré d’études faites par Deloitte.

XSemiconductor production capacity US

De 12% en 2023, la part de marché des Etats-Unis passera à environ 10% en 2025.

C’est pour lutter contre cette marginalisation que le Président Biden a signé le Chip & Science Act en août 2022.

Avec les subventions proposées par les Etats-Unis, TSMC a annoncé un investissement en Arizona de 40 B$ pour deux unités de fabrication.

La grande différence avec l’accord annoncé en Europe? Ce seront des usines qui produiront les générations les plus avancées de composants, gravés en 3 nm et 2 nm.

TSMC avait expliqué que fabriquer aux Etats-Unis augmentait le coût de 50% par rapport à Taïwan, ce qui peut expliquer les subventions américaines…

 

Les pays asiatiques, hors Chine

Ce graphique, tiré du livre de Chris Miller, résume bien la situation.

XChip War Map East asia produces

Ces pays fabriquent:

  • 90% des composants mémoires.
  • 75% des processeurs.
  • 80% des plaquettes de silicium.

L’usine mondiale des composants électroniques est en Asie.

Trois pays ont dominé ou dominent cette industrie, le Japon, Taiwan et la République de Corée.

Le Japon

Sur le graphique de l’étude Deloitte, présentée dans le paragraphe Etats-Unis, le Japon faisait partie des trois seuls pays producteurs de composants en 1990.

Même si sa part de marché a baissé depuis, il reste celui des trois qui a le mieux résisté et le Japon fabrique en 2020 plus que les Etats-Unis ou l’Europe.

Le Japon est resté important dans le marché des composants d’entrée de gamme, mais a totalement raté celui des composants haut de gamme, gravés en moins de 10 nm.

Sa réaction? Comme l’Europe et les Etats-Unis, le Japon a lancé son… Chip Act!

Et, oh surprise, qui va construire une usine au Japon? Vous l’avez deviné, c’est TSMC, comme aux Etats-Unis et en Europe.

La République de Corée

Dans la République de Corée, l’entreprise qui domine le marché pour la fabrication des composants électroniques est Samsung, le numéro deux mondial du secteur.

La Corée est présente dans les deux marchés:

  • Composants d’entrée de gamme: 44% des mémoires électroniques sont fabriquées en Corée.
  • Composants haut de gamme: Samsung dispose aussi des matériels ASML capables de graver en moins de 10 nm.

Et un… Chip Act de plus! Malgré la forte position du pays, le gouvernement de la République de Corée a aussi annoncé un plan d’aide au secteur des composants électroniques.

XSamsung 17 B$ Factory TexasComme TSMC, Samsung a choisi d’investir massivement à l’étranger, et en priorité aux Etats-Unis.

La nouvelle usine au Texas représente un investissement de 17 B$; elle sera opérationnelle en 2024

Et ce n’est qu’un début! Samsung envisage d’investir… 200 B$ dans onze autres usines aux Etats-Unis. Rien de définitif pour le moment, mais 5 B$ d’incitations fiscales sont prévues par l’Etat du Texas pour accélérer la décision.

Les projets d’investissements de Samsung en Europe existent, mais ils ne sont pas encore concrétisés.

Taiwan

Le T de TSMC, leader mondial de la fabrication de composants électroniques haut de gamme, c’est pour Taiwan!

Dans le graphique tiré du livre de Chris Miller présenté plus haut, on voit que Taiwan a un quasi-monopole sur la fabrication de ces composants haut de gamme, avec 90% du marché mondial

Taiwan et TSMC sont omniprésents dans ces deux billets sur les composants électroniques. En avril 2021, j’avais déjà consacré tout un billet à cette entreprise exceptionnelle.

S’il fallait une preuve de plus que cette industrie consomme beaucoup de capitaux, les investissements de TSMC pour la seule année 2022 ont atteint 36 B$.

En 2030, TSMC aura des usines de production dans tous les grands pays industrialisés qui comptent dans l’industrie des composants électroniques. Quelle belle réussite industrielle pour cette entreprise fondée en 1987 par Morris Chang. Chinois de naissance, il a fait l’essentiel de sa carrière aux Etats-Unis chez Texas Instruments (TI) avant de partir à Taiwan quand TI décida de le mettre sur la touche.

 

Composants électroniques: une géopolitique complexe

Il y a très peu d’industries qui aient un rôle aussi stratégique dans la géopolitique mondiale que celle des composants électroniques, et en particulier des composants haut de gamme.

Dans ces composants haut de gamme, les forces en présence sont visualisées par cette course de chevaux, que je vais analyser en commençant par ceux qui sont à la traîne.

XHorse races chip industry

  • La Russie n’est pas dans cette course, qu’elle a définitivement abandonnée.
  • La Chine essaie de recoller au peloton, mais les fortes sanctions prises à son égard par les Etats-Unis et l’Europe lui compliquent beaucoup la tâche. Est-ce que la Chine réussira à devenir un acteur majeur de cette industrie? C’est peu probable, au moins pendant les 10 ans qui viennent.
  • L’Europe, avec le monopole ASML, est un acteur clé. Les décisions prises d’accepter l’implantation sur son sol d’usines de fabrication construites par les leaders mondiaux TSMC et Samsung sont, de mon point de vue, intelligentes et pragmatiques.
  • Les Etats-Unis, qui étaient à l’origine de cette industrie, se sont fait distancer. Ils gardent encore un rôle essentiel dans la conception de ces composants haut de gamme, avec des entreprises telles qu’Apple. Comme l’Europe, ils ont pris la décision d’installer sur leur sol des usines TSMC et Samsung, pour rester aussi un acteur de la fabrication de ces composants.
  • La République de Corée et Taiwan font la course en tête et aucun autre pays ne semble, pour l’instant, capable de les rattraper. Ces deux pays et surtout Taiwan sont dans une zone géographique où de graves tensions peuvent naître, à l’initiative de la Chine. On comprend mieux pourquoi ils ont accepté de s’installer aux Etats-Unis et en Europe.

 

Synthèse: l’extrême fragilité de cet écosystème


Un monopôle, ASML et un duopole, TSMC et Samsung, contrôlent l’industrie des composants électroniques haut de gamme.

  • XGuerres se gagnent avec les pucesLa capacité des états à développer des armements de nouvelle génération en dépend. C’est un message que l’on retrouve dans cet article publié par le journal l’Opinion fin janvier 2023.
  • De nombreuses industries essentielles en dépendent: numérique et informatique, santé, automobile, aviation…

XAdS DPC résilience S 115798692Entre 2020 et 2022, le monde entier a vécu les prémices d’une crise économique importante, liée à la pénurie de composants électroniques.

Comment créer une résilience raisonnable dans le monde pour éviter qu’une crise majeure du secteur de la production de composants électroniques se traduise par une catastrophe économique qui toucherait tous les pays, et en priorité les pays industrialisés?

J’ose espérer que c’est une question que se posent les dirigeants politiques et économiques du monde entier.

Rappel: si ce sujet majeur vous passionne, n'oubliez pas de lire l’ouvrage de Chris Miller, CHIP WAR!

 


Le monde de l’éducation face à ChatGPT

 

XLogo MEN FranceLe secteur de l’éducation est très présent dans mon blog, en ce moment!

Il y a quelques jours, j’ai fortement critiqué dans ce billet une note du MEN, ministère de l’Education Nationale, sur les “bonnes pratiques” numériques.

J’avais aussi, en 2021, réagi à une recommandation de la DINUM, Direction Interministérielle du Numérique, mettant “hors la loi” Microsoft 365 dans le secteur public.

Cette initiative idiote de la DINUM avait hélas été reprise fin 2022 par le MEN, pour interdire Microsoft 365 et Google Workspace, décision que j’ai commentée sur LinkedIn.

 

L’éducation, une priorité pour tous les pays

Est-ce que je m’acharne contre les décisions du MEN par plaisir? Non, non et non!

Simplement je considère que c’est l’un des ministères les plus importants dans un gouvernement. L’avenir à long terme d’un pays en dépend.

XLouis Naugès TEDx CentraleSupélec 11:2022 1J’ai aussi, personnellement, des liens forts avec le monde de l’enseignement.

J'avais obtenu une bourse de la FNEGE, Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion des Entreprises. Cette bourse avait financé mon MBA à l’Université de Northwestern à Chicago.

En contrepartie, je m’étais engagé à enseigner pendant un minimum de 5 années à mon retour des Etats-Unis, ce que j’ai fait.

J’ai enseigné à l’INSEAD, à Sciences Po, à Supélec et dans beaucoup d’autres établissements.

J’ai été pendant plusieurs années enseignant à l’IAE de Paris, où j’ai participé à la création du DESS en Systèmes d’Information.

Je continue, mais de manière beaucoup moins intensive, à enseigner. Je participe entre autres depuis quelques années au Mastère Systèmes d’Information de GEM, Grenoble Ecole de Management.

Tout ceci explique pourquoi je suis de près ce que fait la France dans le domaine de l’éducation. Je ne suis pas pour autant un spécialiste de l’éducation et mes compétences sont limitées à deux domaines:

  • Les usages des technologies et outils numériques dans l’enseignement.
  • Les programmes d’enseignement dans les domaines du numérique.

Je vais dans ce billet parler du premier domaine, la technologie dans le monde de l’éducation, et en priorité de ChatGPT.

Cet outil d’intelligence artificielle est disponible depuis quelques semaines et son impact dans tous les domaines a été fulgurant.

De nombreuses questions se sont immédiatement posées sur les impacts de ChatGPT dans l’éducation.

Avant d’analyser cette nouvelle rupture technologique, je vous propose de revenir sur quelques exemples plus anciens “d’innovations technologiques” dans le monde de l’éducation.

 

Les combats perdus du monde de l’éducation contre les nouvelles technologies

Toute innovation importante fait l’objet de réticences à son adoption, et c’est logique.

Force est de reconnaître que le monde de l’éducation a souvent obtenu la médaille d’or de la plus grande résistance.

J’ai choisi quelques exemples qui illustrent bien cette capacité exceptionnelle de résistance.

La plume sergent major

XPlein et déliésLes plus anciens parmi vous, vos parents ou grands-parents ont connu à l’école primaire l’écriture avec la plume sergent major.

On la trempait dans un encrier et elle permettait aux enfants de faire de la “belle écriture”, avec les must de l’époque, les pleins et les déliés.

XBoîte Plumes sergent Major BICUn traumatisme majeur, pas “major”, secoue l'Éducation Nationale en 1953, l’arrivée du stylo à bille BIC! Il faudra attendre 1965 pour que la pointe BIC soit acceptée dans les écoles.

70 ans après, on peut encore en 2023 acheter des plumes Sergent Major. Qui les commercialise aujourd'hui? J’ai découvert avec surprise que c’est l’entreprise…BIC!

Calculatrice

XCalculatrice mode examen 2Les premières calculatrices ont semé la panique dans les rangs des professeurs: nos enfants ne sauront plus faire des calculs sans l’aide de machines!

Un bulletin officiel a publié en 2015 les règles précises d’usages des calculatrices pendant les examens. La France a aussi créé un nouveau marché, les calculatrices agréées en examen, avec une touche spéciale que l’on ne peut pas annuler pendant la période de l’examen.

Wikipedia

C’était un peu l’ancêtre de ChatGPT: il suffisait de poser une question à Wikipedia pour avoir des informations fiables, à jour et très complètes.

J’ai eu plusieurs collègues enseignants qui interdisaient à leurs élèves de consulter Wikipedia. Et oui, quand j’anime un cours, je vois des étudiants qui vérifient sur Wikipedia si ce que je leur dis est exact! C’est parfois stressant, mais cela m’oblige aussi à être un meilleur enseignant.

Il m’arrive souvent dans mes billets de blog de mettre des liens vers Wikipedia, une ressource extraordinaire de connaissances. Et oui, tous les ans, je fais un virement à Wikipedia pour les aider dans cette mission essentielle. Nous sommes trop peu nombreux à le faire…

Outils bureautique Cloud

XExchange Coach copieDans les billets que j’ai cités au début de ce texte, je fais référence à mes coups de gueule contre ces décisions absurdes et idiotes d’interdiction des outils universels Google Workspace et Microsoft 365, utilisés par plus de 95% des entreprises publiques et privées dans le monde. Le MEN continue, en 2023 à pousser les plumes Sergent Major de la bureautique des outils installés sur les postes de travail, Office, et des serveurs “on premise”, Exchange.

Je vous laisse ajouter à cette liste d’autres solutions informatiques et numériques que le monde de l’éducation a rejetées avant de les accepter, contraint et forcé par la pression des élèves et du monde extérieur.

 

Le traumatisme à venir: ChatGPT

XAdS DPC ChatGPT OpenAI S 555266997_Editorial_Use_OnlyChatGPT est disponible pour le grand public depuis la fin du mois de novembre 2022.

L’effet “whaouh” a été instantané. En janvier 2023, Il faut avoir vécu comme un ermite sans la moindre connexion Internet pour ne pas avoir entendu parler de ChatGPT.

Pour une analyse plus générale des impacts de ChatGPT, je vous conseille fortement de lire l'analyse d'Yves Caseau.  Yves est le Group Chief Digital and Information Officer chez Michelin. Il a une capacité exceptionnelle pour analyser et anticiper les grands mouvements dans le monde du numérique.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai rapidement ouvert un compte sur OpenAi et j’ai posé de nombreuses questions, en anglais et en français.

Le monde c’est rapidement divisé en deux camps:

  • Ceux qui voient le verre à moitié plein, sont impressionnés par les performances de cet outil et la pertinence des réponses obtenues.
  • Ceux qui voient le verre à moitié vide, posent beaucoup de questions avant d’en trouver une pour laquelle les réponses de ChatGPT sont clairement mauvaises et s’empressent de le publier en disant tout le mal qu’ils pensent de cet outil.

Je fais évidemment partie de la première population. Cette première version est époustouflante. Les professionnels du numérique ont vite compris que des améliorations vont avoir lieu dans les semaines et mois qui viennent.

La version actuelle, ChatGPT 3, sera bientôt remplacée par la version 4.
Sam Altman, CEO d’OpenAI, maison mère de ChatGPT, a expliqué dans cet article que les progrès seraient raisonnables, pas spectaculaires.

Les impacts de ChatGPT sur le monde éducatif ont suscité un maximum de questions.

C’est ce seul thème que je vais analyser dans la suite de ce billet.

 

Les réponses de… ChatGPT

Quel a été mon premier réflexe quand j’ai décidé d’écrire ce billet? Vous l’avez deviné, j’ai… posé plusieurs questions à ChatGPT.

Voici, sans aucune retouche, les réponses à deux des questions que j’ai posées.

J’ai mis en italique les questions et les réponses.

 1 - Comment éviter que des étudiants trichent aux examens avec ChatGPT

Il y a plusieurs méthodes qui peuvent être utilisées pour éviter que les étudiants trichent aux examens avec ChatGPT ou d'autres modèles de traitement automatique de la langue. Voici quelques exemples :

  • Utiliser des questions à choix multiple ou des réponses courtes pour limiter les réponses possibles.
  • Utiliser des questions qui nécessitent une réponse développée ou des calculs mathématiques pour limiter l'utilité de ChatGPT.
  • Utiliser des capteurs de plagiat pour détecter les réponses copiées de ChatGPT ou d'autres sources.
  • Utiliser des procédures de surveillance pour surveiller les activités des étudiants pendant les examens, comme interdire l'accès à Internet ou à d'autres applications.
  • Enseigner aux étudiants les conséquences de tricher et les inciter à développer leur propre compréhension et leur propre réflexion.

Il est important de noter que ces méthodes ne sont pas infaillibles et qu'il est important de continuer à évaluer et à mettre à jour les procédures pour s'assurer qu'elles restent efficaces. Il est également important de rappeler que le but de l'éducation est d'aider les étudiants à développer leurs propres connaissances et compétences plutôt que de les aider à tricher aux examens.

2 - Comment utiliser intelligemment ChatGPT dans le monde de l'éducation?

Il y a plusieurs façons d'utiliser ChatGPT dans le monde de l'éducation :

  • Comme outil d'écriture automatique pour aider les étudiants à améliorer leur grammaire et leur orthographe.
  • Comme outil de génération de contenu pour aider les enseignants à créer des devoirs, des tests et des études de cas.
  • Comme outil de réponse aux questions pour aider les étudiants à trouver des réponses à leurs questions de recherche.
  • Comme outil d'analyse de texte pour aider les enseignants à évaluer les travaux des étudiants.
  • Comme outil de traduction pour aider les étudiants à comprendre les textes écrits dans des langues étrangères.

Il est important de noter que ChatGPT est un outil automatisé et qu'il doit être utilisé en combinaison avec un enseignement humain pour obtenir les meilleurs résultats.

 

Je vous laisse juger de la pertinence de ces réponses.

Mon sentiment est que la forme est plus impressionnante que le fond.

 

La réponse “pavlovienne” du monde de l’éducation à ChatGPT

Cela n’a pas tardé!

Un grand nombre d’organismes d’enseignement aux Etats-Unis ont déjà pris la décision d’interdire l’usage de ChatGPT. Cet article en donne une première liste.

XNYC Ban ChatGPT Le département éducation de la ville de New York fait partie des premiers à avoir interdit l’usage de ChatGPT, par les professeurs et les étudiants.

Et s’il y avait une autre réponse que cette interdiction…

 

Encourager l’usage de ChatGPT dans l’éducation

XEthan Mollick WhartonVous ne connaissez pas Ethan Mollick?

Il est professeur à l'Université de Wharton à Philadelphie aux Etats-Unis.

Il est devenu célèbre en quelques jours après avoir publié des recommandations sur la démarche qu’il va mettre en œuvre avec ses étudiants.

En voici le texte intégral, en anglais.

XChatGPT recommandations by Ethan Mollick

J’en traduis les premières lignes:

“J’attends de vous que vous utilisiez l’IA (ChatGPT et les outils de création d’images, au minimum) dans cette classe. En fait, certains des travaux demandés exigeront que vous le fassiez.”...

Dans la suite, il ajoute: “soyez conscients des limites de ChatGPT…

Je trouve ses recommandations très pragmatiques et mesurées. C’est tout sauf le texte d’un fan inconditionnel de l’IA.

Ethan Mollick précise sa pensée dans ces deux textes dont je vous recommande fortement la lecture:

D’autres enseignants, comme Ted Ladd qui donne des cours à Harvard et Stanford, reprennent les démarches d’Ethan Mollick.

 

Quelles réponses en France par le Ministère de l’Education Nationale?

XChatGPT - Deux routesJ’ai identifié deux pistes possibles pour répondre aux défis posés au monde de l’éducation par ChatGPT:

  • L’interdiction immédiate.
  • L’encouragement à son usage.

La première réponse est, comme je l’ai écrit, très pavlovienne.

C’est celle que, naturellement, l’immense majorité des responsables du MEN et des enseignants vont privilégier.

Ce que j’aimerais, c’est que, avant de se précipiter, le MEN prenne le temps de réfléchir aux avantages et inconvénients des deux réponses possibles.

Ce serait un signal très fort de sa capacité à encourager des solutions numériques innovantes si le MEN en France prenait, en 2023, la décision… d’encourager l’usage de ChatGPT dans les établissements d’enseignement qui dépendent de lui.

Il faudrait, avant, lancer un programme de formation des enseignants.

Ma recommandation serait de le faire de manière progressive:

  • Dès février 2023: 
    • Le MEN soutient les enseignants universitaires volontaires pour suivre une démarche similaire à celle de Ethan Mollick.
    • Le MEN lance une campagne de formation de tous les enseignants des universités aux méthodes d’utilisation efficaces de ChatGPT.
  • Les universités et tous les établissements post-bac mettent en œuvre une démarche proactive d’usage de ChatGPT en septembre 2023.
  • Les lycées et collèges prennent le relais en septembre 2024.

Dans le primaire, le sujet ChatGPT n’est pas prioritaire, l’apprentissage des fondamentaux, oui.

Le Ministère de l’Education Nationale française à la pointe des usages du numérique? Et si cela devenait une réalité?

 

ChatGPT: dimensions financières

La consommation de ressources informatiques par chaque question posée à ChatGPT est importante.

Pour le moment, OpenAI a fait le choix d’une démarche “freemium”, en permettant à tout le monde de l’utiliser sans payer un abonnement.

Cette démarche freemium sera, très vite, complétée par une offre payante.

Xchatgpt paid 42$ professional planLes premières annonces, non officielles, commencent à fuiter dans la presse, comme le montre cet écran qui annonce une version payante à 42$ par mois.

La version freemium resterait disponible, mais sans aucune garantie d’accès à l’outil en cas de demandes fortes
XOverloaded ChatGPTC’est déjà le cas aujourd’hui. J’ai eu plusieurs fois un message m'informant que je devrais revenir plus tard pour poser ma question

Il y a fort à parier que quand la version payante sera disponible, les utilisateurs freemium auront de plus en plus de mal à accéder à ChatGPT.
Cela ne me choque pas; je suis conscient des coûts de “run” d’un outil d’IA comme ChatGPT.

Je vois un autre avantage à la priorité donnée à des versions payantes. Les usages fantaisistes de ChatGPT vont vite se tarir et ne resteront que ceux qui offrent une vraie valeur aux utilisateurs.

Je connais peu de personnes qui vont investir 500 € par an pour “jouer” avec ChatGPT.

 

Synthèse

Oui, ChatGPT est une véritable rupture. C’est la première fois qu’un outil d’IA est accepté aussi rapidement par le monde entier, et par des personnes qui à la limite ne savent pas qu’il s’agit d’IA et ne se posent pas cette question.

La conséquence? Tous les élèves et étudiants qui sont aujourd’hui dans des établissements d’enseignement rentreront dans la vie active dans un monde où l’IA sera omniprésente, quels que soient leurs métiers futurs.

Il serait dramatique que le MEN ne comprenne pas l’importance de cette irruption de l’IA dans le monde professionnel et ne prenne pas, très vite, la décision d’encourager l’utilisation d’outils d’IA dans tous les cursus d’enseignement.
On parle de ChatGPT aujourd’hui, mais ce n’est qu’un signal avant-coureur de l’arrivée de dizaines de nouveaux outils d’IA tous plus puissants les uns que les autres, de plus en plus “intelligents”.

 


Le document le plus ridicule sur les usages numériques que j’ai lu depuis longtemps

 

Il y a longtemps que je n’avais pas lu un “chef d’œuvre” numérique aussi nul.

L’auteur de ce texte d’une rare bêtise, que je n’aurais même pas osé écrire en 1990:

Le ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse (MEN)

Recommandations MEN

 

Voici ce texte dans son intégralité, avec quelques commentaires personnels…

 

10 conseils pour adopter des gestes reponsables pour un usage partagé des outils numériques

Cela commence bien ! Il y a une faute d'orthographe dans le titre. C’est probablement pour se mettre au niveau des plus mauvais élèves de nos écoles et leur montrer que les fautes d’orthographe, ce n’est pas grave, même le ministère en fait.

 

  1. Sur mon poste de travail professionnel, je réserve mes consultations internet à un usage strictement professionnel. 

Tout le monde sait que les élèves sont super équipés en outils numériques et ont deux smartphones, deux PC portables, un pour les usages personnels, un autre pour les activités éducatives. 

C’est aussi leur donner d”’excellents” réflexes pour optimiser leur frugalité numérique. J’ai une information qui pourrait être utile pour le MEN: 

  • Pour un smartphone utilisé 3 ans, l’énergie nécessaire pour sa fabrication est trois fois plus grande que pour ses usages.
  • Pour un PC portable c’est 50% fabrication, 50% usages.
  • En utiliser deux, c’est la plus mauvaise solution pour la planète.

 

  1. Je limite le nombre de mes terminaux (ordinateur ou mobile) connectés en même temps aux services numériques du ministère.

Autre décision idiote: je ne vais pas faire la même activité deux fois sur deux terminaux différents et il est souvent utile de travailler en parallèle sur deux activités différentes.

A moins que… la bande passante des réseaux internes des établissements scolaires ne soit pas suffisante. 

N’oublions pas que le MEN n’a pas encore compris que gérer en interne, “On Premise”, des infrastructures numériques est une absurdité totale, une gabegie financière et une source de risques maximaux de cyberattaques.

 

  1. Lorsque c’est possible, je privilégie la connexion internet de mon domicile plutôt que le réseau de téléphonie mobile.

Sur ce point, je suis d’accord. Utiliser le WiFi à la place d’un réseau mobile quand c’est possible est une bonne recommandation.

Question? Pourquoi réserver cette recommandation à son domicile, et ne pas la promouvoir aussi dans les établissements scolaires? 

 

  1. Quand je peux gérer mes messages dans mon client mail, je n’utilise pas le webmail.

Utiliser un client lourd pour la messagerie? Oui, je le faisais avant l’arrivée des solutions natives Cloud comme Google Workspace en 2007.

Quelle belle préparation aux usages modernes du numérique en 2023 que de déconseiller le client Webmail, le plus universel, le plus performant.

Ah oui, j’oubliais! Il y a encore des établissements scolaires qui utilisent des messageries installées en interne comme Exchange de Microsoft…

 

  1. Pour les mails : je limite le nombre et la taille des pièces jointes, je supprime les images de ma signature. Je partage mes fichiers via les espaces partagés ou les sites collaboratifs.

J’avoue ne pas comprendre : faut-il continuer à envoyer des pièces jointes ou utiliser des espaces collaboratifs comme Google Drive qui… évitent d’envoyer des pièces jointes?

Dites-moi combien de pièces jointes vous envoyez par jour: j’en déduirai le niveau d’archaïsme de vos modes de travail.

 

  1. Pour bien préparer mes réunions, je partage les documents en amont afin de pouvoir étaler les téléchargements.

Encore une recommandation des années 1990. 

Tous les documents dont on a besoin pour une réunion sont disponibles dans un espace partagé, dans les Clouds Publics de Microsoft ou Google, les deux seules solutions opérationnelles en 2023.

On n’a pas besoin d’étaler les téléchargements, car… on ne télécharge plus rien!

Le mot téléchargement est rayé de mon vocabulaire, et depuis longtemps.

Autre avantage: ces solutions sont encore gratuites pour le monde éducatif.
 

  1. J’utilise des messageries instantanées comme Tchap pour garder le contact avec mes collègues.

Tchap? Vous connaissez ? Moi, non.

J’ose à peine imaginer la tête des élèves et des étudiants à qui on demanderait d’utiliser cet outil à diffusion confidentielle.

WhatsApp, Messenger, Google Chat… Quel scandale si on acceptait au MEN de recommander les outils que tout le monde connaît et utilise de manière permanente dans ses usages personnels.

 

  1. Pour aller plus vite, je n’hésite pas à envoyer des SMS.

Aller plus vite ? Plus vite par rapport à quoi ? Je ne comprends pas. 

Oui, il y a des moments ou l’usage d’un SMS fait sens, mais ce ne sera jamais un substitut à la messagerie électronique ou à une messagerie instantanée. Tous les outils de communications numériques ont une place dans la vie numérique d’une personne.

 

  1. Pour tenir une réunion à distance, je privilégie le téléphone ou l’audioconférence.

Une réunion téléphonique à plusieurs?

Une audioconférence?

Je ne savais pas que ces solutions techniques existaient encore en 2023.

L’efficacité d’une réunion téléphonique à distance avec 10 personnes, vous y croyez?

Moi, pas du tout!

 

  1. Lors d'une visioconférence, je n'utilise la fonction vidéo que si elle est nécessaire.

Il y a deux raisons principales pour couper la vidéo dans une visioconférence:

  • La bande passante disponible n’est pas suffisante. Cette situation ne se produit “jamais” dans les établissements scolaires : ils disposent tous d’une capacité exceptionnelle permettant à tout le monde de garder la vidéo active.
  • Ne pas souhaiter que les autres participants “voient” comment vous êtes habillés ou ce que vous faites en même temps… car cette réunion ne vous intéresse pas.

Dans la majorité des visioconférences, quand le nombre de participants est raisonnable, la convivialité des réunions est améliorée par l’usage de la vidéo.

 

J’arrête là ce jeu de massacre.

Que le MEN, le ministère français qui emploie le plus grand nombre de salariés, ose laisser publier en 2023 un document aussi désespérément nul, ce n’est pas un signal très encourageant sur la capacité des responsables politiques à promouvoir des usages numériques efficaces.

Quand peut-on espérer voir le MEN publier un document faisant la promotion d’usages numériques modernes?

  • En 2030
  • En 2050
  • Jamais.

Je vous laisse répondre à cette question.


Plateforme de Gouvernement Numérique de la République de Corée: un modèle pour la France? 

 

XDavos 2023Dans quelques jours, le Président de la République de Corée, Yoon Suk Yeol, présentera à la conférence Davos 2023 la Plateforme de Gouvernement Numérique de son pays, DPG en anglais: Digital Platform Government.

La coïncidence des dates est intéressante:

  • Le 19 janvier 2023, le Président de la République de Corée présente une vision à long terme de changements très ambitieux pour l’ensemble du gouvernement de son pays.
  • Le 19 janvier 2023, beaucoup de Français vont manifester, un petit nombre va mettre le pays à l’arrêt, pour protester contre une réformette qui est tout sauf ambitieuse.

Cette situation aura au moins un avantage: vous serez nombreux, bloqués chez vous, à pouvoir suivre la conférence du Président Yoon Suk Yeol, entre 11h30 et 12h.

De nombreuses sessions sont consacrées au numérique pendant ce forum de Davos, qui se déroule du lundi 16 au vendredi 20 janvier 2023. Beaucoup de sessions sont accessibles gratuitement en visioconférence.

 

DPG, Digital Platform Government de Corée du Sud

Je vous encourage à lire ce document dans son intégralité.

J’en ai extrait les points qui m’ont paru les plus importants.

L’objectif de la DPG est clair: 

“Les citoyens, les entreprises et le gouvernement travaillent de manière collaborative en s’appuyant sur une plateforme où toutes les données sont connectées”.

L’ordre dans lequel ces trois parties prenantes sont citées est tout sauf anodin:

  • Les citoyens, en premier lieu.
  • Les entreprises.
  • Le gouvernement, en dernier.

Venant du chef de l’État, c’est un message fort: le gouvernement est au service de ses citoyens et entreprises, et pas l’inverse.

 

Élaboration de la DPG

On est très loin des études complexes, qui n’en finissent jamais.

XBadge CommandoLa DPG a été élaborée par une petite équipe de 23 personnes, dont 19 experts n'appartenant pas au gouvernement. Accepter que les compétences et la connaissance des potentiels du numérique ne soient pas à l’intérieur du gouvernement, c’est une preuve de modestie que l’on aimerait bien retrouver dans d’autres pays, en particulier en Europe…

Tout est réalisé en 6 mois, entre septembre 2022 et mars 2023.

C’est la démarche commando que je recommande depuis longtemps.

 

Quatre mots clés: Cloud Public, Données, intelligence Artificielle, API

Ce schéma présente la cible à long terme de la DPG.

XDPG Corée phase 3

Il est très proche du modèle BISD que je pousse depuis 2019, et je ne vais pas m’en plaindre!

I : Infrastructures. Le gouvernement de Corée du Sud fait le choix de solutions Cloud Public, choix que je pousse depuis plus de dix ans! Nous sommes encore en France englués dans des combats d’arrière-garde sur le soi-disant manque de sécurité des Clouds Publics. Qui oserait dire que la Corée du Sud n’a pas de préoccupations de sécurité numérique au moins aussi importantes que la France, avec un voisin puissant et expansionniste, la Chine continentale? Je n’ai jamais entendu parler d’un “Cloud Souverain” en Corée du Sud!

D : Données. Les données sont au cœur de la démarche DPG. Je cite: 

“To this end, the government will abolish regulations or systems that hinder and impede the opening and use of data, and facilitate high-quality data through data standardization…”

“Pour cet objectif, le gouvernement abolira les règlements et les systèmes qui entravent ou empêchent l’ouverture et l’usage des données et facilitera la création de données de grande qualité par la standardisation…”

IA: Intelligence Artificielle. La DPG emploie l’expression “Hyper-scale AI” pour insister sur le rôle essentiel que doit jouer l’IA dans cette plateforme. 

Petit rappel: il est impossible de déployer des solutions d’IA performantes sans s’appuyer sur des infrastructures Cloud Public. Tant que ce blocage absurde, anti Cloud Public, ne sera pas levé en France et en Europe, le gouvernement ne pourra pas s’appuyer sur l’IA pour améliorer les services proposés aux citoyens et aux entreprises.

API. S’appuyer sur des API, Application Programming Interfaces, permet de créer les indépendances indispensables entre les différentes applications, les données et les infrastructures.

Tout ceci se fera sans oublier les dimensions sécurité et confiance numérique.

Je cite, une nouvelle fois:

“...the government plans to build a reliable information security environment so that all citizens can trust the Digital Platform Government..”

“Le gouvernement prévoit de créer un environnement numérique fiable et sécurisé permettant à tous les citoyens d’avoir confiance dans la DPG.”.

Oui, il est possible de construire des solutions numériques innovantes sur des infrastructures Cloud Public, avec des données accessibles au plus grand nombre, sans sacrifier la sécurité et la confidentialité des données. Encore faut-il avoir le courage d’entreprendre cette démarche…

 

Liens entre la DPG et l’économie numérique de la Corée du Sud

C’est un autre enseignement passionnant de ce document DPG.
Le gouvernement souhaite mettre la DPG au service de l’économie numérique du pays.

La DPG devient un moyen pour les startups du pays de croître en ayant comme client majeur le gouvernement.

The Digital Platform Government will serve as a test-bed for many startups to plan and demonstrate new services. Creative ideas from the private sector will become a reality, and competent startups will flock together to create an ecosystem on the Digital Platform Government.”

XSouth Korea President Yoon Suk Yeol portraitBravo, Monsieur le Président! 

Vous avez une vision moderne, pragmatique et ambitieuse de ce que peut devenir le numérique au service d’un pays, de ses citoyens, de ses entreprises et de son écosystème de startups.

Vous avez clairement séparé:

  • La vision forte, à 20 ans, de cette DPG.
  • La mise en œuvre opérationnelle de cette DPG, à court et moyen terme. Les premiers éléments en seront dévoilés en mars 2023.

J’ai hâte de vous entendre à Davos le 19 janvier 2023!

 

La DPG, un modèle pour la France?

X DPC I Have a dream MLK S 478986745J’ai fait un rêve: et si la France suivait l’exemple de la Corée du Sud?

Objectivement, rationnellement, rien n’interdit à la France de suivre la voie tracée par la République de Corée et de créer sa Plateforme de Gouvernement Numérique (PGN), selon les mêmes principes que la DPG.

Dans un billet récent, j’ai publié les “Vœux du Président de la République Française” pour que la France et l’Europe restent des acteurs raisonnables de l’industrie numérique mondiale en 2030.

Ces vœux peuvent devenir la vision 2030 du numérique en France.

Ce que je propose aujourd’hui, c’est que, avec la PGN, le Gouvernement Français:

  • Prenne une position offensive dans le numérique.
  • Devienne un acteur majeur de l’innovation, une force de proposition.
  • Mette en œuvre des démarches innovantes dans tous les domaines, des infrastructures, des données et des usages.
  • Se transforme en catalyseur de la Transformation Numérique dans tout le pays, pour ses entreprises et ses citoyens.

PGN - Plateforme Gouvernement Numérique

Les complémentarités entre la Vision 2030 et la PGN sont très fortes:

  • La PGN suit les recommandations de la Vision 2030, et en démontre la pertinence et l’applicabilité.
  • Le gouvernement montre la voie aux citoyens et aux entreprises en créant des solutions numériques innovantes à leur service.
  • Les investissements induits par la PGN profitent aux startups françaises du numérique, en particulier en SaaS, en créant des cas d’usages dans le secteur public qu’elles pourront ensuite commercialiser dans d’autres gouvernements.

Est-ce que la France peut, elle aussi, lancer une PGN, Plateforme de Gouvernement Numérique, ambitieuse? La réponse est oui, si la volonté et surtout le courage politique sont au rendez-vous.

En suivant la méthode commando utilisée par la République de Corée, la PGN peut être construite avant la fin de l’année 2023.

Je suis volontaire pour participer comme expert à ce groupe de travail commando!

Je ne suis pas le seul: le Gouvernement Français n’aura aucun mal à recruter la petite vingtaine de professionnels du numérique qui seront prêts à mettre toutes leurs compétences au service d’un aussi beau projet.

 

Résumé

Le gouvernement de la République de Corée montre, avec sa DPG, que l’État peut devenir un acteur majeur et essentiel de l’innovation numérique dans un pays.

C’est un signal fort envoyé à tous les autres pays du monde.

Début 2023, la situation du numérique dans les organisations publiques françaises est loin d’être satisfaisante, et dans toutes les dimensions, techniques, humaines, financières et organisationnelles.

Définir avec la PGN un point d’arrivée enthousiasmant dans les 20 ans qui viennent, c’est probablement la meilleure, la seule manière de créer un choc positif dans tout l’écosystème numérique du secteur public français.

En 2023, la maturité numérique de la République de Corée est supérieure à celle de la France: cela fait plus de 20 ans qu’ils travaillent pour l’améliorer.

Plateforme Numériques Corée France

En 2030:

  • La maturité numérique du gouvernement de la République de Corée fera un bond spectaculaire, grâce à sa DGP, Digital Platform Government.
  • La maturité numérique du gouvernement de la France peut elle aussi faire des progrès importants, si la PGN est mise en œuvre.
  • La maturité numérique du gouvernement de la France restera très faible, en retard sur ses principaux concurrents économiques mondiaux, s’il n’y a pas un courage politique suffisant pour lancer une PGN ambitieuse.

Cette décision politique ne m’appartient pas.

Je suis prêt à mettre toute mon énergie et mes compétences numériques au service de mon pays si la décision de lancer une PGN ambitieuse est prise.

Je resterai impuissant, et catastrophé, si aucune décision forte n'est prise rapidement pour que la maturité numérique du gouvernement français ne stagne pas.


Chip War : la guerre des composants électroniques - Première partie

 

XChipWar book cover J’ai profité d’une activité professionnelle plus calme pendant les derniers jours de l’année 2022 pour terminer la lecture du livre de Chris Miller, CHIP WAR.

Je lis beaucoup, et ce livre est l’un de ceux qui m'a le plus impressionné en 2022.

Dans ce billet, je vous présente quelques-unes des idées les plus importantes que j’ai retenues de cette lecture.

J’espère surtout qu’il vous donnera envie de le lire dans son intégralité.

Il se lit comme un roman policier, alors qu’il parle de technologies et de stratégie mondiale. C’est un beau compliment…

 

Un thème clé: l’importance de l’industrie des composants électroniques

Cela fait plusieurs années que je m’intéresse à ce sujet.

Cette industrie des composants électroniques a démarré dans les années 1960. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul secteur économique qui ne dépende pas, plus ou moins fortement, de ces composants.

Au CES (Consumer Electronics Show) 2023 qui vient de se terminer à Las Vegas, Honda a présenté un prototype du véhicule électrique autonome Afeela sur lequel ils travaillent, avec… Sony et Qualcomm. 

Sur ce schéma, on voit les 45 capteurs qui seront utilisés pour permettre le niveau 3 d’autonomie. Le nombre de processeurs et la puissance numérique embarquée sur un véhicule de ce type sont impressionnants.

XSony Honda Afeela 45 sensors

Ce billet que j’ai écrit en 2021 présente un panorama raisonnablement complet de cette industrie.

A la fin de l’année 2021, dans une analyse des principaux risques qui menacent notre planète, j’ai parlé de la volonté de la Chine d’envahir Taiwan, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur l’industrie des composants électroniques.

Dans les “Vœux du Président de la République Française pour le numérique”, l’industrie des composants électroniques occupe une place de choix.

Maintenant que tous les pays ont pris conscience de l’importance de cette industrie, il est essentiel d’en comprendre la variété et la complexité.

 

Composants électroniques : deux industries très différentes

Pour bien comprendre les enjeux mondiaux de cette industrie, il est indispensable de séparer le marché en deux familles:

  • Les composants simples, qui s’appuient sur des technologies bien maîtrisées et matures.
  • Les composants haut de gamme, construits avec les technologies les plus avancées du moment.

Ce schéma permet de mieux visualiser les progrès exponentiels réalisés dans la construction de ces composants électroniques.

XARM Chip 1985  Vs M1 Apple 2020

A gauche, un processeur ARM de première génération:

  • Construit en 1985.
  • Lithographie en 3 µm.
  • 25 000 transistors.

A droite, un processeur ARM M1 développé par Apple:

  • Construit en 2020.
  • Lithographie en 5 nm.( Rappel : 1 µm = 1000 nm.).
  • 16 milliards de transistors = multiplication par 640 000 du nombre de transistors par rapport au processeur de 1985.

La segmentation en deux familles permet de suivre les évolutions de cette industrie des composants électroniques.

XChips deux industries séparées

 

Famille des composants simples, sur technologies anciennes

A la fin des années 1950 et au début des années 1960, les premiers composants électroniques à base de transistors remplacent les processeurs à tubes.

Texas Instruments, Intel sont nés pendant cette période.

Les principaux composants que l’on retrouve dans cette famille sont:

  • Les microprocesseurs simples, présents dans des milliers d’objets courants tels que les téléviseurs, les machines à laver…
  • Les mémoires DRAM (Dynamic Random Access Memory). Ce sont des mémoires qui ont besoin d’être alimentées en énergie pour fonctionner et que l’on trouve dans tous les ordinateurs. L’industrie des DRAM a connu trois zones géographiques leaders successifs:
    • Les Etats-Unis avec la Silicon Valley.
    • Le Japon pendant les années 1980.
    • La Corée du Sud et d'autres pays d’Asie aujourd’hui.
  • Les mémoires Flash ou NAND. Ce sont des mémoires qui sont capables de stocker des informations sans être alimentées en énergie.

Les outils de lithographie utilisés pour les fabriquer sont bien maîtrisés: ce sont des solutions DUV (Deep UltraViolet) qui gravent le plus souvent entre 200 et 300 nm.

 

Famille des composants haut de gamme

La principale différence avec les composants simples est liée aux solutions de lithographie utilisées: les solutions EUV (Extreme UltraViolet), avec des gravures comprises aujourd’hui entre 13 et 3 nm.

Je reviendrai plus longuement sur ce sujet clé de la lithographie dans la suite de ce texte.

Les principaux composants qui ont besoin de l’EUV sont:

  • Les microprocesseurs universels haut de gamme tels que l’Apple ARM M2.
  • Les cartes graphiques de Nvidia, de plus en plus utilisées en Intelligence Artificielle.
  • Les processeurs spécialisés dans l’Intelligence Artificielle. C’est dans ce domaine que les progrès sont les plus spectaculaires depuis 2020. On assiste aussi à la multiplication de solutions spécifiques proposées par les géants du Cloud Public tels que:
    • Les processeurs TPU (Tensor Flow) par Google.
    • Les processeurs Inferencia par AWS.

 

Lithographie : LA clé de l’explosion des performances des composants électroniques

Comme on l’a vu dans le début de ce texte, les techniques de lithographie sont au cœur de l’accroissement des performances des composants électroniques.

Le terme exact à utiliser serait la photolithographie, pour se différencier des techniques anciennes d’impression sur papier. Dans la pratique, toute la profession utilise le mot lithographie, ce que je fais dans ce texte.

XPremier circuit en lithographieJay Lathrop qui travaillait chez Texas Instruments a inventé la lithographie en utilisant un microscope… à l’envers pour réduire la taille d’une image. Le brevet a été déposé en 1957.

Cette image montre l’un des premiers composants “dessiné” avant d’être photolithographié.

Comme pour les mémoires DRAM, l’industrie a migré géographiquement:

  • Le leadership initial était aux Etats-Unis avec l'entreprise GCA au début des années 1980.
  • Nikon et Canon au Japon deviennent dominants à la fin des années 1980.

Les machines de cette génération travaillaient avec les solutions DUV : Deep Ultraviolet Light,  entre 200 et 300 nm.

Le basculement vers la génération d’après, EUV: Extreme Ultraviolet Light pour graver en 15 nm ou moins était considérée par les fournisseurs existants comme extrêmement difficile, voire impossible

Et c’est à ce moment qu’a commencé l’aventure ASML…

 

ASML, le seul fournisseur mondial d’outils de lithographie EUV

En 1984, le groupe hollandais Philips avait transféré ses compétences en lithographie dans une société indépendante, ASML. Philips avait aussi investi dans la “startup” TSMC à Taiwan, ce qui a facilité les collaborations entre ASML et TSMC.

GCA, qui était le leader américain des solutions DUV, a mis la clé sous la porte en 1990.

En 2001, ASML achète le seul acteur en lithographie restant aux Etats-Unis, SVG.

Après des dizaines de milliards d’investissements, dont 12 milliards par Intel, et des années de travail, ASML est en 2023, le SEUL fabricant au monde capable de construire des machines qui gravent en EUV.

Il faut bien comprendre les impacts de ce monopole ASML: 100% de l’industrie mondiale des composants électroniques haut de gamme est dépendante des machines de lithographie construites par ASML.

Cette situation est résumée sur ce schéma.

XChip Monopole ASML Duopole TSMC Samsung

Cette fragilité de l’industrie est accentuée par le fait que ASML est un intégrateur de dizaines de milliers de composants très haut de gamme, dont beaucoup sont aussi fournis par une seule entreprise. Dans cet écosystème, il y a quelques acteurs essentiels:

  • Zeiss, fabricant allemand d’optiques de précision, est le SEUL à pouvoir fabriquer les miroirs dont a besoin ASML
  • Trumpf, autre acteur allemand, est le SEUL fabricant de lasers au dioxyde de carbone capable de fournir les lasers nécessaires pour ASML. ASML a financé pour 1 milliard de dollars la recherche de Trumpf.
  • Cymer est un acteur américain fournisseur de sources de lumière nécessaires pour les lasers. C’est le SEUL fournisseur pour ASML, qui a pris la décision d’acheter l’entreprise.

ASML, Zeiss, Trumpf, Cymer, ce sont tous des MONOPOLES mondiaux dans l’industrie des composants électroniques. Cette industrie est d’une extraordinaire fragilité

Un accident industriel sur une seule de ces quatre entreprises peut bloquer toute l’industrie du numérique au niveau mondial.

La croissance exponentielle des performances de ces outils de lithographie EUV continue. Les premières machines ASML fonctionnant en 3 nm ont été livrées en 2022 à Samsung et TSMC.

XASML 150 M$ machine Une “petite” machine ASML coûte entre 100 et 200 M$. Celle représentée ici:

  • A un prix de vente de 150 M$. 
  • Est de la taille d’un autobus. 
  • Demande 40 conteneurs et 3 avions-cargos pour être expédiée.

Ce ne sont pas des machines qui se vendent en grand nombre! Fin 2022, ASML n’avait livré que 140 machines EUV dans le monde.

Sur le schéma du monopole ASML, j’ai rajouté un “duopole +”, celui des fondeurs, des entreprises industrielles capables de mettre en œuvre les outils ASML pour fabriquer les composants haut de gamme.

Pourquoi parler de “duopole +”?

  • TSMC, basé à Taiwan, est le premier fondeur mondial de composants haut de gamme.
  • Samsung, basé en Corée du Sud, est le deuxième fondeur.
  • Intel est loin derrière en matière de volumes, le + de la bande. L’avenir d’Intel dans les composants très haut de gamme n’est pas garanti.

Les liens entre ASML et TSMC sont très étroits.

Le premier fondeur à utiliser les nouvelles générations de matériels ASML est le plus souvent TSMC, comme le montrent ces deux annonces récentes:

XTSMC 2 nm TSMC prévoit de livrer les premiers composants en 2nm début 2026.

- TSMC annonce qu’il va construire à Taiwan une nouvelle usine pour des puces en 1 nm.

Le fournisseur des matériels permettant la fabrication de ces nouvelles générations de composants sera… ASML.

N’oublions pas que passer du 2 nm au 1 nm, cela… double le nombre de transistors que l’on peut graver sur la même surface!

Cette remarquable vidéo


qui présente l’histoire d’ASML dure presque 20 minutes, mais je vous conseille vraiment de prendre le temps de la visionner. Elle a été préparée avec l’aide de Chris Miller, l’auteur du livre qui m’a servi de référence pour écrire ce billet.

 

L’après EUV : High NA EUV

Dans votre prochain dîner en ville, vous pourrez parler de “High NA EUV” et votre prestige comme spécialiste du numérique va grimper en flèche!

NA signifie Numerical Aperture, l'équivalent de la focale d'un appareil photographique. EUV travaille avec un NA de 0,33 et High NA EUV avec un NA de 0,55.

Cette nouvelle génération de lithographie devrait arriver à partir de 2025. Cet article explique, dans un langage raisonnablement simple, les différences entre EUV et High NA EUV.

ASML travaille sur cette nouvelle génération High NA EUV et son premier client sera… Intel!

Intel espère ainsi retrouver une position de leader vis-à-vis de ces deux concurrents asiatiques, TSMC et Samsung.

Ces nouvelles machines seront encore plus complexes, plus grandes et plus chères que les EUV actuelles, comme le montre cette photo. Le prix d'une machine High NA EUV sera de 300 M$.

EUV vs High NA EUV

 

Dans cette première partie de ce billet, j’ai présenté les dimensions techniques et industrielles de cette guerre des composants électroniques.

Dans la deuxième partie, j'aborderai les enjeux géopolitiques majeurs posés par la dimension stratégique de cette industrie des composants électroniques.

 


Exclusivité : les vœux 2023 du Président de la République Française pour le numérique

Mes contacts à l’Elysée m’ont permis d’avoir accès en avant-première au texte des vœux que le Président de la République adressera aux Français sur le thème du numérique à la veille de l’année 2023.

Je vous en livre la primeur, dans son intégralité.

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Françaises, français, 

Mes chers compatriotes de métropole, d’outre-mer et de l’étranger,

Je souhaite vous partager les vœux que je fais pour qu’en 2023 la France prenne des décisions fortes qui lui assurent une place significative dans l’industrie mondiale du numérique d’ici à 2030.

La France et l’Europe ne peuvent pas perdre la guerre du numérique qui se joue au niveau mondial, avec deux poids lourds, les Etats-Unis et la Chine, qui se livrent un combat acharné pour dominer cette industrie.

Le numérique est, et sera de plus en plus, au cœur de toutes les activités économiques d’un pays moderne comme la France.

J’ai décidé qu’une démarche forte, de rupture, est nécessaire pour que la France et l’Europe agissent pour une souveraineté numérique efficace, pragmatique et réaliste.

Nous avons pendant trop longtemps voulu croire que nous pourrions obtenir une Souveraineté Numérique totale, dans tous les domaines du numérique.
Ceci nous conduit à mener des croisades numériques sympathiques, mais inefficaces, comme celle contre ceux que nous considérions comme nos grands ennemis, les GAFAM.

 

A l’aube de cette nouvelle année 2023, j’ai décidé, après avoir beaucoup réfléchi et consulté des experts reconnus, de proposer à la France une nouvelle démarche, plus efficace et pragmatique, en tournant définitivement le dos à quelques illusions numériques qui nous menaient directement dans le mur.

La France et l’Europe doivent choisir de manière claire les combats à mener, les domaines du numérique dans lesquels il est encore possible d’occuper une place raisonnable.

En voici quelques exemples:

  • Industrie des composants électroniques.
  • Informatique quantique.
  • Logiciels SaaS, Software as a Service.

 

Le modèle d’analyse B I S D, proposé en 2019 par un ingénieur français pionnier du numérique, Louis Naugès, servira de base aux décisions que je propose en 2023 à la France.

  • I, ce sont les infrastructures, les fondations de toute action dans le numérique.
  • S, ce sont les usages “Support”, commun à la majorité des entreprises.
  • B, ce sont les usages “Business”, cœur métier, spécifiques de chaque entreprise, différents pour une banque, une entreprise chimique ou un distributeur alimentaire.
  • D, ce sont les données, qui seront essentielles pour toutes nos activités, demain.

L’une des clés de la réussite dans un monde numérique qui évolue très vite, c’est de créer le maximum d’indépendance entre ces quatre composants.

 

Les infrastructures Cloud Publics, IaaS, Infrastructures as a Service, sont nées il y a 15 ans et occupent une place de plus en plus grande sur le marché mondial.

Aujourd’hui, dans le iaaS, les acteurs dominants sont américains, AWS d’Amazon, GCP de Google et Azure de Microsoft. En Chine, en s’appuyant sur leurs marchés intérieurs captifs, des entreprises comme Alibaba ou Tencent sont elles aussi devenues des acteurs importants de ce secteur.

La France et l’Europe, malgré de nombreuses tentatives de création de solutions IaaS souveraines, n’ont pas réussi à se faire une place significative sur ce marché.

 

La France doit avoir le courage de reconnaître ses échecs en IaaS, et ils sont définitifs.

J’ai pris la décision, difficile mais courageuse, de demander à toutes les organisations françaises, publiques et privées, d’utiliser sans réserves les solutions exceptionnelles, sécurisées, fiables et aux puissances sans limites des géants américains AWS, GCP et Azure.

En 2021, l’État d’Israël, dont personne ne conteste les exigences en matière de sécurité et souveraineté numérique, a décidé de confier à AWS et GCP les usages numériques de son gouvernement et de son ministère de la défense.

En 2022, AWS a permis en quelques semaines à l’Ukraine de sauvegarder toutes ses données stratégiques en les mettant à l’abri de l’envahisseur russe.

 

Ceci m’amène à aborder avec vous un sujet qui nous préoccupe tous, les attaques des cybercriminels.

Semaine après semaine, un hôpital, un établissement d’enseignement, une mairie, un département ou une région sont victimes de cyberattaques. Ces attaques se multiplieront si nous ne prenons pas des décisions fortes. Sans un changement radical de stratégie, nous resterons condamnés à avoir une démarche de pompier, d’intervention après chaque cyberattaque.

J’en ai parlé avec les ministères concernés et sommes d’accord sur le diagnostic. Ces organismes publics, tous ces organismes publics, quelle que soit leur taille, n'ont pas, n’auront jamais les ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour protéger leurs infrastructures de ces cyberattaques, de plus en plus sophistiquées.

 

Ensemble, nous avons pris la seule décision courageuse qui s’impose, même si elle peut en choquer plus d’un parmi vous. Avant la fin de mon quinquennat, tous les centres de calcul existants dans les hôpitaux, établissements d’enseignement, mairies, départements et régions seront fermés et remplacés par des infrastructures Cloud Publics réparties chez AWS, GCP et Azure.

Ceci permettra aux professionnels de la sécurité numérique de ces organismes publics de se concentrer sur la protection des applications et des données, dans une démarche que les spécialistes nomment Zero Trust.

Des compétences fortes dans le domaine Zero Trust  existent en France. A ma demande, la France a ouvert en 2022 un “Campus Cyber” en région parisienne pour regrouper un maximum d’entreprises dans ce domaine. Ce Campus Cyber accueille toutes les compétences, nationales et internationales. Pour lutter contre les cybercriminels, toutes les énergies sont nécessaires. Dans ce domaine aussi, il serait déraisonnable de penser que la France, seule, peut tout faire.

 

Il existe, heureusement, des domaines de l'infrastructure numérique où la France et l’Europe gardent des potentiels importants. 

Le plus emblématique est celui des composants électroniques.

ASML, Soitec, STMicroelectronics… Ces entreprises européennes ont développé des compétences fortes, souvent uniques au monde.

En 2022, la Commission Européenne, avec un soutien fort de la France, a lancé un “Chip Act, doté d'un budget qui approche les 50 milliards d’euros.

C’est un bel exemple d’une décision intelligente et pragmatique qui renforcera les compétences de l’Europe dans l’un des secteurs les plus stratégiques de l’industrie mondiale du numérique.

 

Toujours dans le domaine des technologies d’infrastructures, l’informatique quantique sera, à partir des années 2030, l’une des grandes révolutions du monde numérique.

C’est un secteur où les ingénieurs et scientifiques français ont développé des compétences exceptionnelles. Il c’est créé en France des entreprises parmi les plus innovantes au monde, telles que Quandela et Pasqal, dont l’un des fondateurs est le Dr Alain Aspect, prix Nobel de physique en 2022.

Nous avons en France un des meilleurs experts mondiaux dans le domaine du quantique, Olivier Ezratty, qui a une connaissance encyclopédique du sujet comme le montre le dernier rapport de plus de 1100 pages qu’il a publié en 2022.

Je vais demander à Olivier Ezratty de prendre la tête d’un “commando numérique quantique”, de réunir autour de lui une petite équipe pour piloter efficacement la croissance des compétences quantiques en France. Nous nous donnerons les moyens de faire de la France l’un des grands pays de l’informatique quantique. Il y a peu de domaines aussi enthousiasmants, aussi porteurs de potentiels. Il serait criminel de ne pas investir massivement dans l’informatique quantique pour maintenir l’avance considérable prise par la France dans ce domaine.

 

Que ce soit pour les usages support ou cœur métier, c’est dans le domaine des usages, des logiciels que l’on peut capitaliser au mieux sur la principale richesse numérique de la France et de l’Europe, ses ingénieurs et scientifiques que le monde entier nous envie.

Dès mon arrivée à la Présidence de la République, en 2017, j’ai voulu faire de la France une “start-up” nation, et nous avons réussi ce pari. Il y a aujourd’hui en France plus de 25 licornes, sociétés non cotées valorisées à plus d’un milliard d’euros.

L’immense majorité des start-ups dans le monde ont construit leurs applications sur les infrastructures Clouds Publics. 

 

C’est le cas de Doctolib qui s’appuie sur AWS. Au lendemain de mon allocution du 11 juillet 2021 demandant aux Français de se faire massivement vacciner contre la COVID-19, les demandes de rendez-vous ont explosé sur Doctolib. Ils ont pu en moins de 24h faire face à ces pics de demande en utilisant les ressources disponibles sur AWS. Heureusement que dans sa grande sagesse, le Conseil d’État avait quelques semaines auparavant rejeté une demande d’invalidation de l’usage d’AWS par Doctolib!

Construire des solutions logicielles SaaS, Software as a Service, qui s’appuient sur les infrastructures IaaS existantes permet à des créateurs d’entreprises de se lancer sans avoir besoin d’investissements massifs. Dans ce domaine aussi, la France est bien placée et j’en profite pour féliciter BPI France (Banque Publique d’Investissement) qui participe activement depuis plusieurs années au financement de centaines de start-ups.

 

Dans le modèle BISD déjà cité, les données sont au cœur de toute transformation numérique.

Elles doivent être indépendantes des applications et des infrastructures pour permettre à toute personne qui en a besoin, et qui a les droits d’accès de s’en servir.

Le gouvernement français a lancé il y a trois ans une démarche innovante dans le domaine des données de santé avec le Health Data Hub. Il est construit sur l’une des meilleures plateformes numériques du monde, Azure de Microsoft, ce qui est une excellente idée.

Aujourd’hui l’industrie mondiale de la santé vit une révolution majeure portée par les progrès du numérique dans les domaines des infrastructures Cloud, de l’Intelligence Artificielle et des données.

On en a un exemple avec le succès de l’entreprise Moderna, dirigée par un Français, Stéphane Bancel, dans la mise au point d’un vaccin ARN Messager contre la COVID-19. En utilisant la puissance du Cloud AWS, Moderna a mis au point ce vaccin en 42 jours. Les dirigeants de Moderna estiment qu’il leur aurait fallu 20 mois pour obtenir ce résultat sans la puissance d’AWS. Les premiers vaccins n’auraient pas été disponibles avant juin 2022! Combien de millions de vies ont été sauvées par cette accélération de la mise au point d’un vaccin, rendue possible par l’accès à des données, conjuguée avec la puissance du Cloud Public?

 

Il y a trois mots pour définir le futur de la recherche médicale dans le monde: Cloud, IA et données.

Nous avons encore en France des entreprises industrielles majeures dans le domaine de la santé, comme Sanofi. Face à la COVID-19, elles ont pris par rapport à leurs concurrents mondiaux beaucoup de retard pour fournir un vaccin. C’est un signal préoccupant et nous devons réagir très vite.

Je demande au Ministre de la Santé et de la Prévention de travailler avec tous les organismes de santé en France pour qu’ils partagent rapidement un maximum de données avec le Health Data Hub, en respectant bien évidemment le RGPD. Cette base de données de santé deviendra ainsi un outil de compétitivité pour toute l’industrie de la santé en France.

 

Mes chers compatriotes,

J’ai identifié les cinq pistes d’actions prioritaires pour que la France continue à jouer un rôle raisonnable dans l’industrie mondiale du numérique:

  • Fermeture rapide de tous les centres de calcul existants dans les organismes publics et leur basculement vers les infrastructures IaaS d’AWS, GCP et Azure.
  • Utilisation du “Chip Act” Européen pour accélérer la compétitivité de nos champions européens existants dans l’industrie des composants électroniques.
  • Accélération des investissements dans l’informatique quantique.
  • Renforcement de nos compétences dans les start-ups de logiciels SaaS.
  • Partage maximal des données de santé pour permettre aux industriels français de rester compétitifs dans la mise au point de nouveaux médicaments et vaccins.

En concentrant nos énergies et nos ressources, qui ne sont pas infinies, sur ces cinq grands et beaux chantiers, nous pouvons maintenir la France dans le peloton de tête de ces domaines du numérique.

Cette liste pourra progressivement être complétée par des investissements dans d’autres technologies prometteuses du numérique, mais en évitant de trop nous disperser.

 

Mardi 3 janvier 2023, le gouvernement demandera au Ministre délégué chargé de la transition numérique, à la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique) et à l'ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) de travailler ensemble pour proposer, avant la fin du mois de mars 2023, un plan d’action ambitieux et détaillé pour chacun de ces cinq chantiers, couvrant la période d’avril 2023 à décembre 2025.

Alors, 2023 sera l’année de tous les possibles pour le numérique.

 

Vive notre Europe du Numérique qui gagne.

Vive la République. 

Vive la France.

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Ce billet est un exercice de “Politique Fiction”, tout le monde l’aura compris.


Réconciliations numériques

 

XAdS DPC statue reconciliation S 89151789Réconciliation et numérique, ce sont deux mots qui sont rarement utilisés ensemble.
C’est pourtant ce que je vous propose de faire dans ce billet.

En droit, une réconciliation met fin à une procédure de divorce. Je rencontre trop souvent des entreprises dans lesquelles il existe des divorces importants entre les quatre composants que je vais présenter.
Le numérique à vocation à devenir un acteur de ces réconciliations. C’est une excellente nouvelle.

 

Les quatre composants à réconcilier

J’ai identifié quatre composants entre lesquels le numérique peut devenir un outil de réconciliation:

  • Le monde physique.
  • Le monde numérique.
  • Les équipes bureau.
  • Les équipes terrain.

XRéconciliations numériques - quatre composants

Le monde physique est celui du réel, des usines, des champs, des entrepôts, des salles d’opération dans les hôpitaux, des magasins…

Le monde numérique a pour objectif de créer une image, aussi ressemblante que possible, de ces différents mondes physiques.

Les équipes bureaux, les cols blancs, travaillent en priorité dans le monde numérique.

Les équipes terrain, les personnes en première ligne, sont directement au contact des mondes physiques.

 

Réconcilier monde physique et monde numérique

La représentation numérique d’un monde physique est par définition imparfaite.

Le monde du numérique est celui du discontinu, du codé, alors que le monde du physique est celui de l’analogique, de la continuité.

XNuancier PantonePrenons l'exemple simple des couleurs. La référence des couleurs dans le monde numérique est le guide Pantone, qui comprend plus de 2000 couleurs. 2000, c’est beaucoup, mais c’est microscopique par rapport à l’infinité des couleurs différentes que l’on peut rencontrer dans la nature.

Réconcilier le monde physique et le monde numérique, ce n’est pas chercher une identité parfaite entre les deux, par définition impossible. C’est faire en sorte que la représentation numérique soit suffisamment proche du monde physique pour répondre aux usages que l’on souhaite en faire. La définition d’une photo utilisée pour une page Web n’aura pas besoin d’autant de pixels que celle utilisée pour une affiche urbaine de 4m x 3m.

XRéconciliations numériques - Mondes

J'ai choisi deux exemples, les inventaires et les jumeaux numériques.

Les entreprises suivent l’état des stocks dans leurs entrepôts et leurs magasins dans le monde numérique. Au fil du temps, il se produit des divergences de plus en plus fortes entre le monde physique et son image numérique, divergences liées à des vols, des pertes ou de la casse. Ceci oblige les entreprises à fermer ces lieux pour réaliser un inventaire physique, un comptage des objets dans les magasins et à… réconcilier le physique et le numérique en mettant à jour les données dans l’image numérique du monde réel.

Dans un billet récent, j’ai présenté les solutions et outils permettant de construire un jumeau numérique d’une installation physique. 

L’installation physique est gérée au plus près par des solutions adaptées, de type SCADA. On envoie dans le jumeau numérique une copie des données utilisées par le SCADA pour créer des modèles numériques de gestion et simulation de ces mondes physiques.

Pour un jumeau numérique, le défi est double: réduire les décalages entre le monde physique et le SCADA, puis entre le SCADA et le jumeau numérique.

 

Réconcilier équipes bureaux et équipes terrain

XDivorce Terrain - BureauDans trop d’entreprises, les divorces entre les équipes bureaux et les équipes terrain sont plus nombreux qu’on ne le pense. Les équipes bureaux, bien installées dans leurs locaux confortables et climatisés, sont loin de la réalité des mondes physiques des chantiers, des usines avec leurs nuisances sonores ou de météo inclémente. 

La France est hélas un des pays où le décalage entre ces deux mondes est le plus fort. Cela commence dès l’école, avec les formations “nobles” vers les métiers du tertiaire et les formations “voies de garage” vers les métiers manuels. Je salue les efforts actuels du gouvernement pour valoriser les apprentissages, mais le chemin est encore long avant que le prestige des beaux métiers terrain rejoigne celui des métiers du bureau.

“Ceux qui font, savent”. Cette évidence est souvent méconnue par ceux qui, dans leurs bureaux, “imaginent”, comment le travail devrait être fait sur le terrain. La vision théorique depuis les bureaux n’est jamais conforme à la réalité des activités terrain.

XRéconciliations numériques - personnes

Cette méfiance entre ces deux populations est une source d’inefficacité et de dysfonctionnement dans les entreprises. Trop d’usages numériques sont imposés par les entreprises aux équipes terrain, pour contrôler leurs activités. Dans nombre de mes missions de Transformation Numérique, j’ai croisé des informaticiens qui n’avaient jamais mis les pieds sur le terrain, dans un point de vente, une usine ou un entrepôt.

 

Rôles potentiels des outils numériques dans ces réconciliations

Depuis les débuts de l’informatique dans les entreprises, vers les années 1960, la priorité a été donnée aux équipes bureau:

  • Les premiers usages ont été des applications très structurées, autour des processus comptables, financiers et de paye.
  • À partir des années 1980-1990, les outils universels, bureautiques, se sont diffusés massivement auprès de toutes les personnes dans les bureaux. Ils sont complétés par des outils Low-Code ou No-Code, dont l’ancêtre était Excel.

Plus récemment, des outils structurés ont été mis entre les mains des équipes terrain. Pour l’essentiel, ce sont des applications qui permettent de contrôler leurs activités, comme on l’a vu plus haut.

Situation actuelle

Ce tableau à quatre cases résume la position actuelle du numérique dans les entreprises.

Xréconciliations - structuré:non struct & cols blancs FLW

  • 80 % des investissements sont réalisés dans la colonne Equipes Bureau.
  • Les investissements pour les équipes terrain restent faibles; ils sont concentrés sur des usages structurés de contrôle.

Êtes-vous capable de citer le nom d’une solution numérique au service des équipes terrain qui soit aussi connue que Salesforce, SAP ou Office 365? La réponse est non, ce qui montre bien à quel point ce domaine du numérique pour les équipes terrain est en retard dans toutes les entreprises.

Il y a dans ce tableau un gigantesque “trou dans la raquette”: les outils universels, No-Code et Low-Code pour les équipes terrain brillent par leur absence.

Une case vide, à remplir

Les outils universels pour les équipes bureaux, traitement de texte, tableur, agenda partagé ou messagerie électronique ne sont absolument pas adaptés aux attentes des équipes terrain.

Google, avec Workspace, Microsoft avec Office 365 ont essayé de convaincre dirigeants et DSI qu’il fallait à tout prix déployer ces outils bureautiques pour les équipes terrain. Ces deux éditeurs ont construit des offres “lite”, plus économiques pour eux. Peine perdue, les taux d’usages de ces outils bureautiques par les équipes terrain restent très bas, dans toutes les entreprises.

Il restait donc à inventer les outils universels dont les équipes terrain ont vraiment besoin. 

Avec WizyVision nous avons relevé ce défi et fait le pari que les ingrédients du succès sont:

  • L’accès par un smartphone.
  • Mettre les photos au cœur des logiciels.
  • Permettre de rajouter des commentaires vocaux.
  • En pratique: tuer les formulaires textes dont toutes les équipes terrain ont horreur.

Xréconciliations - structuré:non struct & cols blancs avec WizyVision

Sur ce nouveau graphique, WizyVision devient une réponse universelle aux attentes des équipes terrain.

Je propose de nommer Frontique ces outils universels terrain, le pendant de la bureautique des équipes bureau.

 

Les solutions frontiques, au service de la réconciliation numérique

Aujourd’hui, les entreprises disposent pour la première fois de tous les outils numériques nécessaires pour réconcilier équipes terrain et équipes bureau. 

Les solutions frontiques, comme WizyVision, facilitent de nombreuses réconciliations:

  • XAdS DPC Woman in bakery with smartphone S 492208967Réconciliation des équipes terrain avec les outils numériques. Comme l’explique très bien Gilles Roux, DSI de l’entreprise de distribution Schiever dans cet entretien, les équipes terrain acceptent vite des outils pensés pour eux. Je cite: “L’approche proposée par Wizy.io a tout de suite séduit les utilisateurs pilotes en magasins car les solutions développées reposent sur la prise de photos et des extractions d’information directement à partir de ces photos.”
  • Réconciliations entre équipes terrain et bureaux. La possibilité pour les équipes terrain d’échanger directement à partir de leur smartphone avec les personnes au siège valorise leur travail et crée des liens positifs entre ces deux populations.
  • Réconciliations entre équipes terrain et solutions numériques existantes. Toutes les fonctionnalités de WizyVision sont ouvertes par API. Ceci permet aux équipes terrain d’échanger dans les deux sens avec les outils numériques en place. Un exemple simple: à partir d’une photo de l’équipement sur lequel il doit intervenir, une personne de maintenance peut recevoir immédiatement sur son smartphone les informations pertinentes, relatives à ce seul équipement spécifique, comme les dernières interventions réalisées.

J’ai la faiblesse de croire que ce tableau des options disponibles peut rendre beaucoup de services dans toutes les entreprises et faciliter ces réconciliations.

Il n’y a pas de copyright! Vous pouvez le diffuser, massivement.

 

Just one more thing…

Illettrisme? L'incapacité pour une personne à comprendre un texte qu’elle lit.

L'illettrisme est un fléau mondial. Comme le montre cette étude, il touche 48% de la population mondiale.

XChildren unable to read 48%

En France, on estime que 3 millions d’adultes sont illettrés.

Il ne faut pas confondre analphabétisme et illettrisme:

  • Une personne analphabète ne connaît pas l’alphabet.
  • Une personne illettrée sait reconnaître les lettres, mais ne comprend pas un texte.

XAdS DPC Partition musicale S 39766734Pour illustrer cette différence, prenons l’exemple de la musique. Comme une majorité de personnes ayant suivi des cours de solfège je suis capable de placer sur une partition musicale un do, un sol ou un fa.  Je suis par contre un illettré musical et incapable de “lire” cette partition. J’ai beaucoup d’admiration pour mes amis musiciens qui se mettent au piano et "déchiffrent" une partition.

48% d'illettrés dans le monde, c’est environ 3 milliards de personnes adultes, dont 2 milliards travaillent, toutes dans des équipes terrain.

Cette situation correspond à l’une des plus dramatiques fractures numériques d’aujourd’hui.

Les solutions numériques existantes, toutes à base de texte, sont inutilisables par ces deux milliards de travailleurs illettrés.

Il y a quelques mois, j’avais publié un billet sur les quatre principales fractures numériques.

À l'époque, je n'avais pas connaissance de cette étude sur l'illettrisme. 

Ceci m’oblige maintenant à en ajouter une cinquième:

Les personnes illettrées qui ne peuvent pas utiliser les solutions informatiques existantes qui sont toutes basées sur le texte et l’écriture.

Quand nous avons créé WizyVision, cette dimension illettrisme n’était pas sur notre radar. Cette prise de conscience nous a amenés à devenir “entreprise à mission”:

Réconcilier le monde des illettrés avec le numérique: permettre à toute personne illettrée de rentrer dans le monde numérique professionnel.

XAdS DPC Lascaux S 248897431Avant l’écriture, l’humanité communiquait en utilisant l’image et la voix. Nous en avons un exemple magnifique en France avec la grotte de Lascaux.

WizyVision, qui s’appuie sur l’image et la voix, permet de revenir aux fondamentaux de la communication humaine!

On m’a souvent fait la critique suivante: “vous profitez des défaillances du système éducatif mondial”.

Oui, il est scandaleux que la moitié de l’humanité soit illettrée.

Oui on peut se poser des questions sur l’efficacité de l’UNESCO, qui existe depuis 50 ans.
Oui, mais on ne peut pas attendre que ces milliards de personnes deviennent capables de lire pour les faire rentrer dans l’ère du numérique.

Chez WizyVision, nous sommes fiers d’avoir construit la première plateforme numérique moderne qui permet d'ouvrir la porte du numérique à la moitié de la population des equipes terrain dans le monde.

 

Résumé: réconciliations numériques et espoirs

Jusqu'à présent, les progrès exponentiels des performances des outils numériques ont été utilisés en priorité pour les équipes bureaux, dans leurs activités structurées et bureautiques. Pour ces équipes bureaux, les solutions sont aujourd’hui en avance sur les usages et ce décalage s’accroît tous les jours.

À l’inverse, dans une majorité d’entreprises, les travailleurs terrain restent les parents pauvres de la transformation numérique.

XAdS DPC Espoir 3 travailleurs S 243803557Je souhaite aujourd’hui porter un message positif, un message d’espoir.

Toutes les personnes qui travaillent, dans les bureaux et en première ligne, illettrées ou pas, peuvent maintenant collaborer et devenir acteurs de la transformation numérique de leur entreprise, pour l’ensemble de leurs activités.

La bureautique, portée dans les années 1980 à 1990 par l’arrivée des PC et de logiciels tels que Word et Excel, a été le catalyseur de la diffusion du numérique pour les équipes bureaux.

La frontique, portée par les smartphones et des logiciels comme WizyVision qui s’appuient sur l’image et la voix, peut et doit devenir à partir de 2023 le catalyseur de la diffusion du numérique pour tous les collaborateurs sur le terrain.

Dans un monde où les nuages noirs de la guerre, du déréglement climatique et de l’inflation sont omniprésents, cela fait du bien de pouvoir porter un message aussi fort, aussi positif.